Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

charlie-hebdo - Page 19

  • Revue de presse BD (171)

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,revue de presse,170,actualité,décembre,2015,walter elias disney,documentaire,arte,hergé,dessin-animé,culture de masse,jacques rampal,jean-claude morchoisne,ces animaux qui nous gouvernent,presse-océan,maison fumetti,gwen de bonneval,cyril pedrosa,tangui jossic,morris,goscinny,lucky-luke,mark twain,cacouac

    Un des plus vieux croquis répertoriés de Walt Disney (1918), vendu récemment aux enchères à New York

    + Visible jusqu'à dimanche prochain sur "Arte-replay", un long documentaire (plus de 3 heures) en deux volets consacré à Walter Elias Disney qui, nous dit le reportage, "transforma le dessin-animé en art". La formule est un peu pompeuse et ne veut pas dire grand-chose. Le documentaire n'est pas assez critique, mais comporte de nombreuses images d'archives et brosse un portrait assez fouillé de ce personnage hors du commun, "self made man" américain sorti apparemment de nulle part. On sait les points communs entre le cinéma d'animation et la BD franco-belge, cette dernière étant un cinéma d'animation "bon marché", du moins à ses débuts. Walt Disney et le Belge Hergé ont d'ailleurs quelques points de ressemblance, dont la soif de reconnaissance et une enfance un peu triste. On aurait aimé un propos plus critique, non pas tant à propos de Walt Disney que de son art emblématique de l'Amérique de la première moitié du XXe siècle ou de la culture de masse. L'usage politique du rêve et du divertissement demeure en effet un sujet d'actualité.

    + Signalons le décès de Jacques Rampal (19 décembre), qui collabora pendant de longues années au journal "Pilote" et publia avec le dessinateur Jean-Claude Morchoisne et Jean Mulatier une série de portraits-charges d'hommes politiques, transformés en animaux, qui fut un succès de librairie ("Ces Animaux qui nous gouvernent", 1984).

    + "Presse-Océan" annonce que la ville de Nantes va se doter d'une maison de la bande-dessinée en 2016, la "maison Fumetti", vaste de 600 m2 et qui sera dirigée par Gwen de Bonneval, Cyril Pedrosa et Tangui Jossic, auteurs de BD. "Fumetti" est le mot pour dire "bandes-dessinées" en... italien ; c'est sans doute pour faire "style".

    + La querelle qui divise la gauche à propos de l'islam et de "Charlie-Hebdo" n'aura connu qu'une courte trêve après l'attentat contre l'hebdomadaire. Cela prouve que l'idéologie, comme la religion, crée un sentiment d'unité superficiel. La militante féministe Caroline Fourest a pris part récemment aux hostilités, rédigeant une tribune dans le magazine "Transfuge" (11 Novembre). Sa prise de position en faveur de Philippe Val a le mérite d'être claire. "(...) Ma bande à moi, celle que j'admirais, venait de la "Grosse Bertha". Les éditos fracassants de Val ; Cabu, notre maître à tous. Et cette ribambelle de dessinateurs, furieusement doués, qu'ils ont mis sur orbite : Charb, Luz, Riss, Tignous, Honoré..."

    Et C. Fourest de qualifier au passage "l'autre "Charlie", l'ancienne version lancée par Cavanna et Choron, de "journal potache, vaguement anar". C. Fourest est libre de préférer Luz, Charb et Riss à Reiser ; d'autres ont témoigné dans le sens contraire, comme Willem. Cabu, dont on peut croire l'avis sérieux, s'est toujours prudemment gardé d'un jugement artistique.

    La militante dit ailleurs : "(...) On se moquait des garçons et de leurs dessins sexistes. Ils le prenaient bien, surtout Tignous, avec des airs d'ourson dépité. (...) Des années plus tard, les voilà convertis aux FEMEN. Quel trajet."

    A juste titre, Caroline Fourest explique dans sa tribune que l'humour permet souvent de surmonter les divisions idéologiques ; en revanche, elle n'a jamais parue plus disposée à plaisanter sur le sujet du féminisme, qui semble lui tenir à coeur au moins autant qu'à raison, que certains musulmans ne semblent disposés à entendre les plaisanteries des Occidentaux concernant Allah. L'humour des sectateurs des valeurs républicaines (parmi lesquelles "l'égalité" paraît aussi improbable que certains principes religieux), est une notion aussi incertaine que l'humour du pape ou de la Reine d'Angleterre. Si C. Fourest prenait la peine de se renseigner sur la presse satirique française, elle pourrait constater que très rares sont les humoristes ou les titres de presse qui ont mis en avant de telles "valeurs républicaines".

    + Le festival d'Angoulême qui se tiendra fin janvier a décidé d'accorder cette année en l'exposant une place d'honneur à Morris et son célèbre "Lucky-Luke", produit largement de conserve avec Goscinny. Les deux auteurs avaient réussi dans quelques albums de la série à faire passer un peu de l'esprit de la conquête de l'Ouest et des pionniers, en y ajoutant une note d'humour.

    Paradoxalement, "Lucky-Luke" est plus réaliste que de nombreux westerns, Goscinny ayant eu la bonne idée de s'inspirer du témoignage d'un authentique pionnier, Mark Twain. On attribue à Morris l'invention de l'expression "Neuvième art", mais Morris a toujours tenu, comme Goscinny du reste, à se démarquer d'un certain intellectualisme : "Non, nous qui les créons, les BD, nous ne prenons pas très au sérieux toute cette très pompeuse littérature." ("Giff Wiff", 1965) - sage méfiance des cacouacs, d'ailleurs, car l'académisme n'est jamais très loin de l'intellectualisme.

     

  • Revue de presse BD (170)

    La fête de Noël est propice aux mauvais rêves ou aux cauchemars, provoqués comme chacun sait par l'abus de boisson et de nourriture. Mettez la pédale douce et lisez plutôt Zébra !

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,revue de presse,170,actualité,décembre,2015,noël,cauchemar,joan cornella,souscription,maya neyestani,réfugié politique,caricaturiste,iran

    + Le dessinateur satirique Joan Cornella n'est pas à proprement parler représentatif de "l'esprit de Noël", mais plus exactement de toute l'hypocrisie et la violence sociales qui se cachent derrière une telle expression. Ses strips à l'humour grinçant sont publiés en album, mais l'artiste espagnol vient de lancer une souscription pour que les meilleurs d'entre eux soient adaptés en dessins animés. Sa campagne de souscription est accompagnée d'un petit clip vidéo humoristique.

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,revue de presse,170,actualité,décembre,2015,noël,cauchemar,joan cornella,souscription,maya neyestani,réfugié politique,caricaturiste,iran

    + "Les souffrances éprouvées en France et en Iran ne sont pas équivalentes. Mais on n’est pas obligé d’être enfermé physiquement pour se sentir "en prison". Le caricaturiste iranien Maya Neyestani décrit avec humour dans le "Petit manuel du parfait réfugié politique" sa condition de réfugié en France, à Paris, pas si rose que les ressortissants du pays "hôte" pourraient croire. Les lenteurs administratives, en particulier, font partie des petits supplices que subissent les exilés.

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,revue de presse,170,actualité,décembre,2015,noël,cauchemar,joan cornella,souscription,maya neyestani,réfugié politique,caricaturiste,iran,graffeur,graffiti,street art,banksy,dran

    graffiti par Dran

    + Le "street-art" regroupe des tas de styles différents : certains graffitis sont purement décoratifs, d'autres "identitaires", consistant à tatouer les murs pour marquer son territoire ; quelques petits malins tentent ainsi de forcer la porte des galeries d'art chic, dont les droits d'entrée sont élevés ; il y a même quelques graffeurs satiriques, dont l'Anglais Banksy, le plus connu, ou le Toulousain Dran, dans un style BD, qui proclame : "Comme je ne sais pas écrire, j'ai préféré vous faire un dessin."

    Le "Hors-Humain" est encore d'une autre espèce, inclassable, qui sévit dans le Nord-Ouest de Paris et interpelle l'humanité, dont il tient à la manière d'un anarchiste à se dissocier, par le biais de messages philosophiques peints sur les trottoirs. L'homme, né Allemagne en 1944 sous un déluge de feu, explique dans une interview donnée à la radio "Contact FM" quel "la mort n'est qu'un leurre" (Le Hors-Humain est poursuivi en justice par la Mairie de Paris pour ses graffitis à même le sol.)

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,revue de presse,170,actualité,décembre,2015,noël,cauchemar,joan cornella,souscription,maya neyestani,réfugié politique,caricaturiste,iran,graffeur,graffiti,street art,banksy,dran,hors-humain,marsam graphics,clément lemoine,rius,mexicain

    + Dans "Marsam Graphics", nouveau webzine BD gratuit, Clément Lemoine présente un dessinateur satirique mexicain, Rius, mal connu en France. Ce caricaturiste se réclame pêle-mêle de l'influence de Steinberg, Chaval, Bosc ou Siné.

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,revue de presse,170,actualité,décembre,2015,noël,cauchemar,joan cornella,souscription,maya neyestani,réfugié politique,caricaturiste,iran,graffeur,graffiti,street art,banksy,dran,hors-humain,marsam graphics,clément lemoine,rius,mexicain,groom,spirou,dupuis,charlie-hebdo,magazine

    + Le 7 janvier, un an après l'attentat contre "Charlie-Hebdo", le magazine belge "Spirou" (Dupuis) lance un hors-série "Groom", traitant de l'actualité et destiné à un public d'ados. "Groom" parviendra-t-il à se démarquer de la ligne un peu trop scolaire ou puérile de ce genre de magazine ? A suivre...

  • Revue de presse BD (169)

    webzine,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,décembre,2015,naumasq,star-wars,charlie-hebdo,front républicain,fn,antonio fischetti,culture,star wars,tintin,tintinophilie,finkielkraut,thierry groensteen,surréalisme,mythologie,rêve,robert kopp,shakespeare,cervantès,magzine littéraire,baroque,don quichotte,a nous paris,hemingway,paris est une fête,dos passos,kerouac,modiano,rené fallet,henry miller,marsam,grandpapier,angoulême

    Dessin de Naumasq sur le phénomène culturel "Star Wars"

    + "Charlie-Hebdo", dont le tirage n'est plus confidentiel désormais, s'est rangé derrière le front républicain contre le FN lors des dernières élections régionales, s'immisçant ainsi de plus en plus dans le jeu politique.

    Antonio Fischetti justifie l'implication de l'hebdomadaire humoristique par la menace que le FN représentait pour les budgets de la culture dans les régions (15 décembre). Ce journaliste ironise sur la promotion probable des "danseurs de sardane", supputant la préférence du FN pour la culture folklorique ou traditionnelle ; mais Fischetti se garde d'énoncer sa propre conception de la culture. Or, qu'est-ce qui n'est pas culturel aujourd'hui ? De l'émission de télé culinaire à "Star Wars", en passant pas la bande-dessinée, la coupe du monde de rugby et autres divertissements, tout est culture. Le FN doit une partie de son succès au fait qu'à ses idées et sa culture simplistes (façon Marseillaise et drapeau français) sont trop souvent opposées des idées complexes et nébuleuses, dont l'intellectualisme fumeux est tout aussi caricatural que le patriotisme folklorique du FN.

    La culture étant devenue un vaste fourre-tout, se réclamer de la culture est à peu près dépourvu de signification. L'humour ou la satire sont d'ailleurs plutôt représentatifs d'une contre-culture que d'une culture subventionnée.

    + En parlant de culture, que vaut la tintinophilie ? Celle-ci est réactivée par les records des ventes de planches aux enchères, et les fans de "Tintin & Milou" semblent de plus en plus nombreux.

    L'essayiste A. Finkielkraut a exprimé plusieurs fois son mépris de la bande-dessinée en général, mais n'a pas précisément dit que c'est la "littérature de genre" ou la littérature "spécialisée" qu'il convient de ranger sur une étagère inférieure. Du reste cet essayiste se réclame du libéralisme - or la raison commerciale est certainement la principale responsable de l'érosion de l'esprit critique au profit du goût. L'enjeu commercial supplante l'esprit critique.

    + On note l'intérêt pour "Tintin & Milou" d'intellectuels belges spécialisés dans la "bande-dessinée" ou, pour être plus précis, dans la grammaire et la syntaxe de la bande-dessinée. Cela revient à réduire l'art à la virtuosité technique. Tout le monde ou presque a oublié le peintre Paul Delaroche, dont V. Hugo faisait grand cas - Delacroix et Ingres, moins virtuoses, ont mieux résisté à l'outrage du temps.

    Thierry Groensteen se demande si la bande-dessinée mérite le qualificatif d'art surréaliste. D'emblée, la définition du surréalisme lui pose problème. L'emploi de l'expression "imagerie populaire" par T. Groensteen est, par ailleurs, contestable, car la BD est parfois un outil de propagande populiste, au service de l'idéologie dominante, à commencer par les super-héros américains ; de nombreuses séries "franco-belges" pour les enfants ont aussi cette caractéristique. Dire que les arts "industriels" sont "populaires" revient à dire que les usines sont dirigées par des ouvriers - ruse grossière.

    Si le propos du surréalisme est de dire que la fiction ou le rêve sont supérieurs à la réalité, dans ce cas on peut parler du surréalisme comme d'un mouvement artistique radicalement opposé à la mythologie. Du point de vue homérique ou antique, le rêve a une connotation morbide ou macabre. L'art et la philosophie antiques incitent beaucoup plus à affronter la réalité qu'à la fuir.

    + Robert Kopp joue dans le dernier numéro du "Magazine littéraire" à comparer Shakespeare et Cervantès. A la question : - 400 ans après leur mort, lequel des deux l'emporte ?, il est pourtant aisé de répondre que le grand public connaît beaucoup mieux ou beaucoup moins mal Shakespeare que Cervantès, grâce ou à cause de très nombreux films et représentations de Shakespeare.

    La lecture de Cervantès est plus ardue, au point que le projet de traduction de Cervantès dans une langue plus moderne afin d'en faciliter l'accès fait débat actuellement en Espagne. Si Shakespeare et Cervantès sont tous les deux des auteurs satiriques, dont la verve s'exerce particulièrement contre la culture médiévale (on peut rapprocher Don Quichotte de Roméo), Shakespeare est bien plus qu'un auteur satirique. Certains propos de Robert Kopp sur Shakespeare sont contestables, comme le qualificatif "baroque" ; en effet il s'applique à un art le plus souvent "officiel" - architecture ou musique -, et il n'y a pas d'auteur moins "officiel" que Shakespeare.

    Les différentes étiquettes accolées à Shakespeare : "romantique", "baroque", "néo-classique" ne font d'ailleurs pas progresser l'état des connaissances sur Shakespeare, qui aux yeux de l'université demeure largement "énigmatique". On peut se demander si la culture est faite pour égarer ou pour guider ?

    + Un mois après les attentats de Paris, le mot d'ordre qui circule dans la presse est : résistance. Certaines modalités de cette résistance n'ont pas manqué de susciter l'ironie des dessinateurs de presse. L'hebdomadaire gratuit (publicitaire) "A nous Paris", largement distribué dans le métro parisien, mentionne que 13.000 ex. de "Paris est une fête", par Hemingway, ont été récemment écoulés. "A Nous Paris" recommande en outre des ouvrages de John Dos Passos, Jack Kerouac, René Fallet, Henry Miller, Patrick Modiano.

    La lecture de leurs romans est censée remonter le moral des Parisiens. En majorité Américains, ces auteurs portent sur Paris un regard sans doute un peu touristique. Le Paris de Balzac, Zola ou Céline, est plus contrasté et plus véridique. Quoi qu'il en soit, l'activité commerciale redoublant à l'approche de Noël, on sera plutôt tenté de fuir Paris en ce moment.

    + Une brochette d'auteurs de BD installés à Angoulême, dont plusieurs étrangers, a ouvert un site qui leur permet de diffuser gratuitement leurs BD ou des chroniques sur la BD. Baptisé "Marsam", cet outil est analogue au site belge "Grandpapier", dont la diffusion d'un webzine trimestriel a récemment été interrompue.

    webzine,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,décembre,2015,naumasq,star-wars,charlie-hebdo,front républicain,fn,antonio fischetti,culture,star wars,tintin,tintinophilie,finkielkraut,thierry groensteen,surréalisme,mythologie,rêve,robert kopp,shakespeare,cervantès,magzine littéraire,baroque,don quichotte,a nous paris,hemingway,paris est une fête,dos passos,kerouac,modiano,rené fallet,henry miller,marsam,grandpapier,angoulême,yao hsing,taïwanais

    Case extraite de "Bonjour Angoulême", du Taïwanais Yao Hsing, en résidence à Angoulême.

  • Revue de presse BD (168)

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,décembre,168,2015,charlie-hebdo,wolinski,abstentionniste,reiser,hara-kiri

    + Il ne s'agit pas de militer ici pour l'abstentionnisme en cette période de scrutin régional, mais plutôt de mesurer l'évolution de "Charlie-Hebdo", moins militant et moins proche du pouvoir dans sa version "canal historique", comme témoigne la "Une" ci-dessus, signée Wolinski (on en trouvera d'autres signées Reiser). On a tort d'imputer au seul Philippe Val le changement de cap opéré par l'hebdomadaire lors de sa refondation en 1992. Il s'agit d'un mouvement plus profond, qui a d'ailleurs permis à l'islam et au FN, dans des milieux différents, d'incarner une forme de contre-culture, comme "Hara-Kiri" autrefois.

    + Le site "La Quadrature du Net" reproche au gouvernement d'avoir prorogé l'état d'urgence sans raison valable, et d'avoir profité ainsi de l'aubaine des attentats ; de fait, on n'interdit pas la circulation automobile sous prétexte qu'elle fait des milliers de morts par an. "La Quadrature du Net" fait aussi le bilan du renforcement des prérogatives accordées à la police sans contrôle judiciaire, à l'occasion de la nouvelle loi sur l'état d'urgence... votée en état d'urgence (le 19 novembre). Les principaux membres du gouvernement et des partis d'opposition ratent rarement une occasion, à la suite d'un attentat, de mettre en cause l'internet.

    + L'ancien ministre du gouvernement Sarkozy et député Laurent Wauquiez a récemment avoué publiquement sa... bédéphilie. Les aventures de Blueberry et les BD de Bilal seraient ses préférées. Faut-il faire un rapprochement, certain psychanalyste a fait la comparaison entre la lecture de bandes-dessinées et la masturbation chez l'adolescent de sexe masculin ?

    Certains prétendent que la BD a acquis le statut d'art, avançant comme preuve les records atteints dans les ventes aux enchères par des planches originales. Mais cela revient à réduire l'art au côté "bling-bling" des salles de vente. Bien que la BD soit le sujet de thèses universitaires de plus en plus souvent, voire enseignée en fac, on s'interroge rarement sur ce qui, dans la BD, appartient au domaine de la culture de masse, et ce qui au contraire y échappe. Le plus souvent c'est l'étude stylistique qui est préférée, c'est-à-dire un angle technique assez creux.

    + Certains voudraient opposer à l'islam la laïcité ; c'est sans doute voué à l'échec. Non seulement parce que, en matière de laïcité, chacun voit midi à sa porte, mais aussi parce que la culture laïque républicaine a joué un rôle important afin de légitimer les guerres coloniales.

    Au demeurant l'art et la culture ont une dimension religieuse éminente ; on peut même dire qu'à travers la culture dominante et la contre-culture, ce sont deux conceptions religieuses de l'art qui s'affrontent. Prenons, par exemple, le fameux tableau de Delacroix représentant la "Liberté guidant le peuple" : son symbolisme est on ne peut plus mystique ou religieux, et son interprétation relève le plus souvent de la catéchèse naïve, occultant des pans entiers de l'évolution politique de la France depuis l'Ancien Régime. La révolte parisienne des "Trois Glorieuses", dont Delacroix part pour peindre son allégorie, contribua à renverser une monarchie, certes, mais cela au profit d'une autre monarchie. La République n'est pas moins vierge que la monarchie d'actions répressives contre le peuple et les ouvriers. On voudrait faire croire que la République moderne descend directement de la philosophie des Lumières, mais elle découle beaucoup plus probablement de l'Empire napoléonien, le plus restrictif en matière de libertés publiques. Pour finir, l'incarnation de la liberté par une femme à demi-nue est une mythologie pour le moins rocambolesque. Cette femme est la même que l'on retrouve sur les pièces de monnaie française, "semeuse" représentant la fécondité. On voudrait poser l'équation de la liberté et de l'argent, on ne s'y prendrait pas autrement. D'ailleurs Delacroix n'était pas dupe de ces symboles, qui vitupérait son époque en parlant de "régime d'agioteurs" et de "panhypocrisiade universelle".

    + Le webzine Zébra se décline cette année en un petit mensuel de 4 p., auquel il est possible de s'abonner en écrivant à zebralefanzine@gmail.com, ou bien de lire gratuitement sur le site de partage de fichiers issuu.com. Le n° de décembre vient de paraître.

    webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,décembre,168,2015,charlie-hebdo,wolinski,abstentionniste,reiser,hara-kiri,quadrature du net,état d'urgence,islam,laïcité,liberté guidant le peuple,delacroix,trois glorieuses,panhypocrisiade,issuu.com,mensuel

  • Revue de presse BD (166)

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,166,novembre,2015,claire brétécher,pompidou,pilote,spirou,nouvel observateur,roland barthes,goscinny,gotlib,moebius,druillet,cavanna,charlie-hebdo,agrippine,pénélope bagieu,bobo

    Agrippine face à Claire Bretécher.

    + Rare femme à exercer ses talents dans le domaine de la BD, et plus encore de la BD humoristique, Claire Bretécher fait l'objet d'une grande exposition à la bibliothèque du musée d'art moderne Pompidou (jusqu'au 8 février). Brétécher, qui travailla notamment pour le compte de "Pilote", "Spirou" et "Le Nouvel Observateur" mérite plus le titre d'auteur satirique que celui de "sociologue", dont le pédantissime Roland Barthes l'affubla. On est bien placé au pays de Molière pour savoir à quel point la satire et la religion, rebaptisée "sociologie" dans les temps ultra-modernes, s'opposent. Si Molière avait été sociologue, se contentant de refléter son époque, il y a longtemps qu'il serait tombé dans l'oubli.

    Interviewée récemment sur ses années passées à "Pilote", sous la direction de R. Goscinny, Claire Bretécher n'a pas hésité à dénigrer les rebelles de "Mai 68" qui poussèrent Goscinny à la démission, les traitant de fils à papa et de faux rebelles (Gotlib, Moebius, Druillet) (in : "La Révolution Pilote", Dargaud, 2015). On est tenté de lui donner raison, quand on voit le nombre de philosophes de plateaux télé, plus creux les uns que les autres, que "Mai 68" a engendré, dissimulant leurs comptes en banque derrière des options humanistes. Mais à travers cet affrontement entre générations, typiquement viril, se trouve quand même posée la question, plus intéressante, du duel entre la bande-dessinée, destinée aux enfants, et le dessin de presse, visant un public plus large, ou encore de la rivalité entre le "Pilote" de Goscinny et le "Charlie-Hebdo" de Cavanna.

    "Le Figaro", quotidien du bourgeois qui s'assume, rend aussi hommage à Bretécher à travers un quiz de cinq questions sur sa carrière de dessinatrice.

    + Hasard ou calcul, l'attentat de la mi-novembre à Paris visait un quartier "bobo" de Paris ; c'est précisément la culture que Bretécher brocarde à travers le personnage d'Agrippine, adolescente élevée dans un milieu "humaniste"... mais néanmoins aisé. Les blogueuses-BD d'aujourd'hui sont un peu les petites soeurs d'Agrippine, et Pénélope Bagieu la plus célèbre a réagi aux attentats par un strip, sur le mode : "J'y pense et puis j'oublie."

    + En Iran, à Téhéran, le caricaturiste Hadi Heydari ("Persian Cartoon") a été arrêté à cause d'un dessin fait pour témoigner de sa solidarité avec les victimes des attentats de Paris ; il a probablement été interpellé par les services secrets de son pays. Faut-il le rappeler, l'Iran est en guerre froide avec les Etats-Unis et ses alliés, dont la France. En revanche, en Belgique, c'est l'humoriste Dieudonné Mbala-Mbala qui a été condamné à deux mois de prison ferme pour "antisémitisme". La sympathie de Dieudonné pour le régime iranien est connue.

    Le contexte de l'état d'urgence ne fait qu'accroître la sévérité de la condamnation de cet humoriste ; le condamner en ces circonstances revient à le désigner comme complice des djihadistes. Quand Dieudonné avait fait l'objet de poursuites et de pressions fiscales de la part du gouvernement de Manuel Valls, rares furent ceux qui osèrent prendre publiquement sa défense au nom de la liberté d'expression (Jack Lang, Plantu). Même si c'est sans doute inéluctable, on peut regretter qu'autant de caricaturistes et d'esprits soi-disant libres se laissent entraîner dans le "choc des cultures", stratégie de radicalisation des deux camps.

    + Alors que le salon du livre pour la jeunesse de Montreuil s'apprête à ouvrir ses portes (2-7 décembre), le webzine culturel Actualitté en profite pour dénoncer la moindre rémunération des auteurs et illustrateurs de livres pour enfants. Néanmoins le prétendu "préjugé" contre la littérature de genre ou la littérature spécialisée s'explique très bien d'un point de vue critique et littéraire par la prétention des plus grands auteurs à produire une littérature universelle, et non pas seulement destinée à une catégorie de lecteurs. Hélas l'argument égalitaire dissimule bien souvent, qu'il soit conscient ou non, un mobile mercantile ; la spécialisation de la littérature est avant tout une question d'édition et de librairie, bien plus que d'art et de littérature. C'est sûrement ne rien comprendre à l'art et la littérature que de les envisager seulement sous l'angle de la production et du marché. La mise en avant de grands principes, dans le domaine de la culture, est un cache-misère. La littérature de genre se vend parfois très bien, et ses auteurs sont bien rémunérés. La Comtesse de Ségur fit ainsi fortune avec ses livres pour enfants ("Les Malheurs de Sophie", etc.), et son statut était tel qu'elle pouvait embaucher et virer les plus prestigieux illustrateurs de la place de Paris. Son éditeur avait déniché la poule aux oeufs d'or.

    + La médiathèque F. Sagan (Paris Xe) abrite (jusqu'au 31 janvier) une exposition sur le thème de l'illustration de livres pour enfants. L'illustrateur britannique Anthony Browne parlera dans ce cadre (4 déc. à 19 h) de son travail ; créateur du personnage de "Marcel" ("Willy" en anglais), A. Browne tire le principal de ses revenus de la vente de cartes de voeux, ce qui lui permet d'être plus exigeant quant aux autres publications.

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,166,novembre,2015,claire brétécher,pompidou,pilote,spirou,nouvel observateur,roland barthes,goscinny,gotlib,moebius,druillet,cavanna,charlie-hebdo,agrippine,pénélope bagieu,bobo,dieudonné,iran,hadi heidari,persian cartoon,montreuil,salon livre enfants,illustrateur,anthony browne,marcel,willy,comtesse de ségur

    Marcel par Anthony Browne.

     

  • Revue de presse BD (165)

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,13 novembre,bosch,frontispice,enfer,

    Jérôme Bosch - Le Jardin des Délices (détail)

    + Un certain confort moderne occidental a pu faire oublier le constat philosophique de la banalité du mal. La violence ne fait pas moins partie de la culture que la peur ou le plaisir. Peintre des facettes de la monstruosité humaine, Jérôme Bosch (1450-1516 environ) s'imposait en frontispice de la revue de presse de cette semaine très agitée (Bosch dont les peintres surréalistes ont donné une interprétation erronée).

    + Peut-on rire de tout ? C'est sans doute plus facile quand on n'est pas directement concerné. Le gouvernement russe a officiellement protesté contre plusieurs dessins parus récemment dans "Charlie-Hebdo" (6 nov.), tirant un parti comique de l'attentat contre un avion civil russe au-dessus de l'Egypte. Le Kremlin utilise l'expression typiquement soviétique de "blasphème contre la démocratie". La démocratie blasphème contre elle-même quand elle est tributaire d'une industrie et de budgets militaires au point où le sont la Russie et la France.

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,13 novembre,bosch,frontispice,enfer,charlie-hebdo,kremlin,gros,juin,attentat,démocratie,blasphème

    Deux dessins parus dans "Charlie-Hebdo" (signés Gros et Juin) jugés blasphématoires par le Kremin.

    + Le mot de "guerre" a récemment été prononcé par plusieurs représentants de l'Etat. La mobilisation et l'unité nationale, si elles sont favorables au militantisme et à "l'art engagé", ne sont guère propices à la satire, plus désarmante ; la plupart des caricaturistes sont contraints en temps de guerre de "choisir leur camp", tel l'anarchiste Poulbot, réquisitionné par la propagande. La Une de "Charlie-Hebdo" cette semaine, grâce à Coco, évite de tomber dans le manichéisme façon "salauds de terroristes contre bons flics républicains". Après ses dessins sur les victimes russes, "Charlie-Hebdo" ne pouvait faire moins que d'ironiser aussi sur les attentats de Paris.

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,13 novembre,bosch,frontispice,enfer,charlie-hebdo,kremlin,gros,juin,attentat,démocratie,blasphème,coco,francisque poulbot

    + Depuis la fusillade meurtrière de "Charlie-Hebdo", et en raison du développement des réseaux sociaux, on assiste à l'émergence d'un nouveau genre d'art brut. Des centaines d'hommages aux victimes, sous la forme de dessins, ont été publiés sur Facebook et Twitter au cours des heures qui ont suivi la fusillade au Bataclan - certains dans un style très sulpicien, mettant en scène Marianne, figurant la République émue aux larmes par la perte de ses enfants. 

    Plus attentif aux détails (trop ?) le dessinateur américain de super-héros, Lee Joel Bermejo, semble avoir remarqué, vu son hommage, que les kamikazes du Bataclan ont déclenché leurs tirs un Vendredi 13 sur les paroles de "Kiss the Devil" (embrasse le diable) du groupe "Eagles of Death Metal". Les membres du groupe sont miraculeusement sortis indemnes du carnage.

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,13 novembre,bosch,frontispice,enfer,charlie-hebdo,kremlin,gros,juin,attentat,démocratie,blasphème,coco,francisque poulbot,lee joel bermejo,super-héros,batman,kamikaze,eagles of death metal,kiss the devil,vendredi 13,chappatte,international herald tribune,dessin,presse

    + Caricature presque assumée du "bobo", Joann Sfar donne son avis sur Instagram, Twitter et dans le "Huffington Post". Mais le dessin d'opinion est le contraire du dessin satirique. La tentative de J. Sfar d'imposer le culte de soi-même en guise de religion la plus oecuménique prêterait à sourire si les opinions de Sfar n'étaient pas reprises par des journalistes se prétendant sérieux.

    On regrette que les caricaturistes français n'aient pas été plus nombreux à "prendre du recul", à l'instar du Suisse Chappatte (ci-dessous), car si à ce train-là il n'y aura bientôt plus que les armes qui auront du recul.

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,13 novembre,bosch,frontispice,enfer,charlie-hebdo,kremlin,gros,juin,attentat,démocratie,blasphème,coco,francisque poulbot,chappatte,international herald tribune,dessin,presse

    Dessin de Chappatte (International Herald Tribune).

    Encore au chapitre de la violence, la bibliothèque Saint-Simon (Paris, 7e) organise une rencontre sur le thème de la "violence faite aux femmes" le 26 novembre ; autour de Marie Moinard, éditrice qui regroupa une centaine d'artistes à l'ouvrage dans trois BD successives dénonçant les brutalités dont sont parfois victimes les femmes (inscription : bibliotheque.saint-simon@paris.fr).

    On peut cependant se demander si la violence dans le monde moderne ne requiert pas une approche plus large, tant elle prend des formes variées et subtiles ; on comprend que les associations qui viennent en aide aux victimes soient spécialisées, mais l'étude ne devrait pas l'être autant. Le thème de la violence des riches est rarement abordé, alors que la richesse est probablement le premier facteur de violence dans le monde, la première cause d'inégalités (non seulement les relations entre sexes opposés).

    webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,13 novembre,bosch,frontispice,enfer,charlie-hebdo,kremlin,gros,juin,attentat,démocratie,blasphème,coco,francisque poulbot,lee joel bermejo,super-héros,batman,paris,kamikaze,eagles of death metal,kiss the devil,vendredi 13,chappatte,international herald tribune,dessin,presse,en chemin elle rencontre,marie moinard,bibliothèque,violence

    Affiche pour "En chemin elle rencontre..." (Marie Moinard).

  • Revue de presse BD (163)

    webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,2015,novembre,yassine,médiathèque duras,festival,placide,podcast,capitaine caverne,charlie-hebdo,willem,pr choron,poème,sardon,tampographe,coco,riss,canal+,juin

    Illustration de Placid, artiste modeste.

    + Chroniqueur radio, Yassine est notamment spécialiste des fanzines BD ; il a enregistré une émission de radio en direct du festival du fanzine branché organisé chaque année à la médiathèque Duras. Au cours de cette émission, que l'on peut écouter (en podcast), Yassine converse avec Capitaine Caverne et Placide, abordant leur thème préféré : les fanzines des années 80. Tout le monde s'accorde à dire que l'internet a pas mal changé la donne en matière de fanzines. Placide rappelle aussi que la plus grande fierté consistait alors à voir son nom ou celui de son fanzine cité par le caricaturiste Willem, qui tint une chronique dans "Charlie-Hebdo" et "Libé" dédiée à ces publications discrètes.

    En prime on peut écouter au milieu de l'émission un poème dit par feu le Pr Choron : "Ah, se branler un soir sur un toit par un soir de grand vent, etc."

    + Petit reportage vidéo consacré à Sardon, tampographe pour rire et pour gagner sa vie à Paris de façon aussi indépendante que possible contre le cimetière (du Père Lachaise). Brièvement V. Sardon explique son métier.

    + De l'usage de "Charlie-Hebdo" par les mass-médias : Coco et Riss sont sur le plateau du "Grand Journal" de "Canal+", traités comme des vedettes, pour y raconter leur vie après l'attentat. On est un peu gêné d'entendre Riss déclarer qu'il entend continuer son "combat politique" ; en effet la ligne politique de "Charlie-Hebdo" et de Riss est on ne peut plus floue pour le lecteur ; soutiennent-ils, par exemple, le gouvernement et le ministre de l'Intérieur qui mettent à leur disposition une protection policière ? Ou se moquent-ils de ce gouvernement comme des autres ? Plusieurs décennies d'exercice du pouvoir par la gauche en France ont usé la "satire de gauche" - sans doute pas au point de voir un "humour de droite" émerger, mais en termes de "politiquement correct", "Charlie-Hebdo" n'a plus rien à envier au quotidien d'Eric Zemmour et Serge Dassault.

    + "Juin" est une des nouvelles recrues de "Charlie-Hebdo", qui signe le dessin ci-dessous :

    webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue de presse,2015,novembre,yassine,médiathèque duras,festival,placide,podcast,capitaine caverne,charlie-hebdo,willem,pr choron,poème,sardon,tampographe,coco,riss,canal+,juin