J.C. par Antistyle
+ Non seulement Franquin, mais bien des auteurs de BD se sont formés et se forment encore à l'aide du modèle vivant et du dessin d'observation. On ne peut que féliciter ceux qui l'enseignent de préserver ainsi leurs élèves du "tout numérique" ; celui-ci entraîne un asservissement plus grand à des moyens de production industrielle et ne sert que l'esthétique en trompe-l'oeil, façon Vasarely, qui va avec. Petit reportage sur Jérôme Cuvelier, modèle vivant professionnel (surnommé Corto Maltese dans le milieu, en raison de son inépuisable faconde).
+ Le Belge Ben Dessy et son blog "Macadam Valley" prouvent une fois de plus qu'il n'est pas nécessaire dans la BD d'avoir des relations pour se faire connaître, ni de bénéficier de subventions publiques. Ce jeune humoriste, plutôt efficace, vient de voir ses strips publiés par les éditions Même pas mal. Comme je suis Français, on ne m'en voudra pas de célébrer l'humour comme le plus sérieux des arts anthropologiques (les Allemands se prosternent devant la sociologie, les Français ont Rabelais, Molière ou Alphonse Allais pour les empêcher de prendre la sociologie au sérieux).
Espérons que le modeste Ben Dessy (la sociologie ne peut pas se permettre d'être modeste) n'en négligera pas pour autant d'alimenter son blog.
+ Alors que le deuxième volet consacré à "La Vie de Mahomet" par Charb vient de paraître, afin de contribuer à ce que l'essayiste néo-conservateur Samuel Huntington qualifie pudiquement de "choc des cultures", personne ne songe à élucider la question de l'interdit religieux de l'art. Personne, sauf notre BHL national, toujours au taquet puisqu'il prépare une expo. à la fondation Maeght sur le thème des "Aventures de la Vérité" (sic). Une fois n'est pas coutume, le sémillant philosophe fait oeuvre utile en relevant que l'interdit de l'art n'est pas une caractéristique mahométane, mais qu'elle serait même plutôt occidentale (puisque juive et chrétienne).
Puisque BHL reste assez flou et ses exemples confus, il faut préciser que cet interdit vise à prévenir l'idolâtrie ; c'est-à-dire le fétichisme, pour évoquer le phénomène cultuel le plus courant aujourd'hui. Contrairement aux préjugés de certains juifs ou musulmans, l'interdit de l'art n'est pas favorable à l'art abstrait (musique, peinture), mais dissuasif de la production d'objets de culte ou d'amulettes, selon le penchant de l'homme à se raffermir ainsi contre la mort par les oeuvres. L'idolâtrie du concept n'a rien de juif ou chrétien, puisque c'est un motif de la doctrine hégélienne allemande, dérivée du platonisme.
+ Le magazine "Zoo" consacre dans son dernier n° un article à la "BD de chiotte", dans lequel les collaborateurs de cette publication témoignent des albums qu'ils mettent dans leurs WC à la disposition de leurs invités ; de leurs critères de choix. Il est vrai que le rouleau de PQ fournit la métaphore la plus parfaite de l'art séquentiel ou de l'infini. Et je dois dire que, pour ma part, je n'ai pas trop l'angoisse de la page blanche.
+ Le dessin de la semaine est tiré de l'apocalypse de Frédéric Voisin (linogravure) ; celui-ci explore et illustre à son tour, après Cranac'h et Dürer, une littérature fantastique qui présente la particularité, à l'instar de la mythologie juive ou homérique, ou encore de certains contes symbolistes, de faire de l'accomplissement de la prophétie la chose la moins hypothétique. La vision prophétique symbolique heurte ainsi de plein fouet l'inconscient collectif moderne qui repose, lui, sur l'onirisme.
Au sein de ce qu'on qualifie de manière générique de "littérature fantastique", désignation qui a l'inconvénient de pouvoir englober toute la production littéraire mondiale, jusqu'aux ouvrages en apparence les plus cartésiens, on discerne en réalité deux sortes de littératures fantastiques en opposition nette.
La prostituée de l'apocalypse, par F.V.