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  • Revue de presse BD (452)

    - La revue de presse hebdomadaire est consultable en ligne sur Getrevue.

    - On peut s'abonner à cette formule gratuitement et recevoir la revue de presse directement dans sa boîte e-mail.

    - Au programme cette semaine :  1. Les comics Marvel au service de Pfizer ; 2. La statue de Malraux déboulonnée ; 3. Caricatures par tOad et Zombi.

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    (par Bourgeron, Bourhis et Tanquerelle, éd. Casterman 2022)

  • Revue de presse BD (364)

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    Revue "Pandora" illustrée par Blain (été 2020).

    + La revue "Pandora" vient de paraître (Casterman). Il s'agit plutôt depuis 2016 d'une compilation ou un recueil d'histoires courtes inédites par quelques bédéastes en vogue (Blutch, B. Vivès...).

    L'idée de publier des récits courts et complets est une bonne idée, mais cette revue publiée par Casterman manque d'âme comme une réclame.

    + Pendant le confinement on a vu des tas de philosophes (dans les pays laïcs, on préfère dire "philosophe" plutôt que "curé") expliquer que l'humour est proche de la "résilience" ; à ce détail près que, si l'humour est le propre de l'homme, la résilience est plutôt le propre de l'animal.

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    Roméo et Juliette interprétés par Jérémy Lopez et Suliane Brahim.

    + "France télévision" rediffuse actuellement une interprétation de "Roméo & Juliette" par la Comédie française (2016).

    Shakespeare exhibe dans "Roméo & Juliette" le mobile macabre de la culture occidentale tout entière, non seulement d'un couple de tourtereaux sacrifiés pour le bien de la principauté de Vérone.

    "Dieu est mort." déplore Nietzsche ; ce philosophe, lecteur de Shakespeare, aurait pu ajouter que les "modernes" ont remplacé dieu par la mort dans leurs églises ; ce qui explique largement leur appétit pour les charniers et la violence, mais aussi la spéculation financière.

    Shakespeare est le meilleur antidote à l'extraordinaire vanité occidentale. Il nous dissuade en outre de croire qu'elle est le fruit du hasard.

    Le metteur en scène Eric Ruf ne tire pas trop la couverture à lui, comme souvent dans le théâtre contemporain ; la musique est bien présente comme il se doit, accompagnant la bêtise qui sévit à Vérone.

    Les rôles principaux joués par Suliane Brahim et Jérémy Lopez sont légèrement hystériques, comme sous l'effet d'une drogue, ce qui va dans le sens de la pièce. Les Capulet sont repoussants, ce qui est aussi fidèle à Shakespeare.

    La Nourrice et Tybalt sont mal joués (Tybalt ressemble ici à un prof !), mais le plus regrettable est l'interprétation qui prête à confusion du Frère Laurence, rôle majeur, et seul personnage de la pièce avec Mercutio à avoir de l'esprit.

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    Tyll et Céèf, colauréats du prix "Charlie-Hebdo" de la caricature.

    + "Charlie-Hebdo" remettait un prix de la satire à un court texte sur un thème imposé ; cela donnait à ce prix un côté scolaire ; peut-être est-ce la raison pourquoi le prix est désormais remis à des caricaturistes en herbe, à l'instar du prix "Presse-Citron" unique en son genre ?

    Le thème en était cette année : "Vivre sans portable".

  • Veni, vidi, vici*

    Appât du gain et manque d'imagination vont souvent de pair. La tentative de relancer la série "Alix"webzine,bd,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,alix,veni vidi vici,casterman (Casterman) en est un bel exemple.

    Le succès commercial inespéré de "Blake & Mortimer" a inspiré aux directeurs commerciaux des maisons d'édition de BD franco-belge de tenter le même coup avec "Corto Maltese", "Tif & Tondu", "Ric Hochet", ou encore "Alix", série à laquelle il était reproché il n'y a pas si longtemps de cultiver la nostalgie de l'empire romain.

    Tout ça sent la naphtaline à plein nez et coïncide logiquement avec l'entrée de la BD au musée.

    Avec "Veni, vidi, vici" (citation extraite des pages roses du Larousse) l'éditeur drague les vieux fans des péplums de Jacques Martin en imitant le dessin maladroit des premiers albums. David B., de son côté, a pondu un scénario indigent ; il fait penser à l'un de ces cours de "civilisation romaine" -le plus souvent fastidieux-, dispensés par l'Education nationale. Dès la page 2, on se force à lire les dialogues que David B. a dû se forcer à écrire (acculé par les dettes ?).

    Le ressort des meilleurs albums d'Alix ("Le Dernier Spartiate", "Les Légions perdues", "Le Tombeau Etrusque"...) n'était pas l'érudition ou la précision historique, mais comme les meilleurs "péplums" cinématographiques, la dramaturgie.

    Les auteurs de BD sont peut-être à plaindre à cause des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier aujourd'hui... mais les lecteurs aussi sont souvent victimes d'opérations commerciales indélicates !

    "Veni, Vidi, Vici" (les Aventures d'Alix), par G. Albertini & David B., 2018.

  • Merdre****

    Jarry, le père d'Ubuwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,merdre,alfred jarry,daniel casanave,rodolphe,ubu,casterman

    On retrouve avec plaisir le dessin nerveux et vif de Daniel Casanave dans ce récit de la vie excentrique d'Alfred Jarry. Le scénariste, Rodolphe, nous gratifie de nombreux traits d'esprit et plaisanteries empruntés à Jarry.

    Le père d'Ubu lutte en permanence pour ne pas céder à l'ennui d'une vie bourgeoise; cela semble la principale direction de son art, parfois déroutant (dont les "surréalistes" se revendiquèrent ultérieurement).

    A 24 ans, l'excentricité de Jarry est assez célèbre dans tout Paris pour qu'on le promène de salon en salon, espérant de sa part quelque nouvelle excentricité mémorable et divertissante. Jarry joue volontiers ce rôle de clown: il contribue ainsi à la renommée d'Ubu.

    Jarry n'en est pas moins vraiment inadapté à quelque carrière que ce soit, même l'enseignement où sa scolarité brillante aurait pu le conduire. D'ailleurs le personnage d'Ubu s'inspire d'un professeur de physique au lycée de Rennes, pratiquement incapable d'autre chose que triturer des équations absconses, mais de surcroît entièrement dépourvu d'humour, contrairement à quelques-uns de ses élèves, qui commencent d'ébaucher une figure ubuesque.

    Jarry devine qu'il tient là un personnage qui fera date. Et pour cause : en remplaçant la raison d'Etat, la folie d'Etat nous plonge tous plus ou moins dans la merdre (cette merde raffinée pour être consommable).

    Il passera donc du temps à améliorer Ubu -tout le temps qu'il ne passe pas à tirer au revolver, pédaler comme un forcené à travers la campagne, ou boire comme un trou, pour citer ses principales passions.

    La première représentation de la pièce, qui fit scandale en heurtant le bon goût et la plupart des critiques, ne le découragea pas.

    A juste titre Rodolphe fait de Jarry un précurseur de "Hara-Kiri" et des blagues du Pr Choron. Jarry comme Choron fut de ces individus qui suscitent la réprobation, mais aussi parfois l'étonnement voire l'admiration du troupeau.

    Merdre - Jarry, le père d'Ubu, par Daniel Casanave et Rodolphe, éd. Casterman, 2017.

  • Revue de presse BD (261)

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    + Le festival d'Angoulême expose "Alix", créé par Jacques Martin; à cette occasion "Libération" publie un portrait revisité du jeune héros gallo-romain, dont les aventures furent publiées dans "Tintin" afin de fournir à ce magazine un alibi culturel. Alix est transformé en jeune député macroniste, bobo et militant gay, marié à son faire-valoir (dessin de Shinzo Keigo).

    Le temps semble loin où les intellectuels de gauche accusaient cette série d'entretenir la nostalgie typiquement réac (cf. Nietzsche) de l'empire romain. Le propre de l'idéologie est, comme le vent, de tourner.

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    + Les spécialistes de la BD s'accordent à voir en Rodolphe Töpffer (1799-1846) un pionnier du genre. Manquent à Töpffer les bulles, employées presque systématiquement dans la BD aujourd'hui. La revue "L'Histoire" a déniché un placard publicitaire québécois, datant de la fin du XVIIIe siècle ; cette affiche en bande-dessinée était destinée à promouvoir la candidature à la députation de deux marchands d'origine écossaise.

    Cet usage précoce de phylactères dans lesquels s'inscrivent dialogues ou descriptions est à rapprocher de l'usage similaire par les caricaturistes britanniques de l'époque, explique l'historien Christian Blais.

    + Beaucoup de bruit pour rien autour des "fake news" : le président E. Macron en webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,janvier,2018,alix,shinzo keigo,macroniste,töpffer,québec,christian blais,histoire,fake news,donald trump,macron,orwell,1984,kamil plejwaltzsky,zoo,voile noir,bashar el assad,dodo,cha,castermanpersonne, suivi de sa ministre de la Culture, ont annoncé qu'ils mettront en place des mesures légales pour lutter contre ces "fake-news". Mais la propagande n'a rien d'une nouveauté: la démagogie explique le recours systématique des partis politiques à la propagande, diffusée par la presse. Tous les titres, y compris ceux réputés les plus sérieux ("Le Monde"), ont publié des "fake news" au cours des dernières décennies. Rarement ces journaux ont fait ne serait-ce qu'amende honorable.

    Georges Orwell ne fait pas pour rien du "Ministère de l'Information" l'un des centres névralgiques du pouvoir totalitaire dans "1984".

    Le coup de génie politique de Donald Trump est d'avoir récupéré la méfiance de l'opinion publique américaine vis-à-vis des médias, dans un pays où le complotisme est devenu une contre-culture vivace, en réaction à la désinformation des médias.

    + Comme la bande-dessinée est une composante de la culture de masse, vecteur important de propagande, elle est directement concernée. Kamil Plejwaltzsky épingle dans le magazine publicitaire gratuit "Zoo" (n°64 - janvier 2018) "Le Voile noir" (Casterman), BD de Dodo et Cha ; il est reproché à cette BD de contribuer à la désinformation sur le récent conflit syrien :

    "Dans la bande-dessinée de Dodo et Cha, la Russie et le gouvernement de Bashar-el-Assad en prennent aussi pour leur grade et sont accusés de bombarder aveuglément les populations civiles, perpétuant ainsi l'idée saugrenue d'une guerre propre. Même si on sait maintenant que les bombes lâchées sur les manifestants syriens au début du conflit provenaient de positions rebelles, la question de s'être fait une opinion trop vite à coup d'idéalisme et de reportages bâclés ne semble pas avoir traversé l'esprit de la scénariste."

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    + "Je me fais un pieux devoir de n'avoir jamais lu Céline." Décidément ubuesque, la censure des "Pamphlets" de Louis-Ferdinand Céline ; en effet l'hebdomadaire "Le Point" a décidé de publier dans le cadre d'un "rendez-vous littéraire" (sic) les goûts du grand rabbin de France Haïm Korsia. Que penserait-on d'un athée qui se vanterait de n'avoir jamais lu la Bible ? Que c'est un imbécile pétri de préjugés.

    Le grand rabbin avoue son dégoût également de la littérature de Proust (phrases trop longues). Il cite la bande-dessinée, en particulier "Buck Danny", série belge pompée sur la propagande américaine. Cette BD ouvertement raciste (nippophobe) permet de comprendre le mécanisme du racisme ; il n'est dans ce cas qu'un des aspects de la culture nationaliste.

    Mais il y a longtemps que l'on ne fait plus seulement la guerre (d'où découlent les génocides) au nom de la xénophobie, mais aussi au nom de valeurs prétendument humanistes (liberté, fraternité, égalité) ou... de la paix (prétexte inventé par... saint Thomas d'Aquin au moyen-âge).

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    La série "Buck Danny" mettant en scène la guerre entre les Etats-Unis et le Japon dans l'océan Pacifique sont émaillés d'insultes racistes vis-à-vis des soldats japonais ("face de citron", "face de coing", de "lune", etc.)

    + "France 3" diffuse un long documentaire sur "Charlie-Hebdo", les caricatures de Mahomet et le massacre des dessinateurs : "Charlie-Hebdo, le rire en éclats" (Y. Riou & Ph. Pouchain).

    Haché, mélangeant des témoignages récents et des images d'archives, invitant à s'exprimer des intellectuels sans lien direct avec "Charlie-Hebdo" ni la satire (Marcel Gauchet, Raphaël Enthoven, Jean-Noël Jeanneney...), plutôt qu'un documentaire, il s'agit de faire la démonstration que la France est la patrie de la liberté d'expression.

    Loin de l'esprit critique défendu par les fondateurs de "Charlie-Hebdo", on est ici proche de la mythomanie républicaine. Parmi les rares voix discordantes invitées à témoigner, celle de l'avocat de la mosquée de Paris, Me Szpiner ; il n'a pas de mal à montrer le caractère démagogique du soutien à "Charlie-Hebdo" des principaux chefs de partis politiques, lors du procès intentée par la mosquée; ce soutien constitue l'une des étapes de la récupération de "Charlie-Hebdo".

    Plusieurs intellectuels tentent dans ce documentaire d'établir une filiation entre "Charlie-Hebdo" et la philosophie des Lumières. En réalité le modèle politique de Voltaire était la monarchie constitutionnelle anglaise et les philosophes des Lumières contestaient le monopole du clergé catholique, alors encore puissant, non la religion d'une petite minorité dépourvue d'influence. L'islamophobie de Voltaire est anecdotique.

    Les caricatures violentes dirigées contre la monarchie de Louis XVI, citées dans le documentaire comme les ancêtres des caricatures de "Charlie-Hebdo", n'ont pas grand-chose à voir avec les philosophes des Lumières, satiriques mais réformistes; ces caricatures furent un outil de propagande entre les mains d'un gouvernement républicain... terroriste.

  • Revue de presse BD (244)

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    + La BNF (Gallica) met en ligne des caricatures qui datent d'une époque où les caricaturistes étaient un peu plus anarchistes (moins vieux ?) qu'aujourd'hui et n'épargnaient pas plus les représentants de la loi et de l'ordre laïcs : magistrats, instituteurs, gendarmes, etc. que les autorités religieuses.

    Ci-dessus, caricature de Maurice Radiguet (père de Raymond); la notice wikipédia dit plaisamment au sujet de M. Radiguet : "Sa collaboration très active à la revue anarchiste "L'Assiette au Beurre" nous révèle la part sombre de son humour."

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    Extrait de "Chantier interdit au public".

    + La collection "Sociorama" (Casterman, sous la direction de Lisa Mandel) a déjà publié au moins deux titres politiquement incorrects, "La Banlieue du 20 heures" (ill. Helkarava), sur la fabrication de l'opinion publique par les journaux dits d'information, et "Chantier interdit au public" sur les méthodes esclavagistes dans le BTP (ill. Claire Braud). La radio belge "Grandpapier" nous en dit un peu plus sur cette collection de reportages-BD (à partir 35').

    + Certaines planches de BD se négocient désormais à prix d'or, ce qui a pour effet d'exciter la convoitise des collectionneurs et des voleurs ; ainsi plusieurs centaines de planches de "Blake & Mortimer" ont disparu des coffres de la fondation Jacobs où elles étaient jalousement conservées, puis vendues aux enchères.

    Cela faisait longtemps que Blake & Mortimer n'avaient pas vécu une aventure aussi palpitante.

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    + Bientôt au cinéma, "Loving Vincent" est un long métrage d'animation retraçant les dernières années de la vie de Van Gogh. La presse vante déjà la virtuosité technique de ce film, fabriqué à partir des toiles du peintre hollandais ; paradoxalement, puisque c'est le côté fruste de l'art de Van Gogh qui est remarquable et tranche avec la virtuosité technique de la peinture académique du XIXe siècle. L'artiste hollandais, passé du sacerdoce chrétien (il fut pasteur-stagiaire) au sacerdoce artistique, est sans doute un personnage-clef pour comprendre la dimension eucharistique de l'art moderne.

    Hugh Welchman et Dorota Kobiela ont choisi de ne retracer dans leur film que la dernière année de la vie du peintre. La biographie du peintre contribue à la vénération de son art. Mais, depuis quelques années, cette biographie est sujette à d'intenses controverses entre spécialistes ; le suicide de Van Gogh est remis en cause par certains biographes, voire l'auto-amputation de son oreille.

    Plus intéressante la défense de Van Gogh par A. Artaud contre le corps médical psychiatrique qui s'efforce d'enfermer Van Gogh dans un tableau clinique réducteur. Artaud fait valoir qu'il y a deux sortes de folies diamétralement opposées : celle dont se préoccupent les médecins, d'une part, mais aussi celle qui fonde et justifie la société, nécessairement invisible et occultée par la société et la médecine.

  • Chantier interdit au public***

    Le soupçon qui pèse sur la presse de manquer d'indépendance stimule la production de reportages en BDwebzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,critique,claire braud,casterman,btp,sociorama,politiquement correct,esclavage,exploitation,antiracisme ; nous avions fait ici l'éloge de "La Banlieue du 20h" (Casterman), qui explore les coulisses peu reluisantes de la fabrique de l'info sur un sujet dont l'enjeu politique est majeur... incitant à s'interroger sur le rôle du mensonge dans la démocratie moderne.

    Dans la même collection, Sociorama, Claire Braud met son dessin expressif (c'est une qualité requise pour faire du bon reportage-BD) au service d'une enquête sur les conditions de travail dans les bâtiments et travaux publics (BTP). Le terme d'esclavage ne paraît pas ici excessif pour résumer dans quelles conditions les ouvriers noirs et arabes sont triés et dirigés sur les chantiers en France.

    Le travail dans les champs de coton de Louisiane était peut-être plus pénible encore ? ou dans les mines de Mittal actuellement en Ukraine ? sur les chaînes de fabrication des gadgets électroniques destinés aux clients occidentaux en Chine ? On peut toujours établir des nuances et des degrés dans l'esclavage - il y en a. De même il est difficile de situer la limite de l'abus, dans une société où l'éloge du travail et du sacrifice sont quasi-systématiques -de sorte que l'abnégation est parfois volontaire ; certains salariés se tuent à l'ouvrage de leur propre chef.

    On peut déduire de cette enquête de terrain que l'antiracisme en vigueur est surtout une façon de se donner bonne conscience. Le reportage montre que les précautions de langage antiracistes ont cours aussi sur les chantiers, où on ne parle pas de "nègres" ou de "bicots", mais plus gentiment de "boubous" et "d'Arabes" - autrement dit le fait de l'exploitation réelle s'accommode parfaitement de la contrainte du "politiquement correct".

    Le métier de contremaître aujourd'hui n'est sans doute pas une chose aisée , en effet, outre l'aptitude à conduire les travaux et diriger les travailleurs avec la brutalité que les matériaux et les délais imposent, il faut être capable de transgresser la norme tout en feignant de la respecter. Ainsi les Africains sont appréciés sur les chantiers en raison de leur docilité (certaines races sont plus dociles que d'autres, suivant une nomenclature tacite), de leur résistance physique et de leur discipline, mais aussi de leur réticence à appliquer des normes de sécurité trop complexes, qui ont pour effet de retarder les chantiers et de faire perdre de l'argent aux cartels du BTP.

    La BD de Claire Braud est sans doute utile à la veille du chantier pharaonique des Jeux olympiques à Paris, promu à l'aide de tout le savoir-faire "politiquement correct" requis (l'exhibition assez indécente de personnes handicapées, sachant combien pèse la frénésie concurrentielle dans le bilan des accidents du travail et de la route).

    Chantier interdit au public, par Claire Braud, ed. Casterman, 2017.