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bataille

  • Le Mythe du Sauveur américain***

    Dominique Lormier bat en brèche dans son petit essai la légende du "sauveur américain". Alors quewebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,mythe,sauveur,américain,dominique lormier,imposture,historique,14-18,bataille,marne,wikipédia,histoire,pierre de taillac l'intervention des forces armées américaines lors des récents conflits mondiaux est présentée comme décisive, l'auteur du "Mythe du Sauveur américain" affirme que le rôle des Etats-Unis est largement surestimé, et va jusqu'à parler "d'imposture historique" ; en ce qui concerne la 2nde guerre mondiale, l'auteur se borne à quelques indications ; sa démonstration rigoureuse porte sur la "Grande guerre" de 1914-18.

    Alors même qu'il est passé sous silence ou presque, le rôle de l'armée italienne fut plus important qui, en triomphant de l'Autriche-Hongrie, alliée de l'Allemagne, fit franchir au conflit une étape décisive vers la capitulation des troupes du Kaiser.

    "Le site Wikipédia, écrit D. Lormier, qui est aujourd'hui le site le plus consulté par les lycéens et les étudiants en histoire, verse dans la propagande américaine la plus délirante. On peut notamment y lire : "L'arrivée de l'American Expeditionnary Force sur le terrain fut l'une des clés de la victoire de la Triple-Entente." On y apprend notamment que l'Amérique a mobilisé environ 4 millions d'hommes, mais il convient de relativiser ce chiffre lorsque l'on sait que le nombre de soldats américains réellement présents en France ne dépasse pas 1.800.000 hommes, dont seulement 400.000 seront réellement engagés en première ligne. Sur ces 400.000 soldats, seulement 200.000 ont l'expérience du combat en 1918 !"

    Chapitre 1 : L'armée britannique est sauvée à deux reprises sans l'aide américaine ; chapitre 2 : L'armée française remporte quasiment seule la seconde bataille de la Marne ; chapitre 3 : Les combats limités de l'armée américaine ; chapitre 4 : l'apport capital et méconnu de l'armée italienne... une fois la démonstration faite en quatre brefs chapitres étayés sur des chiffres (le bilan des pertes américaines, comparé à celui des autres alliés de la France, par exemple), D. Lormier se penche en guise de conclusion sur la fabrication de cette légende. Il mentionne notamment le rôle joué par la presse illustrée et les dessinateurs de presse au service de la propagande du "sauveur américain". 

    La légende se nourrit de divers éléments, dont une propagande franco-américaine où le dessin a sa part, webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,mythe,sauveur,américain,dominique lormier,imposture,historique,14-18,bataille,marne,wikipédia,histoire,pierre de taillacprécédant ou relayant la propagande cinématographique. Moins nombreuses que les britanniques et peu aguerries en comparaison des armées européennes, les troupes américaines étaient soutenues par une logistique importante et impressionnante. L'entrée en guerre des Etats-Unis a donc eu un fort impact psychologique et a marqué une partie de la population civile française, de façon disproportionnée au regard de l'action concrète de ces troupes, dont l'auteur ne conteste pas la bravoure mais l'efficacité. L'arrivée en France du général américain Pershing fit ainsi l'objet d'une véritable mise en scène par les autorités françaises, désireuses de galvaniser les Français à la veille de batailles probablement décisives.

    Au long de son essai, D. Lormier souligne l'intelligence stratégique du général P. Pétain, plus économe en vies humaines que ses confrères. Cet élément permet de comprendre l'aura de Pétain en 1940, et le soutien assez large dont bénéficia l'ancien chef de guerre dans la population française.

    La sobriété de l'argumentaire de D. Lormier est une qualité, qui rend sa démonstration plus percutante ; mais c'est aussi une limite. En effet, avec tous ces bilans chiffrés et ces dates, cités par l'auteur à l'appui de sa thèse, on se situe plus près de la démonstration mathématique que de l'essai historique ; ce rapport circonstancié fait presque oublier l'horreur du carnage perpétré par les deux nations rivales. Certes, ce n'est pas le but de cette étude, cependant peut-on étudier les guerres modernes sans s'interroger sur leur férocité et les moyens humains extraordinaires mis au service de cette férocité ?

    D'autre part, il aurait été souhaitable que l'auteur, plutôt que d'employer le terme assez vague de "mythe", emploie celui de "propagande" ou de "roman national" ; ces deux expressions disent mieux la nature politique du mensonge ou de l'imposture historique. Quel meilleur thème que la guerre pour parler du roman national, dont le principal but est de mobiliser, en temps de guerre comme en temps de paix ?

    (Une signée Becan représentant en août 1918 un cow-boy frappant le Kaiser d'un "coup de poing américain".)

    Le Mythe du Sauveur américain (1917-1918) - Essai sur une imposture historique, par Dominique Lormier, éds Pierre de Taillac, février 2017.

  • Stalingrad - Khronika***

    Un post-scriptum informe le lecteur que la bataille de Stalingrad (aujourd’hui Volgograd), conclusion de webzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,stalingrad,volgograd,khronika,franck bourgeron,nicolas ricard,histoire,bataille,hugo pratt,scorpions du désert,shakespeare,hitler,libyie,abyssinie,mussolini,revue dessinée,fachiste,althusser,sartre,fiction,idéologie,journalisme,propagandela seconde guerre mondiale sur le continent européen, fut une des pires boucheries de l’humanité, faisant deux millions de victimes environ; précision utile puisque on est, en France, ordinairement mieux instruit des circonstances du carnage national de Verdun.

    Franck Bourgeron et Sylvain Ricard ne prétendent pas ici faire œuvre d’historiens avec «Stalingrad Khronika», mais situent plutôt dans le contexte de la bataille de Stalingrad une fable sur la guerre, ou sur les soldats qui la mènent. On pense ici à une BD comparable d’Hugo Pratt, dont le contexte est la guerre coloniale que se livrèrent les Italiens et les Anglais en Libye et en Abyssinie pour le contrôle de ces territoires, combats bien moins sanglants, mais qui jouèrent un rôle majeur dans le déclenchement de la guerre, poussant Mussolini dans les bras de Hitler («Les Scorpions du Désert»).

    Suivant la démonstration de Shakespeare, la guerre a le don de dévoiler la véritable personnalité des hommes qui la font, en même temps que le sens profond d’une culture nationale; dans les périodes de trêve, au contraire, ces vérités sont occultées, quoi que les guerres modernes industrielles ou totales ont aboli la frontière entre civils et militaires, et donc aussi entre la guerre et la paix; le vernis de la civilisation ou de la modernité "craque", faisant apparaître sous cette couche superficielle un matériel psychologique plus intéressant pour le romancier ou le tragédien.

    La chronique de Ricard et Bourgeron se concentre sur une équipe de cinéma, mandatée par Staline en personne, afin de tourner un film de propagande en l’honneur des troupes soviétiques dans les décombres de Stalingrad, au milieu des derniers assauts, alors que le sort de l’Allemagne est scellé, nonobstant la résistance acharnée des troupes allemandes, à Stalingrad comme ailleurs.

    Ici on ne peut s’empêcher d’observer, entre parenthèses, que Franck Bourgeron a de la suite dans les idées, puisque il est récemment à l’initiative d’un magazine, la «Revue dessinée», qui entend rompre avec la mise en scène cinématographique de l’information, dont les scandales ayant secoué les médias au cours des dix dernières années font soupçonner un public de plus en plus large qu’elle n’est pas au service de l’information, mais de quelque chose qui s’apparente plus à la guerre économique.

    Le rapprochement avec la manière de Pratt est justifiée, non seulement par la ressemblance entre le trait de Bourgeron et le sien, mais par l’épaisseur psychologique que les auteurs parviennent à donner à leurs personnages; cette épaisseur psychologique, assez rare en BD, s’avère en effet un des points forts de Pratt. Ce dernier savait notamment faire du ressort de la trahison un usage habile dans ses intrigues, montrant comment cette détermination typiquement politicienne permet à des personnages machiavéliques de soumettre des soldats plus frustes et plus brutaux, à leurs plans, jusque à faire du soldat qui a le malheur de se situer du côté des vaincus (le propre père de H. Pratt servit dans l’armée fachiste italienne), une sorte de super-cocu de l’histoire. Plus malins, les politiciens savent occulter leurs responsabilités en mettant au frais les archives… le temps nécessaire.

    Bourgeron et Ricard montrent bien comment l’idéologie, sur le terrain militaire, se réduit à l’injonction caricaturale afin de coïncider avec les réflexes des soldats, tandis qu’elle peut prendre la place de gros volumes subtils d’idéologie stalinienne à la manière d’Althusser ou Sartre à l’arrière des troupes, réservés aux cadres du parti. Et cela n’est pas seulement valable pour le totalitarisme stalinien, mais pour n’importe quel régime au stade de l’engagement militaire, y compris démocratique. C’est une preuve de lucidité d’avoir placé le cinéma au centre de cette fable sur la guerre moderne ; il est en effet l’instrument principal de la réduction de l’idéologie à des slogans caricaturaux, stimulant la combativité de la foule ou des masses militantes, proportionné au gigantisme des nations.

    Cette intrigue, répartie en deux albums, vient d’être réunie en un seul par l’éditeur. On peut cependant regretter que le scénario, sur la base d’une psychologie consistante, manque un peu de rythme, ou soit trop dilué. C’est la difficulté qui se présente à ceux qui ne font pas œuvre de pure fiction, et doivent camper leurs personnages. La publication dans des magazines de BD permettait aux auteurs de romans graphiques de l’ancienne école d’apprendre à mieux tenir ce rythme, y compris parfois d’une façon un peu artificielle.

    Stalingrad - Khronika (Intégrale), Franck Bourgeron & Sylvain Ricard, Eds Dupuis-Aire Libre, 2013.