Caricature par ZOMBI
communiste
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Entre les dents
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Revue de presse BD (381)
+ "Les Cahiers de la Bande dessinée" (n°12 - oct.-déc.) s'interrogent : "La BD doit-elle entrer au musée ?" ; question bien théorique puisque cela fait déjà quelques années que la BD a été "récupérée". Curieusement "Les Cahiers", qui se veulent critiques, n'étudient pas ce procédé d'appropriation par les élites culturelles d'un genre naguère méprisé.
Ces élites culturelles assignent à l'art ou la culture une fonction religieuse, suivant la méthode de la propagande catholique ; on pourrait parler de "reliques" à propos de certaines oeuvres d'art qui, détachées de leur contexte religieux, n'en sont pas vraiment (comme "L'Urinoir" de Duchamp ou telle ou telle planche de BD signée Hergé).
K. Marx parle de "fétichisme de la marchandise", et il s'agit bien de ça, d'un fétichisme institutionnalisé, analogue à celui que développent les grandes marques industrielles par le biais du "marketing". La culture est la religion du snob.
Diderot fut un des premiers prêcheurs de cette religion, qui non sans duplicité recommandait d'inculquer la vertu au peuple grâce à des oeuvres qui le laissaient froid.
Cette fonction religieuse aboutit à la dévitalisation de l'art, qui devient aussi ennuyeux que du papier-monnaie ou qu'une conférence sur la grammaire de la bande dessinée à la Sorbonne. Le musée est le cimetière de la BD.
- Peindre, c'est ma défonce à moi ! Jijé (paysage costazuréen)
+ François Deneyer vient d'écrire et publier la première biographie de Joseph Gillain (1914-1980), alias Jijé ("Joseph Gillain, Une Vie de Bohème", éd. Musée Jijé, 2020).
Les amateurs de BD franco-belge savent le rôle crucial joué par Jijé pour adapter le genre des comics américains au goût belge plus "naturaliste". Jijé joue en rôle secondaire en comparaison de Hergé, plus rigoureux et plus attaché à faire de la bande-dessinée un art à part entière, au prix de certaines mystifications ("Tintin" est le fruit d'un travail collectif et non individuel, en particulier sur le plan crucial du scénario).
Jijé pour sa part se satisfaisait de son statut d'artisan et ne courait pas après la gloire. La grande affaire de Jijé n'était pas la bande dessinée mais la peinture. Il considérait la BD comme un gagne-pain honorable.
- Cette archive vidéo de la télé belge permet de se faire une idée de "l'homme Jijé", en particulier de sa culture paysanne. Le journaliste qui l'interroge insiste sur la religion (catholique) de Jijé, mais le "puritanisme" de Jijé prête à sourire car c'est un des auteurs de BD les plus érotiques et sensuels, dessinant comme les auteurs de comics américains ne savent pas.
Le dégoût de la pornographie exprimé par Jijé dans ce reportage est assez logique car la pornographie est une culture industrielle. Jijé préférait l'anatomie à la mécanique, bien qu'il ait dessiné aussi des avions de chasse.
+ Frédéric Lefebvre, ex-ministre de N. Sarkozy, relance (pour la énième fois) le magazine "Pif-gadget", véritable carton dans les années 60, qui contribua à financer le Parti communiste français, alors déjà réduit à l'état de machinerie politicienne.
En 2021 "Pif" n'est plus "communiste", il est bien sûr "100% écolo" puisque c'est le dernier gadget idéologique en vogue.
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Le Jeune Karl Marx*
La crise mondiale de 2008 a replacé Karl Marx sous le feu des projecteurs, tant son célèbre pronostic d'autodestruction du capitalisme a semblé soudain proche de s'accomplir : - Le pire ennemi du Capital, c'est le Capital lui-même.
L'auteur du "Capital" indique dans cette formule que le mouvement ou l'ébranlement de la société est d'abord le fait de la bourgeoisie et de son modèle économique de développement. Marx et Engels affirmaient qu'il résulterait de la faillite de l'Etat bourgeois une société meilleure - et s'efforçaient d'y concourir à leur manière, en éclairant la conscience des prolétaires à la lueur de leurs travaux.
Un film récent, "Le Jeune Karl Marx", entend redonner vie aux personnages de K. Marx et de son ami Frédéric Engels, figés dans les traits pesants de la statuaire soviétique.
On peine en effet à imaginer aujourd'hui que Marx et sa famille furent traqués dans toute l'Europe et espionnés par la police, tant voire plus que les imams qui prêchent le djihad aujourd'hui. Les élites bourgeoises redoutaient alors que les articles de Marx n'enflamment plus encore les mouvements de contestation ouvriers.
Le film de Raoul Peck parvient à ressusciter ce climat de vive tension en Europe entre le prolétariat et les "capitaines d'industrie" qui l'emploient, dans des conditions dantesques. Même si l'épicentre s'est déplacé, en même temps que le prolétariat, de l'Europe vers le continent asiatique et l'Inde, ce climat de vive tension persiste désormais à l'échelle mondiale, suivant un schéma de propagation annoncé et décrit par Marx : "Les individus ont été de plus en plus asservis à une puissance qui leur est étrangère, (...) laquelle est devenue de plus en plus massive et se révèle être en dernière instance le marché mondial."
Les acteurs qui interprètent K. Marx et F. Engels sont assez convaincants. Ils évitent de prendre la pose révolutionnaire romantique, la plus éloignée du souhait de ces deux journalistes subversifs de débarrasser le mouvement révolutionnaire prolétarien de son attirail de slogans sentimentaux à base de fraternité et de "droits de l'Homme" (dénoncés comme une duperie par Marx).
Pour le reste, suivant la tendance du cinéma à verser dans l'anecdote et le détail, le film déçoit.
Les costumes d'époque ont l'inconvénient de transporter la critique marxiste dans une sorte de passé glorieux du mouvement révolutionnaire prolétarien.
Or le spectre du communisme marxiste rôde encore. Ainsi la culture de masse, produite par la bourgeoisie industrielle, qui remplace l'opium des vieilles religions tombées en désuétude, quelle peut bien être sa fonction, si ce n'est d'empêcher une prise de conscience des milieux les plus défavorisés en étouffant l'esprit critique ?
L'effort des auteurs du film est perceptible pour faire comprendre au spectateur l'originalité de la démarche de Marx, en comparaison d'autres doctrines révolutionnaires, comme celle du Français Proudhon par exemple ; mais cet effort se solde par un échec. Il est vrai que ce n'est pas une mince affaire de résumer le marxisme, car il se présente comme une "science", perfectible et inachevée, non comme une "doctrine" à l'instar de la philosophie réactionnaire de Nietzsche, plus facile à cerner.
Une part du malentendu à propos du marxisme tient précisément à ce que les mouvements politiques qui se sont réclamé de Marx ne pouvaient se passer d'une doctrine politique (voire d'une stratégie pour les plus vils), et que Marx et Engels fournissent surtout les éléments d'une science, l'Histoire.
Peut-on comprendre quelque chose au marxisme en se tenant assis dans une salle de spectacle, alors qu'il part d'un mouvement de résistance au confort intellectuel ?
"Le Jeune Marx" ("Der Junge Marx"), par Raoul Peck, octobre 2017.
NB: On voit dans le film Marx assister en compagnie d'Engels au congrès de la "Ligue des Justes", renommée lors de ce congrès "Ligue communiste", alors que seul Engels y participa.
- Ill. représentant Marx et Engels vérifiant les épreuves de la "Rheinische Zeitung" (Gazette rhénane fondée par Marx).
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Caricature Poutine & Macron
La Semaine de Suzette Zombi. Mardi.
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Revue de presse BD (220)
+ Le Festival d'Angoulême qui commence tout juste est une foire aux livres qui draine une foule de chalands grâce aux séances de dédicaces dessinées que les collectionneurs s'arrachent. Les auteurs de BD, en général habitués à une vie d'ermite, peuvent se relaxer le poignet dans l'un des nombreux troquets qui parsèment la ville ; l'un d'entre eux, "Le Café du Minage", propose une expo de planches et illustrations de Golo (pouquoi pas Goulot ?), qui dessine depuis les années 80 les bistrots et leur clientèle et décrit leurs moeurs spécifiques (expo. recommandée par l'atelier international de BD "Marsam Graphics").
+ Le Musée (mémorial) de la Shoah à Paris organise une série de colloques sur le thème de l'extermination des Juifs d'Europe au cours de la 2nde guerre mondiale, et du traitement de cet événement en BD ("Art mineur et questions majeures", le 5 février, "Varsovie en guerre ou en bande-dessinée", le 5 mars).
Le thème de la Shoah a rarement été abordé directement en BD ; il est difficile de divertir le public à partir d'un sujet aussi dur ; Hergé parvint à amuser le jeune public tout en délivrant un message anticommuniste, ou encore antiaméricain, voire même avec la propagande coloniale belge : mais son style naïf est sans doute démodé aujourd'hui.
De plus, la Shoah occupe une place centrale dans l'éthique contemporaine, et donc dans le "roman national" français enseigné aux collégiens et lycéens depuis les années 60-70, relayé par un certain nombre d'oeuvres cinématographiques - or c'est un cadre contraignant que celui de la morale publique pour qui veut faire oeuvre d'historien, que ce soit par le truchement de la BD ou non. On se souvient que les films de S. Spielberg et R. Benigni ont déclenché de vives polémiques en France, ceux-ci étant accusés d'irrespect.
Comme on juge l'arbre à ses fruits, la question de l'efficacité de l'éthique de la Shoah mériterait d'être posée : - suscite-t-elle un plus grand respect des opprimés ? Ne risque-t-elle pas, comme la morale catholique autrefois, d'être rejetée par les milieux populaires ?
+ Un lecteur de Zébra m'écrit pour me signaler que le choix de la couverture du "Tintin chez les Soviets" colorisé, en vente partout actuellement, et plutôt étonnant puisqu'il montre Tintin & Milou fuyant la... Gestapo allemande (dans une automobile volée à celle-ci). C'est peut-être un clin d'oeil à Hergé, qui n'aimait pas qu'on lui rappelle son anticommunisme primitif (non pas primaire), au plus fort de la domination idéologique du parti communiste.
+ "L'Idiot international" fait partie des très rares titres de presse anticonformistes à côté de "Hara-Kiri"/"Charlie-Hebdo" au cours de la seconde moitié du XXe siècle (à l'exclusion de titres plus confidentiels).
Un documentaire de "France 5" (par Bertrand Delais et Nils Andersen - en replay jusqu'à lundi 30) raconte comment et pour quelles raisons scabreuses quelques cadres haut placés du parti communiste français à son crépuscule (P. Zarka & J.-P. Cruse) décidèrent de financer un journal satirique dirigé par Jean-Edern Hallier (1936-1997), personnalité pratiquement incontrôlable et sans opinion politique fixe. Le PCF et le dandy breton n'avaient en commun que la détestation de François Mitterrand, qui contribua à l'agonie du PCF et l'émergence du lepénisme pour le plus grand profit du parti socialiste.
La rencontre de Jean-Edern et de Fidel Castro, destinée à légitimer le trublion Hallier auprès des électeurs communistes, reste un grand moment de cinéma, que BHL n'est pas tout à fait parvenu à égaler.
On mesure à travers ce documentaire l'emprise délétère des partis politiques sur la vie culturelle et intellectuelle française, même si la tentative des cadres du PCF pour redorer le blason du parti était sans doute vouée à l'échec. Grâce à Jean-Edern Hallier, plus romantique que stratège, "L'Idiot international" évita de tomber dans le militantisme et le sectarisme qui va avec.
On peut reprocher au documentaire d'atténuer la violence de la censure du régime en place et des menaces d'élimination physique à l'encontre de Jean-Edern Hallier ; la bravoure insensée du personnage ne fait qu'accentuer sa ressemblance avec Don Quichotte.
+ Initiative touristique, "Le Parisien" publie avec "Google Maps" une carte interactive de l'Ile-de-France en BD, qui permet de situer sur une carte les lieux qui ont servi de décors à tel ou tel dessinateur. Jacques Tardi est très représenté ; en revanche on note l'absence de Dupuy et Berbérian à travers leur BD satirique "Boboland".
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Caricature Jean-Luc Mélenchon
La Semaine de Zombi. Vendredi : On a bien du mal à imaginer aujourd'hui, en regardant les sketchs de Mélenchon, que le parti communiste fut autrefois la grande peur des bien-pensants.
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Revue de presse BD (200)
+ Le sociologue Jérôme Berthaut publie chez Casterman, dans une collection qui se donne pour vocation de décrypter la société, "La Banlieue du 20H", une petite BD qui raconte par qui et comment les reportages diffusés par les chaînes de télé sont fabriqués. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le propos n'est pas neuf ; la suspicion qui pèse sur la véracité des infos rapportées par les grands médias alimente largement la "théorie du complot", très en vogue chez les collégiens et lycéens. Néanmoins le propos de J. Berthaut est bien servi par le dessin d'Helkarava, qui lui procure une dimension satirique. La télé n'a pas seulement fabriqué le FN, elle a aussi creusé le fossé avec la banlieue. On voit dans la BD une jeune femme d'origine maghrébine protester contre l'image positive donnée de la banlieue dans un petit reportage, parce qu'il s'agit d'une image d'Epinal fabriquée de toutes pièces, aussi vaine que certaines images effrayantes.
+ Le philosophe Michel Onfray s'est plaint récemment du comportement de plus en plus infantile des adultes ; il en veut pour preuve l'usage de plus en plus répandu de la trottinette chez les personnes ayant atteint l'âge de raison. Cet exemple n'est guère convaincant, car l'usage déjà ancien de l'automobile n'est pas moins puéril que celui de la trottinette ; beaucoup d'automobilistes sont en effet des terroristes inconscients, qui participent au djihad de la consommation de biens inutiles.
L'engouement actuel pour les albums de Tintin est une bien meilleure preuve d'infantilisme que la trottinette de Michel Onfray. Le Grand Palais s'apprête à célébrer Hergé comme un grand artiste, à travers une exposition de son oeuvre principale et de ses marges. Hergé se disait plus précisément le "reflet de son époque", conscient de véhiculer un certain nombre de clichés ou de préjugés, par conséquent. Il est faux d'écrire, comme on peut le lire ici ou là, que "Tintin" s'adresse aussi aux adultes, à l'instar des fables ou de la mythologie. C'est une littérature de genre qui vise un public enfantin, en dépit de son slogan publicitaire ("de 7 à 77 ans"). Par nostalgie et une sorte de plaisir régressif, certains adultes relisent les BD de leur enfance. Hergé a d'ailleurs connu des épisodes de dépression, dont on peut se demander s'ils ne venaient pas de son enfermement dans un genre de plus en plus étranger à son aspiration.
+ Une polémique ridicule oppose une partie de la presse italienne à "Charlie-Hebdo", qui a récemment publié un dessin de Félix, irrespectueux à l'égard des victimes du séisme qui a frappé la région du Latium. Reprocher à un journal satirique son manque de respect, c'est comme reprocher au pape de manquer d'humour.
Néanmoins cette énième polémique souligne le statut ambigu de "Charlie-Hebdo" ; cette publication n'est plus, dorénavant, un journal satirique à faible tirage, menacé par la censure ; "Charlie-Hebdo" fait désormais partie du patrimoine national français ; il a été érigé en symbole de la liberté d'expression (strictement encadrée par les tribunaux), ce qui enlève beaucoup à l'impertinence de cet hebdo.
+ La Une du numéro de septembre de "Siné Mensuel", orphelin de Siné, est signée Jacques Tardi. Cet auteur, plus connu pour ses adaptations en BD des aventures du détective Nestor Burma (Léo Malet) que pour ses caricatures, a représenté dans ce dessin tous les jeunes et moins jeunes premiers de la classe politique, ainsi que les cancres ; le képi de de Gaulle figure même au premier plan. Le dessin est presque exhaustif, du coup on remarque plus l'absence de Jean-Luc Mélenchon, représentant du parti communiste ; piètre candidat, celui-ci ferait peut-être un meilleur interprète de Nestor Burma, au cinéma ou au théâtre ?