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baudelaire - Page 4

  • Gavrilo Princip****

    ou "l'homme qui changea le siècle"webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,gavrilo princip,henrik rehr,anglais,futuropolis,françois-ferdinand,autriche,serbie,anarchiste,nationaliste,mystique,révolution,baudelaire

    Le récit que nous livre ici Henrik Rehr est d’une profonde noirceur, à l’image du dessein de Gabriel/Gavrilo Princip d’assassiner l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche. L’auteur, scénariste et dessinateur, nous fait entrer dans le plan de Princip, sa maturation au fil des années.

    Comment et pourquoi Princip s’est forgé une conscience politique ; comment et pourquoi il a pu décider de passer à l’acte : ces étapes sont retracées à l’aide d’un dessin un peu terne, rehaussé de nuances de gris. Le scénario nous fait comprendre l’essentiel.

    Princip et ses complices terroristes, jeunes marginaux armés par la « Main noire », une organisation nationaliste secrète qui compte dans ses rangs quelques fonctionnaires bien placés, ont conçu leur action comme une véritable œuvre d’art, l’accomplissement d’un destin macabre. Ils y ont beaucoup réfléchi. L’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche n’est pas le fait d’un déséquilibré.

    Cet album, traduit de l’anglais et publié par Futuropolis en 2014, se veut un focus sur l’étincelle qui mit au feu à la poudrière des Balkans et entraîna cette Grande guerre centenaire, largement commémorée l’année dernière. Mais l’on est bien sûr tenté de faire le rapprochement avec des actes terroristes récents. L’étude psychologique de l’assassin Princip, assez fouillée, nous y incite.

    La suggestion de la couverture, sous forme de slogan tapageur : « Gavrilo Princip, l’homme qui changea le siècle », est démentie à l’intérieur même de l’ouvrage. H. Rehr, dessinateur et scénariste, fait dire à Princip : « Une seule personne ne peut pas faire tourner la roue de l’histoire. La guerre aurait eu lieu de toute manière. Moi… je n’ai fait qu’appuyer sur la détente. »

    On constate ici que Princip est animé par une idée religieuse typiquement moderne, selon laquelle la révolution populaire est un facteur de progrès, et cela, paradoxalement, alors même que les acteurs de la révolution n’agiraient que dans une demi-conscience des actes qu’ils accomplissent, et non en pleine conscience. Princip se sent en effet prédestiné à commettre un tel acte, et le sentiment de prédestination est caractéristique d’une conscience religieuse.

    Autrement dit, la foi dans le progrès politique et la révolution est un substitut à une autre forme de foi religieuse, plus traditionnelle. Princip et les quelques jeunes Serbes de Bosnie athées qui furent poussés par des comploteurs, intrigant à un niveau supérieur, croient à la fois dans la notion de patrie ou de terre sacrée serbe, d’ordre « mystique », et dans l’émancipation future du peuple et des classes populaires dont ils sont issus. Comme dirait Baudelaire, lui-même ancien révolutionnaire déçu par la révolution : « La Révolution, par le sacrifice, confirme la Superstition. »

    A son procès, Princip énonce : « Je suis un nationaliste yougoslave et je crois à l’unification de tous les Slaves du Sud, libérés du règne autrichien. J’ai tenté d’atteindre ce but par le biais du terrorisme. Je ne suis pas un criminel, car j’ai détruit le mal. Je pense que je suis bon. Cette idée est née en nous, et nous avons commis cet assassinat. Nous aimions notre pays. Nous aimions notre peuple ! Je n’ai rien d’autre à dire pour ma défense. »

    On voit bien que ces propos ne sont pas ceux d’un déséquilibré, en même temps qu’ils sont empreints de mysticisme.

    Comme certaines des valeurs mystiques athées de Princip ont encore cours en Occident aujourd’hui, on pourrait taxer cet BD d’apologie du terrorisme, si le but de cet ouvrage n’était pas de comprendre et décrire, sans porter de jugement de valeur sur le geste ou la tyrannie autrichienne.

    Comme on peut penser qu’il y a un type du soldat, commun à toutes les armées du monde, cette bande-dessinée dessine un portrait-type du terroriste, quelles que soient les raisons mises en avant, résolu au suicide pour un plus grand bien commun. Et, comme les gangsters fascinent plus que les policiers, les terroristes fascinent plus que les soldats enrôlés dans des armées régulières.

    Emprisonné tout au long de la guerre, Princip finira par mourir en 1918, décharné et affaibli. La tuberculose le rongeait déjà depuis longtemps. La défaite de l’empire austro-hongrois vaudra à Princip d’être réhabilité à Sarajevo.

    « Nos fantômes traverseront Vienne à pied et saccageront le palais : ils terrifieront les seigneurs. », aurait griffonné Princip sur le mur de sa cellule. De tels fantômes ne meurent pas tant que dure le terrorisme.

    Gavrilo Princip, l'homme qui changea le siècle, Henrik Rehr, Futuropolis, 2014.

     

  • Revue de presse BD (110)

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    + Certaines militantes féministes aux Etats-Unis ont proposé de "rewriter" entièrement la littérature, accusant les ouvrages composés par des hommes de véhiculer des idées misogynes archaïques. D'une manière plus humoristique, le blog-tumblr "héroïnes", dont l'image ci-dessus est extraite, transpose au féminin les héros plus ou moins virils de la BD franco-belge. Le propos universitaire à l'arrière-plan de ce projet n'est guère convaincant (regards universitaires). Il ne répond pas vraiment à la défense des auteurs selon laquelle, par principe, le moteur du récit d'aventure n'est pas sexuel, ou, du moins, il ne l'est pas explicitement sexuel. Peu importe le sexe du héros, en quelque sorte. De fait Tintin est un prototype de héros assez peu viril, si on le compare à Rahan (héros des publications communistes pour la jeunesse). D'ailleurs l'on décide de prendre une héroïne plutôt qu'un héros, comme cela a déjà été fait (Jeannette Pointu), le scénario fait vite oublier son sexe au profit des péripéties et du suspense.

    - Il va de soi que la BD belge des années cinquante à l'attention des enfants est le plus souvent un matériel de propagande au service, non pas tant de la famille patriarcale que de l'héroïsme et du patriotisme, loin d'être une valeur exclusivement masculine. Mais la BD qui prône l'égalité des sexes ou un nouveau modèle de société ne se situe pas moins au niveau de la propagande et des stéréotypes. L'adage selon lequel on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments vaut pour Tintin comme pour les nouveaux stéréotypes.

    + "Quand j'ai arrêté de faire de la BD, Jospin était au pouvoir et je payais ma bière 10 fr." : le Tampographe Sardon a donné deux pages - donné, pas vendu - à "Mon Lapin" (la suite du "Lapin" de Jean-Christophe Menu en plus affectueux). On peut les lire sur son blog. Il raconte comment la BD a gâché son enfance et bien failli le rendre sado-masochiste.

    + La BD est-elle un art populaire ? Le site du9.org propose plusieurs chroniques sur le sujet, dont une récente de Jessie Bi, qui se penche aussi sur les origines du masque des "Anonymous". Mais ces chroniques et ces chroniqueurs ont tendance à faire l'amalgame entre "culture de masse" et "culture populaire". Les jeux du cirque, le cinéma ou la TV ne sont pas des arts populaires dans la mesure où leurs moyens de production échappent au peuple. S'il existe quelques tentatives de faire de la BD élitiste, dans l'ensemble la BD est plutôt un art populaire. La quantité ne fait pas l'art populaire ; paradoxalement, la "culture populaire" est beaucoup moins diffusée aujourd'hui que la "culture de masse".

    + "L'opération Paris-Plages est désormais bien connue : tous les inconvénients du bord de mer - le bruit, les cris, les jeux, la promiscuité - sans son seul intérêt, la baignade. La Seine, aujourd'hui, est une sorte d'égout. Au temps de Daumier, à Paris et dans les environs, tout le monde barbotait. "Les oeuvres de Daumier sont des compléments de la Comédie humaine", a écrit Baudelaire, et ces quarante lithographies cocasses ont bien leur place dans la Maison de Balzac (...)" Adrien Goetz commente ainsi dans "Le Figaro" l'exposition "Plages à Paris selon Daumier" (Maison de Balzac, jusqu'au 28 septembre).

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  • Revue de presse BD (98)

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    + Jusqu'au 27 avril, le festival de BD d'Aix-en-Provence permet de découvrir l'illustrateur Chas Laborde (1886-1941), grâce à une expo. qui lui est consacrée. Le critique d'art E. Pollaud-Dulian a largement contribué à exhumer Chas Laborde de l'oubli, comme il a fait avec Gus Bofa. Le style de Chas Laborde évoque celui de Georges Grosz ; cependant, au contraire de Bofa, se voulant illustrateur à part entière, Chas Laborde assumait mal son statut de dessinateur de presse et guignait une meilleure reconnaissance artistique ; sur le plan technique et sans doute au-delà, cette hésitation se ressent dans son art.

    + La ministre de la Culture Aurélie Filippetti (maintenue dans ses fonctions) continue de draguer le milieu de la BD et a convié cette semaine une brochette d'auteurs de BD de sexe féminin à déjeuner. Dans ce cas de récupération politique, l'argument démocratique a bon dos, qui a déjà servi de caution à plusieurs régimes totalitaires. L'autre nom de l'art militant, c'est la propagande ; sans doute accuse-t-on l'Eglise catholique d'un tel procédé pour pouvoir mieux en répéter la formule, ni vu ni connu. A quoi bon condamner le totalitarisme, si c'est pour continuer de témoigner en faveur de l'arnaque de l'art engagé ?

    + Le site du magazine Bodoï mentionne deux guides touristiques sur Paris récemment parus, illustrés par des auteurs de BD. Charles Berberian illustre le guide américain "Lonely Planet" dans son style un peu désuet, rappelant certains guides parus dans les années 50, dont la rédaction était parfois confiée à des écrivains parisiens. Fred Bernard, quant à lui, illustre un guide sur le Paris libertin, dont le titre "Paris-couche-toi-là" suggère la satire autant que le tourisme sexuel. On remarque que la rédactrice, Camille Emmanuelle, tient en outre à signaler qu'elle n'a pas la bourse assez bien garnie pour fréquenter les lupanars "bling-bling" de Paname. Comme quoi le golf n'est pas le seul sport d'élite.

    + A l'occasion de l'expo. au musée du Quai Branly, dédiée aux Indiens des plaines, Jean-Christophe Ogier a recueilli au micro de "France-Info" les impressions de plusieurs auteurs de BD spécialisés dans la représentation des Indiens d'Amérique (Derib, Boucq...) ; le cheval fait partie de cette esthétique de l'Indien, qui en dit peut-être plus long sur l'Occident que sur les Indiens eux-mêmes. Dans son salon de 1845, Baudelaire faisait déjà l'éloge, entre deux artistes français, de George Catlin, portraitiste et peintre de scènes de la vie des Amérindiens qu'il étudia au plus près.

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  • Blaise (opus 2)****

    Le comique cht’i Dany Boon prônait récemment lors d’une conférence de presse un humour proche dewebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,blaise,opus 2,dimitri planchon,fluide glacial,françois hollande,cht'i,dany boon,éthique,humoriste,rhétorique,baudelaire,satan,diabolique l’amour. Ah, l’amour : des alcôves présidentielles jusqu’au Restau du cœur, en passant par les conférences internationales de paix, il est partout ! Qu’est-ce qu’on ne ferait pas sans l’amour…

    Et si l’humour n’était pas plutôt diabolique ? La démonstration de Baudelaire en ce sens est non seulement plus convaincante, mais plus intéressante. Surtout quand on la rapproche de l’adage selon lequel « le rire est le propre de l’homme ». On peut ainsi en déduire une création de l’homme par Satan, déduction somme toute assez logique pour qui étudie attentivement le comportement humain.

    « Diabolique » peut se traduire par « irréligieux », voire « athée ». Et c’est là où je voulais en venir : l’humour de Dimitri Planchon est irréligieux à souhait, il ne ménage pas la morale dominante. Vous avez des valeurs ? Pas seulement des valeurs en banque, mais des valeurs éthiques ? Le sens du travail administratif bien fait, du devoir scolaire, de la fraternité ; vous admirez les dernières créations du génie humain, ou encore le progrès de la politesse vis-à-vis des noirs, des femmes, des handicapés, et de tous les opprimés de la terre, sans oublier les juifs ? Oui ? Eh bien il y a des chances pour que vous soyez délicieusement choqués par l’humour de Planchon, qui n’a même pas pitié des adolescents, dont la complicité avec toute cette religion d’amour à toutes les sauces (c’est le cas de le dire) remonte pourtant à moins loin.

    «Délicieusement», car souvent lorsque le diable paraît, le dévot ou la dévote se pâme. Il y a en nous, dans ce petit tas de culpabilité servile que chacun de nous trimballe et que les philosophes baptisent pompeusement « éthique », en même temps le désir que ce petit tas soit violé ou bousculé, dérangé par l’humour ; ça se traduit en général par le fait que, du point de vue social, le plus religieux, les assassins, les dictateurs, les artistes, les aventuriers, bref tous ceux qui n’hésitent pas à transgresser la loi, sont beaucoup plus fascinants que les gens normaux. A force d’être normal, François Hollande finissait par être suspect dans son palais de l’Elysée ; en changeant de femme chaque année, il devient une sorte de super-héros.

    C’est grâce à des humoristes comme Planchon que les peuples germaniques, qui ne connaissent que les dures lois de la rhétorique ou de l’algèbre, nous envient. Voilà pourquoi la France est la mieux ou la moins mal parée pour affronter la crise : parce qu'elle a des humoristes, tandis que les pays étrangers n'ont que des solutions allemandes à la crise.

    C’est du moins toujours ce que je dis à des étrangers ou des provinciaux qui veulent comprendre la France : lisez « Fluide Glacial » (où Planchon publie).

     

    Blaise, opus 2, Dimitri Planchon, Glénat, 2010.

  • La Bible selon le Chat*

    Naguère l’Américain Robert Crumb publia une adaptation fidèle de la Genèse de Moïse en BD qui webzine,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,philippe geluck,bible,chat,siné,drucker,jean effel,alphonse allais,genèse,moïse,mort,baudelaire,travail,satan,ravachol,che guevara,ben laden,diable,wallon,flamand,tintin,fachiste,robert crumb,sectateur,démoniaque,undergroundmécontenta à peu près tout le monde. Nombre d’admirateurs de Crumb, en effet, comme celui-ci avait produit pas mal de BD et de dessins polissons, le croyaient plutôt sectateur de Satan, et ils furent déroutés par tant d’éclectisme de la part de ce maître de l’underground. Quant à certains dévots catholiques, jugeant au contraire le dessin de Crumb d’une laideur démoniaque, ce travail les laissa, si ce n’est outragés, du moins fort dubitatifs (je me réfère à quelques critiques lues ici ou là).

    Cela me semble au contraire naturel pour un artiste Américain de s’intéresser à la bible, et plus généralement à la mythologie, tant la culture américaine manque de variété dans ce domaine ; elle est peuplée de super-héros qui sont presque tous des super-flics, un peu comme Tintin en plus fachistes.

    L’intention de Philippe Geluck est plus confuse, comme tout ce que fait Geluck, d’ailleurs, dont l’humour repose habituellement sur un usage efficace du paradoxe, c’est-à-dire à peu près l’équivalent de la contrepèterie pour les gens raffinés ou de la physique quantique pour les mécaniciens.

    En effet, ne voilà-t-il pas un anarchiste, proche de Siné, qui s’est néanmoins fait connaître par la télé et ses paillettes, les sermons dominicaux de Michel Drucker ; vous avouerez qu’on est loin de Ravachol, Che Guevara ou Ben Laden. Cet homme-là est un paradoxe vivant. Comme il réussit tout ce qu’il entreprend, d’aucuns concluront hâtivement qu’ils ont noué un pacte avec le diable, lui et son chat. «La Bible selon le chat» serait donc un ouvrage de commande ?

    Pas si sûr. Car si le diable est le dieu du rire, selon Baudelaire qui lança la mode de se moquer, non pas de dieu mais des Belges, P. Geluck est ici bien moins inspiré qu’avant, pour ne pas dire que son humour antijuif* ou antichrétien** tombe souvent à plat.

    P. Geluck semble avoir voulu faire rire, tout en provoquant à la réflexion, animé ainsi par de louables intentions, mais qui se sont neutralisées mutuellement, un peu comme deux personnes de fort tempérament, en formant une paire d’amoureux, finissent par constituer un binôme insipide au fil des ans.

    Geluck s’inscrit dans une tradition multimillénaire bien rôdée, attestée depuis l’antiquité, et qui consiste pour les satiristes à railler les récits mythologiques, dont l’absurdité apparente prête à rire, comme le récit de certains rêves incohérents (quand bien même les récits mythologiques juifs, grecs ou chrétiens, n’ont pas comme les rêves un fondement organique ou psychologique, mais se veulent au contraire une approche réaliste du monde, du cosmos ou de l’histoire).

    La genèse parle ainsi de la mort et du travail, qu’elle relie au diable et non à dieu, et de leur puissant effet de conditionnement sur l'homme ; elle en parle d’une manière, qui, si l’on y est pas habitué, peut déclencher l’hilarité ou causer de sérieux quiproquos.

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    La Bible selon le Chat, par Philippe Geluck, Casterman, 2013.


    *Il va de soi que P. Geluck n’incite pas à la haine raciale des juifs, puisque ceux-ci ne sont pas une race au sens biologique ou juridique selon… la bible.

     

    **Les efforts de Geluck pour provoquer une réaction des catholiques, en se déguisant en prêtre homo pour faire sa promo, n’ont pour l’instant pas déclenché de réaction majeure de la part du Saint-Siège. Déclencher une guerre ethnique entre Wallons et Flamands aurait sans doute été une meilleure tactique pour un auteur afin de faire parler de lui. Il semble trop tôt pour dire si le prochain conflit mondial éclatera sur la base d’un différend religieux, ou s’il opposera plus banalement les possédants à ceux qui n’ont rien ?

  • Revue de presse BD (48)

     

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    + Un dessin d'actualité de Maadiar, extrait de son blog, qui entre dans le Top-Blog Zébra du mois d'avril (p.3 du webzine consultable en ligne), dont Mister Hyde conserve la tête grâce à son art du dessin-animé minimaliste. 

    + Le militantisme est le moyen le plus sûr pour un dessinateur humoristique de perdre le sens de l'humour. Ainsi de l'humoriste Pochep, qui a perdu son sens du décalage et de l'autodérision (ici, par exemple) dans le militantisme en faveur du mariage gay (tandis que Christine Boutin et Frigide Barjot, elles, n'avaient rien à perdre à militer).

    + Le blogueur François Forcadell signale les 20 ans de l'Oubapo (Ouvroir de Bande-dessinée potentielle). Il s'agit d'une petite secte qui s'est donné pour vocation de pratiquer "la bande-dessinée sous contrainte" (sic). Si on aime les contraintes, mieux vaut faire du cinéma: il en comporte techniquement beaucoup plus.

    + Il y a quelques semaines, la dessinatrice Tanxxx avait réagi à une de mes vannes sur les féministes qui passent leur temps à se crêper le chignon entre elles, assez vaseuse je dois reconnaître, surtout au regard de ce qu'il y aurait à dire sur le féminisme et le sens (occidental) de l'histoire.

    Une nouvelle baston verbale vient d'opposer la sémillante Tanxxx au toujours fringant Siné, chacun se réclamant de l'Anarchie, à coups d'arguments massue opposés. Siné se fait traiter de vieux phallocrate réactionnaire, Tanxxx de bobo. L'allégation d'un autre anarchiste, Charles Fourier, selon laquelle les jeunes femmes sont attirées par les hommes âgés, est ici apparemment démentie. A moins qu'il ne s'agisse de "baston-qui-baise" ?

    Tant qu'elle ne donne pas lieu à une procédure judiciaire, je trouve ce genre de baston tout à fait sain. Quel anarchiste fera confiance à des magistrats pour régler ce type de querelle, autrement que sur le critière de la morale la plus hypocrite du moment ? On se souvient des débats vifs orchestrés par feu Polac ; l'ambiance feutrée hypocrite des plateaux télé a pris le dessus depuis. D'ailleurs la vraie baston qui tue a lieu tous les jours, rappelons-le, dans l'indifférence quasi-générale ; il est probable qu'elle oppose des personnalités qui, au contraire de Tanxxx ou Siné, sont totalement inexpressives ou privées de moyens d'expression.

    + Je me soigne du Paris des boutiques chic ennuyeuses en lisant les histoires de rats qui galopent dans l'atelier du tampographe Sardon, rue du Repos. Si ça continue, avec ce luxe de boutiques, Paris va finir par ressembler à une ville de province comme Nantes ou Bruxelles, et on ne pourra plus dire que "Paris est l'endroit du monde où il est le plus facile de se passer de bonheur." Sans compter cette mode des libraires qui fourguent les bouquins comme des sous-vêtements chics !

    + Je cite Bruxelles par allusion à Baudelaire, dont c'est l'anniversaire cette semaine, et que Google fête à l'aide d'un dessin, dont le côté strict aurait peut-être plus au "prince des poètes" (dixit Rimbaud). Baudelaire dépeint en effet Bruxelles comme la dernière spirale de l'enfer, en raison de son habileté au commerce ; ce qui explique qu'il n'a pas son buste dans cette capitale du négoce, contrairement à P. Claudel.

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    + Ci-dessous, quelques hommages rendus à Fred après le mien, qui n'en est pas vraiment un (les morts n'ont cure des hommages, dont se nourrissent seulement les vivants mal assurés), mais plutôt l'expression du regret que Philémon ne se soit pas attaqué plus tôt et plus fort au point d'interrogation, puisque celui-ci a le don de dévoiler tout le sens macabre du langage et de l'alphabet. Tout le mérite des BD de Fred, à mon sens, était de se démarquer du point de vue intellectuel, qui adhère au langage, et fait pratiquement de la mort LA réponse à toutes les questions que se posent les intellectuels, de sorte que si la mort n'existait pas, par la seule force de leur piété, les intellectuels l'auraient inventé. C'est certainement une condition d'une extrême dureté que celle des gosses livrés à des intellectuels pour le prétendu "besoin de leur éducation", et si la bande-dessinée peut faire quelque chose contre les effets dévastateurs de l'élitisme sur la conscience, c'est le mieux qu'elle peut faire. Contrairement à la paire Moebius-Jodorowski et leur consentement servile à la technologie moderne, il y a dans l'art de Fred un esprit de résistance assez sain.

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    par Pourquié

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    par Larcenet

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    par Soulcié

  • Culturisme

    Aujourd’hui le Caravage (Michelangelo Merisi - 1571-1610) est en bonne place dans le Top 50 des
    webzine,bd,gratuit,bande-dessinée,zébra,illustration,peinture,le caravage,culturisme,peinture,poussin,tintoret,rembrandt,baudelaire,stendhal,clair-obscurs,laideur,pélerins d'emmaüsmeilleurs peintres -les "phares", comme dit Baudelaire. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Le peintre français Nicolas Poussin (1594-1665) s’est montré parmi les plus durs, considérant le Caravage comme un peintre instinctif ou intuitif -c’est-à-dire un incapable aux yeux de Poussin, animé par un idéal élevé de la peinture, tendant plutôt vers la haute maîtrise. Stendhal note que le Caravage contribua à faire advenir le règne de la laideur en peinture, ce qui n’est guère plus élogieux.

    De la vie du Caravage, on ne sait presque rien: le meurtre commis par lui au cours d’une rixe est le point de départ de la légende dorée. Si le peintre a sans doute appartenu à l’un de ces partis d’Eglise ésotériques, mélangeant les symboles de la franc-maçonnerie et ceux de la religion chrétienne, il est probable qu’il y a joué un rôle secondaire, de simple propagandiste. Aucun artiste n’échappait à ces luttes d’influence au sein de l’Eglise en ce temps-là. Ces éléments ne permettent pas mieux de comprendre la peinture du Caravage.

    Si l’on peut trouver Poussin excessivement sévère à l'égard de son confrère, il n’en reste pas moins vrai qu’il y a un aspect bâclé dans la peinture du Caravage, tant du point de vue formel que celui des sujets traités. On est loin de la ferveur de Rembrandt, ou même du Tintoret, les poussant à illustrer des thèmes religieux bibliques sous un angle propre à inciter le spectateur à entrer dans le sujet, et à dépasser l’aspect purement décoratif de la peinture. Rembrandt néglige aussi la beauté (au sens platonicien), mais dans un but spirituel bien précis.

    On insiste parfois sur l’aspect marquant du clair-obscur, mais sa principale fonction est, dans les toiles de grand format, de permettre de les contempler à distance respectable en créant l’illusion du relief.

    Afin de travailler plus vite, contrairement à beaucoup de peintres, Le Caravage s’abstenait de croquis et dessins préparatoires sur des feuilles séparées. Il esquissait directement sur la toile, avant d’appliquer la peinture. C’est un des critères de Poussin pour le dénigrer: l’absence de recherche, et donc de méditation savante.

    Deux "savants" italiens ont récemment défrayé la chronique en annonçant la découverte d’une liasse de dessins de la main du Caravage, alors qu’on ne lui en connaissait aucun. Mais ce coup médiatique a fait long feu. Les savants ont rapidement été suspectés d’être des escrocs, et l’authentification de la liasse en question beaucoup plus difficile qu’ils l'avaient annoncé. Il n’est pas contestable, ni contesté, que le Caravage a reçu un solide enseignement académique auprès d’un maître. On ne saurait dessiner comme Le Caravage, qui plus est sur de grands formats, sans s’être exercé sérieusement au dessin. Les études peuvent dater de son apprentissage ; ou bien être un reliquat de l’atelier de son maître, de sa main et celles de divers élèves ?

    (Il est possible que le goût et l'habitude du cinéma explique la cote actuelle du Caravage. Nombre de ses toiles ont l'aspect caractéristique de ce repas partagé par Jésus-Christ avec les pélerins d'Emmaüs: à la fois spectaculaire, plein de détails pittoresques par lesquels l'oeil est attiré et où le peintre montre sa virtuosité de façon ostentatoire - on pourrait presque dire aussi une mise en scène du musée Grévin, avec ses mannequins de cire qui paraissent vivants.)