Bast a tiré de son expérience de prof de BD à la maison d’arrêt de Gradignan ce reportage dessiné. Comme quoi il n’y a pas forcément besoin d’aller jusqu’en Afghanistan ou en Palestine pour trouver des sujets brûlants; il suffit de pénétrer dans les coulisses de la société, derrière une série de lourdes que l’on déverrouille au fur et à mesure sur le passage du prof. Du prof quasi-missionnaire, car on se doute bien qu’il ne s’agit pas de donner des leçons de BD académiques.
La mission première est de désennuyer les jeunes détenus de la vie de taulard, par petits groupes réunis dans une morne salle. C’est un des moyens dont l’administration pénitentiaire dispose, outre la Playstation et quelques séances de musculation, pour combattre la mélancolie et le suicide.
Bast s’adapte à la demande ; fait des croquis des frères et soeurs d’après photo, enseigne que les gonzesses à poil ne sont pas le seul motif de dessiner ; fait preuve de patience, surtout.
Bast ne juge pas les jeunes détenus, ni tellement le système pénitentiaire : il se contente plutôt d’en observer et d’en rapporter les codes, avec une note d’humour. Enseignant le dessin, il est complice d’une certaine forme d’évasion, qui permet aux jeunes détenus de se livrer un peu… plus facilement qu’à une console de jeu.
Y a-t-il un rapport entre la BD et la prison ? J’en suis persuadé, et je crois en trouver dans quelques dessins suggestifs de grilles, corridors, portes et fenêtres, la confirmation. Sans le dessin, la BD se présenterait comme une grande prison vide. D’ailleurs, certains théoriciens prétendent que le dessin n’est pas essentiel en BD ; de même, chaque détenu compte moins que la prison - dont l’effet est rassurant pour tout le monde, comme le ronronnement de la BD séquentielle qui fait tic-tac-tic-tac.
En Chienneté, Bast, La Boîte à Bulles, 2013.
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