La Semaine de Zombi. Samedi : Autorisation par l'Académie française de féminiser les noms de métiers. Demeure en suspens l'épineuse question de la "dame-pipi" ou de la "sage-femme", sans compter "l'homme de main" auquel les partis politiques ont parfois recours au noir.
finkielkraut
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Caricature Académie française
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Revue de presse BD (255)
Cartoon de LB.
+ L'académicien Jean d'Ormesson a passé l'arme à gauche mardi de cette semaine, déclenchant une pluie d'hommages. Cet "homme de lettres" immortel était plus connu pour ses sketches à la télévision que pour sa prose.
Impossible ou presque en revanche d'ignorer complètement les paroles et mélodies des chansons de Johnny Hallyday, matraquées par la radio et la télévision. Le chanteur d'origine belge, symbole de l'américanisation de la culture française après guerre, est mort hier.
+ Une pétition ayant recueilli plus de 7.000 signatures réclame le décrochage d'une toile à caractère pédophile du peintre français Balthus des cimaises du "Metropolitan Museum of Art" de New York ("Thérèse rêvant"). Cette demande pose problème dans la mesure où la culture libérale occidentale est une culture hypersexualisée. Aldous Huxley a fait cette observation que, dans les régimes où toutes les libertés sont peu à peu supprimées (sous couvert de maintien de l'ordre), la dernière liberté qui subsiste est la "liberté sexuelle".
Cabu faisait à travers ses dessins une observation similaire à propos de la violence, vrai tabou en même temps qu'objet d'une exploitation commerciale intensive.
Le même paradoxe se présente avec la traque des harceleurs sexuels et violeurs présumés aux Etats-Unis, nation qui peut par ailleurs être qualifiée de "pornocratie". Puritanisme et pornographie se confortent en réalité mutuellement.
Aux Etats-Unis, où le féminisme a pris une forme légale plus tôt, une étude statistique indique que 40% des "harceleurs sexuels" sont... des femmes ; encore un peu et l'égalité sera parfaite.
+ La rédaction de "Siné-Mensuel", dont le dernier numéro vient de paraître, se plaint de la censure par Facebook de sa "Une" (signée Berth). Mais "Facebook" est un réseau social privé, libre de définir ses propres conditions d'usage.
D'ailleurs Facebook est confronté à son utilisation par des réseaux de prostitution. Le problème qui se pose ici est plutôt celui de la maîtrise d'un outil technique gigantesque ; la censure est en effet en grande partie automatisée sur Facebook, et ce réseau mondial fait face à des exigences différentes en matière de censure selon les pays.
+ Le dernier numéro du magazine "Etapes graphiques" (n°240) consacre un article illustré à l'art de Siné. Celui-ci n'a pas seulement une dimension satirique, mais aussi "graphique". Siné avait entamé une carrière dans la publicité, où un soin particulier est requis en matière de composition (du dessin et du slogan).
+ Dans le n° de "Fluide-Glacial" du mois de novembre, Isa a eu la bonne idée de faire de l'académicien Alain Finkielkraut un personnage de bande-dessinée. Non seulement parce que Finkielkraut condamne toute la BD avec des arguments aussi étoffés que la trame d'un album de "Tintin", mais aussi parce que la télévision, grâce à laquelle cet essayiste libéral s'est rendu célèbre, a le don de transformer ses acteurs en personnages de fiction.
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Revue de presse BD (169)
Dessin de Naumasq sur le phénomène culturel "Star Wars"
+ "Charlie-Hebdo", dont le tirage n'est plus confidentiel désormais, s'est rangé derrière le front républicain contre le FN lors des dernières élections régionales, s'immisçant ainsi de plus en plus dans le jeu politique.
Antonio Fischetti justifie l'implication de l'hebdomadaire humoristique par la menace que le FN représentait pour les budgets de la culture dans les régions (15 décembre). Ce journaliste ironise sur la promotion probable des "danseurs de sardane", supputant la préférence du FN pour la culture folklorique ou traditionnelle ; mais Fischetti se garde d'énoncer sa propre conception de la culture. Or, qu'est-ce qui n'est pas culturel aujourd'hui ? De l'émission de télé culinaire à "Star Wars", en passant pas la bande-dessinée, la coupe du monde de rugby et autres divertissements, tout est culture. Le FN doit une partie de son succès au fait qu'à ses idées et sa culture simplistes (façon Marseillaise et drapeau français) sont trop souvent opposées des idées complexes et nébuleuses, dont l'intellectualisme fumeux est tout aussi caricatural que le patriotisme folklorique du FN.
La culture étant devenue un vaste fourre-tout, se réclamer de la culture est à peu près dépourvu de signification. L'humour ou la satire sont d'ailleurs plutôt représentatifs d'une contre-culture que d'une culture subventionnée.
+ En parlant de culture, que vaut la tintinophilie ? Celle-ci est réactivée par les records des ventes de planches aux enchères, et les fans de "Tintin & Milou" semblent de plus en plus nombreux.
L'essayiste A. Finkielkraut a exprimé plusieurs fois son mépris de la bande-dessinée en général, mais n'a pas précisément dit que c'est la "littérature de genre" ou la littérature "spécialisée" qu'il convient de ranger sur une étagère inférieure. Du reste cet essayiste se réclame du libéralisme - or la raison commerciale est certainement la principale responsable de l'érosion de l'esprit critique au profit du goût. L'enjeu commercial supplante l'esprit critique.
+ On note l'intérêt pour "Tintin & Milou" d'intellectuels belges spécialisés dans la "bande-dessinée" ou, pour être plus précis, dans la grammaire et la syntaxe de la bande-dessinée. Cela revient à réduire l'art à la virtuosité technique. Tout le monde ou presque a oublié le peintre Paul Delaroche, dont V. Hugo faisait grand cas - Delacroix et Ingres, moins virtuoses, ont mieux résisté à l'outrage du temps.
Thierry Groensteen se demande si la bande-dessinée mérite le qualificatif d'art surréaliste. D'emblée, la définition du surréalisme lui pose problème. L'emploi de l'expression "imagerie populaire" par T. Groensteen est, par ailleurs, contestable, car la BD est parfois un outil de propagande populiste, au service de l'idéologie dominante, à commencer par les super-héros américains ; de nombreuses séries "franco-belges" pour les enfants ont aussi cette caractéristique. Dire que les arts "industriels" sont "populaires" revient à dire que les usines sont dirigées par des ouvriers - ruse grossière.
Si le propos du surréalisme est de dire que la fiction ou le rêve sont supérieurs à la réalité, dans ce cas on peut parler du surréalisme comme d'un mouvement artistique radicalement opposé à la mythologie. Du point de vue homérique ou antique, le rêve a une connotation morbide ou macabre. L'art et la philosophie antiques incitent beaucoup plus à affronter la réalité qu'à la fuir.
+ Robert Kopp joue dans le dernier numéro du "Magazine littéraire" à comparer Shakespeare et Cervantès. A la question : - 400 ans après leur mort, lequel des deux l'emporte ?, il est pourtant aisé de répondre que le grand public connaît beaucoup mieux ou beaucoup moins mal Shakespeare que Cervantès, grâce ou à cause de très nombreux films et représentations de Shakespeare.
La lecture de Cervantès est plus ardue, au point que le projet de traduction de Cervantès dans une langue plus moderne afin d'en faciliter l'accès fait débat actuellement en Espagne. Si Shakespeare et Cervantès sont tous les deux des auteurs satiriques, dont la verve s'exerce particulièrement contre la culture médiévale (on peut rapprocher Don Quichotte de Roméo), Shakespeare est bien plus qu'un auteur satirique. Certains propos de Robert Kopp sur Shakespeare sont contestables, comme le qualificatif "baroque" ; en effet il s'applique à un art le plus souvent "officiel" - architecture ou musique -, et il n'y a pas d'auteur moins "officiel" que Shakespeare.
Les différentes étiquettes accolées à Shakespeare : "romantique", "baroque", "néo-classique" ne font d'ailleurs pas progresser l'état des connaissances sur Shakespeare, qui aux yeux de l'université demeure largement "énigmatique". On peut se demander si la culture est faite pour égarer ou pour guider ?
+ Un mois après les attentats de Paris, le mot d'ordre qui circule dans la presse est : résistance. Certaines modalités de cette résistance n'ont pas manqué de susciter l'ironie des dessinateurs de presse. L'hebdomadaire gratuit (publicitaire) "A nous Paris", largement distribué dans le métro parisien, mentionne que 13.000 ex. de "Paris est une fête", par Hemingway, ont été récemment écoulés. "A Nous Paris" recommande en outre des ouvrages de John Dos Passos, Jack Kerouac, René Fallet, Henry Miller, Patrick Modiano.
La lecture de leurs romans est censée remonter le moral des Parisiens. En majorité Américains, ces auteurs portent sur Paris un regard sans doute un peu touristique. Le Paris de Balzac, Zola ou Céline, est plus contrasté et plus véridique. Quoi qu'il en soit, l'activité commerciale redoublant à l'approche de Noël, on sera plutôt tenté de fuir Paris en ce moment.
+ Une brochette d'auteurs de BD installés à Angoulême, dont plusieurs étrangers, a ouvert un site qui leur permet de diffuser gratuitement leurs BD ou des chroniques sur la BD. Baptisé "Marsam", cet outil est analogue au site belge "Grandpapier", dont la diffusion d'un webzine trimestriel a récemment été interrompue.
Case extraite de "Bonjour Angoulême", du Taïwanais Yao Hsing, en résidence à Angoulême.
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Hebdo BD Zébra #13
Retrouvez l'hebdo BD Zébra dès ce jeudi, dopé par les vapeurs de champagne et de foie gras ; avec au sommaire de ce n°13 :
- Les mésaventures du reporter globe-trotter Guy Delisle...
- Mais aussi Fleur Pellerin qui accouche de la culture numérique...
- Notre nouvelle rubrique "Et si Finkielkraut avait raison ?"...
- Et encore les têtes littéraires tirées des carnets secrets de Burlingue...
- Sans oublier plein de dessins tout frais de LB, W.Schinski, Aurélie Dekeyser, Naumasq, Michel Soucy, Franck K. May, Zombi, etc.
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Revue de presse BD (114)
+ Ci-dessus : la rentrée littéraire vue par l'illustrateur franco-québécois Tiffet ("Le Devoir").
+ L'Etat portugais envisage de se renflouer en vendant une petite centaine de toiles de Miro. La France pourrait peut-être en faire autant en vendant le Sacré-Coeur ou l'Opéra Garnier à des fonds de pension japonais ? L'Etat, qui est lui-même une fiction ou une oeuvre d'art abstrait, intervient souvent en faveur de l'art et des artistes : quoi de plus normal que l'art lui rende, quand c'est nécessaire, la monnaie de sa pièce ?
+ Une société de location de bureaux (Domaine des entrepreneurs) organise un concours de BD sur le thème du "coworking" (un seul bureau pour plusieurs ronds-de-cuir), avec à la clef un contrat portant sur 12 planches (jusqu'à fin sept.)
+ Les supermarchés Aldi ont retiré de leurs rayons "Revolting Rhymes", recueil de parodies de contes par Roald Dahl, après que des clients ont dit avoir été choqués par l'emploi du terme "slut" dans la parodie de Cendrillon. Ainsi que le précise le webzine "Actualitté", "slut" peut se traduire par "salope", mais aussi par "souillon". Comme dit le proverbe : "Le client est roi des cons."
+ Short-Edition, maison spécialisée comme son nom l'indique dans la publication de courts poèmes, nouvelles et BD, organise chaque saison un concours dans chaque catégorie. Philgreff (Zébra 7 & 8) participe à la compet' d'automne avec "Avec un simple crayon". Scrutin ouvert jusqu'au 22 sept.
+ Tandis que Finkielkraut dénigre la BD sur "France-Culture", "France-Inter" propose "Pop-Fiction", une nouvelle émission qui fait l'apologie de la culture de masse industrielle et commerciale et consacre quelques minutes à la BD. "Pop-Fiction" s'efforce de donner des lettres de noblesse à la culture de masse : des universitaires sont invités à disserter sur les séries TV et les super-héros, on fait référence à des philosophes fameux, Tintin est comparé au Talmud, et la production pléthorique d'albums de BD est présentée comme un signe de bonne santé (D. Pasamonik). "Pop", comme "populaire" est mensonger, puisque la culture de masse est produite par les élites économiques et politiques. La référence à la fiction est révélatrice, en revanche, puisque les partis et mouvements populistes s'ordonnent toujours autour d'une fiction, tandis que la culture populaire est plus satirique ou réaliste.
+ Le dessin du jour est un cartoon de Mark Anderson :
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Revue de presse BD (32)
(Spécial Zoo n°44)+ Les locutions pour qualifier le magazine gratuit "Zoo" vont de "franchement putassier" à "cool et instructif", selon qu'on est plutôt adepte de la décroissance (ce mensuel est truffé de pubs), ou au contraire libéral-à-l'aise-dans-ses-baskets (ce mensuel est truffé de pubs).
Mon opinion est que "Zoo" (100.000 ex. diffusés) rend un service limité. Principalement, il donne un aperçu de l'abondante production d'albums, et permet de se repérer dans ce maelström, sans complètement passer sous silence les publications indépendantes, privées des moyens de publicité extraordinaires de l'industrie de la BD.
Donc "Zoo" me fait penser à une usine d'armement dirigée par un syndicaliste qui se dirait que, tout de même, sous les bombes, il y a toujours une majorité de prolétaires, et détournerait une partie de l'acier pour construire des abris pour ceux qui se prennent les frappes chirurgicales au coin de la gueule. D'ailleurs, à ce propos, comme pour les quotidiens ou les magazines que je lis, j'aime savoir quel type d'industriel se cache derrière (armement ? banque ? fonds de pension ?), j'aimerais aussi savoir qui est derrière "Zoo" exactement ?
En attendant d'être renseigné sur ce point de "traçabilité" culturelle, je fais le choix d'être "malin comme un journaliste de "Zoo", c'est-à-dire de ne pas boycotter complètement cette publication, mais de citer seulement les pages qui présentent un intérêt. Dans le dernier n° paru (44) : une interview de Riff Reb's à propos de son adaptation du "Loup des Mers" de Jack London (p.46) ; T. Lemaire évoque l'expo. Franquin au Centre Wallonie-Bruxelles, s'étonnant bizarrement de l'insatisfaction de Franquin vis-à-vis de sa production (bizarrement, car même un publicitaire satisfait de son travail est sans doute un mauvais publicitaire) (p.64) ; D. Pasamonik évoque la figure franco-new yorkaise de Françoise Mouly, éditrice au "New Yorker" (p.66) ; un article d'Yves Frémion fait le point sur les "géoglyphes" (p.69) ; une chronique sur "The Jim Henson's Desert Tale" qui a gagné trois "Eisner awards", équivalent des Fauves décernés à Angoulême, toute proportion gardée (on s'intéresse autant aux US à la BD qu'Alain Finkielkraut) - ce malgré un dessin vraiment naze, mais un scénario de Jim Henson, crétateur du Muppet Show et des Fraggle Rock (p.84) ; une interview de Neil Gaiman sur l'héroïc fantasy yankee, la BD britannique ou franco-belge (p.88).
- Pour ne pas paraître excessivement paradoxal, j'ajoute qu'il y a rarement autant de choses à picorer dans "Zoo". A tout prendre, d'ailleurs, le site d'info. franco-belge "Actuabd", dont la ligne est proche, vaut mieux que "Zoo".
+ Oh, merde, il y a quand même un truc qui me chiffonne vraiment dans le dernier n° : tandis que l'administration publique oppose systématiquement son art numérique hyper-puritain ou d'obsédé refoulé au dessin de modèle vivant, sous prétexte de protection de l'enfance (cette blague !), "Zoo" qui réussit l'exploit de franchir les frontières hyper-puritaines de l'administration publique (bibliothèques municipales) vend des pages de pub à des fabriquants de boissons alcoolisées merdiques, c'est-à-dire de basse qualité et destinées à foudroyer en quelques minutes les gosses qui, généralement, ne savent pas boire tranquillement, mais ont tendance à se jetter sur la bouteille comme le puceau sur sa première conquête.
(par Zombi)
+ Le dessin de la semaine est de Pirikk, extrait du savoureux webzine "Mister Hyde" :
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Revue de presse BD (28)
+ Sur l'affiche du prochain festival d'Angoulême (janvier 2013), Jean-Claude Denis a dessiné les cratères de la lune en forme de héros de bande-dessinée. Didier Pasamonik, du site belge "Actuabd", sous un titre un peu pompeux ("Entre classiques et avant-garde"), souligne que cette manifestation réunit les producteurs de la BD la plus commerciale (A. Uderzo est cette année à l'honneur), et la moins commerciale d'autre part. Pour l'instant, les auteurs de BD "indépendante" n'ont pas encore fichu en l'air le festival d'Angoulême, comme Godard, Truffaut et Malle en 1968 le Festival de Cannes.
+ Le salon du livre et de l'édition jeunesse de Montreuil se tient en ce moment, jusqu'au 3 décembre. Quand on y pense, c'est un truc très bizarre, pour ne pas dire autre chose, qu'une littérature ou un genre littéraire spécialement fait pour les enfants (spécialisation qui date du XIXe siècle) ; les meilleurs auteurs de contes, qui ont souvent mis par écrit la tradition orale populaire, comme Charles Perrault, n'ont pas de cible-marketing.
Si "la vérité sort de la bouche des enfants", est-ce que ça signifie qu'à la foire aux livres pour adultes, on ne vend que des bobards ?
+ La BD au Goncourt ? Pourquoi pas, vu que le prestigieux "Booker Prize" anglo-saxon n'exclut pas d'inclure la BD prochainement dans ses choix, et qu'en matière de littérature les Britanniques tiennent le haut du pavé depuis Shakespeare. A dire vrai, ça n'étonnerait guère qu'A. Finkielkraut : Michel Houellebecq et Moebius, pour moi, c'est du pareil au même. En outre, c'est toujours en retournant à la source de la culture populaire que les élites culturelles ont évité par le passé le dépérissement : mettez dix intellectuels ensemble et leur passion du langage fait qu'en très peu de temps ils ne se comprendront plus entre eux et rejoueront "Vol au-dessus d'un nid de coucous."
+ A propos de Moebius, s'ils ne le connaissent déjà, les fans de Giraud apprécieront peut-être le site abondamment illustré de Denis Bodart, qui fournit plein d'exemples d'encrages contrastés à la manière de Giraud, Gillain ou Caniff.
+ Le dessin de la semaine est de Chapatte (du quotidien hélvète le "Temps"), dans le cadre d'une campagne contre le racisme :
(Zombi)