La Semaine de Zombi. Jeudi : Quand l'Etat est vénéré comme un dieu, divulguer ses secrets équivaut au blasphème.
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La Semaine de Zombi. Jeudi : Quand l'Etat est vénéré comme un dieu, divulguer ses secrets équivaut au blasphème.
+ "Les Droits de l'Homme sont les droits de l'Homme égoïste." Karl Marx (1843)
Entre autres choses, l'historien communiste avait prévu les noyades de migrants par milliers aux portes d'une Europe drapée dans la tartuferie humaniste.
L'hebdomadaire "Spirou" s'efforce de raviver la flamme en publiant un n° spécial "Droits de l'Homme" en concertation avec l'ONU, institution dont le génocide au Rwanda restera (à jamais ?) comme le symbole de l'impuissance.
Depuis son lancement, le magazine belge est un magazine de promotion de la culture bourgeoise belge, dont la fabrication semi-artisanale a permis d'éviter l'excessive fadeur des produits de très grande consommation (comme les mangas japonais ou les "comics" américains).
+ Comme il y a un avant et un après Céline dans la littérature du XXe siècle, il y a un avant et un après Reiser (1941-1983), imité par la génération suivante des dessinateurs de presse comme un seul homme ou presque.
Un documentaire tiré des archives de la télévision belge, en grande partie filmé sur la plage de Blankenberge (près d'Ostende) en 1976, dévoile en partie la technique, et donc le style de Reiser.
La laideur de son dessin et de ses personnages n'est pas seulement un parti-pris comique: Reiser schématise pour souligner l'expression juste ; il ne corrige pas son dessin pour conserver la spontanéité du premier jet. Reiser est un peintre réaliste avant d'être un styliste.
La civilisation des loisirs, illustrée ici par la station belge de Blankenberge mais répandue dans toute l'Europe, fait les frais de l'ironie du dessinateur satirique.
+ Banksy, auteur de graffitis plus ou moins subversifs peints sur les murs de grandes villes du monde entier, a tenté de détruire l'une de ses oeuvres qui venait d'être adjugée un peu moins d'un million d'euros à Londres ("La Fille au ballon").
Soupçonné d'avoir voulu attirer l'attention sur lui par cette mise en scène, Banksy a ensuite cherché à prouver sa bonne foi en montrant qu'il était prévu que son dessin au pochoir soit entièrement détruit (et non en partie seulement).
Il y a quelque temps, Banksy avait déjà organisé une distribution gratuite de ses oeuvres afin de court-circuiter les marchands d'art.
Cette affaire illustre la capacité de la culture dominante à absorber les contre-cultures contestataires et les digérer.
Peints par Banksy lors d'un récent séjour à Paris, "Porte de La Chapelle" où sont regroupés les migrants de sexe masculin, quelques graffitis dont le graffiti ci-dessous ont déjà été recouverts.
Cette souveraine anglaise (1533-1603) joue un rôle comparable au rôle joué par Louis XIV dans l'histoire de France. En effet, avec Elisabeth Ire émerge un Etat de plus en plus puissant et unifié, dont les ramifications ne cessent de s'étendre... bref, un Etat moderne. L'Angleterre d'Elisabeth sera en mesure de rivaliser avec la France et l'Espagne ; elle mettra même un terme à l'ambition de l'Espagne de dominer le monde en piégeant sa flotte militaire dans le pas de Calais. Elisabeth parachève l'oeuvre de son père, Henri VIII, tout en mettant un point final à la dynastie des Tudor, qui s'éteint avec elle. Sur le plan militaire et économique, Elisabeth fut plus avisée que son homologue français (Louis XIV).
En collaboration avec les éditions Fayard, Glénat propose ici une bande-dessinée didactique. Pour cela un historien (M. Duchein) a supervisé le récit, visant un juste milieu entre le roman national anglais, peu critique, et le point de vue catholique proche du pamphlet (la rupture des Tudor avec la religion romaine et l'anglophobie ont valu aux Tudor quelques pamphlets catholiques ou français).
La gageure était double puisque les auteurs se devaient d'être équitables, mais aussi de résumer en une cinquantaine de pages une personnalité et un règne à la fois complexes et denses. Shakespeare, contemporain d'Elisabeth Ire, a d'ailleurs relevé ce défi (faire court et dense en même temps) avec ses tétralogies historiques qui tiennent le lecteur en haleine.
Le règne d'Elisabeth soulève non seulement le problème épineux de la religion d'Etat, qui évoluera en religion DE l'Etat (le problème reste par conséquent d'actualité) ; mais aussi celui de la centralisation croissante du pouvoir politique, qui va s'accélérer encore par la suite avec le développement de l'économie capitaliste.
Elisabeth était en outre dotée d'un tempérament hors du commun, que la BD n'omet pas de souligner. Cette reine a laissé le souvenir d'un grand courage physique et d'une abnégation exemplaire. A peine évoquées dans la BD, faute de place, les jeunes années d'Elisabeth ont sans doute contribué à forger un tel caractère. Songez un peu : le père d'Elisabeth a fait décapiter sa mère, inculpée d'adultère ; le sort de la future reine fut on ne plus précaire quand sa demi-soeur Marie la fit emprisonner pour conforter sa position sur le trône (menacée d'exécution, Elisabeth écrivit au commandant de la Tour de Londres pour réclamer l'épée au lieu de la hache, en cas de malheur). Certains sont anéantis par des vicissitudes qui permettent à d'autres, a contrario, de se forger un mental d'acier.
L'Europe n'a donc pas attendu le XXe siècle, Margaret Thatcher ou Angela Merkel, pour confier à une femme l'exercice du pouvoir suprême. Contre l'avis de ses conseillers, Elisabeth eut l'intelligence de ne pas se marier, ce qui aurait pu l'affaiblir, ne serait-ce qu'en mettant en péril sa santé, et par conséquent son pouvoir et son indépendance. Elle sut dissiper la rumeur de son mariage secret avec Robert Dudley, codétenu à la Tour de Londres, et même la rumeur d'accouchements clandestins. L'union des souverains de sexe masculin n'était pas moins une chose ardue, compte tenu des enjeux diplomatiques et de succession.
La BD est complétée par un dossier historique illustré de 7 pages, qui permet d'approfondir ce chapitre capital de l'histoire européenne ; la BD fait partie d'une collection comportant une dizaine de titres qui proposent un aperçu sur Louis XIV, Catherine de Médicis, Napoléon, Jaurès, entre autres. Il s'agit là d'un bon moyen pour susciter l'intérêt des adolescents et des grands adolescents pour l'histoire, alors qu'ils sont de plus en plus exposés aux sollicitations de la culture de masse et de la propagande politique.
"Elisabeth Ire", par Meloni, Regnault, Delmas, Duchein, Eds Glénat-Fayard, juin 2016.
La Semaine de Suzette Zombi. Dimanche : Les élites britanniques ont le sens de leurs intérêts, ce qui est une version plus pragmatique du patriotisme. Ainsi il n'y aura pas de débat de principe débile en Angleterre sur la laïcité et les valeurs républicaines, ou bien sur l'identité nationale, mais cela ne rend pas les élites anglaises moins féroces pour autant, ni capables de défendre leurs possessions avec moins de violence.
Le webzine Zébra propose un petit guide pour s'y retrouver plus facilement dans l'offre de BD gratuite en ligne. En effet, au cours des cinq dernières années, la qualité des BD en ligne s'est nettement améliorée, en même temps que les divers outils permettant au public d'en profiter, au point d'égaler l'offre "payante".
- Il faut distinguer l'offre totalement gratuite de l'offre gratuite assortie de messages publicitaires, puisque celle-ci constitue un moyen de rémunération indirect.
- Au cas où des liens utiles ne figureraient pas ici, merci de nous les signaler en écrivant à zebralefanzine@gmail.com
BD GRATUITE
30joursdebd (strips/planches/mise à jour quotidienne)
Grand papier (belge/plusieurs classements : top 50, expérimentale/maj quotidienne)
8pcx (mini-fanzines pdf téléchargeables et imprimables)
Mauvais Esprit (webzine humoristique financé par la pub, nouveautés chaque semaine/quelques-uns des humoristes les plus talentueux)
Short-Editions (Edition de formats courts)
Portail Lapin (très nombreux strips et planches BD gratuits en ligne)
Punch (Collection du "Punch" de Londres au format pdf)
(Rubriques suivantes : "Films d'animation", "Actualité-info BD", "Moteurs de recherche blogs-bd", "Bibliothèques d'images")
+ Si le caricaturiste Marc Large ("Siné Hebdo", "Sud-Ouest"), ici, s'en sort bien, les dessinateurs de presse vont néanmoins devoir redoubler d'imagination en 2014 pour tourner en ridicule François Hollande, dont le style paraît aussi figé, désormais, que celui de son prédécesseur, la placidité alternant avec la nervosité (il n'y a pas qu'au lit qu'on aime bien varier les positions).
La caricature est, rappelons-le, un art plus durable que la politique, puisque les politiques passent, tandis que les caricatures restent. De la politique de Louis-Philippe, on a tout oublié, sauf son faciès en forme de poire par Daumier. Non seulement l'humour est le propre de l'homme, le moins facile à expliquer par la théorie de l'évolution (comme dirait Alphonse Allais), mais il marque plus profondément la mémoire collective que l'action politique et, a fortiori, les velléités d'action politique.
+ S'il faut reconnaître que le blog de François Forcadell dédié à la caricature a le mérite d'exister, quasi seul sur ce terrain, je dois dire que je suis rarement d'accord avec ses critiques et les explications qu'il fournit à la crise du dessin de presse.
Ainsi, ce blogueur vient de reprocher au "Nouvel Obs" de faire usage, pour illustrer un article, d'un dessin issu d'un logiciel automatique (Bitstrips), et non d'un dessin "fait main". Pourquoi pas ? Le "Nouvel Obs" est un magazine qui use habituellement, comme beaucoup d'autres, de la photographie ; c'est aussi un procédé largement mécanique. Ce qui frappe dans l'illustration en cause, c'est sa nullité. Elle est parfaitement redondante, comme le sont souvent les photos, qui font office de bouche-trou. Il n'est pas nécessaire d'être un virtuose du dessin pour être un excellent dessinateur de presse. Ce qui compte, c'est d'être le meilleur observateur possible, car l'humour et la caricature sont les arts les moins abstraits. Cabu est aussi bon dessinateur qu'on peut l'être, mais s'il perdait les deux bras dans un attentat terroriste, il n'en demeurerait pas moins un bon dessinateur de presse de droite (car Cabu n'a pas son pareil pour caricaturer les militants de gauche, qu'il connaît beaucoup mieux, et du coup on sent que c'est du vécu).
Globalement, la presse française en général et le dessin de presse en particulier, ont souffert et souffrent de l'intellectualisme, et ce d'autant plus que la France, contrairement aux Etats-Unis ou à l'Allemagne, est un pays qui manifeste peu d'intérêt pour les choses intellectuelles. Quand c'est chiant, le Français est peu client, même si la pression scolaire est forte. La France a même tendance a exporter sa phraséologie et ses intellectuels à l'étranger, où ils sont mieux accueillis, et je crois émettre un avis typiquement français en disant qu'un éboueur d'origine africaine (hélas ils le sont presque tous), a une utilité sociale beaucoup plus probable qu'un professeur d'université.
+ J'en veux pour preuve le groupe de recherche universitaire de Benoît Berthou pour une approche stylistique de la bande-dessinée. Merdre, j'ai envie de dire, laissons ça aux tintinologues bataves. Que les amoureux du style s'occupent des pâtisseries de chez Fauchon ou des petites robes séquentielles de Karl Lagerfeld, plutôt que de BD. "(...) L'ensemble des participants s'est en effet réuni autour d'un constat que je présenterai comme suit (...) : parmi l'ensemble des questions que pose la bande-dessinée, les moins développées et étudiées concernent certainement ses moyens d'expression. Ou plus précisément : l'organisation des formes verbales, scripturales et spatiales (liste close ?) qu'elle mobilise afin de construire des narrations." De périphrase en périphrase, notre auguste finit par conclure gravement que "le dessin est un impensé". Dame, forcément, comme les intellectuels se font un devoir de fermer les yeux sur tout, vu sous cet angle le dessin est forcément impensable.
+ Preuve que le blog est devenu un moyen artistique incontournable, la sélection de la prochaine édition du FIBD d'Angoulême se distingue par le soin apporté par les candidats à la présentation de leurs travaux. Les votes pour le prix "Révélation blog" sont ouverts jusqu'au 16 janvier. Zébra s'abstient de donner une consigne de vote, mais rappelle que les cas de scrutins où l'on sait à peu près pourquoi on vote sont plus rares que ce que prétendent les réclames. Pour ma part j'ai déjà voté pour un blog corrosif à souhait, avant de repérer le blog d'Ima, qui dans le style de Joann Sfar n'est pas mal non plus.
+ Marion Fayolle, jeune illustratrice ardéchoise, est une récidiviste, puisqu'elle a raflé plusieurs années de suite des prix à Angoulême, avant de passer "pro". Cette année le fibd consacre une exposition à cette ancienne élève des arts déco. de Strasbourg, dont le style est représentatif d'une tendance appréciée de la presse magazine sérieuse. En effet, à côté d'ouvrages personnels centrés sur son père (il semble que les jeunes illustratrices-teurs ont beaucoup à dire sur ce sujet), Marion Fayolle se montre particulièrement apte à illustrer des thèmes psychologiques ou sociologiques. Le problème des artistes n'est pas seulement celui de l'indépendance financière, mais aussi de l'indépendance vis-à-vis de leurs commanditaires, qui les incitent trop souvent à se répéter.
+ Les amateurs de dessin de presse anglophones vont se précipiter pour télécharger gratuitement les anciennes éditions du "Punch" mises à la disposition du public par le kiosque en ligne "Scopalto".
+ Le taux de mortalité des fanzines et des publications amateurs est tellement élevé que l'on ne peut s'empêcher, au passage d'un specimen adulte, de siffler d'admiration, ou plutôt d'ululer, s'agissant de La Hulotte. J'étais morveux, voire carrément gélatineux, quand un de mes oncles me présenta ce petit fanzine écologiste, rempli de dessins d'animaux, et loin de me douter qu'il serait un jour diffusé dans toute l'Europe. Certains doutent qu'on peut vivre d'amour et d'eau fraîche, "La Hulotte" prouve le contraire, mieux que le philosophe païen Thoreau qui ne résista pas très longtemps, lui, au contact avec la nature.
+ L'association Altata-Comics, qui édite le fanzine "Pâté Lorrain" ne pouvait pas tomber mieux en me demandant de faire un peu de pub pour leur fanzine ; en effet, ils proposent à leurs lecteurs un florilège de contes lorrains, qu'ils revisitent. Or il se trouve que contes et fables sont mon genre préféré. Soit dit en passant, les contes sont souvent beaucoup plus difficiles à revisiter que le pâté lorrain.