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Paris, le Retour**

Je dois dire que je ne gobe pas beaucoup la culture japonaise, un peu trop pédophile àfanzine,gratuit,zébra,webzine,bande-dessinée,critique,kritik,jean-paul nishi,paris,québec,manga,sushi,one piece,nippon,japon,france,anglais,culture,roman graphique mon goût. Je lis donc rarement des mangas, juste un coup d’œil sur certains phénomènes de société comme l’inévitable «One Piece», déjà écoulé à plusieurs centaines de millions d’exemplaires rien qu’au Japon. D’ailleurs le libraire spécialisé de mon quartier ne désemplit pas, et même les bibliothèques municipales s’y sont mises.

Le roman graphique de Jean-Paul Nishi, « Paris, le retour », échappe quelque peu à la loi du genre nippon, puisqu’il s’agit pour cet auteur de mangas ayant séjourné à Paris de rapporter à ses compatriotes quelques détails croustillants sur les mœurs françaises, en soulignant bien sûr les différences. Sa BD a ensuite été traduite en français.

Ce type de témoignage sur la France par des étrangers est régulièrement publié. Le point de vue extérieur permet aux étrangers de voir des choses que nous ne voyons pas, ou de dire des choses qu’il n’est pas permis de dire par chez nous. Je me souviens d’un couple de Québécois, ayant séjourné pendant un an ou deux en France, avant de rédiger un tel rapport, confirmant ou infirmant tel ou tel préjugé. Infirmant par exemple l’idée que les Français se mettent plus souvent en grèves que d’autres peuples, cette impression fausse venant du fait que les grévistes vont se montrer à la capitale la plupart du temps, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays moins centralisés. Mais, dans l’ensemble, ces Québécois étaient un peu trop gentils. Ils étaient sans doute tombés amoureux de la France, à moins qu’ils n’aient cédé aux consignes de modération de leur éditeur (les éditeurs sont aujourd’hui les principaux acteurs de la censure).

Plus récemment, une citoyenne britannique ayant épousé un Français a rédigé aussi ce type d’ouvrage, un peu plus pointu. On y apprend, par exemple, que les mœurs sexuelles de la bourgeoisie parisienne ont de quoi choquer une bourgeoise anglaise ; mais pas seulement, puisque le bouquin contient aussi quelques critiques pertinentes sur notre système scolaire de « bêtes à concours » et son bourrage de crâne intellectuel, qui laisse notre Anglaise un peu interloquée. Celle-ci est en particulier stupéfaite qu’on puisse avoir atteint le sommet de la hiérarchie intellectuelle en France autour de vingt-deux, vingt-trois ans, sous prétexte d’une agrégation quelconque. C’est un phénomène typiquement républicain, qui consiste à calquer les écoles et études prestigieuses, quel que soit leur objet, sur le modèle de Saint-Cyr. Pour ma part j’ai même fréquenté des étrangers issus de l’ancien bloc soviétique qui jugeaient le système français un peu trop austère.

Bien que son dessin soit d’une froideur numérique assez glaciale, Jean-Paul Nishi parvient en quelques anecdotes assez linéaires et pas trop pesantes à exhiber ce qu’il y a de surprenant, de choquant ou d’amusant dans les mœurs françaises vues du Japon. Au passage on apprend bien sûr des tas de choses sur les Japonais, mais pour la plupart assez connues : redoutables hygiénistes, d’une politesse assimilable en France à l’hypocrisie, un sens du devoir plus développé que les Allemands, etc. (...)

J.-P. Nishi raconte ainsi avoir sursauté la première fois qu’il prit le métro, en voyant le conducteur sans uniforme, pensant avoir affaire à un terroriste, ce qui trahit une étonnante confiance dans la compétence des personnes en uniforme. Sur le plan sexuel, passons, car c’est un plan qui ne passionne pas autant les Français hormis quelques spécimens « élevés sous la mère ». J.-P. Nishi -je n’invente rien-, est super content de pouvoir faire la bise à plein de filles, ce qui est strictement prohibé dans son pays. Il ne fait ici que nous instruire involontairement de la commune obsession des puritains coincés du cul et des queutard(e)s invétérés pour le sexe.

Dans l’ensemble, J.-P. Nishi se montre lui aussi un peu trop gentil vis-à-vis de la France et des Français. Comme on peut s’y attendre, c’est avec les Français fanatiques du Japon qu’il se montre le plus sévère ou sarcastique, détectant facilement tout ce que cette mode a de superficiel. L’aspect le plus intéressant du bouquin concerne justement ce qui touche à cette nouvelle culture de masse « saveur Japon » ; derrière l’argument de l’échange culturel, on retrouve toujours, en dépit de quelques personnes sincèrement persuadées que l’espéranto et la « diversité » permettront à la paix mondiale de rayonner jusqu’aux espèces animales en voie de disparition, on retrouve toujours le sacro-saint business, moteur de l’échange. La distance avec le Japon et la complexité de la langue japonaise limitent d’autant plus les possibilités d’approfondir l’échange au-delà de la dégustation de sushis plus ou moins nippons. J.-P. Nishi montre bien à quel point la barrière de la langue française est pour un Japonais un facteur d’isolement supplémentaire.

 

Paris, le Retour ! Eds Philippe Picquier, 2013.

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