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gwen de bonneval

  • Revue de presse BD (171)

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    Un des plus vieux croquis répertoriés de Walt Disney (1918), vendu récemment aux enchères à New York

    + Visible jusqu'à dimanche prochain sur "Arte-replay", un long documentaire (plus de 3 heures) en deux volets consacré à Walter Elias Disney qui, nous dit le reportage, "transforma le dessin-animé en art". La formule est un peu pompeuse et ne veut pas dire grand-chose. Le documentaire n'est pas assez critique, mais comporte de nombreuses images d'archives et brosse un portrait assez fouillé de ce personnage hors du commun, "self made man" américain sorti apparemment de nulle part. On sait les points communs entre le cinéma d'animation et la BD franco-belge, cette dernière étant un cinéma d'animation "bon marché", du moins à ses débuts. Walt Disney et le Belge Hergé ont d'ailleurs quelques points de ressemblance, dont la soif de reconnaissance et une enfance un peu triste. On aurait aimé un propos plus critique, non pas tant à propos de Walt Disney que de son art emblématique de l'Amérique de la première moitié du XXe siècle ou de la culture de masse. L'usage politique du rêve et du divertissement demeure en effet un sujet d'actualité.

    + Signalons le décès de Jacques Rampal (19 décembre), qui collabora pendant de longues années au journal "Pilote" et publia avec le dessinateur Jean-Claude Morchoisne et Jean Mulatier une série de portraits-charges d'hommes politiques, transformés en animaux, qui fut un succès de librairie ("Ces Animaux qui nous gouvernent", 1984).

    + "Presse-Océan" annonce que la ville de Nantes va se doter d'une maison de la bande-dessinée en 2016, la "maison Fumetti", vaste de 600 m2 et qui sera dirigée par Gwen de Bonneval, Cyril Pedrosa et Tangui Jossic, auteurs de BD. "Fumetti" est le mot pour dire "bandes-dessinées" en... italien ; c'est sans doute pour faire "style".

    + La querelle qui divise la gauche à propos de l'islam et de "Charlie-Hebdo" n'aura connu qu'une courte trêve après l'attentat contre l'hebdomadaire. Cela prouve que l'idéologie, comme la religion, crée un sentiment d'unité superficiel. La militante féministe Caroline Fourest a pris part récemment aux hostilités, rédigeant une tribune dans le magazine "Transfuge" (11 Novembre). Sa prise de position en faveur de Philippe Val a le mérite d'être claire. "(...) Ma bande à moi, celle que j'admirais, venait de la "Grosse Bertha". Les éditos fracassants de Val ; Cabu, notre maître à tous. Et cette ribambelle de dessinateurs, furieusement doués, qu'ils ont mis sur orbite : Charb, Luz, Riss, Tignous, Honoré..."

    Et C. Fourest de qualifier au passage "l'autre "Charlie", l'ancienne version lancée par Cavanna et Choron, de "journal potache, vaguement anar". C. Fourest est libre de préférer Luz, Charb et Riss à Reiser ; d'autres ont témoigné dans le sens contraire, comme Willem. Cabu, dont on peut croire l'avis sérieux, s'est toujours prudemment gardé d'un jugement artistique.

    La militante dit ailleurs : "(...) On se moquait des garçons et de leurs dessins sexistes. Ils le prenaient bien, surtout Tignous, avec des airs d'ourson dépité. (...) Des années plus tard, les voilà convertis aux FEMEN. Quel trajet."

    A juste titre, Caroline Fourest explique dans sa tribune que l'humour permet souvent de surmonter les divisions idéologiques ; en revanche, elle n'a jamais parue plus disposée à plaisanter sur le sujet du féminisme, qui semble lui tenir à coeur au moins autant qu'à raison, que certains musulmans ne semblent disposés à entendre les plaisanteries des Occidentaux concernant Allah. L'humour des sectateurs des valeurs républicaines (parmi lesquelles "l'égalité" paraît aussi improbable que certains principes religieux), est une notion aussi incertaine que l'humour du pape ou de la Reine d'Angleterre. Si C. Fourest prenait la peine de se renseigner sur la presse satirique française, elle pourrait constater que très rares sont les humoristes ou les titres de presse qui ont mis en avant de telles "valeurs républicaines".

    + Le festival d'Angoulême qui se tiendra fin janvier a décidé d'accorder cette année en l'exposant une place d'honneur à Morris et son célèbre "Lucky-Luke", produit largement de conserve avec Goscinny. Les deux auteurs avaient réussi dans quelques albums de la série à faire passer un peu de l'esprit de la conquête de l'Ouest et des pionniers, en y ajoutant une note d'humour.

    Paradoxalement, "Lucky-Luke" est plus réaliste que de nombreux westerns, Goscinny ayant eu la bonne idée de s'inspirer du témoignage d'un authentique pionnier, Mark Twain. On attribue à Morris l'invention de l'expression "Neuvième art", mais Morris a toujours tenu, comme Goscinny du reste, à se démarquer d'un certain intellectualisme : "Non, nous qui les créons, les BD, nous ne prenons pas très au sérieux toute cette très pompeuse littérature." ("Giff Wiff", 1965) - sage méfiance des cacouacs, d'ailleurs, car l'académisme n'est jamais très loin de l'intellectualisme.

     

  • Varulf***

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    Gwen de Bonneval au scénario et Hugo Piette au dessin donnent un conte fantastique dans la collection Bayou (Gallimard), sur le thème du loup-garou. « Varulf » est un terme scandinave pour dire la métamorphose de l’homme en animal sauvage.

    On déplore la présentation éditoriale en deux tomes, ce qui permet tout au plus, quand le premier tome est décevant, de faire l’économie du second (on connaît la préoccupation des éditeurs de la déforestation et du gaspillage de papier). Ce n’est pas le cas du premier tome de «Varulf», qui propose une variation originale, à ma connaissance, sur le thème de la métamorphose, puisque les enfants d’un village de paysans se transforment en bêtes sauvages et cruelles à la nuit tombée, et massacrent ensuite leurs parents.

    Il m’est difficile de conjecturer sur le sens de ce conte, n’ayant pas encore lu le second tome. Mais la signification morale et politique de la métamorphose de l’homme en animal est archi-connue. Parmi les métamorphoses récentes moins connues que celle de Kafka en insecte, exprimant son sentiment d’une modernité totalitaire oppressante, une blogueuse-bd s’est transformée en renard au cours de son récit introspectif, avant d’entamer une brillante carrière. Les contes nordiques décrivant des loups bernés par des renards semblent dire le déclin de la puissance virile physique au profit de… disons l’habileté féminine. Dans une fable à connotation antisémite de Jean Anouilh, les Juifs sont des rats (capables de creuser des galeries pour s’enfuir jusqu’en Amérique), les Allemands des chats (amateurs de jeux cruels), et les Français des chiens (braves et stupides).

    S’agit-il dans «Varulf» d’une fable fantastique et prémonitoire sur la fracture cruelle entre les générations ? Il est trop tôt pour le dire.

    Le dessin d’Hugo Piette (diplômé de l’Ecole Saint-Luc) est dans le style «ligne claire», un peu abstrait et puritain à mon goût, mais rendant le conte plus lisible.

     

    Varulf – tome 1, Gwen de Bonneval & Hugo Piette, Gallimard-Bayou, 2013.

  • Le Roi Oscar****

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    Les vastes étendues glacées du Nord-Est du Groenland sont des territoires où l’on ne s’attend guère à rencontrer l’humour, mais plutôt la génuflexion la plus stricte, compte tenu de la rigueur des éléments sous cette latitude extrême.

    Le Danois Jorn Riel, avec ses contes drolatiques basés sur l’infini ridicule de l’existence humaine, prouverait presque le contraire si ses trappeurs scandinaves exilés au Groenland riaient vraiment. Mais n’est-ce pas plutôt le lecteur qui sourit à leurs dépends ? Une part du rire, dit Baudelaire, vient du fait qu’autrui, par sa dégringolade, nous fait éprouver le sentiment d’être en position supérieure.

    Certes, il y a de quoi se réjouir de ne pas devoir faire la conversation au «Roi Oscar», vulgaire cochon, jusqu’à s’en éprendre, comme Vieux-Niels et Halvor dans leur chalet coupé du monde par le blizzard, tandis qu'on dispose en France de «tout ce qu’il faut», et bien plus, pour nourrir les sentiments. Jorn Riel ne se limite d’ailleurs pas au rire gras; l’immensité blanche et glaciale de l’Arctique, cet auteur nous la montre comme un alcool fort, auquel nul homme, fût-ce Danois, ne résiste bien longtemps.

    Autant dire qu’il fallait pas mal de talent de la part de Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle pour traduire fidèlement en BD ces quelques contes ironiques. Le comique de situation est seulement une question de technique pour l’auteur de BD et son scénariste: une question de la bonne case au bon moment. Mais pour l’humour noir, il faut un peu plus que de l’encre de cette couleur, comme la rareté des réussites dans ce domaine témoigne.

    Les amateurs d’œuvres originales, portés souvent eux-mêmes à se croire des spécimens «uniques», ont tendance -par principe- à dénigrer l’adaptation en BD de chefs-d’oeuvres de la littérature. Cette espèce de puritanisme fait oublier que les œuvres d’art les plus indémodables ont une existence autonome de leurs auteurs. Plus utilement, on fera le tri entre les ouvrages littéraires qui se prêtent à la traduction, et ceux qui n’y sont pas, ou peu, propices, comme les ouvrages de style.

    En ce qui concerne le dessin d’H. Tanquerelle, il m’a fait penser à de nombreux dessinateurs aussi variés que Gus Bofa, Dimitri, Blutch, Crumb, et on ne peut pas dire qu’il soit original lui non plus, mais justement placé entre le grotesque et le réalisme, comme l’exigent les contes de Jorn Riel.

    Ed. Sarbacane, 2011 (deux tomes parus, un 3e en cours).

    (Zombi - leloublan@gmx.fr - critiques 2012)