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robert kopp

  • L'Oeil de Baudelaire***

    Baudelaire, critique d'art avisé et influent, aurait-il fait l'apologie de la bande dessinée ?webzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,caricature,critique,oeil,baudelaire,musée,vie romantique,delacroix,robert kopp,constantin guys,daumier,eugène sue,dumas,colporteur,salon,jean clair

    On peut fournir quelques éléments de réponse à partir des documents proposés par "L'Oeil de Baudelaire" et présentés par quelques spécialistes de ce poète (Robert Kopp en tête), qui fut d'abord un critique d'art avant d'être l'auteur des "Fleurs du Mal", recueil auquel il doit sa notoriété.

    Et Baudelaire n'est pas le moindre des critiques d'art ! D'abord il sait de quoi il parle, ce qui tranche avec le dilettantisme habituel des littérateurs français ; ensuite il invente "l'art moderne", avec la connivence tout de même du peintre Delacroix (et de quelques autres).

    En dehors du cadre tracé par Baudelaire, l'art moderne serait en effet seulement "contemporain"; ou encore ce serait l'art bourgeois (dans lequel la bourgeoisie croit bon d'investir ses deniers), c'est-à-dire une idée de l'art où l'argument économique l'emporte sur l'estimation critique.

    Or il y a un aspect de la bourgeoisie qui représente aux yeux de Baudelaire une menace pour l'art, c'est l'industrialisation. Pour sa part Delacroix parle de "littérature industrielle" pour désigner la mauvaise littérature de feuilletonistes tels qu'Eugène Sue ou (son ami) Alexandre Dumas - on ne parlera que plus tard de "culture de masse".

    Dans la mesure où elle représente l'art le plus mécanique et industriel, après s'y être intéressé de près, Baudelaire et Delacroix vont dénigrer la photographie.

    Il convient sans doute de dire deux mots de la personnalité et des convictions de Baudelaire, qui déterminent en partie sa conception de l'art moderne. Baudelaire est assez inclassable politiquement, du moins sur la base de la nomenclature actuelle gauche/droite. C'est un révolutionnaire repenti, qui considérait son élan révolutionnaire a posteriori comme un geste immature. Il se veut catholique, mais le catholicisme de Baudelaire est d'un genre particulier : non seulement Baudelaire croit au diable, mais consomme de surcroît du haschisch et vit en concubinage avec une prostituée. Un psychanalyste expliquerait sans doute sa misogynie invétérée par le rapport conflictuel avec sa mère.

    A noter qu'une bande-dessinée parue récemment s'est amusée à peindre Baudelaire en précurseur du mouvement "punk".

    Plus nettement, le poète est hostile à la philosophie des Lumières, honorée par la bourgeoisie et responsable à ses yeux d'un art sans imagination, imitant platement la nature. Les philosophes des Lumières sont accusés de paganisme, et d'avoir purgé l'art de la notion de péché originel, qui seule permet à ses yeux de rendre compte de la condition humaine.

    L'art moderne doit donc selon Baudelaire être porteur d'un message, ou au moins d'un questionnement métaphysique, non seulement incliner le spectateur au bonheur et chantant les louanges de la nature. L'oeil de Baudelaire est d'ailleurs assez exercé pour porter des jugements contrastés et ne pas condamner en bloc l'art néo-classique de David ou d'Ingres, accordant par exemple à ces derniers d'être des portraitistes d'exception.

    Le mérite exceptionnel accordé par Baudelaire à Delacroix, qu'il placera parmi les "phares" de la peinture occidentale aux côtés de signatures prestigieuses, est de ne pas se contenter d'exécuter son art en se laissant guider par la nature, mais d'y ajouter la réflexion.

    Il n'est pas anodin que le "peintre de la vie moderne" idéal, retenu par Baudelaire pour incarner sa doctrine de l'art moderne, soit un auteur de reportages dessinés, pratiquement autodidacte : Constantin Guys. Ce dernier mieux que d'autres a fait l'effort de traduire la vie moderne en images.

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    Esquisse représentant de jeunes colporteurs de journaux, par Constantin Guys.

    En propulsant le caricaturiste Daumier au premier rang des artistes qui méritent que l'on s'y attarde, pratiquement au même niveau que Delacroix ou Ingres, Baudelaire n'hésite pas à se montrer iconoclaste en matière de critique d'art, tout en dévoilant son penchant pour la satire (comparant Daumier à Molière et Balzac).

    Baudelaire fait fi des anciennes catégories et se passionne pour les nouvelles techniques de diffusion de l'art (l'estampe); ce faisant, il contribue à la fusion des arts -de la poésie et de la peinture-, tandis que la peinture de Delacroix lorgne vers la musique.

    L'ouvrage publié par le Musée de la Vie romantique regroupe en différents thèmes les critiques de Baudelaire et les illustre à l'aide des artistes que Baudelaire sut distinguer mieux que d'autres, grâce à ses talents de poète et une passion sincère pour l'art.

    On peut désormais répondre à la question posée en préambule : qu'est-ce que Baudelaire aurait pensé de la bande-dessinée ? On voit que Baudelaire définit l'artiste moderne au-delà de la capacité à maîtriser une technique, et indépendamment d'une hiérarchie entre les arts. La question de savoir si la bande-dessinée est un art ne nous ramène pas au XIXe siècle mais plutôt au moyen-âge, tant elle est théorique.

    On constate aussi que Baudelaire juge au cas par cas ; on pourrait dire qu'il a des "coups de coeur", si ses jugements n'étaient pas toujours étayés. Sa pratique régulière du dessin semble destinée à raffermir son jugement.

    Cet attitude individualiste fait écho aux convictions antisociales de Baudelaire, particulièrement remonté contre une société bourgeoise qu'il accuse de tendre inexorablement vers l'uniformité.

    A noter que pour Baudelaire la satire n'est pas destinée à faire rire ; dans un paragraphe assez célèbre il vilipendait ainsi le rire : "(...) Le rire, disent les physiologistes, vient de la supériorité. Je ne serais pas étonné que devant cette découverte le physiologiste se fût mis à rire en pensant à sa propre supériorité. Aussi, il fallait dire : Le rire vient de l'idée de sa propre supériorité. Idée satanique s'il en fut jamais ! Orgueil et aberration ! Or, il est notoire que tous les fous des hôpitaux ont l'idée de leur propre supériorité développée outre mesure. Je ne connais guère de fous d'humilité. Remarquez que le rire est une des expressions les plus fréquentes et les plus nombreuses de la folie. (...)

    J'ai dit qu'il y avait symptôme de faiblesse dans le rire ; et, en effet, quel signe plus marquant de débilité qu'une convulsion nerveuse, un spasme involontaire comparable à l'éternuement, et causé par la vue du malheur d'autrui ? Ce malheur est presque toujours une faiblesse d'esprit. Est-il un phénomène plus déplorable que la faiblesse se réjouissant de la faiblesse ? (...)" 

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    Daumier caricature les "amateurs classiques convaincus que l'art est perdu en France" (au Salon).

    L'Oeil de Baudelaire, ouvrage collectif, éd. Musée de la Vie Romantique, 2016.

  • Revue de presse BD (169)

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    Dessin de Naumasq sur le phénomène culturel "Star Wars"

    + "Charlie-Hebdo", dont le tirage n'est plus confidentiel désormais, s'est rangé derrière le front républicain contre le FN lors des dernières élections régionales, s'immisçant ainsi de plus en plus dans le jeu politique.

    Antonio Fischetti justifie l'implication de l'hebdomadaire humoristique par la menace que le FN représentait pour les budgets de la culture dans les régions (15 décembre). Ce journaliste ironise sur la promotion probable des "danseurs de sardane", supputant la préférence du FN pour la culture folklorique ou traditionnelle ; mais Fischetti se garde d'énoncer sa propre conception de la culture. Or, qu'est-ce qui n'est pas culturel aujourd'hui ? De l'émission de télé culinaire à "Star Wars", en passant pas la bande-dessinée, la coupe du monde de rugby et autres divertissements, tout est culture. Le FN doit une partie de son succès au fait qu'à ses idées et sa culture simplistes (façon Marseillaise et drapeau français) sont trop souvent opposées des idées complexes et nébuleuses, dont l'intellectualisme fumeux est tout aussi caricatural que le patriotisme folklorique du FN.

    La culture étant devenue un vaste fourre-tout, se réclamer de la culture est à peu près dépourvu de signification. L'humour ou la satire sont d'ailleurs plutôt représentatifs d'une contre-culture que d'une culture subventionnée.

    + En parlant de culture, que vaut la tintinophilie ? Celle-ci est réactivée par les records des ventes de planches aux enchères, et les fans de "Tintin & Milou" semblent de plus en plus nombreux.

    L'essayiste A. Finkielkraut a exprimé plusieurs fois son mépris de la bande-dessinée en général, mais n'a pas précisément dit que c'est la "littérature de genre" ou la littérature "spécialisée" qu'il convient de ranger sur une étagère inférieure. Du reste cet essayiste se réclame du libéralisme - or la raison commerciale est certainement la principale responsable de l'érosion de l'esprit critique au profit du goût. L'enjeu commercial supplante l'esprit critique.

    + On note l'intérêt pour "Tintin & Milou" d'intellectuels belges spécialisés dans la "bande-dessinée" ou, pour être plus précis, dans la grammaire et la syntaxe de la bande-dessinée. Cela revient à réduire l'art à la virtuosité technique. Tout le monde ou presque a oublié le peintre Paul Delaroche, dont V. Hugo faisait grand cas - Delacroix et Ingres, moins virtuoses, ont mieux résisté à l'outrage du temps.

    Thierry Groensteen se demande si la bande-dessinée mérite le qualificatif d'art surréaliste. D'emblée, la définition du surréalisme lui pose problème. L'emploi de l'expression "imagerie populaire" par T. Groensteen est, par ailleurs, contestable, car la BD est parfois un outil de propagande populiste, au service de l'idéologie dominante, à commencer par les super-héros américains ; de nombreuses séries "franco-belges" pour les enfants ont aussi cette caractéristique. Dire que les arts "industriels" sont "populaires" revient à dire que les usines sont dirigées par des ouvriers - ruse grossière.

    Si le propos du surréalisme est de dire que la fiction ou le rêve sont supérieurs à la réalité, dans ce cas on peut parler du surréalisme comme d'un mouvement artistique radicalement opposé à la mythologie. Du point de vue homérique ou antique, le rêve a une connotation morbide ou macabre. L'art et la philosophie antiques incitent beaucoup plus à affronter la réalité qu'à la fuir.

    + Robert Kopp joue dans le dernier numéro du "Magazine littéraire" à comparer Shakespeare et Cervantès. A la question : - 400 ans après leur mort, lequel des deux l'emporte ?, il est pourtant aisé de répondre que le grand public connaît beaucoup mieux ou beaucoup moins mal Shakespeare que Cervantès, grâce ou à cause de très nombreux films et représentations de Shakespeare.

    La lecture de Cervantès est plus ardue, au point que le projet de traduction de Cervantès dans une langue plus moderne afin d'en faciliter l'accès fait débat actuellement en Espagne. Si Shakespeare et Cervantès sont tous les deux des auteurs satiriques, dont la verve s'exerce particulièrement contre la culture médiévale (on peut rapprocher Don Quichotte de Roméo), Shakespeare est bien plus qu'un auteur satirique. Certains propos de Robert Kopp sur Shakespeare sont contestables, comme le qualificatif "baroque" ; en effet il s'applique à un art le plus souvent "officiel" - architecture ou musique -, et il n'y a pas d'auteur moins "officiel" que Shakespeare.

    Les différentes étiquettes accolées à Shakespeare : "romantique", "baroque", "néo-classique" ne font d'ailleurs pas progresser l'état des connaissances sur Shakespeare, qui aux yeux de l'université demeure largement "énigmatique". On peut se demander si la culture est faite pour égarer ou pour guider ?

    + Un mois après les attentats de Paris, le mot d'ordre qui circule dans la presse est : résistance. Certaines modalités de cette résistance n'ont pas manqué de susciter l'ironie des dessinateurs de presse. L'hebdomadaire gratuit (publicitaire) "A nous Paris", largement distribué dans le métro parisien, mentionne que 13.000 ex. de "Paris est une fête", par Hemingway, ont été récemment écoulés. "A Nous Paris" recommande en outre des ouvrages de John Dos Passos, Jack Kerouac, René Fallet, Henry Miller, Patrick Modiano.

    La lecture de leurs romans est censée remonter le moral des Parisiens. En majorité Américains, ces auteurs portent sur Paris un regard sans doute un peu touristique. Le Paris de Balzac, Zola ou Céline, est plus contrasté et plus véridique. Quoi qu'il en soit, l'activité commerciale redoublant à l'approche de Noël, on sera plutôt tenté de fuir Paris en ce moment.

    + Une brochette d'auteurs de BD installés à Angoulême, dont plusieurs étrangers, a ouvert un site qui leur permet de diffuser gratuitement leurs BD ou des chroniques sur la BD. Baptisé "Marsam", cet outil est analogue au site belge "Grandpapier", dont la diffusion d'un webzine trimestriel a récemment été interrompue.

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    Case extraite de "Bonjour Angoulême", du Taïwanais Yao Hsing, en résidence à Angoulême.