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manga - Page 3

  • Revue de presse BD (89)

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    + De plus en plus fréquemment, les blogueurs-bd traduisent leurs blogs dans une langue étrangère afin d'élargir leur public. En anglais le plus souvent, mais pas toujours, puisque Boulet donne une version du sien en... coréen. L'occasion de signaler le retour de ZINOCIRCUS, qui propose désormais des strips en anglais.

    + Rien de plus sinistre qu'un enterrement, sauf peut-être un mariage: fort heureusement le Tampographe Sardon, voisin du Père Lachaise, nous narre d'un ton léger sur son blog les funérailles de Cavanna : "Je vois passer beaucoup de gens habillés en noir dans la rue du Repos. On doit enterrer quelqu'un d'important..."

    + Une expo organisée à Grenoble au couvent Sainte-Cécile sur le thème de l'art monstrueux invite à la comparaison entre certains peintres flamands fantastiques et la bande-dessinée franco-belge. Le seul hic, c'est que Jérôme Bosch n'est pas un peintre "fantastique" au sens où l'entend la scolastique moderne; il mérite plutôt d'être qualifié de "réaliste", tout comme H. de Balzac (louangé par K. Marx pour cette raison) ; autrement dit, Jérôme Bosch est à l'opposé d'un peintre onirique comme Salvador Dali, ou d'auteurs comme Moebius ou Hergé.

    Ce type d'expositions thématiques, de plus en plus fréquemment organisées afin d'attirer le chaland, donnent souvent lieu à des amalgames et des confusions. Le conservateur Jean Clair en avait inauguré la mode avec une exposition sur le thème de la "Mélancolie", véritable bric-à-brac mélangeant tout et son contraire, selon le fantasme du metteur en scène;

    + La plateforme internationale de partage de docs Issuu.com permet de se tenir au courant de la production étrangère de fanzines, diffusés de plus en plus souvent de cette façon, tel le n°8 de "Off-Life" (février-mars 2014), fanzine de BD britannique.

    + Sous le titre "La gérontocratie recadrée", Jérôme Briot signe un article dans le magazine gratuit "Zoo" (n°51) où il se félicite de l'éviction du Festival d'Angoulême des vieux briscards de la BD. Ce journaliste leur reproche notamment d'avoir dédaigné le manga, qui selon lui connaissent un succès populaire. C'est ignorer que l'engouement pour la culture de masse japonaise n'a rien de spontané, mais que le terrain a été préparé auparavant par la télé et les dessins-animés japonais, dont le principal mérite était le moindre coût de production. Quand la vogue du manga a commencé, le souci artistique des éditeurs spécialisé dans ce créneau était tellement grand qu'ils n'ont pas jugé utile de payer des traducteurs avant de mettre en rayon des mangas dont les noms des personnages variaient parfois entre la première et la dernière page.

    + Le dessin de la semaine est de Pascal Somon, illustrateur rémois condamné le 7 février à sept mois de prison avec sursis pour plagiat de Tintin (le procureur avait requis de la prison ferme). Il est vrai que le droit de la propriété intellectuelle est "surréaliste", exactement comme l'art d'Hergé, plus proche de la littérature de genre que de l'art.

    L'absurdité de cette décision de justice réclamée par les zozos qui dirigent Moulinsart-SA est qu'elle implique une meilleure protection des droits de parodistes qui souligneraient les préjugés antisémites ou colonialistes véhiculés par Hergé que les auteurs, comme Pascal Somon, souhaitant rendre hommage à Hergé.

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  • Revue de presse BD (88)

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    + "Je n'ai pas lu beaucoup de "grands" philosophes, mais j'ai lu Cavanna (...) et ce qu'il a écrit a fortement marqué mon esprit et ma pensée.", ainsi Philgreff a-t-il tenu à rendre hommage sur son blog à François Cavanna, incinéré aujourd'hui au Père Lachaise (+ portrait).

    On n'est pas obligé de partager le préjugé de Cavanna en faveur des instits et des profs, qui ne font jamais que perpétuer le bourrage de crâne clérical -beaucoup prennent pour paroles d'évangile ce qu'ils apprennent à l'école-, cela dit il faut tirer un coup de chapeau à Cavanna pour avoir tenu cette gageure, avec le Pr Choron et Cabu, de fonder un journal indépendant.

    + "Siné-Hebdo", après avoir été sauvé de la faillite par une souscription de ses lecteurs est de nouveau menacé à la suite d'un cambriolage suspect intervenu quelques jours avant le bouclage.

    + Le financement du festival d'Angoulême par une firme implantée dans les territoires palestiniens occupés par Israël (Soda-Stream) a déclenché un tollé a posteriori chez certains auteurs, dont Jacques Tardi et le Malto-Américain Joe Sacco, pour qui ce genre de financement est compromettant. Mais le FIBD n'est-il pas une entreprise commerciale avant tout ?

    + Le préfet de la Charente est intervenu pour ordonner l'expulsion de l'éditeur japonais Next-Door, venu manifester au FIBD le mécontentement de certains Japonais vis-à-vis de l'exposition sur les bordels militaires nippons qui faisaient travailler des femmes coréennes ou philippines pendant la seconde guerre mondiale. A tout prendre, cette deuxième affaire est plus inquiétante : outre que les Français feraient mieux de s'en prendre à leur propre armée et à leurs propres bordels militaires, l'intervention de représentants de l'Etat pour dire ce qu'il est permis de dire ou ne pas dire, d'exposer ou ne pas exposer, laisse penser que la circulation des idées est désormais au niveau de la circulation automobile, domaine où l'arbitraire est moins gênant.

    Le directeur du festival, Frédéric Bondoux, s'est défendu en affirmant que le FIBD donne exclusivement la parole aux auteurs. En réalité, il la donne aussi à des politiciens, des publicitaires et des éditeurs. Si le président Poutine déclare que les Jeux olympiques sont une manifestation sportive avant tout, qui le prendra au sérieux ?

    + Dans une interview donnée au "Nouvel Obs", Isabelle Franquin, fille de qui on sait, estime que l'on rend peut-être trop hommage à son père, et pas assez à Raymond Macherot ou Jijé. Elle trouve en outre que l'on exagère le tempérament dépressif de son père (il est vrai que l'humour noir est rarement le fait des personnes dépressives, qui préfèrent de loin l'art masturbatoire). Isabelle Franquin tient aussi de son père que "L'admiration des autres peut paralyser la liberté de création."

    + Le dessin du jour est une parodie de manga par Tarmasz, dont le blog-bd a remporté le concours de blog-bd du 41e festival d'Angoulême. La jeune femme pratique aussi l'art du tatouage, qui est comme la BD un art cellulaire.

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  • Paris, le Retour**

    Je dois dire que je ne gobe pas beaucoup la culture japonaise, un peu trop pédophile àfanzine,gratuit,zébra,webzine,bande-dessinée,critique,kritik,jean-paul nishi,paris,québec,manga,sushi,one piece,nippon,japon,france,anglais,culture,roman graphique mon goût. Je lis donc rarement des mangas, juste un coup d’œil sur certains phénomènes de société comme l’inévitable «One Piece», déjà écoulé à plusieurs centaines de millions d’exemplaires rien qu’au Japon. D’ailleurs le libraire spécialisé de mon quartier ne désemplit pas, et même les bibliothèques municipales s’y sont mises.

    Le roman graphique de Jean-Paul Nishi, « Paris, le retour », échappe quelque peu à la loi du genre nippon, puisqu’il s’agit pour cet auteur de mangas ayant séjourné à Paris de rapporter à ses compatriotes quelques détails croustillants sur les mœurs françaises, en soulignant bien sûr les différences. Sa BD a ensuite été traduite en français.

    Ce type de témoignage sur la France par des étrangers est régulièrement publié. Le point de vue extérieur permet aux étrangers de voir des choses que nous ne voyons pas, ou de dire des choses qu’il n’est pas permis de dire par chez nous. Je me souviens d’un couple de Québécois, ayant séjourné pendant un an ou deux en France, avant de rédiger un tel rapport, confirmant ou infirmant tel ou tel préjugé. Infirmant par exemple l’idée que les Français se mettent plus souvent en grèves que d’autres peuples, cette impression fausse venant du fait que les grévistes vont se montrer à la capitale la plupart du temps, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays moins centralisés. Mais, dans l’ensemble, ces Québécois étaient un peu trop gentils. Ils étaient sans doute tombés amoureux de la France, à moins qu’ils n’aient cédé aux consignes de modération de leur éditeur (les éditeurs sont aujourd’hui les principaux acteurs de la censure).

    Plus récemment, une citoyenne britannique ayant épousé un Français a rédigé aussi ce type d’ouvrage, un peu plus pointu. On y apprend, par exemple, que les mœurs sexuelles de la bourgeoisie parisienne ont de quoi choquer une bourgeoise anglaise ; mais pas seulement, puisque le bouquin contient aussi quelques critiques pertinentes sur notre système scolaire de « bêtes à concours » et son bourrage de crâne intellectuel, qui laisse notre Anglaise un peu interloquée. Celle-ci est en particulier stupéfaite qu’on puisse avoir atteint le sommet de la hiérarchie intellectuelle en France autour de vingt-deux, vingt-trois ans, sous prétexte d’une agrégation quelconque. C’est un phénomène typiquement républicain, qui consiste à calquer les écoles et études prestigieuses, quel que soit leur objet, sur le modèle de Saint-Cyr. Pour ma part j’ai même fréquenté des étrangers issus de l’ancien bloc soviétique qui jugeaient le système français un peu trop austère.

    Bien que son dessin soit d’une froideur numérique assez glaciale, Jean-Paul Nishi parvient en quelques anecdotes assez linéaires et pas trop pesantes à exhiber ce qu’il y a de surprenant, de choquant ou d’amusant dans les mœurs françaises vues du Japon. Au passage on apprend bien sûr des tas de choses sur les Japonais, mais pour la plupart assez connues : redoutables hygiénistes, d’une politesse assimilable en France à l’hypocrisie, un sens du devoir plus développé que les Allemands, etc. (...)

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  • Spirou par Chaland***

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    De telles méthodes ont permis aux auteurs et dessinateurs de BD de bénéficier d’un minimum de respect en Europe, tandis que la production de comics américains ou de mangas japonais fut au contraire complètement assimilée à la culture de masse, et ainsi méprisée.

    Des personnalités telles que Joseph Gillain, André Franquin ou Maurice de Bevère (Morris) ont pu s’affirmer dans un contexte de semi-liberté créative, se jouant parfois du cahier des charges qui leur était imposé; ce contexte fut même moins pesant que le dirigisme culturel typiquement français, qui après-guerre a contribué à ouvrir un boulevard à l’industrie du divertissement primaire.

    La récente reconnaissance officielle de la BD comme un art à part entière ne signifie d'ailleurs pas tant le progrès de la BD, dont tel ou tel cherchera à s’attribuer le mérite, que l’échec retentissant des politiques culturelles menées au cours des cinquante dernières années.

    Nous avons déjà recommandé dans «Zébra» un documentaire-BD dédié à Jean-Claude Fournier, repreneur de la série emblématique de Dupuis; celui-ci éclaire les conditions économiques de cette production littéraire destinée aux enfants. On aborde plus directement avec Yves Chaland une autre particularité, à savoir l’ambiguïté de la culture belge francophone sur laquelle cette BD a poussé; on peut presque parler de schizophrénie, dans la mesure où sont amalgamées des valeurs patrimoniales traditionnelles, quasiment «nietzschéennes», avec un «judéo-christianisme» en principe aux antipodes de ces valeurs conservatrices. Semblable syncrétisme bizarre se retrouve dans le mouvement boy-scout, autre spécialité belge indissociable. Si le pagano-christianisme n’est pas l’apanage exclusif de la Belgique, en revanche sa mutation belge en culture enfantine ou adolescente hétérosexuelle est assez originale et renforce son ésotérisme.

    Or Y. Chaland, n’étant pas Belge mais Français, a mieux perçu cette bizarrerie culturelle de l’extérieur. Il n’est sans doute pas le premier à la remarquer, mais son travail est d’un mimétisme et d’une rigueur étonnantes sur le plan technique, où un phénomène comparable à la piété filiale est presque décelable ; sur le plan technique seulement, car par ailleurs Chaland s’élève au niveau du pastiche et ouvre la voie à la subversion des codes de la BD belge.

    José-Louis Bocquet, auteur de cette petite étude, «Spirou par Y. Chaland», note très bien le caractère paradoxal de pastiche respectueux du travail de Chaland, ainsi que le malaise qu’il provoqua chez les «fans» de «Spirou & Fantasio», aussi bien qu’au sein de la maison Dupuis où une telle dérision n’était pas de mise.

    Cette façon de dynamiter les codes de l’intérieur est la plus efficace, selon l’intention plus ou moins délibérée du pasticheur. Ainsi, quelques pages de pastiche suffisent au critique littéraire Paul Reboux pour faire ressortir le sadisme pédérastique sous-jacent des ouvrages de la Comtesse de Ségur, mieux qu’une longue et fastidieuse étude théorique de Michel Tournier menant à la même conclusion.

    Et Chaland ne se limite pas à Spirou & Fantasio, série dont on apprend par Jean-Claude Fournier qu’elle était considérée par Franquin comme un travail alimentaire excessivement contraignant. Le travail de pastiche de Chaland atteint le maximum de la subversion dans «Le jeune Albert», ou encore une biographie de Jijé parue dans «Métal Hurlant».

    Il est intéressant d’observer que le travail de Picasso traduit la même démarche paradoxale. Elle peut se comprendre en effet comme un travail de pastiche ou de critique picturale, ironie comprise dans de nombreux cas. Sa science du dessin permet à Picasso de subvertir la peinture classique de l’intérieur, avec une efficacité inégalée. Le profanateur a été élevé dans le temple.

    La part du pastiche est essentielle dans la contre-culture, et la contre-culture dans le mouvement de l'art moderne. Bien que le mouvement soit présenté officiellement comme un progrès ou un renouvellement, il consiste largement dans une illusion de type alchimique ("rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"). L’art de Chaland illustre ce phénomène à l’intérieur d’une culture plus marginale et circonscrite.

    A titre d'exemple, de nombreux croquis préparatoires et un épisode de "Spirou & Fantasio" par Chaland sont reproduits au regard des propos de J.-L. Bocquet.

     

    Spirou par Y. Chaland, José-Louis Bocquet, Dupuis, automne 2013.

  • Papier n°1**

    En cette rentrée, plusieurs nouveaux magazines de BD ont fait leur apparition en librairie : « La Revue webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,papier,publication,revue,magazine,yannick lejeune,delcourt,lewis trondheim,bastien vivès,florence dupré-latour,jérôme anfré,numérique,révolution,association,mon lapin,manga,la revue dessinée,fétichisme,livre de la jungle,zoophiledessinée », « Mon Lapin », « Aaargh », et « Papier ». Cette dernière publication est la plus paradoxale – comme un symptôme du malaise actuel dans la BD, écartelée en tous sens.

    Paradoxale, parce que « Papier » ne serait qu’une compilation de planches produites par différents auteurs plus ou moins talentueux (au nombre desquels Bastien Vivès, Jérôme Anfré ou Florence Dupré-Latour), sans un petit édito des directeurs de la publication, seul élément de nature à nous éclairer sur le but de cet assemblage d’auteurs. Et que dit cet édito ? C’est une sorte de manifeste nostalgique de Lewis Trondheim, qui déclare sa flamme au papier, quand le « tout numérique », tel un golem, s’apprête à engloutir tous les petits métiers d’antan. La sincérité de ce fétichisme un peu mou est douteuse - d’abord parce que « Papier » est maquetté au format « cheap » manga, noir et blanc, assez peu adapté à la plupart des contributions.

     Paradoxale surtout parce que, sans la Toile, la plupart des auteurs publiés dans « Papier » ne se seraient pas fait connaître aussi vite, s’imposant pour ainsi dire aux éditeurs. Depuis une dizaine d’années, internet joue le rôle des fanzines-BD naguère, de promotion de nouveaux talents, qui désormais peuvent s’auto-promouvoir plus facilement. Le luxueux fanzine « Lapin » de « L’Association » a lui aussi, de ce fait, perdu sa raison sociale (« Lapin », qui, pour le coup, était vraiment fabriqué par un -ou une ?- fétichiste amoureux du détail). Au moins en ce qui concerne la BD, la « révolution numérique » n’est pas surtout d’ordre technologique. Internet va au moins autant à l’encontre de l’esprit de système qu’il ne le conforte.

    On a donc l’impression que L. Trondheim et son associé Yannick Lejeune se sont saisi du premier prétexte venu. Vivès donne une parodie du «Livre de la Jungle» (je m’attendais à un truc un peu plus « zoophile ») ; Florence Dupré-Latour continue de se venger de sa famille bourgeoise lyonnaise, s’exposant ainsi à un droit de réponse, comme le romancier Jean-Louis Fournier récemment après avoir bafoué sa fille.

    Si le contenu n’est donc pas trop mal, le contenant laisse à désirer ; c’est bien sûr presque toujours le cas des jeunes revues ou gazettes, mais L. Trondheim, en principe, n’est pas né de la dernière pluie.

     

    On peut donc regretter que B. Vivès ou/et F. Dupré-Latour, à l’humour plus caustique et moins potache que celui de Trondheim, n’aient pas pris la direction de « Papier ».

    Papier, sept. 2013, Delcourt, 9 euros.

  • Revue de presse BD (46)

     

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    + D'habitude, je trouve les affiches de festivals assez moches. Pas celle du tampographe Sardon, pour le prochain festival de Bastia.

    + Janet Hamlin a pu assister au procès politique des prisonniers de Guantanamo et faire quelques croquis (un peu conventionnels). Je me demande ce qu'un artiste comme Cabu aurait sorti dans cette situation ? Le dessinateur de presse Marc Large, qui témoigne parfois de son travail sur son blog, croque parfois pour le compte de la télé française. Il témoigne de la difficulté de dessiner dans les cas d'affaires pénales particulièrement atroces.

    + La société Moulinsart et la veuve Hergé ayant été déboutés à l'issu de leur procédure, ils n'ont pu empêcher deux pastiches de Gordon Zola de paraître : "L'Ascète boude le Cristal", et "Le Temps pleut du Soleil". Pourquoi faire un procès, quand de si mauvais titres plaident contre ?

    + Les éditions Delcourt lancent un nouveau magazine féminin illustré: "Bisou". "Parce qu'on ne voulait pas choisir entre être belle et amusante, légère et intelligente, vraie et branchée, Bisou est né.", affirme sa rédactrice Anaïs Vanel. "Belle et amusante, légère et intelligente, vraie et branchée", c'est à peu près la liste des compliments qu'un mec devra faire à une qu'il veut baiser (ou marier, puisque c'est de nouveau la mode). C'est bien vrai qu'il n'y a pas de différence entre les sexes. Je vais pouvoir lire "Bisou".

    + Les producteurs de BD ont trouvé une astuce pour se débarrasser de leurs stocks d'invendus: ils les donnent, au cours d'une opération de promo. : les 48H BD.

    + La perspective de faire des profits grâce au web et la diffusion des oeuvres numérisées provoque des remous entre les différents acteurs de la profession. Grosso modo, les auteurs redoutent de se faire entuber par des groupes de presse dont les abus les ont rendus méfiants.

    De fait, au Japon et aux Etats-Unis, les comics ou les mangas sont produits dans des conditions proches de l'industrie automobile, pour ne pas dire qu'elles sont bien pires, vu qu'il n'y a pas dans la BD des syndicats très puissants comme dans l'automobile.

    Le mépris pour la bande-dessinée vient d'abord de là : du fait que les mangakas ou les auteurs de comics sont de simples exécutants, presque des auteurs d'images pieuses, étant donné le lien entre le culte des super-héros et le nationalisme, à un degré qui, vu d'Europe, paraît surréaliste. Au contraire, le respect vient de Belgique et de pratiques plus proches de l'artisanat. Et de nulle part ailleurs. Le respect ne vient pas du fric, comme certains lèche-cul prétendent parfois; ni de travaux universitaires pompeux, que personne ne lit.

    C'est donc une double question de salaire et de statut qui irrite les auteurs de BD. Au cours des dernières années, "l'industrie de la BD", comme disent certains, malgré l'augmentation des profits, s'est désintéressée du sort des auteurs, en dehors de quelques stars. Les petites maisons d'édition indépendantes se sont multipliées, qui ne paient pas mieux les auteurs, mais du moins les traitent avec plus de respect, et leur laissent le champ plus libre.

    Un accord a donc été signé entre les syndicats d'éditeurs et d'auteurs, en présence de la ministre de la Culture Filippetti (et d'un médiateur, issu de l'université, P. Sirinelli) le 21 mars. Autant dire que cet accord est du pur bluff. Primo : le rendement économique des oeuvres numériques n'est pas un fait acquis. Il l'est plus ou moins aux Etats-Unis, malgré la médiocrité de la production, mais le marché américain est dix fois plus important ; on sait la promptitude de Perrette à s'enthousiasmer, dès lors qu'il s'agit de faire du beurre, mais son intelligence économique catastrophique.

    Si rendement il y a, on se demande qui pourrait empêcher les pactes léonins de perdurer -le "pacte léonin", c'est comme ça qu'on dit quand on pense que les fables d'Esope sont une science économique plus fiable que celle des experts-comptables policés. L'idée est assez répandue en France que "l'Etat protège les plus faibles". Le Dieu providentiel est devenu l'Etat providence: il suffit d'ouvrir un bouquin d'histoire un peu sérieux pour voir que cette idée ne repose sur rien. La providence la plus concrète, c'est le pognon ; sans lui, Superman et Spiderman sont impuissants. Wonderwoman Aurélie (Filippetti) a vu ses super-pouvoirs minorés lors du dernier budget, alors elle en fait des caisses pour compenser. Elle joue son rôle. Bien plus étonnante l'attitude des auteurs et de leurs syndicats, dont la passivité ne date pas d'aujourd'hui. Bien des auteurs de best-sellers en sont à se réjouir d'une célébrité ou d'une reconnaissance, actuellement, à laquelle ils n'ont pratiquement pas contribué ; une reconnaissance dans laquelle le snobisme joue un rôle mineur.

    Plus intéressante que la question des profits escomptés par les éditeurs et certains auteurs, celle de l'indépendance que l'internet pourrait procurer aux auteurs, en faisant éclater le monopole des gros producteurs. Leur principale ressource était de disposer de moyens d'impression et d'une trésorerie + les scénarios indigents de Van Hamme, pompés sur le cinéma yankee. Or internet fournit le moyen technique. On se souvient que, dans leur propre intérêt financier, certains auteurs ont, naguère, tenté de s'émanciper (C. Brétécher est un ex. parmi d'autres), dans des conditions assez difficiles, vu les coûts élevés de distribution. Qu'adviendrait-il aujourd'hui d'une telle initiative ?

    L'accord supervisé par le ministère a donc surtout pour effet de rassurer les éditeurs. Les réactions d'auteurs professionnels sur les forums sont de plus en plus hostiles et traduisent le dégoût de pratiques commerciales et éditoriales peu reluisantes.

    + Bridé par son éditeur, Didier Borg, pour éviter de choquer les mères de familles susceptibles d'offrir "Last Man" à leurs gosses, en se disant que ça vaut toujours mieux que "Call of Duty" ou "GTA", Bastien Vivès enlève l'élastique et le cellophane sur son blog, où il n'hésite pas à faire étalage de fantasmes sexuels auxquels Proust n'avait pas pensé.

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  • L'Histoire de Sayo***

              J’ai crains d’abord que le dessin tiré au cordeau de Yoshiko Watanabé, professeur de manga en Italie, ne m’empêche d’entrer dans ce petit roman historique en BD… Et puis non, je me suis laissé prendre quand même par l’atmosphère inquiétante de cette espèce de «thriller» historique, tiré d’un témoignage authentique par le scénariste Giovanni Masi.
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                    Nous est narrée l’histoire d’une famille d’immigrants japonais en Chine, qui se retrouve dans une position délicate à la fin de la seconde guerre mondiale, quand l’envahisseur japonais est vaincu. Cette famille composée surtout de femmes et d’enfants en bas-âge se retrouve isolée dans une Mandchourie devenue hostile ; Sayo, l’héroïne du récit, est même sur le point d’accoucher. Le retour au pays de ces Japonais déchus (nikkeijin) s’avère aussi nécessaire que périlleux. A tous ces dangers s’ajoute l’incertitude quant au sort du mari de Sayo, engagé dans l’armée nippone et probablement prisonnier des Chinois.

                    Le mélange est réussi entre une intrigue dont le ressort est surtout psychologique (comment une jeune femme habituée à une vie paisible et aisée va-t-elle se sortir du pétrin dans lequel elle se retrouve subitement plongée), et l’éclairage d’un épisode méconnu de l’histoire, voire honteux, les récits des vainqueurs offrant peu de place à la compassion pour le sort de leurs anciens ennemis. Le dessin japonais de cet album contribue en définitive à accroître le dépaysement du lecteur français.

     L’Histoire de Sayo, par Yoshiko Watanabé et Giovanni Masi, Dargaud , 2011, 19 euros.

    (Critique parue dans Zébra 3)