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propagande - Page 2

  • Revue de presse BD (326)

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    Jeune homme à l'expression assez indéfinissable, par Jean-Jacques Lequeu.

    + Le magazine "Beaux-Arts" consacre presque un numéro entier (août 2019) à la représentation des émotions humaines. Vincent Bernière traite le cas de la bande dessinée, où le registre des émotions est pratiquement codifié. "Un autre élément essentiel explique pourquoi la bande dessinée est un véhicule idéal pour représenter les sentiments de personnages en quelques traits : la caricature.

    Tout au long du XIXe siècle, elle emprunte avec la bande dessinée des chemins parallèles."

    Cependant les mangas japonais sont bizarrement placés en exergue de ce chapitre : leur force d'expressivité est quasiment nulle. Le niveau de subtilité psychologique des mangas est, le plus souvent, à l'instar des "comics" américains, quasiment au niveau du roman-photo italien.

    Pratiquement on peut parler de matériel pornographique en ce qui concerne 90% des mangas, en parfaite adéquation avec la société de consommation par conséquent.

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    + Le Forum des Images (Paris, forum des Halles) organise le premier festival "Bédérama" (27-29 septembre) destiné à souligner les rapports entre la BD et du cinéma. Sur le plan technique, BD et cinéma ont quelques points communs. Il y a quelques exemples de reconversion, comme celle du cinéaste Patrice Leconte ("Les Bronzés"), ex-dessinateur de BD.

    On sait le tort causé à la science, en particulier l'Histoire, par la propagande cinématographique, principal vecteur du roman ou du récit national. A tel point que le cinéma mériterait d'être qualifié d'arme de guerre.

    La bande dessinée échappe plus facilement à la propagande. Ainsi la récente BD "Concombres amers" à propos du conflit cambodgien parvient à une synthèse assez objective.

    On doit plutôt se réjouir qu'un scénariste talentueux comme R. Goscinny n'ait pas ou peu songé au cinéma.

  • Caricature BHL

    La Semaine de Suzette Zombi. Lundi : Arrête ton char, BHL !

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  • Revue de presse BD (208)

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    Message peint par Magritte

    + Un autre musée parisien, le musée Pompidou, rend hommage à un autre artiste Belge : Magritte, dont quelques rébus-peints sont imprimés sur la rétine d'à peu près tout le monde (jusqu'au 23 janvier). De l'art de Magritte comme de l'art d'Hergé n'émane aucune sensualité. C'est là un point commun aux deux artistes belges (wallon et bruxellois), et pourquoi ils sont modernes tous les deux - l'art moderne n'est plus tout à fait de l'art (au sens païen du terme). Le parallèle s'arrête là, car beaucoup de choses sont inconscientes chez Hergé, qui pour différentes raisons (son jeune âge, son tempérament introverti...) n'avait pas la maîtrise de son art, mais se focalisait surtout sur le style. L'expo Magritte nous rappelle, au contraire, que le message délivré par Magritte est consciemment dirigé contre la peinture, qui après l'avoir fasciné, avait fini par lui inspirer du dégoût (la peinture de Chirico réveilla un peu le désir de Magritte de peindre). 

    + Reportage confraternel de Coco au concert de Renaud au Zénith fin octobre ("Charlie-Hebdo" 2 novembre). Renaud dit désormais admirer le candidat Fillon, mais les fans du chanteur à textes mettent sans doute ça sur le compte de la tisane qu'il boit avant le début de son concert pour soigner sa voix. Coco rapporte que Renaud, après avoir avoué : "J'ai embrassé un flic", ajoute : "Mais attention : j'ai pas embrassé un militaire." Il est vrai que, si l'esprit bidasse est de droite, l'esprit flic, quant à lui, est le privilège de la gauche.

    + L'éditeur de BD Bamboo, surtout connu pour sa BD satirique "Les Profs" et quelques titres spécialisés dans la caricature de différents sports, vient de racheter la maison Audie, éditrice de "Fluide-Glacial", l'hebdo humoristique fondé par Gotlib. Et la presse de commenter ainsi la nouvelle : "Bamboo va devenir un poids lourd sur tous les rayons humour, que ce soit en librairie ou dans les grandes surfaces."

    + La Foire internationale d'art contemporain s'est ouverte dans un contexte boursier difficile. Comme chaque année, les organisateurs de la FIAC nous promettent : - Le changement, c'est maintenant ! Cela situe l'art au niveau de l'espoir.

    + Frédéric Hojlo dans Actuabd narre la mésaventure posthume de George Orwell, dont le conte "La Ferme les animaux", inspiré par les purges de Staline (bien que le porc-dictateur se nomme "Napoléon"), fut racheté afin d'être adapté en dessin-animé et en bande-dessinée afin de servir d'arme de propagande anticommuniste (lorsque les intérêts des Etats-Unis et de l'URSS commencèrent de diverger). Il n'est pas rare que des ouvrages satiriques soient récupérés par tel ou tel parti politique ; parfois cela se fait avec le consentement de l'auteur, mais Orwell se distingue par son indépendance. F. Hojlo nous rappelle opportunément que Orwell voyait les "comics" américains d'un mauvais oeil, comme une manifestation de la culture de masse totalitaire.

    Les années ont donné raison à Orwell : en effet on a vu l'Union soviétique devenir capitaliste à toute vitesse, signe que l'esprit critique n'était guère développé à l'Est, mais plutôt une forme de nationalisme déguisée en discours pseudo-marxiste. Orwell, issu du peuple, fit notamment un effort pour rendre l'homme du peuple pessimiste, c'est-à-dire plus lucide. Orwell se montre particulièrement vigilant vis-à-vis de la caste des intellectuels, en charge de l'invention des nouvelles chimères modernes.

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    Le dessinateur britannique Norman Pett, chargé d'adapter La Ferme des animaux, était un auteur de comics de propagande nationaliste ("Jane") comme Milton Caniff (comics contenant la ration d'érotisme destinée à émoustiller l'homme de troupe).

  • Revue de presse BD (185)

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    + Les manifestations contre la loi El Khomri visant à amender le code du travail ont un faux-air de "Mai 68" ; certains regroupements d'étudiants semblent en parodier les slogans et les affiches ; les édudiants de la Sorbonne proposent aussi une "bande-dessinée", quelques croquis pris sur le vif pendant les manifs.

    Mais la désillusion semble l'emporter sur l'illusion désormais ; les militants de gauche ou d'extrême-gauche, majoritaires dans l'animation de ces mouvements, n'ont pas en effet en face d'eux un pouvoir gaulliste "fasciste", comme en 1968, mais les représentants du peuple de gauche qu'ils ont pour certains eux-mêmes élus "inconsciemment". Il y a plus d'un siècle et demi, Karl Marx vitupérait déjà les "sociaux-traîtres", dont les élites industrielles et bancaires ne peuvent se passer pour conduire le peuple à l'abattoir.

    Symbole de cette désillusion, le chanteur Renaud, également chroniqueur à "Charlie-Hebdo", et passé récemment du whisky à l'eau minérale, vient d'annoncer son soutien à... François Fillon. Renaud n'a donc pas assez dessoûlé pour cesser d'espérer complètement.

    + Les feuilletons ou séries, ouvrages de fiction, sont infinis. Anthony Horowitz raconte dans le quotidien "Métro" pourquoi il a accepté de reprendre "Sherlock Holmes", oeuvre-clef de la culture moderne policière : "Quand les héritiers de Conan Doyle m'ont contacté pour écrire un Sherlock Holmes, j'ai d'abord eu des scrupules, parce qu'il y a un certain cynisme dans ce genre de livres : un éditeur propose une grosse avance à un écrivain connu pour pondre un best-seller. Toutefois, les lecteurs adorent ces livres. Alors pourquoi s'en priver ? J'ai lu toutes les histoires de Holmes à l'âge de 17 ans et c'est ce qui a fait de moi un auteur de polars. Alors oui, c'est une entreprise marketing, mais en vérité je n'ai dû mettre qu'une seconde à accepter !" ; un peu plus loin, le scénariste belge Van Hamme raconte comment il a repris "Blake & Mortimer", qui constitue un véritable filon pour les éditions Lombard-Dargaud.

    + "Quand la BD fait des bulles dans le réel" : "La Tribune de Genève" titre ainsi un mauvais papier (2 avril) dédié à la BD de reportage ou d'enquête, à prétention historique, ou encore visant la vulgarisation scientifique. Mauvais papier car la frontière entre la fiction et le réel n'est pas posée : elle reste à définir dans un monde où la fiction, sous forme de spectacles et divertissements divers, joue un rôle politique majeur.

    Mauvais papier car la "Tribune de Genève" ne fait pas la part entre la propagande et la réalité. Il ne suffit pas qu'un livre ou un enseignement se proclame "historique" pour qu'il soit autre chose qu'une fiction déguisée en réalité - tel le "roman national laïc", qui du point de vue historique relève du catéchisme. Il ne faut pas négliger non plus la part de la propagande dans le domaine de la "techno-science", dont les actionnaires sont assez puissants pour imposer une idée avantageuse de la science à laquelle leurs intérêts sont liés. La science-fiction ne s'est pas développée comme un genre distinct de la science académique ou sérieuse, mais elle s'inscrit dans le prolongement de diverses hypothèses et théories scientifiques censées être sérieuses ; c'est bien la preuve que la fiction et la réalité interfèrent.

    Mauvais papier enfin car il présuppose le journalisme et l'information "du côté du réel", ce qui reste à prouver. Rien ne dit que le journalisme n'est pas principalement devenu un acte de censure, à travers la contribution à ce que l'essayiste Hannah Arendt qualifie de "culture de masse", excroissance inquiétante de la culture occidentale, non moins susceptible de véhiculer le fanatisme que les religions les plus fanatiques.

    + L'éditeur de BD Jacques Glénat a été mis en cause entre autres capitaines d'industrie par "Le Monde" dans l'affaire dite des "Panama Papers" ; J. Glénat avait acquis la société offshore Getway S.A., spécialisée dans l'achat de tableaux et de meuble anciens, avant de la revendre et distribuer les tableaux à ses enfants quand les contrôles fiscaux commencèrent de se faire pressants. "Le Monde" fait par ailleurs à l'éditeur une réputation d'"Oncle Picsou" dans ses contrats avec les auteurs ; on regrette que le quotidien n'étaye pas plus cette accusation.

  • Groom*

    Les éditions Dupuis, éditrices de l'hebdomadaire "Spirou", ont publié le 7 janvier "Groom", un hors-série pourwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,groom,spirou,magazine,dupuis,propagande,charlie-hebdo,mai 68,complotisme les ados traitant de l'actualité en 2015.

    6,90 euros ça les vaut bien, si l'on tient compte du nombre de pages (100), de la qualité du papier (glacé), et de l'habileté des dessinateurs. Il s'agit ici d'un "ballon d'essai" ; on sent bien que Dupuis surfe sur une actualité dense, et l'attentat contre "Charlie-Hebdo" qui a beaucoup fait parler du dessin de presse, non loin de la bande-dessinée (bon nombre de dessinateurs de presse sont aussi auteurs de BD).

    Cependant sur le plan éditorial, ce premier numéro est très décevant, comme on pouvait s'y attendre. Un petit rappel s'impose : "Charlie-Hebdo" est proche de l'esprit frondeur de "Mai 68", qu'il précéda (ainsi que Cabu le soulignait fort justement), et qu'il a perpétué avant de faire faillite, faute de lecteurs, en 1982. La prise du pouvoir par la gauche en France explique sans doute assez largement cette faillite : la réputation d'hebdomadaire subversif de "Hara Kiri" ou "Charlie-Hebdo" s'est émoussée à partir du moment où la culture dominante a repris certains slogans "libertaires" ; du "sexe sans entraves", on est vite passé à la "capote obligatoire" et à la sexualité sous assistance thérapeutique psychiatrique ; Daniel Cohn-Bendit, icône du mouvement de "Mai 68", officie désormais dans une radio capitaliste BCBG qui passe son temps à expliquer que, si le capitalisme tousse aujourd'hui, c'est pour mieux courir demain le marathon.

    Dupuis et "Spirou" incarnent en revanche le conformisme belge, une propagande à destination des jeunes garçons de bonnes familles comme "Tintin".

    Le besoin de propagande n'a malheureusement pas diminué par rapport aux années 60, mais seulement la couleur de la propagande. Et c'est ce que Dupuis a produit avec "Groom" : un magazine lisse et politiquement correct à l'instar du mouvement "Tous Charlie !", tout juste assaisonné de quelques pointes d'humour ici ou là. Pas facile pour un illustrateur d'illustrer une tribune édifiante de Jean-Louis Bianco ; on croyait cet ancien secrétaire général de l'Elysée enterré avec Mitterrand (comme dans l'Antiquité les serviteurs de pharaon avec leur maître), en réalité il préside un très (trop) sérieux "Observatoire de la laïcité".

    L'actualité 2015 est assez largement traitée, dans toute sa diversité, puisque cela va de la montée des eaux en Belgique jusqu'à l'embargo de l'Iran, en passant par le scandale de la Fifa et les toutous de la reine Elisabeth II. Mais c'est une maladresse que cette manière d'exhaustivité ; le tout, avec l'actu et l'information, qui se présentent de façon chaotique et peu hiérarchisée, est de ne pas se laisser submerger pas leurs flots, surtout pour des ados mal armés. C'est la force du "complotisme", justement, moqué dans plusieurs strips publiés dans "Groom", de proposer une lecture univoque de l'actualité aux ados, une explication d'ensemble à, disons, l'agitation du monde - qui a de quoi troubler l'esprit.

    Traiter de façon sérieuse du ou des complotismes -ce qui n'exclut pas l'humour-, aurait pu par exemple être un angle éditorial ; au lieu de ça, on a une sorte de fourre-tout, illustré avec brio, mais qui ne met pas ou peu en oeuvre la force principale du dessin, l'humour.

    On ne redemande pas de ce "Groom"-là (et les ados à qui j'ai prêté mon exemplaire non plus).

    Zombi

     

     

  • Revue de presse (99)

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    + Les De La Motte Brothers (frères De La Motte) sont deux peintres nantais qui peignent de grandes toiles expressionnistes sur des sujets aussi rebattus que le sexe et la violence, mais en parodiant les méthodes de promotion de l'art post-moderne.

    + Dans la rubrique "On s'en fout", la vente de planches de BD originales organisée par la maison Christie's et Daniel Maghen (5 avril) fut un succès, puisque les enchères ont atteint un total de 3,8 millions d'euros. Le manque de confiance actuel dans les marchés boursiers est favorable à l'investissement dans les objets d'art. Bien sûr le fétichisme entre aussi en ligne de compte, la nostalgie des collectionneurs pour des objets leur rappelant leur enfance, ce qui étaye les soupçons à l'égard de la bd franco-belge, Tintin en tête, d'être une culture pédophile.

    + L'infantilisme le plus notable de la BD franco-belge est son caractère de propagande politique et morale. Telle la série des "Aventure de Buck Danny", destinée aux jeunes garçons et mettant en scène des pilotes de guerre américains (plus racistes que Tintin). Cette série présente la guerre moderne, si ce n'est comme un divertissement à l'instar de certains jeux vidéos récents, du moins sous un jour "héroïque". Des observateurs ou témoins plus crédibles relèvent au contraire l'absence d'héroïsme dans la guerre moderne.

    La commémoration actuelle de la guerre de 14-18, à laquelle le milieu de la BD a été convié, crée des remous et des divisions en son sein, entre auteurs tenants de valeurs républicaines et d'autres plus pacifistes. L'exposition "La Faute au Midi - soldats héroïques et diffamés", au centre aixois des archives départementales des Bouches-du-Rhône illustre une nouvelle fois l'ambiguïté de cette commémoration, dont le caractère pédagogique et scientifique est parfaitement contestable. La flatterie des milieux populaires, ici, cache en effet que les guerres modernes s'inscrivent mal dans le cadre démocratique général, censé être celui de l'Occident moderne, non seulement de par leurs méthodes, ce qui est l'évidence même, mais sur le plan culturel plus subtil de la mobilisation de l'opinion publique en temps de paix, c'est-à-dire du maintien des esprits en-deçà d'un certain seuil critique, notamment à l'aide de la "culture de masse". La conception "quantique" de la démocratie, républicaine ou technocratique, opposée à d'autres conceptions plus qualitatives, véhicule cet aspect militant ou militaire. 

    + Plus que quatre jours pour participer au concours de dessin de presse sur le thème de la liberté d'expression, organisé par "Tendance Ouest". A noter que ce ne sont pas les oeuvres complètes de Georges Orwell, Karl Marx ou Evelyn Hall ("Je ne partage pas vos idées, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez les exprimer.") qui seront offertes aux vainqueurs, mais des week-ends à Bagnole-de-l'Orne, ce qui en découragera peut-être certains ?

    + Depuis quelques semaines, "The PylGreff Project" propose à travers des chansons de Monsieur Pyl, illustrées régulièrement par Philgreff, une petite sociologie humoristique de la société française (ou peut-être n'est-elle pas sociologique, justement parce qu'elle est humoristique ?). Le "medley" ci-dessous diffusé sur Youtube donne une vue d'ensemble de leur travail en cours :

  • Stalingrad - Khronika***

    Un post-scriptum informe le lecteur que la bataille de Stalingrad (aujourd’hui Volgograd), conclusion de webzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,stalingrad,volgograd,khronika,franck bourgeron,nicolas ricard,histoire,bataille,hugo pratt,scorpions du désert,shakespeare,hitler,libyie,abyssinie,mussolini,revue dessinée,fachiste,althusser,sartre,fiction,idéologie,journalisme,propagandela seconde guerre mondiale sur le continent européen, fut une des pires boucheries de l’humanité, faisant deux millions de victimes environ; précision utile puisque on est, en France, ordinairement mieux instruit des circonstances du carnage national de Verdun.

    Franck Bourgeron et Sylvain Ricard ne prétendent pas ici faire œuvre d’historiens avec «Stalingrad Khronika», mais situent plutôt dans le contexte de la bataille de Stalingrad une fable sur la guerre, ou sur les soldats qui la mènent. On pense ici à une BD comparable d’Hugo Pratt, dont le contexte est la guerre coloniale que se livrèrent les Italiens et les Anglais en Libye et en Abyssinie pour le contrôle de ces territoires, combats bien moins sanglants, mais qui jouèrent un rôle majeur dans le déclenchement de la guerre, poussant Mussolini dans les bras de Hitler («Les Scorpions du Désert»).

    Suivant la démonstration de Shakespeare, la guerre a le don de dévoiler la véritable personnalité des hommes qui la font, en même temps que le sens profond d’une culture nationale; dans les périodes de trêve, au contraire, ces vérités sont occultées, quoi que les guerres modernes industrielles ou totales ont aboli la frontière entre civils et militaires, et donc aussi entre la guerre et la paix; le vernis de la civilisation ou de la modernité "craque", faisant apparaître sous cette couche superficielle un matériel psychologique plus intéressant pour le romancier ou le tragédien.

    La chronique de Ricard et Bourgeron se concentre sur une équipe de cinéma, mandatée par Staline en personne, afin de tourner un film de propagande en l’honneur des troupes soviétiques dans les décombres de Stalingrad, au milieu des derniers assauts, alors que le sort de l’Allemagne est scellé, nonobstant la résistance acharnée des troupes allemandes, à Stalingrad comme ailleurs.

    Ici on ne peut s’empêcher d’observer, entre parenthèses, que Franck Bourgeron a de la suite dans les idées, puisque il est récemment à l’initiative d’un magazine, la «Revue dessinée», qui entend rompre avec la mise en scène cinématographique de l’information, dont les scandales ayant secoué les médias au cours des dix dernières années font soupçonner un public de plus en plus large qu’elle n’est pas au service de l’information, mais de quelque chose qui s’apparente plus à la guerre économique.

    Le rapprochement avec la manière de Pratt est justifiée, non seulement par la ressemblance entre le trait de Bourgeron et le sien, mais par l’épaisseur psychologique que les auteurs parviennent à donner à leurs personnages; cette épaisseur psychologique, assez rare en BD, s’avère en effet un des points forts de Pratt. Ce dernier savait notamment faire du ressort de la trahison un usage habile dans ses intrigues, montrant comment cette détermination typiquement politicienne permet à des personnages machiavéliques de soumettre des soldats plus frustes et plus brutaux, à leurs plans, jusque à faire du soldat qui a le malheur de se situer du côté des vaincus (le propre père de H. Pratt servit dans l’armée fachiste italienne), une sorte de super-cocu de l’histoire. Plus malins, les politiciens savent occulter leurs responsabilités en mettant au frais les archives… le temps nécessaire.

    Bourgeron et Ricard montrent bien comment l’idéologie, sur le terrain militaire, se réduit à l’injonction caricaturale afin de coïncider avec les réflexes des soldats, tandis qu’elle peut prendre la place de gros volumes subtils d’idéologie stalinienne à la manière d’Althusser ou Sartre à l’arrière des troupes, réservés aux cadres du parti. Et cela n’est pas seulement valable pour le totalitarisme stalinien, mais pour n’importe quel régime au stade de l’engagement militaire, y compris démocratique. C’est une preuve de lucidité d’avoir placé le cinéma au centre de cette fable sur la guerre moderne ; il est en effet l’instrument principal de la réduction de l’idéologie à des slogans caricaturaux, stimulant la combativité de la foule ou des masses militantes, proportionné au gigantisme des nations.

    Cette intrigue, répartie en deux albums, vient d’être réunie en un seul par l’éditeur. On peut cependant regretter que le scénario, sur la base d’une psychologie consistante, manque un peu de rythme, ou soit trop dilué. C’est la difficulté qui se présente à ceux qui ne font pas œuvre de pure fiction, et doivent camper leurs personnages. La publication dans des magazines de BD permettait aux auteurs de romans graphiques de l’ancienne école d’apprendre à mieux tenir ce rythme, y compris parfois d’une façon un peu artificielle.

    Stalingrad - Khronika (Intégrale), Franck Bourgeron & Sylvain Ricard, Eds Dupuis-Aire Libre, 2013.