+ Le sociologue Jérôme Berthaut publie chez Casterman, dans une collection qui se donne pour vocation de décrypter la société, "La Banlieue du 20H", une petite BD qui raconte par qui et comment les reportages diffusés par les chaînes de télé sont fabriqués. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le propos n'est pas neuf ; la suspicion qui pèse sur la véracité des infos rapportées par les grands médias alimente largement la "théorie du complot", très en vogue chez les collégiens et lycéens. Néanmoins le propos de J. Berthaut est bien servi par le dessin d'Helkarava, qui lui procure une dimension satirique. La télé n'a pas seulement fabriqué le FN, elle a aussi creusé le fossé avec la banlieue. On voit dans la BD une jeune femme d'origine maghrébine protester contre l'image positive donnée de la banlieue dans un petit reportage, parce qu'il s'agit d'une image d'Epinal fabriquée de toutes pièces, aussi vaine que certaines images effrayantes.
+ Le philosophe Michel Onfray s'est plaint récemment du comportement de plus en plus infantile des adultes ; il en veut pour preuve l'usage de plus en plus répandu de la trottinette chez les personnes ayant atteint l'âge de raison. Cet exemple n'est guère convaincant, car l'usage déjà ancien de l'automobile n'est pas moins puéril que celui de la trottinette ; beaucoup d'automobilistes sont en effet des terroristes inconscients, qui participent au djihad de la consommation de biens inutiles.
L'engouement actuel pour les albums de Tintin est une bien meilleure preuve d'infantilisme que la trottinette de Michel Onfray. Le Grand Palais s'apprête à célébrer Hergé comme un grand artiste, à travers une exposition de son oeuvre principale et de ses marges. Hergé se disait plus précisément le "reflet de son époque", conscient de véhiculer un certain nombre de clichés ou de préjugés, par conséquent. Il est faux d'écrire, comme on peut le lire ici ou là, que "Tintin" s'adresse aussi aux adultes, à l'instar des fables ou de la mythologie. C'est une littérature de genre qui vise un public enfantin, en dépit de son slogan publicitaire ("de 7 à 77 ans"). Par nostalgie et une sorte de plaisir régressif, certains adultes relisent les BD de leur enfance. Hergé a d'ailleurs connu des épisodes de dépression, dont on peut se demander s'ils ne venaient pas de son enfermement dans un genre de plus en plus étranger à son aspiration.
+ Une polémique ridicule oppose une partie de la presse italienne à "Charlie-Hebdo", qui a récemment publié un dessin de Félix, irrespectueux à l'égard des victimes du séisme qui a frappé la région du Latium. Reprocher à un journal satirique son manque de respect, c'est comme reprocher au pape de manquer d'humour.
Néanmoins cette énième polémique souligne le statut ambigu de "Charlie-Hebdo" ; cette publication n'est plus, dorénavant, un journal satirique à faible tirage, menacé par la censure ; "Charlie-Hebdo" fait désormais partie du patrimoine national français ; il a été érigé en symbole de la liberté d'expression (strictement encadrée par les tribunaux), ce qui enlève beaucoup à l'impertinence de cet hebdo.
+ La Une du numéro de septembre de "Siné Mensuel", orphelin de Siné, est signée Jacques Tardi. Cet auteur, plus connu pour ses adaptations en BD des aventures du détective Nestor Burma (Léo Malet) que pour ses caricatures, a représenté dans ce dessin tous les jeunes et moins jeunes premiers de la classe politique, ainsi que les cancres ; le képi de de Gaulle figure même au premier plan. Le dessin est presque exhaustif, du coup on remarque plus l'absence de Jean-Luc Mélenchon, représentant du parti communiste ; piètre candidat, celui-ci ferait peut-être un meilleur interprète de Nestor Burma, au cinéma ou au théâtre ?