Caricature par ZOMBI
*"Le pacifisme n'est pas une option." E. Balibar (interviewé par Médiapart en mars 2022)
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Caricature par ZOMBI
*"Le pacifisme n'est pas une option." E. Balibar (interviewé par Médiapart en mars 2022)
Caricature par ZOMBI
+ Etonnant de voir figurer Alix en "Une" d'un magazine dédié à l'Histoire alors que c'est un héros de... science-fiction. Si la SF de Jacques Martin (1921-2010) n'est pas tournée vers un futur hypothétique mais vers une Antiquité idéalisée, l'exotisme n'est pas moins l'un des principaux ressorts de cette série antihistorique.
L'Antiquité fabriquée par Jacques Martin est dépaysante car elle ramène le lecteur adolescent à une époque encore vierge des marques laissées par notre civilisation industrielle et technocratique (bien que les "valeurs technocratiques" soient des valeurs romaines); au contraire, les BD de science-fiction voyageant dans le futur regorgent le plus souvent de gadgets technologiques.
Les universitaires réunis autour du hors-série de la revue "L'Histoire" -"Les Mondes d'Alix"-, rapportent les anachronismes, les invraisemblances ou les contre-vérités qui émaillent cette série conçue comme un récit de propagande éthique et divertissant (prépublié dans l'hebdomadaire "Tintin") ; la comparaison avec les péplums hollywoodiens est suffisamment dissuasive de prendre le propos d'"Alix" pour un propos historique.
Par-delà le diagnostic universitaire fait ici, la comparaison s'impose avec la doctrine réactionnaire de Nietzsche, pour qui l'Histoire dissimule un long processus de décadence imputable au judaïsme et au christianisme ; pour le besoin de cette thèse un peu simpliste, Nietzsche, comme J. Martin, conçoit un monde gréco-romain antique mieux disposé à la jouissance et préservé de l'argument judéo-chrétien illusoire selon laquelle l'Histoire a un sens. Pour le besoin de sa thèse, le moraliste allemand n'hésite pas à purger la culture antique de la métaphysique, alors même que la littérature grecque antique compte plusieurs "héros métaphysiques", et pas des moindres (Ulysse, Hercule...).
Etant donné la francophilie de Nietzsche, on peut ajouter que la série de Jacques Martin, de toutes les séries "franco-belges", est probablement la plus française et la moins belge. Tandis que la culture allemande ou américaine se tourne volontiers vers un futur utopique, la culture française (ou italienne) se tourne plus concrètement vers le bonheur et un "état de nature" idéal, mieux représenté par certaines cultures anciennes. Les Français s'intéressent peu à l'Histoire - ou s'y intéressent en touristes ou en archéologues, confirmant l'adage selon lequel "les peuples heureux n'ont pas d'Histoire".
- Certains universitaires croient déceler l'idéologie européiste à l'arrière-plan de la série "Alix". On peut le penser dans la mesure où Rome est un modèle d'impérialisme tel que Napoléon, Mussolini ou l'oligarchie capitaliste s'efforcent de ressusciter. La propagande communiste s'efforça d'ailleurs d'opposer à Alix le personnage de Taranis (dans "Pif"), héros gaulois refusant de se soumettre à l'envahisseur romain, contrairement à Alix. La propagande communiste cache ici que le communisme est un des visages de l'impérialisme moderne, dont les peuples n'ont pas moins souffert qu'ils n'ont subi l'impérialisme napoléonien ou hitlérien.
Du reste le statut d'Alix d'esclave gaulois affranchi par un notable romain est un des éléments qui confère à cette série la crédibilité, si ce n'est historique, du moins morale. Contrairement à de nombreux héros de la culture de masse américaine, communiste ou fachiste, dont on ne peut extraire qu'une éthique militante la plus partisane et fragile, l'auteur prend soin de confronter son personnage à des problèmes moraux plus proches de la réalité. L'éthique des "comics" et de la culture de masse n'a pas une grande portée ; certains psychiatres ou psychanalystes reconnaissent qu'elle a valeur d'excitant sexuel, en quoi les plus sérieux critiques du totalitarisme sont fondés à établir un lien entre le totalitarisme et la culture de masse, quelle que soit son étiquette idéologique.
+ L'illustratrice de presse Dominique Corbasson a succombé à la maladie ; elle était notamment connue pour ses représentations d'un Paris "idéalisé", à l'opposé du regard satirique porté par Cabu, témoin de la gentrification et des dommages esthétiques causés par les géants du BTP au cours des dernières décennies.
Le site Actuabd raconte comment Dominique Corbasson avait été engagée par l'agent de son mari, le bédéaste François Avril.
+ Le trophée 2018 du dessin de presse "Presse-Citron" organisé par l'école Estienne, ouvert jusqu'au 9 ou 10 mars, est ouvert non seulement aux professionnels mais aussi aux étudiants, jugés de nombreux dessinateurs chevronnés, réunis pour l'occasion.
Malgré des conditions politiques les plus défavorables au dessin de presse satirique (déclin de la presse organisée en monopole), on note qu'il continue de susciter des vocations, qui s'expriment tant bien que mal sur les réseaux sociaux.
Cela dit la métaphore suggérée par l'affiche du trophée entre le dessin de presse et piétiner un plat de pates à la sauce tomate, est relativement énigmatique...
+ "Il est devenu le BHL de la bande-dessinée. J’attends son entartage avec impatience." a déclaré l'ex-éditeur Jean-Christophe Menu à "Médiapart" en parlant de Joann Sfar, à qui les médias font la part belle et qui s'est récemment immiscé dans la campagne présidentielle en prenant position contre Jean-Luc Mélenchon.
Il ne faudrait pas confondre le pape avec ses évêques ; cela dit en lisant certaines chroniques de BHL dans "Le Point", on peut être frappé par leur ressemblance avec le langage de la bande-dessinée, propagande claire, "hergéenne", efficace et imagée, au service d'une idée de la justice et du progrès très... abstraite -dont le bénéfice demeure incertain.
Comme BHL n'a jusqu'ici négligé aucun des moyens lui permettant de servir sa cause, il n'est donc pas invraisemblable de l'imaginer en scénariste de BD.
Page de titre de "Casque d'Or", BD publiée dans "Circus" en 1975.
+ Peu avant Noël (20 déc.), la dessinatrice de BD Annie Goetzinger "est décédée des suites d'une longue maladie", suivant la formule consacrée; dans ce métier artisanal contraignant, elle était une des rares représentantes de son sexe. Bizarrement les journalistes, qui ont l'indignation facile, ne s'indignent pas tant de la rareté des femmes dans la corporation des bouchers ou celle des boulangers, métiers aussi durs...
A l'école d'art Duperré (mode vestimentaire), A. Goetzinger avait appris à dessiner avec Georges Pichard, auteur de BD érotico-comique dessinant des femmes plantureuses sous toutes les coutures. Le style d'A. Goetzinger reflétait cet enseignement.
Produisant les titres au compte-goutte ("Casque d'Or", "La Fille de la Légion d'Honneur", "L'Agence Hardy"...), A. Goetzinger avait récemment publié une biographie de Colette. Bien que Colette fût une femme indépendante, elle était peu féministe, écrivant par exemple : "Une femme qui se croit intelligente réclame les mêmes droits que l'homme. Une femme intelligente y renonce.", propos qui entraînerait aujourd'hui la condamnation de son auteur par les représentantes de la cause féministe.
A. Goetzinger elle-même était assez circonspecte vis-à-vis de la cause féministe, comme on peut lire dans ce long entretien éclairant son parcours, publié par le site BD-Zoom.
Depuis quelques années A. Goetzinger publiait des dessins (assez fades) dans "La Croix".
Luz et Riss caricaturés par Ignace pour le site d'extrême-droite Medias-presse.info
+ Plein de compassion pour Laurent Sourisseau, alias Riss, suite à la polémique qui l'opposa à Edwy Plenel ("Médiapart"), l'hebdomadaire "Le Point" (21-28 déc.) dresse le bilan de l'action de Riss, à la tête de "Charlie-Hebdo" depuis l'expédition punitive des frères Kouachi, visant plus particulièrement Charb (selon Riss).
Riss est actionnaire principal du titre et il a le soutien moral de la veuve de Cabu et des parents de Charb. Riss a beau déclarer qu'"il ne veut pas que Charlie devienne un musée du 7 janvier", l'article du "Point" indique que, malgré la réticence de son rédacteur en chef à s'engager sur le terrain politique, il y est entraîné inexorablement.
"Le Point" se garde de souligner la situation ubuesque de la rédaction de "Charlie-Hebdo", censée produire dans un bunker sous haute surveillance policière... un journal anticonformiste !?
On apprend que Anne Hommel, conseillère en communication de grosses légumes dont elle s'emploie à polir l'image, continue d'être employée par "Charlie-Hebdo" ; son agence a récemment organisé la fête d'anniversaire de "Charlie"... boudée par quelques ex-collaborateurs. Anne Hommel (et l'avocat Richard Malka) ont joué un rôle décisif dans le sauvetage de "Charlie-Hebdo", que la tempête médiatique a bien failli engloutir.
+ L'hebdomadaire "Le Point" se fait aussi l'écho d'un léger différend entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin à propos de Johnny Hallyday. Le directeur du journal satirique "Fakir", élu député de la Somme sous l'étiquette des "Insoumis", aurait reproché au chef de son parti d'avoir boudé l'hommage national rendu à feu Johnny Hallyday.
Bouder est bien pourtant le moins que l'on peut faire quand on se prétend "insoumis": la culture de masse est devenue au cours du XXe siècle le principal instrument de soumission des masses aux élites, en remplacement des religions traditionnelles. Il n'est que d'observer son rôle dans la mobilisation de l'opinion publique en cas de guerre pour s'en rendre compte.
Si la religion est l'opium du peuple, la culture de masse doit être dénoncée comme une drogue "dure".
J. Hallyday, chanteur-caméléon assez habile pour rester dans le vent n'était pas une vedette "populaire" mais "radiophonique", ce qui n'est pas du tout la même chose. L'ère de la production et de la diffusion industrielles de biens de consommation culturels coïncide avec la disparition progressive de la culture populaire, pour des raisons déjà élucidées par K. Marx il y a un siècle et demi.
+ Débats pleins d'hypocrisie que les débats publics autour de la "liberté d'expression" et de la censure. Un dossier spécial du "Canard Enchaîné" (avril 2016 - n°139) mentionne qu'un amendement des députés PS (CL41/novembre 2016), promu par Sandrine Mazetier et soutenu par l'opposition, a failli rétablir la censure au nom de l'ordre public, sous prétexte de réduire au silence le polémiste Dieudonné.
L'argument de l'ordre public, qui n'a que l'apparence d'un critère juridique, est analogue à celui du blasphème dans les régimes dits "théocratiques". L'ordre public est en effet une notion arbitraire, à l'instar du blasphème.
Cet amendement CL41 avorté au dernier moment, qui aurait permis au pouvoir exécutif de contrôler toute publication dans le cadre de l'état d'urgence (prolongé), est révélateur de l'usage de la "liberté d'expression" avant tout comme caution d'une presse et de journalistes... qui s'avèrent très peu indépendants. "Charlie-Hebdo" fut créé au début des années 70 en réaction à une forme de sclérose de la presse française; cette sclérose n'a fait que s'aggraver depuis, les restes de "Charlie-Hebdo" faisant office de cache-misère.
Cet amendement traduit aussi l'ignorance des parlementaires que la prohibition pénale est devenue un moyen contre-productif de censure. Bien plus malins les responsables du PS qui ont empêché cet amendement gaffeur au dernier moment.
L'histoire montre que la liberté d'expression, au sens concret du terme, n'est jamais le résultat d'une démarche politique ou juridique positive.
+ Une autre hypocrisie consiste à pointer du doigt la censure des réseaux sociaux américains, Facebook en tête. Facebook applique bien des mesures de censure, motivées par des raisons commerciales; mais le réseau social américain applique surtout des mesures de censure à la demande des gouvernements de tel ou tel pays. La France n'est pas en reste comme l'atteste le rapport fourni par Facebook, où l'on peut comparer la surveillance de la justice française avec celle d'autres gouvernements.
Le jeune sociologue Romain Badouard (université de Cergy-Pontoise), au cours d'un débat sur ce thème organisé par "France 5" (en présence de Plantu et Michel Serres) commet un lapsus révélateur (41'50"); parlant de la censure, il ne peut s'empêcher d'ajouter : "aussi légitime soit-elle". Bien plus que la liberté d'expression, c'est la censure que le langage politiquement correct légitime, au nom d'une éthique dont le bénéfice n'est pas mieux établi que le bénéfice de la morale puritaine.
par WANER
Edwy Plenel, caricaturée par Coco, qui lui reproche notamment sa défense du port du "burkini".
+ Le torchon brûle entre "Charlie-Hebdo" (Riss) et "Médiapart" (Edwy Plenel), deux titres de presse relativement indépendants. On peut voir là une répercussion de la récente déroute du parti socialiste aux élections présidentielles ; on sait en effet à quel point la presse française est tributaire du mobile électoral - E. Plenel le sait sans doute mieux que quiconque, puisqu'il fit carrière au "Monde", dirigeant sa rédaction de 1996 à 2004. Le manque d'indépendance du "quotidien de référence" a été mis à jour à l'occasion de plusieurs scandales successifs.
Pourquoi parler de "Le Monde" quand "Charlie-Hebdo" et "Médiapart" sont sous le feu des projecteurs ? Parce que ces derniers sont des "idiots utiles" : ils servent à démontrer que la presse est libre en France; en réalité, c'est "Le Monde" (ou "TF1") qui est exemplaire, si on peut dire, de l'état de cette liberté. Ici l'exception ne justifie pas la règle, elle la dissimule.
Une caractéristique "orwellienne", qui saute aux yeux à l'occasion de cette querelle, c'est la superficialité du débat qui oppose E. Plenel à Riss, propice au battage médiatique, analogue à la rumeur dans ses causes et conséquences.
La censure n'est plus dans l'interdiction ; elle s'est adaptée à l'évolution technique, qui rend impossible la censure pure et simple (la censure était faible sous Louis XV, au temps des Lumières, car elle était inadaptée à certaines évolutions techniques) ; la censure est désormais dans la réduction du débat ou de la pensée à des slogans.
Il y a désormais deux "Charlie-Hebdo" en un ; d'une part "Charlie-Hebdo" reste un journal satirique traditionnel, destiné à un public restreint d'amateurs du genre ; d'autre part le titre de presse est presque intégré aux institutions républicaines, sans que sa place soit clairement définie encore, et la violence de ses pamphlets s'en trouve décuplée - les rédacteurs de "Charlie-Hebdo" ne peuvent plus invoquer l'humour et la satire à la française, comme ils pouvaient le faire auparavant.
+ Comme chaque année, Philippe Morin organise à l'occasion du festival d'Angoulême un concours de fanzines (candidatures closes mi-décembre); pour la première fois, ce concours sera doté (500 euros).
L'année dernière, le "fauve" fut décerné au fanzine "Biscoto" ; ses fondatrices, les soeurs Julie et Catherine Staebler, ont été interviewées à cette occasion. Elles se réclament notamment de "Grodada", lancé par le Pr Choron - dont une grève de "La Poste" entraîna la faillite (dixit Choron). Elles évoquent par ailleurs "la grande diversité de la presse pour adultes", mais "quantité" n'est pas synonyme de diversité.
De même la célébration d'un "Second âge d'or de la BD" par les éditeurs et certains journalistes est -au moins- à relativiser. En ce qui concerne la BD "grand public", on ne voit pas bien quel scénariste soutient la comparaison avec R. Goscinny ? Le changement tient plutôt à l'émergence de petits éditeurs, dont l'activité n'est quasiment pas commerciale (faibles tirages, auteurs pas ou peu rémunérés, qui gagneraient mieux leur vie en faisant des ménages).
+ "Le Sauveur du Monde" a été vendu cette semaine 450 millions de dollars par la maison Christie's. L'info brute résonne parfois de façon... surprenante.
+ La prochaine exposition-vente de dessins de Burlingue à la Galerie des Patriarches (Paris 5e) est l'occasion de découvrir un dessinateur méconnu, ayant peu publié dans la presse ("L'Express", "L'Arche").
On peut voir dans Zébra n°9 quelques reproductions des caricatures de Burlingue, qui aime varier les styles.
+ Difficile d'échapper à Tintin en ce moment ; quelques dessins originaux de Hergé datant des années 1940 -des cartes de voeux- ont été mis en vente aux enchères. La carte ci-dessus montrant Tintin se rendant à la messe de minuit est un des rares exemples où Tintin "assume son catholicisme". On sait que Hergé reçut une éducation catholique, avant de travailler au "XXe Siècle" sous les ordres de l'abbé Wallez, ecclésiastique féru des méthodes modernes de propagande ; cependant Hergé s'éloigna peu à peu au cours de sa carrière des principes qu'on lui avait inculqués dans sa jeunesse. Par ailleurs on sait l'influence sur Hergé du scoutisme, qui enseigne à ses jeunes adeptes le respect de la nature.
Les influences diverses et contradictions de Hergé ont déteint sur ses BD.
+ Classé parmi les auteurs dessinant "à la manière de Hergé", le scénariste et dessinateur de BD Ted Benoît est décédé fin septembre. Ted Benoît (Thierry Benoît à l'état civil) était peu connu du grand public, travaillant surtout pour la publicité, avant de reprendre en 1996 la série à succès "Blake et Mortimer" créée par Edgar Jacobs. Pour justifier cette reprise, T. Benoît affirmait : "Contrairement à Hergé, dont l'oeuvre est une “comédie humaine” très personnelle qui, sans lui, n'aurait aucun sens, Jacobs appartient à la grande tradition feuilletonesque. (...)"
C'est inexact ; Hergé s'est efforcé de faire passer "Tintin" pour une oeuvre "personnelle", mais on sait grâce aux témoignages de proches collaborateurs que Hergé a subi diverses influences très nettes, tant sur le plan du dessin que du scénario. Hergé a beaucoup travaillé à polir ses BD, les redessinant méticuleusement, ce qui donne une impression d'homogénéité trompeuse.
+ Le dessinateur Charlie Schlingo était aux antipodes de Hergé, du moins pour ce qui est de la notoriété. Ironiquement, Frédéric Potet, le spécialiste de la BD au "Monde" parle de "ligne crade" pour qualifier le style de Schlingo. C'est un peu exagéré, car Schlingo était aussi très influencé par le savoir-faire américain en matière de BD.
+ Dans une interview donnée mi-septembre à Médiapart, la caricaturiste Coco affirme ne pas avoir changé sa manière de dessiner depuis le massacre de ses confrères de "Charlie-Hebdo". On lit dans cette interview une pique contre Plantu, ainsi que quelques déclarations un peu chauvines : "Je crois que beaucoup de pays nous envient la laïcité" (rien ne prouve que l'on comprend à l'étranger ce que certains Français appellent "laïcité", thème de longs prêches aussi ennuyeux qu'édifiants).
Mais la remarque la plus intéressante est le point de vue de Coco selon lequel la caricature ne doit pas dépasser les limites assignées par la loi (et par conséquent la police, en charge de l'exécution des lois). Les caricaturistes seraient donc, en France, les seules personnes respectueuses des lois ? Que penserait-on d'un caricaturiste britannique qui dirait : - Je suis prêt à me moquer de tout, sauf de la reine. Ou encore d'un caricaturiste marocain qui dirait : - On peut rire de tout... dans les limites assignées par la charia.
+ La "Une" de "Libération" aujourd'hui nous montre l'ex-président et actuel candidat N. Sarkozy dans le costume d'Astérix, le personnage de Goscinny et Uderzo, escorté d'Eric Zemmour en Idéfix. R. Goscinny avait un certain nombre de points communs avec N. Sarkozy ; on se souvient d'ailleurs que Anne Goscinny a fait récemment partie d'un comité de soutien au président déchu. Jean-Marie Le Pen est surnommé dans son camp "le menhir", ce qui rappelle un autre personnage d'Uderzo.
"Libération" titre sur l'effort de la droite pour "refaire l'histoire". Mais la droite et Eric Zemmour ne font en cela qu'imiter les idéologues de gauche, qui ont produit et continuent de produire leur propre version du roman national. Que l'on songe, par exemple, à l'extraordinaire opération de blanchiment du terrorisme révolutionnaire par les intellectuels de gauche au cours de la seconde moitié du XXe siècle : cette entreprise négationniste était indispensable pour fonder la mythomanie du "progrès social". Un autre moyen de mesurer à quel point la gauche baigne dans la fiction, c'est de mesurer la distance qui la sépare de Marx (conscient dès le début de l'hypocrisie des "Droits de l'Homme").
La question est de savoir pourquoi la droite éprouve actuellement à son tour le besoin de produire une version cultuelle de l'histoire de France, au niveau de la bande-dessinée pour les gosses ? La réponse est simple : parce que la gauche se ramène désormais à un point de vue intellectuel et élitiste. Les élites intellectuelles sont fascinées par des fictions et des mécanismes encore plus abstraits, telles que les institutions technocratiques européennes, qui fonctionneraient parfaitement bien si l'homme était un robot.