+ Si le caricaturiste Marc Large ("Siné Hebdo", "Sud-Ouest"), ici, s'en sort bien, les dessinateurs de presse vont néanmoins devoir redoubler d'imagination en 2014 pour tourner en ridicule François Hollande, dont le style paraît aussi figé, désormais, que celui de son prédécesseur, la placidité alternant avec la nervosité (il n'y a pas qu'au lit qu'on aime bien varier les positions).
La caricature est, rappelons-le, un art plus durable que la politique, puisque les politiques passent, tandis que les caricatures restent. De la politique de Louis-Philippe, on a tout oublié, sauf son faciès en forme de poire par Daumier. Non seulement l'humour est le propre de l'homme, le moins facile à expliquer par la théorie de l'évolution (comme dirait Alphonse Allais), mais il marque plus profondément la mémoire collective que l'action politique et, a fortiori, les velléités d'action politique.
+ S'il faut reconnaître que le blog de François Forcadell dédié à la caricature a le mérite d'exister, quasi seul sur ce terrain, je dois dire que je suis rarement d'accord avec ses critiques et les explications qu'il fournit à la crise du dessin de presse.
Ainsi, ce blogueur vient de reprocher au "Nouvel Obs" de faire usage, pour illustrer un article, d'un dessin issu d'un logiciel automatique (Bitstrips), et non d'un dessin "fait main". Pourquoi pas ? Le "Nouvel Obs" est un magazine qui use habituellement, comme beaucoup d'autres, de la photographie ; c'est aussi un procédé largement mécanique. Ce qui frappe dans l'illustration en cause, c'est sa nullité. Elle est parfaitement redondante, comme le sont souvent les photos, qui font office de bouche-trou. Il n'est pas nécessaire d'être un virtuose du dessin pour être un excellent dessinateur de presse. Ce qui compte, c'est d'être le meilleur observateur possible, car l'humour et la caricature sont les arts les moins abstraits. Cabu est aussi bon dessinateur qu'on peut l'être, mais s'il perdait les deux bras dans un attentat terroriste, il n'en demeurerait pas moins un bon dessinateur de presse de droite (car Cabu n'a pas son pareil pour caricaturer les militants de gauche, qu'il connaît beaucoup mieux, et du coup on sent que c'est du vécu).
Globalement, la presse française en général et le dessin de presse en particulier, ont souffert et souffrent de l'intellectualisme, et ce d'autant plus que la France, contrairement aux Etats-Unis ou à l'Allemagne, est un pays qui manifeste peu d'intérêt pour les choses intellectuelles. Quand c'est chiant, le Français est peu client, même si la pression scolaire est forte. La France a même tendance a exporter sa phraséologie et ses intellectuels à l'étranger, où ils sont mieux accueillis, et je crois émettre un avis typiquement français en disant qu'un éboueur d'origine africaine (hélas ils le sont presque tous), a une utilité sociale beaucoup plus probable qu'un professeur d'université.
+ J'en veux pour preuve le groupe de recherche universitaire de Benoît Berthou pour une approche stylistique de la bande-dessinée. Merdre, j'ai envie de dire, laissons ça aux tintinologues bataves. Que les amoureux du style s'occupent des pâtisseries de chez Fauchon ou des petites robes séquentielles de Karl Lagerfeld, plutôt que de BD. "(...) L'ensemble des participants s'est en effet réuni autour d'un constat que je présenterai comme suit (...) : parmi l'ensemble des questions que pose la bande-dessinée, les moins développées et étudiées concernent certainement ses moyens d'expression. Ou plus précisément : l'organisation des formes verbales, scripturales et spatiales (liste close ?) qu'elle mobilise afin de construire des narrations." De périphrase en périphrase, notre auguste finit par conclure gravement que "le dessin est un impensé". Dame, forcément, comme les intellectuels se font un devoir de fermer les yeux sur tout, vu sous cet angle le dessin est forcément impensable.
+ Preuve que le blog est devenu un moyen artistique incontournable, la sélection de la prochaine édition du FIBD d'Angoulême se distingue par le soin apporté par les candidats à la présentation de leurs travaux. Les votes pour le prix "Révélation blog" sont ouverts jusqu'au 16 janvier. Zébra s'abstient de donner une consigne de vote, mais rappelle que les cas de scrutins où l'on sait à peu près pourquoi on vote sont plus rares que ce que prétendent les réclames. Pour ma part j'ai déjà voté pour un blog corrosif à souhait, avant de repérer le blog d'Ima, qui dans le style de Joann Sfar n'est pas mal non plus.
+ Marion Fayolle, jeune illustratrice ardéchoise, est une récidiviste, puisqu'elle a raflé plusieurs années de suite des prix à Angoulême, avant de passer "pro". Cette année le fibd consacre une exposition à cette ancienne élève des arts déco. de Strasbourg, dont le style est représentatif d'une tendance appréciée de la presse magazine sérieuse. En effet, à côté d'ouvrages personnels centrés sur son père (il semble que les jeunes illustratrices-teurs ont beaucoup à dire sur ce sujet), Marion Fayolle se montre particulièrement apte à illustrer des thèmes psychologiques ou sociologiques. Le problème des artistes n'est pas seulement celui de l'indépendance financière, mais aussi de l'indépendance vis-à-vis de leurs commanditaires, qui les incitent trop souvent à se répéter.
+ Les amateurs de dessin de presse anglophones vont se précipiter pour télécharger gratuitement les anciennes éditions du "Punch" mises à la disposition du public par le kiosque en ligne "Scopalto".
+ Le taux de mortalité des fanzines et des publications amateurs est tellement élevé que l'on ne peut s'empêcher, au passage d'un specimen adulte, de siffler d'admiration, ou plutôt d'ululer, s'agissant de La Hulotte. J'étais morveux, voire carrément gélatineux, quand un de mes oncles me présenta ce petit fanzine écologiste, rempli de dessins d'animaux, et loin de me douter qu'il serait un jour diffusé dans toute l'Europe. Certains doutent qu'on peut vivre d'amour et d'eau fraîche, "La Hulotte" prouve le contraire, mieux que le philosophe païen Thoreau qui ne résista pas très longtemps, lui, au contact avec la nature.
+ L'association Altata-Comics, qui édite le fanzine "Pâté Lorrain" ne pouvait pas tomber mieux en me demandant de faire un peu de pub pour leur fanzine ; en effet, ils proposent à leurs lecteurs un florilège de contes lorrains, qu'ils revisitent. Or il se trouve que contes et fables sont mon genre préféré. Soit dit en passant, les contes sont souvent beaucoup plus difficiles à revisiter que le pâté lorrain.