Caricature par ZOMBI
caricaturiste
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Coco en promo
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Revue de presse BD (287)
Dessin de LB (à lire aussi dans "Siné-Mensuel".
+ L'hommage rendu par le président E. Macron à Charles Aznavour avait de quoi faire passer A. Malraux pour un poète minimaliste. Hélas on n'a pas vu -dignité de la fonction oblige-, le président pousser la chansonnette.
Vu l'importance croissante des hommages nationaux dans l'emploi du temps du président (et le temps, c'est de l'argent), on pourrait peut-être confier ces hommages aux professionnels qui siègent à l'Académie française et qui ont déjà un pied dans la tombe ?
- Le caricaturiste et bédéaste Pétillon a eu droit aussi à quelques hommages. Même les dessinateurs lepénistes se sont inclinés devant sa tombe ! Toutes les idéologies communieraient-elles dans la mort ?
L'hommage de Nono dans "Le Télégramme" (quotidien breton) (1er oct.), n'est pas beaucoup moins absurde. Il fournit le mode d'emploi de l'éloge funèbre dessiné :
- au passage, Nono en profite pour s'incliner devant un vivant, le ministre Le Drian, promu ici emblème de la Bretagne (à moins qu'il ne fût collectionneur des dédicaces de Pétillon ?).
- Dieu est aussi représenté, en hommage aux lecteurs démocrates-chrétiens du "Télégramme" - à moins qu'il ne s'agisse du "grand architecte" de Voltaire ?
+ Nicolas Bourriaud écrit dans le magazine "Beaux-Arts" (oct. 2018), après avoir longuement éreinté l'artiste chinois Ai Weiwei, qualifié entre autres "d'artiste pulsionnel qu'attendait Facebook" :
- L'incapacité des médias à abriter en leur sein la moindre réflexion critique sur l'art, au profit de l'enregistrement pavlovien des étiquettes de prix et du nombre de followers agrippés aux artistes ne pourra que fabriquer des Ai Weiwei à la chaîne : la grande imposture de l'art contemporain (...) c'est avant tout celle de ses commentateurs.
Si l'implication des médias dans la propagande capitaliste, directe ou indirecte (publicité), est une évidence, encore faut-il mentionner que la critique a été évincée aussi au sein des institutions scolaires publiques. Cela s'explique par la fonction religieuse accrue de l'art moderne. Cet aspect religieux est si net que même la caricature et la satire sont récupérés par le discours officiel et les caricaturistes bombardés "fantassins de la démocratie", la métaphore militaire faisant écho au commando armé qui s'attaqua à "Charlie-Hebdo".
+ Toujours dans "Beaux-Arts" de ce mois-ci, un article consacré au caricaturiste Félix Tournachon (1820-1910), alias Nadar, plus connu comme photographe-portraitiste.
L'article nous apprend que Nadar n'est pas un mais plusieurs ; en effet son frère cadet Adrien le précéda dans la branche photographique et son fils Paul le suivit. Quelques photographies d'Adrien furent attribuées par erreur à Félix, qui en définitive concentre toute la gloire sur son prénom.
Félix et Adrien, bourgeois lyonnais montés à Paris se disputèrent même au tribunal la propriété intellectuelle du pseudonyme "Nadar", abréviation de l'argotique "Tournadar" d'abord utilisé par Félix.
(Expo. à la BNF du 16 oct. au 3 févr.)
(Ci-contre : le compositeur Offenbach caricaturé par Nadar.)
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Revue de presse BD (286)
+ Un cancer a emporté René Pétillon à l'âge de 72 ans. Caricaturiste au "Canard Enchaîné" depuis 1992, Pétillon avait brièvement prêté main-forte à la rédaction de "Charlie-Hebdo" décimée.
Le carton de "L'Enquête corse" (2009), BD adaptée-édulcorée au cinéma, mettant en scène un enquêteur de police plus vrai que nature -Jack Palmer-, l'avait fait connaître d'un public plus large.
Les premières caricatures de Pétillon furent publiées dans "L'Enragé" de Siné : une façon pour le jeune dessinateur de jeter aux orties son éducation religieuse et les convictions gaullistes de ses parents. Néanmoins Pétillon représentait, comme "Le Canard", une satire plus républicaine et moins anarchiste que "Charlie-Hebdo". A l'instar de Cabu, Pétillon était conscient de l'embourgeoisement du "Canard".
On note que les dernières recrues du "Canard enchaîné", qui vient de perdre un deuxième pilier après Cabu, dessinent comme Pétillon et font preuve d'un humour basé sur les traits d'esprit plutôt que sur le dessin. A suivre de trop près les péripéties de la vie politique française, de plus en plus anecdotiques, la satire perd en force.
+ "Nous avons besoin de rire de la mort." Les fondateurs britanniques du site "The Reaper" (La Faucheuse), Gary Mead, Jérémy Banx et Rory Pickering rappellent ici que l'humour est le propre de l'homme.
- Rappel d'autant plus utile que la société totalitaire, qui repose sur l'intelligence artificielle, tend à exclure l'humour et la satire, dans lesquels elle dénonce une dérive individualiste.
Le dessin ci-dessous est issu d'une sélection de dessins de Victor Bogorad sur le thème de la mort, publiée par "The Reaper".
+ Les CROUS, organismes publics d'aide matérielle aux étudiants, organisent un concours de BD doté de 3500 euros sur le thème de la "révolution".
On peut voir les travaux primés l'année dernière (sur le thème aussi "bateau" de "la rue") sur le site des CROUS, dont la planche ci-dessous d'Adrien Yeung.
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Revue de presse BD (285)
+ "Le Siècle des Lumières est hélas révolu !" Siné.
Pour fêter les dix ans de "Siné-Mensuel" (dont quelques années de parution hebdo) vient de paraître un épais hors-série. Il regroupe pléthore de signatures de caricaturistes & chroniqueurs enrôlés par Siné dans son ultime combat utopique (pour le triomphe de l'intelligence sur la connerie).
Comme dit Jean-Marie Laclavetine en préambule : grâce soit rendue à Philippe Val et BHL pour avoir offert à Siné une retraite à sa mesure (celle d'un type trop entier pour composer avec la mort).
La part belle est faite dans ce hors-série aux charges humoristiques de Siné, dessinées ou calligraphiées. A juste titre car "Siné-Mensuel" n'a pas de véritable stratégie partisane ; c'est plutôt un journal adossé à la personnalité de son fondateur, assénant swings et directs comme un boxeur monté une dernière fois sur le ring avant de tirer sa révérence (en 2016).
+ L'affiche du festival de BD d'Angoulême est en général dessinée par le lauréat de l'année précédente et lui seul. L'organisation a édicté une nouvelle règle, proposant pour l'édition 2019 trois affiches différentes. Probable qu'on cherche ici à compenser l'effet repoussant de l'affiche de Richard Corben, lauréat en 2018.
Bien entendu le communiqué officiel fournit une toute autre raison : - Comme les dernières éditions l’ont démontré, le Festival s’engage activement dans l’accueil et la promotion d’un 9e Art toujours plus avide de nouvelles cultures, de nouveaux genres et de nouveaux publics... blablabla.
+ Les enseignes "Gibert-Joseph" et "Cultura" ont retiré de leurs rayons un album de Bastien Vivès récemment paru, "Petit Paul", à la demande de clients accusant cet album d'incitation à la pédophilie. L'auteur et l'éditeur (Glénat) se défendent d'une telle intention et se retranchent derrière l'humour. La BD est parue dans une collection qui veut marier humour et sexualité.
Le sujet de la pédophilie est un sujet particulièrement sensible, tout comme celui du harcèlement sexuel. On se souvient d'une pétition lancée l'année dernière aux Etats-Unis pour demander le retrait du musée de New York d'une toile à connotation pédophile de Balthus.
L'hypocrisie est de tous les côtés dans ce genre d'affaire : du côté de l'éditeur, qui utilise l'argument libéral éculé de la "libération sexuelle", alors que la sexualité est avant tout une question d'instinct et non de choix ; mais aussi du côté des défenseurs des enfants, bien plus exposés à la violence pornographique désormais par le biais des ordinateurs, tablettes et téléphones, dont l'accès est facilité.
+ Le festival de BD gratuit "Formula Bula" (29 et 30 sept.) revendique une programmation éclectique. Un peu moins de vingt petits éditeurs indépendants seront présents.
"Je suis tombé dedans quand j'étais petit" : une expo. sur ce thème regroupe des oeuvres de T. Ungerer, D. Goossens, Blutch, Gilles Rochier, Pétillon, Anouk Ricard...
A la médiathèque F. Sagan (Paris Xe).
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Revue de presse BD (247)
Caricature de F. Engels représentant les bourgeois prussiens faisant face au "kaiser" Guillaume.
+ "L'Humanité" salue la sortie sur les écrans du "Jeune Karl Marx", film allemand de Raoul Peck centré sur les jeunes années de ce journaliste subversif et sa rencontre avec Frédéric Engels.
Haï ou adulé, mondialement célèbre, Marx demeure très mal connu, en particulier du public français. Le parti communiste français est sans doute le premier responsable de cette censure, peu soucieux de répandre la critique la plus radicale qui soit de l'étatisme et du droit modernes.
L'oeuvre de Marx a une dimension satirique, non seulement parce que Marx n'hésite pas à caricaturer les élites et la culture bourgeoises afin de faire ressortir leurs traits caractéristiques, mais aussi parce qu'il n'hésita pas à brocarder les "classiques" de la littérature française : Racine (style "carton-pâte"), Hugo (lyrisme creux de député), etc.
Trouvaient grâce en revanche au yeux de Marx "Le Neveu de Rameau" de Diderot, et surtout Balzac, très apprécié en dépit de leur divergence d'étiquettes politiques, Marx admirant chez Balzac son sens de l'observation et sa peinture véridique de la société française.
+ Le tribunal de Poitiers vient d'entériner la mutation d'un professeur de philosophie (Jean-François Chazerans), sanction prise par sa hiérarchie à la suite d'insultes proférées en cours en 2015 à l'encontre des journalistes de "Charlie-Hebdo", qu'il avait traités de "crapules" en cours; J.-F. Chazerans s'est expliqué ainsi au "Monde" : - J’ai prononcé le mot “crapules” en pensant au Charlie de ma jeunesse. Je n’aimais pas ce qu’ils étaient devenus; pour moi, ils avaient un peu viré racistes. Alors oui, je me suis permis une petite provocation à la Charlie.
Le concept de "crapule" gagne certainement à être élucidé par les temps qui courent, cela dit les cours de philosophie, d'histoire, voire de français, sont devenus les moments privilégiés de débats idéologiques stériles, chaque parti politique militant pour sa vision partisane de l'Histoire, européiste, régionaliste, féministe, libérale, communiste, démocrate-chrétienne, etc.
C'est une véritable punition pour les élèves que cet enseignement réduit au débat idéologique.
+ Henri Filippini, qui participa aux "Cahiers de la bande-dessinée", fanzine fondé par J. Glénat, commente en détail sur BD-Zoom la nouvelle formule des "Cahiers", devenus un épais magazine vendu en kiosque.
+ La veuve de Charles Schultz (Peanuts/Snoopy) a dû fuir en catastrophe sa villa de Santa Rosa, localité située dans le comté de Sonoma, à cause d'un incendie violent ravageant cette région de Californie et ayant fait de nombreuses victimes.
Le musée dédié à l'oeuvre du plus célèbre des "cartoonists" américains et recueillant ses planches originales a, lui, été épargné de justesse par les flammes selon le "Mercury-News".
+ Le "prix de l'humour vache" du festival de St-Just-Le-Martel (Haute-Vienne) a été décerné lors de l'édition 2017 au caricaturiste mexicain Angel Boligan Corbo.
Comme le festival de BD d'Angoulême, le festival de St-Just-Le-Martel se donne ainsi des airs de festival international.
Dessin d'Angel Boligan Corbo.
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Revue de presse BD (246)
+ Accusé par certains de nuire au métier de caricaturiste, l'Internet permet quoi qu'il en soit de découvrir certains dessinateurs talentueux, amateurs ou professionnels, lorsque ces derniers publient dans des titres dont la diffusion est restreinte - ainsi du dessinateur Michel Cambon ("Lettre du Cadre") ou de Delestre ("Est républicain" - ci-dessus).
+ "Arrêtez de manipuler l'Histoire !" titre cette semaine l'hebdomadaire "Marianne" en "Une", accusant la classe politique d'instrumentaliser cette science. C'est un comble de la part d'un magazine placé sous le patronage de "Marianne", emblème d'un culte républicain largement négationniste. La République s'enorgueillit ainsi d'être le résultat d'un processus révolutionnaire émancipateur, alors qu'elle est tout autant, si ce n'est davantage, le terme d'un processus répressif et coercitif.
L'instrumentalisation de l'Histoire commence à l'école, où la "mémoire" est substituée à l'Histoire, afin de conférer une signification morale (donc religieuse) à l'Histoire. Il est un exemple récent assez probant, c'est la fabrication de la statue du commandeur de Gaulle, en quelques décennies à peine ; le consensus politique sur ce sujet, qui va pratiquement de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, s'oppose à l'exigence d'un bilan critique.
Ce n'est pas tant à la classe politique que l'on peut reprocher d'instrumentaliser l'Histoire, d'ailleurs. En cela elle ne fait que se comporter comme les générations de politiciens qui l'ont précédée depuis que la France est "laïque", et même avant. Plus inquiétante et plus récente l'instrumentalisation par la presse et les élites intellectuelles. Celle-ci constitue un des symptômes du totalitarisme, repéré à la fois par H. Arendt et G. Orwell ; chacun à sa manière a signalé la confusion du registre scientifique et du registre politique dans la culture totalitaire, alors même que la politique et la science ne répondent pas au même besoin ou attente.
+ Les "comics" échappent rarement au domaine de la culture de masse, cet opium du peuple américain. Elsa Charretier, jeune Française dessinatrice de "comics" invitée à la récente "Comic Con" parle de la dimension "stakhanoviste" de son métier :
- Le comics US est synonyme de publication hyper-rapide, parfois infernale. Faire vingt-deux pages par mois, c’est difficile. L’endurance, c’est la clé, pour savoir durer dans le métier.
Caractéristique des ouvrages de pur divertissement, le labeur intense qu'ils réclament. Le divertissement et l'idée moderne du travail ne s'opposent pas, ils sont complémentaires. La religion aurait le grave inconvénient, aux yeux de certains, d'exciter le sentiment de culpabilité: en réalité celui-ci persiste de façon non moins contraignante dans les sociétés sécularisées autour de la notion de travail. Le chômeur est le pécheur des temps modernes.
+ Jacques Ferrandez, après avoir adapté "L'Etranger" de Camus en BD, s'est lancée dans une entreprise plus risquée : la transposition du "Premier Homme", roman inachevé du même Albert Camus, sous la houlette de la fille de Camus, avec qui Ferrandez partage ses origines "Pied-Noir". Ferrandez a été interrogé sur les conditions d'une telle reprise par Mathieu Van Overstraeten.
Autoportrait de Derain.
+ On peut encore, à condition de se dépêcher, regarder le reportage que la télévision (France 5) consacre à l'amitié entre le peintre Derain et son cadet le sculpteur Giacometti, deux artistes en proie au doute que leur individualisme entraîna à l'écart de "l'avant-garde", expression de la foi dans l'Avenir.
Les "cas" de Derain, "fauviste malgré lui" et Giacometti, permettent aussi de comprendre que l'opposition entre l'art abstrait et l'art figuratif n'est qu'une question de degré ou de tendance.
Ce reportage fait écho à une expo Derain, Balthus & Giacometti au Musée d'Art moderne de Paris (-29 oct.).
+ La bédéaste-linograveuse anticonformiste & cabalistique Tanx expose son travail à Lyon, dans le quartier de la Guillotière (vernissage ce jour). Tanx tranche avec le style feutré des auteurs de BD, explosant en coups de gueule réguliers contre tout ce qui porte des couilles (au sens propre) ou au contraire n'en porte pas (au sens figuré).
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Revue de presse BD (242)
Portrait d'A. Moore par Rebecca Clarke.
+ "De nos jours, il n’y a plus que des romans graphiques, des livres pour table à café. C’est l’une des raisons pour lesquelles je me retire de la bande-dessinée."
Le scénariste de BD Alan Moore dénonce l'embourgeoisement de la BD dans une interview donnée au "Point" (25 août), hebdo prisé par les cadres commerciaux."La bande-dessinée s'est embourgeoisée. Maintenant, on parle de roman graphique – une invention d'un département de marketing quelconque. La raison pour laquelle j'aimais les bandes-dessinées est qu'elles parlaient à tout le monde, par-delà les classes sociales. Elles ne remplissent plus cette fonction désormais."
Il vaudrait mieux parler à propos du roman graphique d'intellectualisme, car de manière générale la BD est, comme le cinéma, un art bourgeois, produit par des magnats de la presse en conformité avec les intérêts de la bourgeoisie industrielle. Ce n'est qu'à titre exceptionnel que la BD échappe à ce cahier des charges : "Hara-Kiri" en France, les fanzines de R. Crumb aux Etats-Unis, etc.
Le "roman graphique" est une appellation qui contribue à la gentrification culturelle de la BD, opération à travers laquelle les élites bourgeoises s'efforcent de mettre en valeur leur patrimoine culturel. Sur ce point A. Moore n'a pas tort.
+ Les gouvernements changent, la démagogie continue ; la nouvelle ministre de la Culture Françoise Nyssen, à peine nommée, s'est empressée de faire l'apologie des jeux vidéos comme ses prédécesseurs ; il faut dire que l'industrie des jeux vidéos est des plus lucratives. Les bibliothèques municipales cèdent elles aussi à la mode qui consiste à installer des "postes de jeu" et organiser des tournois de jeux vidéos ; de l'adage ancien qui signale que les peuples intelligents sont difficiles à gouverner, on peut en forger un autre : "Les crétins décérébrés font les électeurs les plus dociles."
Comme "dieu" sert à certains fanatiques à justifier tout et n'importe quoi, la "culture" est devenue un argument massue en Occident, une méthode pour étouffer l'esprit critique, au profit de la culture de masse. Le divorce est d'ailleurs consommé entre les élites contemporaines et les philosophes des Lumières qui fustigeaient les spectacles divertissants comme un frein à l'émancipation du peuple.
Strip extrait du blog de Xavier Gorce.
+ Le romancier naturaliste J.-K. Huysmans (1848-1907) ("Là-bas", "A Rebours"...), émule de Zola avant de se convertir au catholicisme, fut aussi critique d'art (Huysmans descendait d'une famille de peintres flamands).
Dans "Certains", recueil de portraits d'artistes, Huysmans décrit le caricaturiste Forain : "(...) M. Forain a voulu faire ce que le Guys [Constantin], révélé par Baudelaire, avait fait pour son époque : peindre la femme où qu'elle s'affirme, dans les lieux où elle travaille (...).
A coup sûr, personne n'a mieux que lui, dans d'inoubliables aquarelles, décrit la fille ; personne n'a mieux rendu les tépides amorces de ses yeux vides, l'embûche polie de son sourire, l'émoi parfumé de ses seins, le glorieux dodinage de son chignon trempé dans les eaux oxygénées et les potasses ; personne, enfin, n'a plus justement exprimé la délicieuse horreur de son masque rosse, ses élégances vengeresses des famines subies, ses dèches voilées sous la gaieté des falbalas et l'éclat des fards.
En sus de ses qualités d'observation aiguë, de son dessin délibéré, rapide, concisant l'ensemble, avivant le soupçon, forant d'un trait jusqu'aux dessous, il a apporté, en art, la sagace ironie d'un Parisien narquois.
C'est grâce, sans doute, à cette orientation d'un esprit net et blagueur, très élagué de toute chimère, qu'il dut d'avoir trouvé, pour les dessins des journaux où il logeait, d'audacieuses légendes, parfois cruelles, souvent même presque comminatoires pour les ridicules gredineries de ces temps fous."
A l'instar de Baudelaire (et de nombreux romanciers du XIXe siècle), un des thèmes favoris de Huysmans est le satanisme ; il faut dire que le "grand Pan" est souvent tenu pour le dieu des artistes. Sur le sujet relativement confus du satanisme et de Huysmans, dont il est fin connaisseur, François Angelier (!) a donné une conférence assez claire à la librairie "Le Monte-en-l'air" - conférence enregistrée ici.
Petite danseuse et son souteneur, par Forain, qui mettait plus de satire et moins d'esthétique dans ses peintures que son ami E. Degas.