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  • Swan - Le Buveur d'Absinthe**

    Le courant impressionniste est difficile à définir autrement que par son antiacadémisme. Ce mouvement dewebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,swan,néjib,absinthe,impressionnime,mary cassatt,degas,picasso,delacroix,monet,félix fénéon,gallimard rébellion contre l'enseignement en vigueur aux Beaux-Arts de Paris et l'organisation de la vie artistique qui en découle, est proclamé mort par le critique d'art Félix Fénéon dès 1886, un peu plus d'une dizaine d'années après ses débuts seulement.

    Au début du XXe siècle, l'impressionnisme est déjà à son tour synonyme d'académisme, de "peinture bourgeoise française", notamment en Allemagne où la vie artistique est en pleine effervescence après la France.

    "Swan", par Néjib (éd. Gallimard), ambitionne de redonner vie à ce mouvement en brossant les portraits croisés de ses principaux protagonistes. L'Américaine Mary Cassatt (1844-1926) a inspiré le personnage (principal) de Swan ; c'est une bonne idée d'avoir retenu un point de vue américain car cela permet de souligner le contraste entre la culture française -disons "sexiste et hédoniste"- et la culture américaine "féministe et puritaine" de Mary Cassatt.

    Le dessin est vif et pas du tout académique, le scénario bien rythmé, mais "Swan" souffre de la comparaison que l'on ne peut s'empêcher de faire avec le "Picasso" de Julie Birmant (et Oubrerie) ; cet ouvrage parvenait à replacer Picasso, trop souvent qualifié de "génie", dans son contexte parisien voire "montmartrois".

    "Swan" est trop décousu pour permettre le même recul sur la petite révolution artistique que fut l'impressionnisme. Les rapports ambigus entre le milieu artistique et la bourgeoisie à la fin du XIXe siècle sont peu montrés ; or la spéculation accrue sur les oeuvres d'art a favorisé l'émancipation des grandes expositions officielles. La "manière impressionniste" préexiste aux impressionnistes, puisque on la retrouve chez Delacroix (pour qui tout était couleur, même les ombres), accompagnée d'un mobile plus précis (faire fusionner la peinture et la musique) ; mais Delacroix n'aurait pas cautionné la trivialité des thèmes traités par Monet ou Degas.

    Swan - tome I : Le Buveur d'Absinthe, par Néjib, éd. Gallimard-BD, 2018.

  • Idée***

    Les éditions Martin de Halleux rééditent "Idée", série de bois gravés par l'artiste Frans Masereel, originaire de webzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,frans masereel,critique,kritik,bois gravé,martin de halleuxFlandre occidentale.

    Cette bande dessinée muette en noir et blanc, publiée pour la première fois en France en 1920, était tombée dans l'oubli.

    Comme son titre l'indique, l'ouvrage de Masereel met en scène LA divinité des Temps modernes, qui a remplacé Dieu en Occident : l'Idée. Même la plupart des derniers croyants et des derniers théologiens ne croient pas tant en dieu qu'ils défendent une "idée de dieu".

    On pourrait bâtir des cathédrales modernes à la gloire de l'Idée, d'ailleurs il y en a plein. Brûler des millions d'hérétiques au nom de l'Idée - d'ailleurs c'est déjà fait.

    Masereel donne à l'Idée les traits d'une femme, une sorte de déesse ballottée au gré du hasard, mais toujours fière... un peu comme Don Quichotte. Cette créature est accouchée par un homme par la tête (ainsi que Zeus accoucha d'Athéna), un homme que l'on peut supposer un "intellectuel" -et il est vrai que les intellectuels entretiennent avec les femmes les mêmes rapports qu'avec les idées.

    Très vite la créature échappe à son démiurge pour vivre une existence autonome, qui n'a rien d'une sinécure. L'idée voyage, elle est tour à tour outragée, puis adulée, communiste, fachiste, capitaliste, catholique, anticléricale, prostituée, pure, emprisonnée puis propulsée aux quatre coins de la terre à l'aide des moyens de communication modernes...

    Contrairement à la statue de la Liberté qui barre l'entrée du port de New York et son apparence de brute impavide, l'Idée de Masereel est émouvante et souple, mobile...

    Mobile à tel point que, nous dit la préface, "Idée" fit l'objet d'une adaptation en dessin-animé à raison de 24 images par seconde (1934). Malgré la raideur de la technique du bois gravé, le mérite de Masereel est de montrer ici le rapport étroit entre l'idée et le mouvement. Une idée chasse l'autre ; ou faut-il dire qu'elle engendre l'idée contraire ?

    Pas sûr que le propos de Masereel soit autobiographique. Il est, certes, d'une époque où les artistes se piquent d'avoir des idées ; mais l'artiste est plus limité par la matière que ne l'est l'intellectuel ou même l'ingénieur, capable parfois de postuler plusieurs univers sans jamais être sorti de son cabinet d'études.

    Masereel côtoya de près quelques intellectuels, notamment "pacifistes" comme Romain Rolland. Un siècle plus tard la Paix, comme sa soeur la Liberté, court toujours et tient les hommes en haleine.

    Idée, par Frans Masereel (préface de Lola Lafon), éd. Martin de Halleux, 2018.

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  • Le Pays des Purs***

    "Le Pays des Purs" (traduction de "Pakistan") est un reportage en bande-dessinée à partir des souvenirswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,kritik,critique,pays des purs,pakistan,hubert maury,sarah caron,benazir bhutto,islamabad,scoop,evelyn waugh,boite a bulles de Sarah Caron, photographe pour la presse magazine, illustrés par Hubert Maury (la présentation de l'éditeur sous-entend qu'il est son compagnon).

    Proche du dessin-animé, le style d'H. Maury évoque "Tintin" ; mais la comparaison s'arrête à peu près là. Partie à Islamabad dans l'espoir d'y faire une photo sensationnelle ou de glaner un scoop, Sarah Caron va avoir la chance de pouvoir photographier Benazir Bhutto quelques jours avant son assassinat (2007).

    Sarah Caron ne manque pas de souligner que Benazir Bhutto, surnommée "BB" par son entourage, est un personnage exceptionnel, une véritable star de cinéma. Mieux que quiconque elle représentait le Pakistan, pays neuf issu de la partition de l'Inde, peuplé de plus de 200 millions d'habitants en majorité musulmans.

    Or une star de cinéma, ce n'est pas grand-chose : une sorte de mascotte. D'ailleurs Sarah Caron indique que Benazir Bhutto se savait condamnée, ayant été mise "hors jeu" politiquement ; sa renommée internationale s'est retournée contre elle.

    "Le Pays des Purs" esquisse un portrait peu reluisant des élites politiques pakistanaises, Benazir Bhutto inclusivement. Sans doute ce portrait est-il assez réaliste. Sans rentrer dans les détails fastidieux des magouilles politico-diplomatiques, "Le Pays des Purs" laisse entrevoir un panier de crabes où la pureté n'apparaît que sous la forme de la pure violence, omniprésente : violence policière, violence populaire, violence des ethnies rebelles. La violence impure de l'argent, plus insidieuse, se laisse deviner dans l'ombre.

    On peut reprocher à Hubert Maury d'idéaliser sa compagne, d'en faire une sorte de Tintin au féminin, munie de son appareil photo et de ses valeurs occidentales humanistes. Quelques éléments vont dans ce sens : Sarah Caron fait preuve d'un courage à la limite de la témérité et n'hésite pas à s'aventurer dans des zones dangereuses. Cela dit la BD montre la réalité du métier de reporter, qui n'est guère reluisante non plus.

    Les auteurs ne cachent pas que c'est avant tout l'opportunisme qui fait prendre à la photographe un vol pour le Pakistan agité, en quête de "scoops" et de photos sensationnelles. La photo de Benazir Bhutto commandée par le "Time magazine" est un cliché qui occulte presque tout : la peur de "BB" de mourir, sa fin prochaine, la complexité des complots politiques en train de se nouer. On comprend que la presse occidentale est avide de telles photos pour une clientèle qui consomme l'information, appuyant des thèses préfabriquées.

    A ceux qui trouveraient cette BD un peu trop "gentille" avec les reporters, on conseillera de lire "Scoop" (1938), satire féroce du milieu des reporters par Evelyn Waugh, qui fut lui même correspondant du "Daily Telegraph" de Londres en Ethiopie lorsque ce territoire excitait la convoitise du Royaume-Uni et celle de l'Italie rivale.

    Le Pays des Purs, par Sarah Caron et Hubert Maury, éd. La Boîte à Bulles, 2017.

  • L'Enragé de Siné****

    N'étant pas né en 1968, je porte sur ce mouvement de contestation un regard détaché... ou presque ; en effet,webzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,enragé,siné,caricature,cardon,cgt,pcf,police,hoebeke,hara-kiri un certain nombre d'acteurs de "Mai 68" ont joué un rôle politique ou médiatique de premier plan au cours des dernières décennies. Le parti socialiste (de François Mitterrand) est en grande partie le produit de "Mai 68".

    Les éditions Hoëbeke ont eu la bonne idée de publier et de vendre à un prix raisonnable le fac-similé des douze numéros que compta "L'Enragé", fanzine soixante-huitard dirigé par Siné et une petite équipe de caricaturistes contre le pouvoir gaulliste.

    On aborde "Mai 68" en feuilletant "L'Enragé", sous un angle différent de la politique politicienne auquel on est habitué ; un angle beaucoup plus frais ou jeune, car les affiches et les slogans électoraux jaunissent vite et se ramassent à la pelle.

    La politique, Siné et son équipe de dessinateurs la rêvent ; de façon significative, l'idéal est cubain, c'est-à-dire vague et exotique. "L'Enragé" vomit non seulement le gaulllisme, mais aussi le communisme et le syndicalisme d'apothicaires tels qu'ils se pratiquent en France depuis la Libération.

    Siné, Cabu, Willem et quelques autres sont certes plus doués pour démolir et pourfendre -la police, l'armée, de Gaulle- que pour proposer quelque chose de concret à la place. "L'Enragé" est un concentré de jouissance virile, beaucoup moins cynique que "Hara-Kiri" n'était.

    "L'Enragé" était sans doute condamné dès le début à mourir, comme les taulards qui, une fois évadés, préfèrent crever pour ne pas retourner en prison. Le titre du fanzine le laisse présager, tout comme les appels du chef Siné à écouler 35.000 exemplaires (!) pour pouvoir survivre à la censure larvée du diffuseur unique de la presse française (que le Pr Choron aura été le seul à vaincre dans la 2nde moitié du XXe siècle en créant de toutes pièces un réseau parallèle).

    Notons encore la prise de bec entre le dessinateur Cardon et Siné. Le premier refuse d'être associé aux flèches de "L'Enragé" contre la CGT et le PCF. Le second n'en a cure et enfonce le clou. Anecdote pas si anecdotique, car elle révèle combien les soixante-huitards sincères étaient isolés, cernés non seulement par la police mais aussi par les calculs politiciens. "L'Enragé" appelait à la révolte dans un contexte où elle était devenue impossible en France, et la lutte des classes déjà réduite à une parodie de lutte des classes.

    On pourrait discuter ici les mérites comparés du pamphlet ("L'Enragé") et de la satire ("Hara-Kiri"). Une chose est sûre, de ce point de vue : les élites modernes redoutent beaucoup plus la satire qu'elles ne craignent la violence. Un bon caricaturiste est -en 2018- un caricaturiste mort et empaillé, transformé en martyr de la "liberté d'expression", dont on enseigne le culte à l'école.

    "L'Enragé" - fac-similé des 12 numéros, éd. Hoëbecke, 2018.

  • Le Pouvoir de la Satire*

    Ni sérieux ni comique.webzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,pouvoir,satire,dargaud,fabrice erre,terreur graphique

    A contre-courant de l'esprit satirique, il s'agit ici de contribuer à forger le mythe d'un régime républicain favorable à la satire, la caricature, la critique. Si l'on comprend l'intérêt sur le plan politique d'une telle mystification, il est beaucoup plus étonnant de voir des auteurs satiriques y contribuer, en l'occurrence Terreur Graphique ("L'Obs") et Fabrice Erre ("Fluide Glacial").

    Ce dernier enseigne en outre l'Histoire au lycée, ce qui explique peut-être sa partialité. En effet, s'il y a bien une institution imperméable à la satire, c'est l'institution scolaire française.

    S'il peut paraître légitime de proscrire la satire à l'école afin de préserver l'autorité et la discipline nécessaires à l'instruction, l'enseignement de la "liberté d'expression" (et donc de la satire) comme une valeur fondamentale de la République française, est beaucoup plus contestable.

    Il ne suffit pas d'intituler un journal "Pravda" pour que la vérité soit contenue dans ce journal. Il ne suffit pas non plus de graver "Liberté, égalité, fraternité" aux frontons des temples républicains pour que la liberté, l'égalité et la fraternité soient accomplies, ni même pour qu'elles soient des objectifs éthiques ou politiques. Or Fabrice Erre et Terreur Graphique ne semblent pas avoir conscience d'un tel décalage, comme deux écoliers qui seraient persuadés que tout ce qu'ils ont appris à l'école est véridique.

    L'étude des moyens légaux mis en oeuvre par les autorités de censure de tel ou tel pays ou régime ne fournit que très peu d'indication sur l'état réel de la censure.

    La publication d'un tel ouvrage à l'occasion du cinquantième anniversaire de Mai 68 et du lancement de "Charlie-Hebdo" est même assez stupéfiante car on ne peut pas dire que ce mouvement et ce titre de presse épargnèrent les institutions républicaines.

    Le Pouvoir de la Satire, par Fabrice Erre et Terreur Graphique, éd. Dargaud, avril 2018.

  • Le Libéralisme**

    22e opus de la collection "La petite Bédéthèque des Savoirs", cette BD se présente comme une enquête sur lewebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,libéralisme,dutreix,pierre zaoui,bédéthèque,savoir,lombard,marx,chine,européiste "libéralisme".

    Les auteurs, P. Zaoui et R. Dutreix, s'attachent à démontrer que le libéralisme est une notion ou une doctrine incohérente. En effet les principaux essayistes qui se réclament du libéralisme divergent beaucoup trop pour que l'on puisse dégager un PPCM voire un PGCD.

    La démonstration s'appuie sur l'illustration que l'idéologie libérale a permis aussi bien de cautionner l'ordre public étatique que les mouvements révolutionnaires opposés. L'individualisme, qui passe parfois pour une valeur ou un principe libéral, ne l'est pas particulièrement; en effet, la plupart des auteurs libéraux plaident pour l'affranchissement de l'individu de certaines contraintes en arguant de son bénéfice pour la collectivité.

    Les auteurs auraient pu prendre pour exemple (flagrant) la "liberté d'expression" ; sa formule libérale autorise la censure dès lors que cette liberté représente une menace pour l'ordre étatique.

    Les auteurs auraient aussi pu prendre l'exemple plus concret de la Chine, nation dont il est pratiquement impossible de dire si elle représente un régime de droit libéral ou non (il y a autant d'arguments dans les deux sens).

    Le principal mérite de cette enquête est de souligner que le libéralisme n'a pas de frontières politiques bien délimitées ; un certain nombre de soi-disant détracteurs du libéralisme, pour des raisons démagogiques se posent en adversaires du libéralisme tout en menant une politique similaire à celles menées par des gouvernements portant l'étiquette libérale.

    Et les auteurs de définir le libéralisme comme une "galaxie", bien que le terme de "nébuleuse" aurait été préférable. De façon étonnante, le constat de son inconsistance ne semble pas ternir l'aura de l'idéologie libérale à leurs yeux.

    Néanmoins cette enquête sur le libéralisme souffre de trois défauts majeurs :

    - L'enquête s'arrête là où elle commence à devenir intéressante; en effet, une fois que l'on a mis en évidence que le libéralisme ne désigne aucune doctrine et aucune politique précisément, en même temps que le libéralisme a une aura extraordinaire, on se retrouve pratiquement devant une énigme plus intéressante que l'étude du libéralisme en lui-même. On doit se poser la question : le libéralisme est-il une simple ruse ?

    - Par ailleurs cette BD ne nous apprend pas grand-chose que les critiques du libéralisme ne pointent depuis longtemps. L'idée que l'étatisme et le capitalisme se confortent mutuellement, loin de s'opposer suivant la propagande de certains partis politiques, a été démontré par Marx il y a plus d'un siècle.

    Plusieurs exemples contemporains valident cette démonstration : le projet libéral européiste, calqué sur les Etats-Unis, se heurte ainsi notamment à l'absence d'appareil d'Etat (unifié). Par ailleurs la transition de la Russie d'un régime soviétique à un régime libéral s'est faite presque sans coup férir.

    - Enfin cette enquête ne se penche pas assez sur l'aspect mystique ou religieux de l'idéologie libérale, bien que l'observation de son incohérence incite pourtant à s'y intéresser.

    Il est difficile de ne pas faire un lien entre l'irruption de la notion de liberté en politique et le christianisme. "Liberté politique" ne veut pratiquement rien dire dans l'Antiquité, où la politique est envisagée sous l'angle du rapport de force, tandis que la liberté est devenue au cours de l'ère chrétienne un véritable leitmotiv.

    On discerne aussi une forme de mysticisme légal. La loi en impose beaucoup plus qu'elle ne peut dans les régimes libéraux. L'impuissance des économistes libéraux à prédire à moyen ou long terme les mouvements de l'économie ne les dissuade pas de donner la forme légale à leurs hypothèses, quand ils ne basculent pas carrément dans des prophéties chimériques ou un darwinisme économique qui n'est pas plus scientifique que le darwinisme social nazi.

    Sur le plan des codes juridiques à proprement parler, on pense à une ancienne recommandation adressée au(x) législateur(s) anglais par un auteur spécialisé dans le droit -ne pas ajouter une loi à un code sans en retrancher une caduque simultanément, afin d'éviter l'inflation juridique et les problèmes d'application de la règle de droit qui s'ensuivent. C'est peu de dire que les politiques libérales se défient de cette ancienne recommandation. Les Etats-Unis ne sont pas le seul exemple de prolifération de la norme légale, qui manifeste une certaine horreur mystique du vide juridique. 

    Le Libéralisme - enquête sur une galaxie floue, par Pierre Zaoui et Romain Dutreix. La petite Bédéthèque des Savoirs, Le Lombard, 2018.

  • The New-Yorker-La France et les Français***

    Il s'agit ici d'un recueil de 200 dessins tirés de l'hebdomadaire satirique américain "The New-Yorker", traduitswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,new-yorker,dessin,presse,satirique,france,français,jean-loup chiflet,new-york,cabu,tomi ungerer,booth,états-unis,arno,editorial cartoon
     et présentés par Jean-Louis Chiflet (une version plus exhaustive a été publiée dans une autre collection).

    "La France et les Français" est un surtitre trompeur, car sont caricaturés ici tout autant, si ce n'est plus que les Français, les touristes américains. Comme le touriste est, par définition, un type plein de préjugés, cela permet de faire le tour des clichés sur ces deux nations, leurs ressortissants et ce qui les oppose.

    Du point de vue américain, les Français sont incroyablement minces, bourrus (pour ne pas dire hostiles), contents d'eux-mêmes, futiles (partagés entre leur passion pour la mode et leur passion pour la gastronomie), légèrement arriérés et surtout dotés des services de taxi les moins bien conçus du monde.

    Quant aux Américains ils ont tendance à croire que le monde vient de naître comme les Etats-Unis, à être plutôt pudibonds (le dévergondage à la française est une véritable attraction touristique), et à se délecter du nom des vins et leurs consonances plutôt que de leur substance. Il est vrai que ces Américains ne sont pas représentatifs, puisque ce ne sont là que des touristes new-yorkais plutôt aisés.

    La fresque est chronologique puisque les dessins sont classés par dates, en partant d'une tranche 1925-1939, jusqu'à la période 1967-2006. Cela permet de mesurer la répercussion de certains événements politiques importants, quoi que les dessinateurs du "New-Yorker" s'y intéressent peu, préférant faire des observations psychologiques. On note tout de même l'indication de "l'ingratitude" des Français après la Libération, qui surprend les Américains.

    Dans l'ensemble on reste dans un registre léger ; la tâche des humoristes du "New-Yorker" est de faire sourire le lecteur, si possible subtilement ; on est loin de l'intention provocatrice, voire subversive, de certains caricaturistes ou titres de presse européens. On se souvient que le caricaturiste Tomi Ungerer, après un début de carrière prometteur à New York, se mit à dos l'intelligentsia new-yorkaise en publiant des dessins au vitriol, montrant les New-yorkais sous un jour peu favorable.

    En comparaison des dessins du "New-Yorker", les reportages dessinés par Cabu lors de séjours aux Etats-Unis sont de véritables pamphlets. Hormis Barack Obama et les lignes audacieuses de quelque "building" new-yorkais, rien ne trouve grâce aux yeux du caricaturiste français dans le mode de vie américain.

    On s'aperçoit donc que la culture ne fait pas que "rassembler" les hommes, elle est est aussi un facteur de division ; d'autre part la culture n'est pas seulement faite de choses raffinées, artistiques ou littéraires, mais aussi d'une foule de détails mesquins.

    En dépit des efforts déployés au cours des dernières décennies par les élites françaises pour combler le fossé culturel entre la France et les Etats-Unis, l'antipathie persiste, qui dépasse les clivages politiques. Cette antipathie n'est pas exclusive d'une forme de fascination réciproque ; fascination de l'Américain pour ses origines européennes et un savoir-vivre français (ou italien) en voie de disparition, et fascination des Français pour l'Avenir, incarné depuis la Libération par la première puissance mondiale.

    The New-Yorker, La France et les Français, trad. J.-L. Chiflet, Les Arènes-Points, 2010.

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    (Dessin de Peter Arno)

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    (Dessin de Booth)