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goscinny - Page 2

  • Revue de presse BD (204)

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    + Difficile d'échapper à Tintin en ce moment ; quelques dessins originaux de Hergé datant des années 1940 -des cartes de voeux- ont été mis en vente aux enchères. La carte ci-dessus montrant Tintin se rendant à la messe de minuit est un des rares exemples où Tintin "assume son catholicisme". On sait que Hergé reçut une éducation catholique, avant de travailler au "XXe Siècle" sous les ordres de l'abbé Wallez, ecclésiastique féru des méthodes modernes de propagande ; cependant Hergé s'éloigna peu à peu au cours de sa carrière des principes qu'on lui avait inculqués dans sa jeunesse. Par ailleurs on sait l'influence sur Hergé du scoutisme, qui enseigne à ses jeunes adeptes le respect de la nature.

    Les influences diverses et contradictions de Hergé ont déteint sur ses BD.

    + Classé parmi les auteurs dessinant "à la manière de Hergé", le scénariste et dessinateur de BD Ted Benoît est décédé fin septembre. Ted Benoît (Thierry Benoît à l'état civil) était peu connu du grand public, travaillant surtout pour la publicité, avant de reprendre en 1996 la série à succès "Blake et Mortimer" créée par Edgar Jacobs. Pour justifier cette reprise, T. Benoît affirmait : "Contrairement à Hergé, dont l'oeuvre est une “comédie humaine” très personnelle qui, sans lui, n'aurait aucun sens, Jacobs appartient à la grande tradition feuilletonesque. (...)"

    C'est inexact ; Hergé s'est efforcé de faire passer "Tintin" pour une oeuvre "personnelle", mais on sait grâce aux témoignages de proches collaborateurs que Hergé a subi diverses influences très nettes, tant sur le plan du dessin que du scénario. Hergé a beaucoup travaillé à polir ses BD, les redessinant méticuleusement, ce qui donne une impression d'homogénéité trompeuse.

    + Le dessinateur Charlie Schlingo était aux antipodes de Hergé, du moins pour ce qui est de la notoriété. Ironiquement, Frédéric Potet, le spécialiste de la BD au "Monde" parle de "ligne crade" pour qualifier le style de Schlingo. C'est un peu exagéré, car Schlingo était aussi très influencé par le savoir-faire américain en matière de BD.

    + Dans une interview donnée mi-septembre à Médiapart, la caricaturiste Coco affirme ne pas avoir changé sa manière de dessiner depuis le massacre de ses confrères de "Charlie-Hebdo". On lit dans cette interview une pique contre Plantu, ainsi que quelques déclarations un peu chauvines : "Je crois que beaucoup de pays nous envient la laïcité" (rien ne prouve que l'on comprend à l'étranger ce que certains Français appellent "laïcité", thème de longs prêches aussi ennuyeux qu'édifiants).

    Mais la remarque la plus intéressante est le point de vue de Coco selon lequel la caricature ne doit pas dépasser les limites assignées par la loi (et par conséquent la police, en charge de l'exécution des lois). Les caricaturistes seraient donc, en France, les seules personnes respectueuses des lois ? Que penserait-on d'un caricaturiste britannique qui dirait : - Je suis prêt à me moquer de tout, sauf de la reine. Ou encore d'un caricaturiste marocain qui dirait : - On peut rire de tout... dans les limites assignées par la charia.

    + La "Une" de "Libération" aujourd'hui nous montre l'ex-président et actuel candidat N. Sarkozy dans le costume d'Astérix, le personnage de Goscinny et Uderzo, escorté d'Eric Zemmour en Idéfix. R. Goscinny avait un certain nombre de points communs avec N. Sarkozy ; on se souvient d'ailleurs que Anne Goscinny a fait récemment partie d'un comité de soutien au président déchu. Jean-Marie Le Pen est surnommé dans son camp "le menhir", ce qui rappelle un autre personnage d'Uderzo.

    "Libération" titre sur l'effort de la droite pour "refaire l'histoire". Mais la droite et Eric Zemmour ne font en cela qu'imiter les idéologues de gauche, qui ont produit et continuent de produire leur propre version du roman national. Que l'on songe, par exemple, à l'extraordinaire opération de blanchiment du terrorisme révolutionnaire par les intellectuels de gauche au cours de la seconde moitié du XXe siècle : cette entreprise négationniste était indispensable pour fonder la mythomanie du "progrès social". Un autre moyen de mesurer à quel point la gauche baigne dans la fiction, c'est de mesurer la distance qui la sépare de Marx (conscient dès le début de l'hypocrisie des "Droits de l'Homme").

    La question est de savoir pourquoi la droite éprouve actuellement à son tour le besoin de produire une version cultuelle de l'histoire de France, au niveau de la bande-dessinée pour les gosses ? La réponse est simple : parce que la gauche se ramène désormais à un point de vue intellectuel et élitiste. Les élites intellectuelles sont fascinées par des fictions et des mécanismes encore plus abstraits, telles que les institutions technocratiques européennes, qui fonctionneraient parfaitement bien si l'homme était un robot.

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  • Revue de presse BD (171)

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    Un des plus vieux croquis répertoriés de Walt Disney (1918), vendu récemment aux enchères à New York

    + Visible jusqu'à dimanche prochain sur "Arte-replay", un long documentaire (plus de 3 heures) en deux volets consacré à Walter Elias Disney qui, nous dit le reportage, "transforma le dessin-animé en art". La formule est un peu pompeuse et ne veut pas dire grand-chose. Le documentaire n'est pas assez critique, mais comporte de nombreuses images d'archives et brosse un portrait assez fouillé de ce personnage hors du commun, "self made man" américain sorti apparemment de nulle part. On sait les points communs entre le cinéma d'animation et la BD franco-belge, cette dernière étant un cinéma d'animation "bon marché", du moins à ses débuts. Walt Disney et le Belge Hergé ont d'ailleurs quelques points de ressemblance, dont la soif de reconnaissance et une enfance un peu triste. On aurait aimé un propos plus critique, non pas tant à propos de Walt Disney que de son art emblématique de l'Amérique de la première moitié du XXe siècle ou de la culture de masse. L'usage politique du rêve et du divertissement demeure en effet un sujet d'actualité.

    + Signalons le décès de Jacques Rampal (19 décembre), qui collabora pendant de longues années au journal "Pilote" et publia avec le dessinateur Jean-Claude Morchoisne et Jean Mulatier une série de portraits-charges d'hommes politiques, transformés en animaux, qui fut un succès de librairie ("Ces Animaux qui nous gouvernent", 1984).

    + "Presse-Océan" annonce que la ville de Nantes va se doter d'une maison de la bande-dessinée en 2016, la "maison Fumetti", vaste de 600 m2 et qui sera dirigée par Gwen de Bonneval, Cyril Pedrosa et Tangui Jossic, auteurs de BD. "Fumetti" est le mot pour dire "bandes-dessinées" en... italien ; c'est sans doute pour faire "style".

    + La querelle qui divise la gauche à propos de l'islam et de "Charlie-Hebdo" n'aura connu qu'une courte trêve après l'attentat contre l'hebdomadaire. Cela prouve que l'idéologie, comme la religion, crée un sentiment d'unité superficiel. La militante féministe Caroline Fourest a pris part récemment aux hostilités, rédigeant une tribune dans le magazine "Transfuge" (11 Novembre). Sa prise de position en faveur de Philippe Val a le mérite d'être claire. "(...) Ma bande à moi, celle que j'admirais, venait de la "Grosse Bertha". Les éditos fracassants de Val ; Cabu, notre maître à tous. Et cette ribambelle de dessinateurs, furieusement doués, qu'ils ont mis sur orbite : Charb, Luz, Riss, Tignous, Honoré..."

    Et C. Fourest de qualifier au passage "l'autre "Charlie", l'ancienne version lancée par Cavanna et Choron, de "journal potache, vaguement anar". C. Fourest est libre de préférer Luz, Charb et Riss à Reiser ; d'autres ont témoigné dans le sens contraire, comme Willem. Cabu, dont on peut croire l'avis sérieux, s'est toujours prudemment gardé d'un jugement artistique.

    La militante dit ailleurs : "(...) On se moquait des garçons et de leurs dessins sexistes. Ils le prenaient bien, surtout Tignous, avec des airs d'ourson dépité. (...) Des années plus tard, les voilà convertis aux FEMEN. Quel trajet."

    A juste titre, Caroline Fourest explique dans sa tribune que l'humour permet souvent de surmonter les divisions idéologiques ; en revanche, elle n'a jamais parue plus disposée à plaisanter sur le sujet du féminisme, qui semble lui tenir à coeur au moins autant qu'à raison, que certains musulmans ne semblent disposés à entendre les plaisanteries des Occidentaux concernant Allah. L'humour des sectateurs des valeurs républicaines (parmi lesquelles "l'égalité" paraît aussi improbable que certains principes religieux), est une notion aussi incertaine que l'humour du pape ou de la Reine d'Angleterre. Si C. Fourest prenait la peine de se renseigner sur la presse satirique française, elle pourrait constater que très rares sont les humoristes ou les titres de presse qui ont mis en avant de telles "valeurs républicaines".

    + Le festival d'Angoulême qui se tiendra fin janvier a décidé d'accorder cette année en l'exposant une place d'honneur à Morris et son célèbre "Lucky-Luke", produit largement de conserve avec Goscinny. Les deux auteurs avaient réussi dans quelques albums de la série à faire passer un peu de l'esprit de la conquête de l'Ouest et des pionniers, en y ajoutant une note d'humour.

    Paradoxalement, "Lucky-Luke" est plus réaliste que de nombreux westerns, Goscinny ayant eu la bonne idée de s'inspirer du témoignage d'un authentique pionnier, Mark Twain. On attribue à Morris l'invention de l'expression "Neuvième art", mais Morris a toujours tenu, comme Goscinny du reste, à se démarquer d'un certain intellectualisme : "Non, nous qui les créons, les BD, nous ne prenons pas très au sérieux toute cette très pompeuse littérature." ("Giff Wiff", 1965) - sage méfiance des cacouacs, d'ailleurs, car l'académisme n'est jamais très loin de l'intellectualisme.

     

  • Revue de presse BD (166)

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    Agrippine face à Claire Bretécher.

    + Rare femme à exercer ses talents dans le domaine de la BD, et plus encore de la BD humoristique, Claire Bretécher fait l'objet d'une grande exposition à la bibliothèque du musée d'art moderne Pompidou (jusqu'au 8 février). Brétécher, qui travailla notamment pour le compte de "Pilote", "Spirou" et "Le Nouvel Observateur" mérite plus le titre d'auteur satirique que celui de "sociologue", dont le pédantissime Roland Barthes l'affubla. On est bien placé au pays de Molière pour savoir à quel point la satire et la religion, rebaptisée "sociologie" dans les temps ultra-modernes, s'opposent. Si Molière avait été sociologue, se contentant de refléter son époque, il y a longtemps qu'il serait tombé dans l'oubli.

    Interviewée récemment sur ses années passées à "Pilote", sous la direction de R. Goscinny, Claire Bretécher n'a pas hésité à dénigrer les rebelles de "Mai 68" qui poussèrent Goscinny à la démission, les traitant de fils à papa et de faux rebelles (Gotlib, Moebius, Druillet) (in : "La Révolution Pilote", Dargaud, 2015). On est tenté de lui donner raison, quand on voit le nombre de philosophes de plateaux télé, plus creux les uns que les autres, que "Mai 68" a engendré, dissimulant leurs comptes en banque derrière des options humanistes. Mais à travers cet affrontement entre générations, typiquement viril, se trouve quand même posée la question, plus intéressante, du duel entre la bande-dessinée, destinée aux enfants, et le dessin de presse, visant un public plus large, ou encore de la rivalité entre le "Pilote" de Goscinny et le "Charlie-Hebdo" de Cavanna.

    "Le Figaro", quotidien du bourgeois qui s'assume, rend aussi hommage à Bretécher à travers un quiz de cinq questions sur sa carrière de dessinatrice.

    + Hasard ou calcul, l'attentat de la mi-novembre à Paris visait un quartier "bobo" de Paris ; c'est précisément la culture que Bretécher brocarde à travers le personnage d'Agrippine, adolescente élevée dans un milieu "humaniste"... mais néanmoins aisé. Les blogueuses-BD d'aujourd'hui sont un peu les petites soeurs d'Agrippine, et Pénélope Bagieu la plus célèbre a réagi aux attentats par un strip, sur le mode : "J'y pense et puis j'oublie."

    + En Iran, à Téhéran, le caricaturiste Hadi Heydari ("Persian Cartoon") a été arrêté à cause d'un dessin fait pour témoigner de sa solidarité avec les victimes des attentats de Paris ; il a probablement été interpellé par les services secrets de son pays. Faut-il le rappeler, l'Iran est en guerre froide avec les Etats-Unis et ses alliés, dont la France. En revanche, en Belgique, c'est l'humoriste Dieudonné Mbala-Mbala qui a été condamné à deux mois de prison ferme pour "antisémitisme". La sympathie de Dieudonné pour le régime iranien est connue.

    Le contexte de l'état d'urgence ne fait qu'accroître la sévérité de la condamnation de cet humoriste ; le condamner en ces circonstances revient à le désigner comme complice des djihadistes. Quand Dieudonné avait fait l'objet de poursuites et de pressions fiscales de la part du gouvernement de Manuel Valls, rares furent ceux qui osèrent prendre publiquement sa défense au nom de la liberté d'expression (Jack Lang, Plantu). Même si c'est sans doute inéluctable, on peut regretter qu'autant de caricaturistes et d'esprits soi-disant libres se laissent entraîner dans le "choc des cultures", stratégie de radicalisation des deux camps.

    + Alors que le salon du livre pour la jeunesse de Montreuil s'apprête à ouvrir ses portes (2-7 décembre), le webzine culturel Actualitté en profite pour dénoncer la moindre rémunération des auteurs et illustrateurs de livres pour enfants. Néanmoins le prétendu "préjugé" contre la littérature de genre ou la littérature spécialisée s'explique très bien d'un point de vue critique et littéraire par la prétention des plus grands auteurs à produire une littérature universelle, et non pas seulement destinée à une catégorie de lecteurs. Hélas l'argument égalitaire dissimule bien souvent, qu'il soit conscient ou non, un mobile mercantile ; la spécialisation de la littérature est avant tout une question d'édition et de librairie, bien plus que d'art et de littérature. C'est sûrement ne rien comprendre à l'art et la littérature que de les envisager seulement sous l'angle de la production et du marché. La mise en avant de grands principes, dans le domaine de la culture, est un cache-misère. La littérature de genre se vend parfois très bien, et ses auteurs sont bien rémunérés. La Comtesse de Ségur fit ainsi fortune avec ses livres pour enfants ("Les Malheurs de Sophie", etc.), et son statut était tel qu'elle pouvait embaucher et virer les plus prestigieux illustrateurs de la place de Paris. Son éditeur avait déniché la poule aux oeufs d'or.

    + La médiathèque F. Sagan (Paris Xe) abrite (jusqu'au 31 janvier) une exposition sur le thème de l'illustration de livres pour enfants. L'illustrateur britannique Anthony Browne parlera dans ce cadre (4 déc. à 19 h) de son travail ; créateur du personnage de "Marcel" ("Willy" en anglais), A. Browne tire le principal de ses revenus de la vente de cartes de voeux, ce qui lui permet d'être plus exigeant quant aux autres publications.

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    Marcel par Anthony Browne.

     

  • Revue de presse BD (162)

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    + La petite souris de Plantu et son auteur bénéficient d'une tribune de premier plan, à savoir la "Une" du "Monde". Dans "Souris et tais-toi", à paraître en novembre prochain, Plantu aborde la question de l'autocensure et du "politiquement correct" croissants. On sait que Plantu ne fait pas l'unanimité au sein des dessinateurs de presse, pour diverses raisons (de son vivant, Cabu n'hésitait pas à l'égratigner). La meilleure raison est que Plantu officie au "Monde", quotidien pas très sérieux d'un point de vue satirique.

    La censure est en Occident surtout officieuse et indirecte. A. Huxley faisait remarquer que la "liberté sexuelle" ou la "liberté de jouir" devient la seule liberté dans les pays capitalistes ; en effet, rien n'est plus "politiquement correct" que la pornographie aujourd'hui. La quantité astronomique d'ouvrages parus et paraissant est aussi une cause de censure indirecte. L'exégèse universitaire est encore un autre moyen, qui consiste à amoindrir la portée de certains philosophes subversifs ; sur le plan politique, la liberté consiste principalement dans l'interdiction de l'opinion adverse.

    + Frédéric Potet, spécialiste de la BD au "Monde", conclut un "papier" d'une pleine page consacré au collectionneur Jean-Arnold Schoofs (24 oct.) par ces mots : "L'âge de l'angélisme est loin en bande-dessinée, définitivement". Le collectionneur qui cachait à sa femme qu'il dépensait leurs économies en planches de BD et dessins originaux, et à qui ses enfants en voulaient de dilapider le patrimoine familial, vient de vendre aux enchères une bonne partie de sa collection chez Sotheby's.

    + "Le Papyrus de César", dernier album d'Astérix, tiré à deux millions d'ex. a envahi les étals des libraires. C'est encore Frédéric Potet qui, dans "Le Monde" (23 oct.) décrit en détail la fabrication de cette "poule aux oeufs d'or" éditoriale. Il semble que ce n'est pas une mince affaire pour les repreneurs de la série, Conrad et Ferri, de satisfaire aux exigences du service marketing des éds Albert-René, d'Uderzo et de la fille de René Goscinny qui supervisent l'album. A certaines déclarations des auteurs, on devine qu'ils en ont déjà ras-le-casque.

    + Un nouvel accrochage a été décidé pour fêter les trente ans du Musée Picasso, installé dans l'hôtel Salé. Celui-ci renferme la plus importante collection d'oeuvres signées du pape incontesté de l'art moderne. Le ticket d'entrée, assez cher (autour de 10 euros), fait oublier que Picasso fut un pape communiste. Dans une ambiance un peu feutrée, on peut admirer une variété d'oeuvres un peu monotone : à la fois Picasso explore des sujets (le paysage n'est pas son point fort) et des techniques différentes (il a un tempérament de sculpteur), mais on reconnaît sa "patte" (de minotaure). Le culte de la personnalité est plus net que dans des musées consacrés à plusieurs artistes. Laurent Le Bon, chargé de la nouvelle disposition, explique d'ailleurs que Picasso soignait et contrôlait son image dans la presse ; à l'instar de certains politiciens, il fut son propre thuriféraire. On peut y voir une disposition d'esprit macabre et féminine, non seulement la vitalité et la fécondité dont tout le monde parle.

    "On n'a pas un Picasso sacralisé, même s'il y a énormément de chefs-d'oeuvre", indique Laurent Bon de la manière la plus ambiguë qui soit, c'est-à-dire trahissant cette nouvelle forme de sacralité contenue dans l'art moderne, qui n'ose pas dire son nom mais qui est bel et bien présente.

    + Après onze numéros, la revue de bande-dessinée "Aaarg !" distribuée en librairie doit s'interrompre, faute de trésorerie. Son rédacteur en chef Pierrick Starsky avouait déjà récemment avoir été contraint de revoir la rémunération des contributeurs à la baisse. "Aaarg !" devrait se métamorphoser en magazine mensuel et inclure quelques pages "d'actualité". René Goscinny avait réagi ainsi à la concurrence de "Charlie-Hebdo", créant dans "Pilote" des pages d'actualité.

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  • Revue de presse BD (145)

    Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,hebdomadaire,2015,bast,en chienneté,nicoby,laurent lefeuvre,lionel chouin,saint-brieuc,rennes,brest,zoo,thierry lemaire,van eyck,goya,glénat,toulouse-lautrec,olivier bleys,benjamin bozonnet,fluide-glacial,goscinny,actuabd,hara-kiri,le figaro,psikopat,gallimard,hillary clinton,comics,bluewater productions,ulule.com,dans les rues de lyon

    L'atelier de BD en prison (St-Brieuc) par Nicoby (cliquer pour agrandir)

    + Les auteurs de bande-dessinée, sollicités par l'administration pénitentiaire, franchissent parfois la porte des prisons pour y donner des cours de BD. Le dessinateur Bast avait tiré de cette expérience une BD il y a deux ans, "En Chienneté" (La Boîte à Bulles), illustrant les affres de la détention pour de jeunes gens plein de vitalité. A quelques détenus des pénitenciers de Saint-Brieuc, Rennes et Brest, les dessinateurs Joub, Laurent Lefeuvre, Lionel Chouin et Nicoby, ont enseigné les rudiments de la bande-dessinée, sous la houlette de "coordinateurs culturels". La prison moderne n'est pas censée seulement punir et mettre hors d'état de nuire les criminels et délinquants, mais aussi les réformer, leur permettre "d'affirmer leur humanité" ; les interventions de ces jeunes auteurs de BD ont donné lieu à une plaquette, disponible en ligne, et qui constitue une sorte de reportage, même si le but de réforme morale du système carcéral est peu discuté ; or on peut douter de son efficacité, et se demander s'il ne s'agit pas avant tout pour la société civile de se donner bonne conscience. Les planches des détenus voisinent celles des "pros" dans cette plaquette ; les thèmes sentimentaux et violents sont fréquents chez les taulards. Peut-être certains auteurs de BD ont-ils de la sympathie pour les détenus parce qu'ils se sentent eux-mêmes un peu contraints dans leurs cases, accomplissant une tâche parfois un peu répétitive ou séquentielle ?

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  • Revue de presse BD (142)

     Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.

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    Revue "Nyctalope #8", fondée par un trio d'élèves des Arts déco. de Strasbourg. Disponible en librairie.

    Dans "Le Monde" du 20 mars, F. Potet fait un état des lieux de la presse BD. Après avoir recensé les diverses nouveautés : "Aaaarg !", "La Revue dessinée", "Papier", "Mon Lapin", "Alimentation générale", Franky", "Nicole", et quelques autres, il note la désertion des kiosques au profit de l'étal des librairies. Ces nouvelles revues, sans publicités, sont presque toutes des "mooks", à mi-chemin entre magazine et livre/book. Il reste que la situation de ces revues est précaire puisque "La Revue dessinée" est la seule à équilibrer ses comptes (4000 abonnés), tandis que "Mon Lapin", "Papier", etc., sont distribuées et imprimées à perte par des éditeurs comme Delcourt ("Papier") ou L'Association ("Mon Lapin"). Quelques détails à propos de "Aaaarg !" : "(...) revendique 5000 lecteurs par numéro alors qu'il lui en faudrait au moins 1000 de plus pour ne pas mettre en péril ses trois salaires à plein temps. L'année 2014 s'étant soldée par par un déficit de 25.000 euros, décision a été prise de diminuer de 20 euros le prix d'achat d'une planche, jusque-là fixé entre 100 et 150 euros selon qu'elle soit en noir et blanc ou en couleurs. La soixantaine d'auteurs qui travaillent régulièrement pour "Aaarg !" ont tous indiqué, à une exception près, qu'ils poursuivraient leur collaboration."

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  • Au coin de ma mémoire

    Sous ce titre, Francis Groux a publié ses mémoires en 2011. Dans un style direct et clair, il se souvientwebzine,zébra,bd,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,francis groux,au coin de ma mémoire,plg,festival angoulême,groensteen,goscinny,boucheron surtout du festival d’Angoulême, dont il fut un des principaux fondateurs et organisateurs, bien qu’il insiste sur le dévouement d’une équipe de bénévoles angoumoisins pour expliquer le succès rapide du festival. Ces souvenirs permettent ainsi de découvrir les coulisses d’un festival, qui dès la première édition rassembla une dizaine de milliers de visiteurs, ce qui lui permit d’emblée de rivaliser avec une ou deux manifestations plus anciennes, et de s’imposer assez vite comme le premier festival de BD-franco-belge.

     L’affirmation du préfacier, T. Groensteen, selon laquelle le festival d’Angoulême a contribué à la reconnaissance de la bande-dessinée en tant qu’art est une pure pétition de principe. Pour le public de la BD franco-belge comme pour ses principaux acteurs, la question de la « reconnaissance de la bande-dessinée » est dépourvue d’intérêt (Goscinny se moquait ouvertement des thèses universitaires sur « Astérix et Obélix » et de leur caractère spéculatif). En un sens, le service rendu par la BD à Angoulême en termes de notoriété est sans doute plus grand. Les souvenirs de Francis Groux le démontrent assez : il n’est pas tant question dans ce livre d’art ou de bande-dessinée, que d’un phénomène culturel mêlant marketing politique, business éditorial et engouement du public pour des héros populaires, que le festival permet d’approcher, ainsi que leurs créateurs. C’est ce qui fait l’intérêt documentaire du livre de Francis Groux, dont la passion est double : non seulement pour la bande-dessinée franco-belge et ses auteurs, que ses responsabilités d’organisateur vont lui permettre de côtoyer, mais aussi pour sa région d’origine, à qui la réputation bientôt internationale du festival bénéficiera selon-lui.

    F. Groux est conscient du mélange des genres, et, par exemple, du poids croissant de considérations d’ordre marketing au fil des années. Si le point de vue de F. Groux n’est pas critique, il est lucide. Il fait état d’une préférence pour les premières éditions du festival et leur bonhomie, tout en s’efforçant de ne pas trop céder à la nostalgie.

     Encore une fois, on se dit que la BD franco-belge est une affaire de boy-scouts, puisque Francis Groux dit avoir puisé dans ce mode d’éducation ses valeurs. Il en profite d’ailleurs pour rendre hommage au seul illustrateur du mouvement boy-scout un peu célèbre, Pierre Joubert. Grosso modo, F. Groux est ce qu’on appelle un « chrétien de gauche » (ou ce qu'on appelait, tant l’espèce semble en voie de disparition), issu d’un milieu modeste, et qui avoue avoir perdu la foi de son enfance pour devenir « déiste ou athée » (sic), ce qui n’est pas exactement la même chose mais permet de cerner la véritable religion de cet homme - le civisme. Lorsque Francis Groux s’éloigne du sujet qui fait l’intérêt principal de ce livre, le fameux festival, pour pendant quelques pages faire état de ses valeurs et engagements, l’intérêt faiblit. Cependant ces pages soulignent utilement l’adéquation entre le civisme de l’auteur, à quoi on peut ajouter le goût de l’action et du sport, et l’esprit de la BD franco-belge, qui a produit de nombreux héros du type « civique et engagé ». Elles permettent de comprendre que Francis Groult, à la barre de ce festival, trouva à s’épanouir dans ce mode d’action culturelle.

     L’enjeu politique et économique du festival, persistant aujourd'hui (chaque édition ou presque est précédée d’un mini-scandale politico-médiatico-économique), F. Groux l’illustre d’emblée en racontant que, dès la première édition, découvrant à son grand étonnement l’intérêt des journalistes pour le festival de BD qui se tenait dans sa ville en son absence, le maire d’Angoulême rappliqua dare-dare pour profiter lui aussi du crépitement des flashs. On a vu, lors de festivals plus récents, bien plus que de simples élus locaux se montrer au Festival international d’Angoulême et y décerner des médailles (à quoi on ne peut mesurer la reconnaissance d’un art, contrairement aux jambons, vins et fromages). Néanmoins l’auteur se montre plus sévère avec les éditeurs qu’avec les hommes politiques, accusant plutôt ceux-là d’avoir fait perdre au festival une bonne partie de sa fraîcheur.

     F. Groux ne manque pas de raconter quelques anecdotes croustillantes, mettant parfois en scène les auteurs de BD dans des situations qui ne sont pas à leur avantage. Mais son côté « boy-scout » le retient peut-être d’en dire plus, par pudeur ou admiration des auteurs concernés ? Pour la même raison sans doute, F. Groux tient aussi nettement à se démarquer de personnalités d’extrême-droite, proches du FN, un peu sulfureuses ; tout en qualifiant l’éviction, par les organisateurs, des éditions du Triomphe (1999), éditeur proche des milieux catholiques intégristes, d’acte de censure qu’il dit désapprouver à titre personnel.

     L’ouvrage vaut donc pour les qualités de son auteur, c’est-à-dire une présentation claire, didactique et qui ne manque pas de franchise des coulisses du festival d’Angoulême, des débuts où l’amateurisme prévalait, jusque à la manifestation d’ampleur bien rodée qu’il est devenu. La limite de cette présentation claire et sans complexe est peut-être le manque de recul ou d’esprit critique sur certains sujets. On sent que des liens affectifs lient l’auteur au festival, par exemple qu’il évite de s’appesantir sur la tournure commerciale prise par cette manifestation. L’aspect économique est le plus difficile à évaluer. Etude statistique à l’appui, Francis Groux souligne le bénéfice de la tenue du festival pour Angoulême et sa région. Mais les milieux culturels ne sont-ils pas victimes eux aussi d’une certaine « euphorie de la croissance », du fait que leurs activités sont liées à un modèle de développement économique capitaliste ? Avant tout le festival d’Angoulême est une entreprise de communication, au service d’une collectivité locale et de quelques éditeurs de taille modeste – Média-participation n’est pas LVMH. Or la communication est ce qui constitue, sans vouloir faire de jeu de mot, une « bulle spéculative » et des investissements parfois malencontreux. S’agissant d’Angoulême, on est d’autant plus tenté d’évoquer le sujet que la fuite de son député-maire Boucheron en Argentine, après avoir placé la ville en cessation de paiement, a défrayé la chronique. Or F. Groux, à propos de Boucheron, préfère souligner son caractère sympathique, cela bien que la littérature (BD comprise) nous éclaire sur le fait que c’est une caractéristique des escrocs.

     Outre une édition luxueuse, ces mémoires bénéficient d'un iconographie abondante (photos, dessins, dédicaces), et d'un index très utile.

     Au coin de ma mémoire, Francis Groux, éds. PLG, 2011.