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revue - Page 45

  • Pandora*

    La BD franco-belge tira son dynamisme d'hebdomadaires -"Spirou", "Tintin", etc.-, dans lesquels émergèrent leswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,kritik,critique,bande-dessinée,revue,pandora,benoît mouchart,bastien vivès,casterman meilleurs artisans du genre, ainsi que les meilleures idées éditoriales ; les adultes pouvaient même parfois y trouver leur compte ; par exemple avec les "Idées noires" de Franquin, antidote aux aventures édifiantes de "Tintin & Milou", dont la publication commença dans "Spirou".

    La BD franco-belge s'est enlisée depuis dans des recettes commerciales juteuses et une quête de reconnaissance qui n'est qu'un attrape-couillons. De solennels cacouacs ont inventé "l'art séquentiel" ou "l'art silencieux", en même temps que la spontanéité disparaissait.

    La nouvelle revue de BD "Pandora", dirigée par Benoît Mouchart, traduit parfaitement le niveau d'incompétence actuel ; bien que son rédacteur en chef a sous la main une vingtaine d'auteurs, parmi les plus réputés et prometteurs (Blutch, B. Evens, Harambat, Vivès, Loustal, Spiegelman, etc.), "Pandora" n'est pas autre chose qu'un catalogue insipide, sous une couverture ratée (B. Vivès n'est pas le meilleur illustrateur qui soit) ; on pourra apprécier tel ou tel chapitre, isolément (celui de Vivès n'est pas mal), mais le minimum vital requis pour faire une revue manque. En comparaison, la revue "Lapin", vitrine de "L'Association", assez creuse elle aussi et qui contribua au snobisme, avait du moins le mérite de publier et mettre en avant de jeunes auteurs inconnus.

    Casterman et B. Mouchart ont pris tellement peu de risques avec "Pandora" que cette revue ressemble à un musée ou à l'académie française de bande-dessinée.

    Pandora n°1, Casterman, mai 2016.

     

  • Revue de presse BD (192)

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    + Sur le thème du couple moderne, la dessinatrice belge Aurélie William-Levaux n'apporte sans doute pas une contribution décisive avec "Sisyphe, les joies du couple" (Atrabile). Il faut dire que W. Shakespeare a épuisé le thème de la manipulation amoureuse dans "Roméo & Juliette". Mais la manière d'Aurélie William-Levaux, transposant son dessin en broderies, confère à ses illustrations un je-ne-sais-quoi de sinistre ou de macabre, qui rend parfaitement le négatif des clichés sur le couple.

    + Le chanteur Renaud a choisi d'arborer sur son "perfecto" (blouson de motard) la pucelle (insigne métallique) de la préfecture de police de Paris, emblème plus original que la banale "croix de fer", médaille militaire du Reich allemand, prisée par les chanteurs de rock. On peut voir sur le blog de la préfecture de police que Renaud porte aussi l'insigne de l'ordre des Chevaliers du Saint-Esprit, un des ordres monarchiques les plus anciens, dissout depuis belle lurette (?). Renaud explique qu'il a changé et n'est plus un "bouffeur de flics" ; cependant quand il déclare que "la police a changé", on n'est pas obligé de croire le chanteur ; un petit conte humoristique d'Alphonse Allais, publié en 1902 ("La Science au service de la Police"), démontre au contraire la belle constance des méthodes de la préfecture de police en matière de répression à travers les âges.

    + Témoignage enregistré par Yassine (association Articho) de A. Baumann et X. Lambours, les deux photographes agréés par "Hara-Kiri", surnommés "mes deux couilles" par le Pr Choron, à l'occasion de la publication de "Dans le Ventre de Hara-Kiri". Ces deux photographes fournissaient des paquets de photos aux dessinateurs de "Charlie-Hebdo" et au Pr Choron qui les complétaient avec des légendes comiques. Baumann et Lambours ont également photographié Gébé, Choron, Cavanna, Reiser, Wolinski, sous toutes les coutures, organes génitaux compris.

    + L'Enigmatique LB, contributeur régulier du fanzine Zébra, a donné une interview au magazine spécialisé dans le graphisme "Etapes", après sa victoire au trophée "Presse-Citron" 2016.

    + On ne pense pas forcément au métro parisien pour s'exercer à dessiner ; certains en profitent pourtant pour croquer les passagers qui prennent la pose gratuitement dans un décors intestinal évocateur de la condition humaine moderne. Qu'ils soient novices ou plus talentueux, comme Laurent Bailly (ci-dessous), la RATP leur rend hommage dans une exposition au siège social (jusqu'à fin septembre).

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  • Revue de presse BD (191)

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    Caricature de Gustave Jossot (1866-1951) pour la Une de "L'Assiette au Beurre" ; la police républicaine fut la cible des caricaturistes et des auteurs satiriques bien avant "Hara-Kiri".

    + Le site "Caricature & Caricatures" (Guillaume Doizy) fait appel à la participation pour un prochain colloque sur le thème "Caricature et communisme" ; cependant, bien que détaillé, le cahier des charges de G. Doizy est plutôt confus ; ce n'est pas la première fois que celui-ci mélange satire et propagande. L'anecdote du portrait du dictateur soviétique Staline par Picasso est connue : jugé trop peu académique par le parti, le portrait de Picasso fit scandale et fut assimilé à une caricature. La dictature soviétique, à l'instar de toutes les dictatures, se méfiait de la satire et la censurait. Cabu n'est pas le seul caricaturiste anticommuniste ; on peut citer, précédemment, à une époque où le communisme n'avait pas pris une tournure aussi nettement coercitive et meurtrière, l'anarchiste Gustave Jossot, auteur de quelques charges ironiques contre la religion du prolétariat. Au XXe siècle, où l'idéologie communiste a fait office de religion pour de nombreuses populations (selon le constat de Lénine lui-même), il était logique que le communisme soit la cible des auteurs satiriques indépendants. "Hara-Kiri" appartient à la contre-culture dans la mesure où il échappe au choc des cultures et des propagandes communistes et anticommunistes.

    "On pourra se demander enfin, puisque communisme et anticommunisme ont à ce point marqué l’humanité du XXe siècle, si la "fin" du communisme -et donc des idéologies-, n’a pas signé une certaine fin de la caricature politique..."

    Cette ébauche de conclusion trahit les préjugés de son auteur. D'abord le communisme demeure la culture de la Chine, l'une des plus puissantes dictatures au monde ; on ne voit pas pourquoi la Chine ou la Corée du Nord mériteraient moins l'étiquette communiste que l'ex-Union soviétique ? Par ailleurs le communisme n'est pas la seule idéologie dominante au XXe siècle : le capitalisme et ses justifications ne sont pas moins idéologiques que le communisme. La "mort des idéologies" n'est donc qu'une formule d'éditorialiste, qui ne correspond pas à la réalité.

    + L'utopie socialiste n'est pas ma religion ; l'hypothèse d'un monde meilleur n'est pas plus vraisemblable que l'hypothèse des sept vierges du paradis des martyrs d'Allah. Je ne partage donc pas la sympathie du président Hollande pour le mouvement "Nuits debout", mais j'ai eu tout de même la curiosité de lire le compte-rendu illustré de Julie Maroh, auteure de BD féministe. L'état d'esprit général en est résumé dans cette phrase : "La première fois où j’ai ressenti que Nuit Debout servait à quelque chose c’était le mercredi 20 avril à 19h52, à la Bourse du Travail de Paris. La première fois où j’ai ressenti que le mouvement risquait de vite s’effondrer sur lui-même, c’était au même endroit moins de deux heures plus tard." Il découle de ce constat que la confrontation violente avec la police est le seul acte significatif de ce mouvement de réprobation des méthodes des élites dirigeantes.

    Julie Maroh cite opportunément A. Huxley : "La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie." A quel stade de cette "dictature parfaite" sommes-nous rendus, conviendrait-il de se demander...

    Assez ubuesque en revanche le désir exprimé par J. Maroh d'une police qui ne servirait pas à la répression, mais serait "gardienne de la paix" ; à travers le vocable de "gardien de la paix", la notion d'ordre est sublimée, d'une manière quasi mystique. Le "politiquement correct" est une des modalités de la censure au sein d'une "dictature parfaite".

    + On peut contribuer à départager les dix candidats au prix littéraire organisé par Riss et "Charlie-Hebdo", dont les copies sont disponibles en ligne. Il s'agissait pour les candidats de proposer une alternative au baccalauréat. Cette épreuve primée est beaucoup plus sélective que le vrai bac, qui a subi comme toutes les valeurs républicaines plusieurs dévaluations. En effet l'humour n'est pas un genre littéraire facile, en particulier pour de jeunes candidats. La tentation est d'imiter à cet âge l'humour gras qui cartonne à la télévision.

    + Comme une nouvelle vente aux enchères de dessins de presse est annoncée, on peut en profiter pour rappeler que Cabu ne souhaitait pas mettre en vente ses dessins ; sans doute parce qu'il était à l'abri du besoin, mais aussi parce qu'il estimait que les journaux ou les éditions bien faites constituaient le cadre naturel où exposer sa production.

    La Mère Denis par Cabu, d'après Bernard Buffet (enchère de départ 30.000 euros)

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  • Revue de presse BD (190)

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    Caricature extraite du "Look Book" d'Eric Salch

    + Plutôt que de se payer la tête de telle ou telle personnalité publique, Eric Salch a eu la riche idée de se moquer des Français à travers leurs styles vestimentaires. Dans son "Look Book" ("Fluide-Glacial"), il égrène sans complaisance les différentes panoplies à la mode, du "hipster" au spectateur de Roland-Garros en passant par les cathos défenseurs de la famille et le collégien branché, manquant rarement son effet. L'ouvrage n'est guère partisan, puisque aucun milieu n'est épargné, pas même les... dessinateurs de presse (voir ci-dessus).

    + Daniel Muraz, du "Courrier Picard", regrette sur son blog que l'hommage de "Charlie-Hebdo" au dessinateur satirique Siné n'ait pas été plus appuyé. Le caricaturiste Walter Foolz a même pondu un dessin caustique sur le sujet. Mais il est difficile de revenir sur l'accusation d'antisémitisme, péché majeur par les temps qui courent, quand bien même les tribunaux ont disculpé Siné officiellement ; invoquant les décisions de justice quand elles leur sont favorables, certains représentants de l'intelligentsia n'ont pas raté une occasion de traiter Siné d'antisémite. On se souvient que, de son côté, Charb avait été piqué au vif par les accusations d'islamophobie le visant. Ce climat délétère est la conséquence de la soumission des artistes à des diktats politiques.

    + En guise d'hommage à Siné, le bédéaste suisse Zep reproduit sur son blog une de ses planches, destinée à "Siné-Hebdo" (2011), dans laquelle il tente une analyse de la presse satirique française ; si celle-ci est plus dynamique que la presse suisse, c'est parce que la France est une monarchie (déguisée en démocratie) ; la presse satirique française jouerait donc le rôle assez clairement défini du "bouffon" dans une monarchie ; l'exercice de la satire, dans un pays plus démocratique comme la Suisse, serait plus difficile. Zep n'a sans doute pas tort, car si "Hara-Kiri" n'épargnait pas grand-monde, visant plutôt le bourgeois et le citoyen que le roi, c'est la fameuse "Une" de Choron, insultante à l'égard du monarque de Gaulle, que l'on mentionne à chaque fois. Or cette "Une" a fait beaucoup pour la notoriété du titre.

    Le fait est que la culture française est très peu démocratique. K. Marx a montré que l'enseignement de la Révolution française de 1789 tient lieu d'alibi à la bourgeoisie et relève plus du "roman national" que de l'histoire véritable ; à travers cet enseignement, c'est la bourgeoisie qui se trouve justifiée, non la démocratie. L'expérience dictatoriale napoléonienne conditionne bien plus la République que les prétendus idéaux des Lumières de la catéchèse scolaire laïque. Cela dit, Suisse et France ont en commun leurs cultures militaristes ; le règne des banquiers conduit à ne pas trop surestimer la différence entre les différents régimes et constitutions politiques.

    + Un petit extrait du passage de Siné au "Tribunal des Flagrants délires" (1982) est disponible sur le site de l'INA

    + La chaîne franco-allemande "Arte" diffuse un reportage sur le peintre allemand Max Beckmann (1884-1950) ; cousin germain de Picasso sur le plan artistique, bien qu'il n'égala jamais sa notoriété, Beckmann est sans doute plus laborieux et moins génial que le peintre franco-espagnol ; cependant la peinture de Beckmann s'accompagne d'une réflexion plus profonde, suivant l'exigence de Baudelaire qui reprochait aux peintres de son temps d'être des artisans imbéciles (à l'exception du "phare" Delacroix, ou encore du peintre lyonnais P. Chenavard). S'il n'est pas aussi inventif et varié, Beckmann rivalise avec Picasso sur le plan de la couleur.

    Beckmann fut classé parmi les artistes décadents par le régime nazi et s'enfuit pour cette raison aux Pays-Bas, puis aux Etats-Unis où il fut accueilli avec déférence. Mais la thèse néo-classique nazie, largement pompée sur Nietzsche, est sujette à caution ; Nietzsche évacue les éléments de la culture grecque, qui reflète parfois la pensée juive, quand ils ne vont pas dans le sens de sa doctrine réactionnaire.

    On peut regarder gratuitement ce documentaire consacré à Beckmann (en replay) jusqu'à lundi prochain.

    + Le Comité canadien pour la liberté de la presse a remis le 12 avril dernier au Canadien Dale Cummings son prix international du dessin (ci-dessous) ; le thème cette année était le "droit d'être oublié".

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  • Revue de presse BD (189)

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    Siné vu par le dessinateur de presse Gab.

    + La mort a choisi le jour de l'Ascension (jeudi 5 mai) pour emporter Maurice Sinet, alias Bob Siné, alias Siné. Pied de nez du destin ? A sa manière, parti le même jour, Jésus-Christ était une sorte d'anticlérical et d'anarchiste (honni par Nietzsche pour ce motif).

    Au cours des dernières années qui ont précédé sa mort à l'âge de 87 ans (à l'hôpital Bichat), le dessinateur et chroniqueur satirique n'a pas été ménagé : en effet, outre la maladie, celui-ci a connu une rupture difficile avec une partie de l'équipe de "Charlie-Hebdo", qui s'est séparée de Siné à l'occasion d'un retentissant et ubuesque procès pour... antisémitisme ; cela ne l'a pas empêché ensuite d'éprouver de la douleur lors de l'assassinat des caricaturistes de "Charlie-Hebdo" qui s'étaient rangés du côté de Philippe Val ; enfin, le spectacle actuel d'une France quadrillée par l'armée et la police, sous prétexte de renforcer la sécurité, devait être désespérant pour un ancien soixante-huitard. En dépit de ces claques successives, Siné tenait à faire bonne figure et affichait crânement sa joie de vivre.

    On peut sans hésiter ranger Siné parmi les derniers auteurs satiriques de ce pays, en compagnie du Pr Choron, de Cabu et quelques autres. Le dessin minimaliste de Siné était particulièrement percutant ; les meilleures affiches de Mai 68 s'inspirent de son style et le dessinateur a continué de dessiner les "unes" de "Siné-Mensuel" jusqu'à son dernier souffle. La qualification "d'anarchiste" est plus contestable : non seulement Siné avait foi dans la politique, à travers l'idéal révolutionnaire, mais il reprochait à l'équipe de "Hara-Kiri" de n'être pas assez impliquée dans le combat politique. Des années plus tard, Siné a regretté son engagement en faveur de la révolution cubaine, qui le rapprocha d'un régime brutal et tortionnaire, loin de la pure utopie socialiste.

    + Petit inventaire de la carrière anticarriériste de Siné, par l'un des ses admirateurs.

    + A mi-chemin entre Arthur Rimbaud et Tintin, le Petit Prince de Saint-Exupéry fête ses soixante-dix ans. Pour l'anecdote, on apprend à cette occasion que le polémiste Jean-Edern Hallier aurait pu servir de modèle à une sculpture de Consuelo de Saint-Exupéry, épouse du conteur, reproduite fidèlement par celui-ci pour illustrer son conte.

    Le rapprochement est plutôt amusant entre le Petit Prince, exemple un peu niais donné à la jeunesse, et le fantasque Jean-Edern Hallier, peu avare d'insultes aux chefs de l'Etat successifs, Giscard d'Estaing sa bête noire, puis F. Mitterrand par dépit. Edern-Hallier fonda "L'Idiot international" avec l'argent de Sylvina Boissonnas, riche héritière d'une famille d'industriels alsaciens.

    + Devancée par Luz chez Futuropolis, c'est au tour de la dessinatrice Catherine Meurisse, de publier chez Dargaud "La Légèreté", un album dédié à la manière dont Catherine a "encaissé" l'attentat contre sa rédaction et la mort violente de ses consoeurs et confrères. En retard comme Luz à la réunion de rédaction, Catherine Meurisse avait ainsi évité le massacre ; le professionnalisme ne paie pas toujours.

    Peu de temps avant le drame, en décembre 2014, C. Meurisse avait déclaré au magazine de BD "Casemate" : - Traiter [dans "Charlie-Hebdo"] les sujets avec gaieté me sauve. Le propos de "La Légèreté" est plus confus. On devine qu'il est plus difficile de traiter avec gaieté le sujet d'une violence qui nous touche directement. L'humour exige du recul. La religion est bien souvent la dernière défense de ceux qui éprouvent directement telle ou telle forme de violence ; d'où le ton un peu religieux et mystique de Catherine pour parler de "La Légèreté".

    + Dans le nouveau webzine "Marsam Graphics", Elric fait remarquer, dessins à l'appui, la ressemblance entre le style de Hergé et une BD japonaise parue peu de temps auparavant, "Shouchan no Bouken" (1924), par le dessinateur Katsuichi Kabashima ; à cette ressemblance avec le style épuré de Hergé, il faut ajouter que le jeune garçon, héros de la série, est accompagné par un écureuil, comme le sera Spirou, créé par le Français Rob-Vel. L'affaire se corse, puisque la bande-dessinée japonaise a été imaginée à partir d'une autre série populaire en Grande-Bretagne, "Pip, Squeak & Wilfred". Elric fait aussi remarquer l'influence que le style de Forton ("Les Pieds Nickelés") semble avoir exercée sur le dessinateur japonais.

    Ce rapprochement est le prétexte à un article sur l'influence réciproque de la culture japonaise et de la culture européenne, britannique en particulier. La célèbre revue humoristique anglaise "Punch" a même été exportée par un dessinateur au Japon, où l'on était peu habitué à voir les représentants du pouvoir brocardés dans la presse. 

    Cet article, abondamment illustré, est un peu une façon de démontrer que l'originalité, en art, n'est qu'une illusion.

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    Couverture d'un des albums de la série "Shouchan no Bouken", par Katsuichi Kabachima.

  • Revue de presse BD (186)

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    Caricature de Decressac.

    + Des crimes sexuels (prescrits) dans le diocèse de Lyon ont donné lieu à de nombreuses caricatures anticléricales ; nous en avons nous-mêmes publié quelques-unes dans "Zébra", signées Zombi ou Gab. Mgr Lalanne, membre du conseil permanent des évêques catholiques de France, a de façon étonnante tiré argument de la psychanalyse pour tenter de disculper les clercs mis en cause dans ces affaires de moeurs -de façon étonnante car le propos de la psychanalyse et celui des évangiles sont opposés. De plus on peut reprocher à un évêque se disant chrétien de se mêler de justice civile ou pénale et refuser ainsi de "rendre à César ce qui est à César".

    Aux psychanalystes est dévolu aujourd'hui le rôle de conseil joué naguère par un clergé catholique désormais déclinant (en âge et en nombre) ; la corporation des psychanalystes est d'ailleurs elle aussi secouée de temps à autre par des scandales sexuels. Pour l'étude et la critique de la religion, il est important de comprendre cette évolution, le passage du curé au psy, afin que la critique soit une vraie critique, et non une mise en accusation de telle ou telle religion minoritaire.

    + André Mir, président de l'association Jean-Jacques Rousseau, a fondé un prix de l'autobiographie dont la liste des nominés pour cette année vient d'être rendue publique. Raconter sa vie est souvent prétexte à autre chose. Il entre dans l'autobiographie de Rousseau une part de règlement de compte, notamment vis-à-vis de son ex-meilleur ami Denis Diderot, par qui Rousseau s'était senti trahi. L'arrivisme de Diderot ne pouvait manquer de heurter l'austère Rousseau, chrétien sincère de surcroît tandis que Diderot se piquait d'athéisme (un athéisme différent de l'athéisme laïc d'aujourd'hui, devenu avec le temps une religion à part entière).

    A travers ses "Confessions", Rousseau fait aussi passer ses idées en matière de réforme sociale et d'éducation des enfants et du peuple. Protestant, il égratigne les moeurs pédérastiques du clergé catholique, racontant la tentative de séduction d'un prêtre lyonnais sur sa personne.

    S'il entre sans doute une part d'auto-justification dans ces "Confessions", les passages où Rousseau fait preuve d'autodérision renforcent l'impression de sincérité.

    + Christophe Grébert est un des blogueurs français les plus célèbres, qui n'hésita pas à s'attaquer au début des années 2000 à certaines pratiques douteuses du maire de Puteaux sur son blog "MonPuteaux.com" ; désormais élu au conseil municipal (Modem), C. Grébert annonce à sa manière, très illustrée, le prochain festival BD de Puteaux (22-29 mai).

    + "Pourquoi grossir les rangs d'un monde dysfonctionnel ?" Oriane Lassus est une jeune auteure de BD qui s'exprime dans "Quoi de plus normal qu'infliger la vie ?" sur le thème des femmes "nullipares", sans enfants parce qu'elles n'en veulent pas (ce qui est son cas). Dire qu'il y a là un véritable tabou est exagéré : il y a depuis des siècles des femmes consacrées, nullipares, dont l'existence est vouée à un but qu'elles jugent plus important que la procréation. Ces nonnes et leurs moeurs sont assez bien acceptées.

    En 2016, les mères de famille nombreuse, de plus en plus rares dans la société occidentale, sont sans doute plus en butte aux railleries et préjugés que les femmes nullipares. Et que dire des rares personnes volontairement abstinentes sexuelles qui vivent au sein de la société de consommation ?

    Le propos anticapitaliste d'Oriane Lassus est assez paradoxal dans la mesure où les sociétés les plus capitalistes sont aussi celles où les femmes nullipares sont les plus nombreuses. Si l'Etat moderne (capitaliste) n'abolit pas complètement la différence physique entre les sexes, il repose sur une division du travail plus asexuée (de plus en plus nombreuses sont les tâches qui peuvent être accomplies par des machines) que les sociétés traditionnelles.

    Oriane Lassus, à qui son dessin expressif a valu le prix "Jeune talent" du Festival d'Angoulême, est publiée par la petite maison d'édition lyonnaise... "Arbitraire" [!].

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    Dessin d'Oriane Lassus extrait de son blog.

     

  • Revue de presse BD (183)

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    Affiche publicitaire de Jossot pour les sardines Saupiquet.

    + La pédophilie a le vent en poupe, se dit-on en traversant l'expo "Barbie" organisée par le musée des arts décoratifs, concurremment à une expo dédiée aux caricaturistes et la réclame commerciale, nettement moins achalandée (-septembre/gratuite pour les - 26 ans).

    Nous le répétons souvent dans cette revue de presse, satire et propagande ne font pas bon ménage, d'autant moins que cette dernière se dissimule sous la formule pernicieuse de "l'art engagé", forgée par les nouveaux curés des temps modernes afin d'inculquer au peuple l'esprit de sacrifice. Cependant, pour être satirique, l'esprit n'a pas moins un estomac à remplir ; les industriels s'avisèrent très tôt de l'impact des caricatures, très expressives, dans le public, et du profit qu'il pouvait retirer de cet "impact".

    L'expo. des arts déco. manque de relief critique, bien que les affiches soient bien "mises en valeur". L'expo commence après la vogue des Lautrec et Mucha (aux styles opposés) ; cependant Capiello, largement représenté, s'il fut bon caricaturiste-portraitiste, s'est surtout épanoui dans la réclame pour divers produits de consommation courante. L'intérêt du thème est la confrontation d'auteurs satiriques à une pratique qui ne l'est pas. Il est intéressant de voir les nombreuses publicités pour la presse satirique, bien plus vivace qu'aujourd'hui, mais dans ce cas les caricaturistes se limitent à faire l'apologie de leur art.

    L'hybridation est parfaitement réussie avec Henri-Gustave Jossot, pourtant parmi les plus anarchistes et indépendants, mais dont le style est particulièrement adapté au format de l'affiche, ses larges aplats de couleur, dont l'artiste sait habilement jouer. Il reste que sur certaines affiches, Jossot et d'autres caricaturistes comme Bofa conservent le "trait satirique" ; la clientèle de la revue des "Folies Bergères" est ainsi dépeinte sous un jour peu flatteur par une affiche d'A. Barrère.

    Hors sujet, un corridor est tapissé de plusieurs "Unes" de "Hara-Kiri" et "Charlie-Hebdo" ; on est plus près ici de l'esprit réac de "Mai 68", hostile à la publicité et la société de consommation modernes. A ce stade, on peut dire que les caricaturistes se réapproprièrent l'impact de la caricature et de l'affiche et en usèrent comme d'une arme contre le pouvoir. Exposer des dessins de Siné dans ce cadre aurait été plus opportun, lui qui fut l'auteur d'affiches subversives en "Mai 68", en même temps qu'il collabora en tant que dessinateur avec certains industriels.

    (NB : La plupart des affiches présentées sont dans le domaine public, mais il est interdit de prendre des photos, probablement pour protéger ce "non-droit".)

    + L'annonce d'un nouvel attentat sur le sol européen est désormais prétexte à un déferlement d'images pieuses laïques sur les réseaux sociaux ; les attentats sur le sol étranger, notamment en Irak, laissent beaucoup plus indifférents pour des raisons psychologiques qu'il n'est pas difficile de deviner.

    On peut décréter l'abolition de dieu, il n'en subsiste pas moins la nécessité pour l'élite d'une culture capable de cimenter les "masses" derrière elle, c'est-à-dire de jouer le rôle de la religion, au sens social le plus primaire. Le "traitement de l'information" par les médias participe à cette réaction des masses sur le mode du réflexe.

    Le Premier ministre Manuel Valls a curieusement évoqué au micro d'"Europe 1" mercredi matin la nécessité d'un combat "théologique" (sic) contre le djihadisme (se souvenant peut-être qu'il fut ministre des Cultes ?). Mais c'est un mélange de naïveté et de mépris de croire que l'on peut imposer une lecture anthropologique moderne des textes sacrés musulman et biblique, quand ces derniers consacrent et imposent le principe de la "révélation" (voire récusent carrément toute forme d'idéal social). La culture occidentale moderne est, avant tout, une culture dominante - sa force de persuasion vient de là, et non de prétendues études théologiques.

    + Sur le site "Caricatures & Caricature", Cyril Bosc inventorie la carrière du caricaturiste Maurice Sinet, alias Siné, reproduisant de nombreux dessins et unes, dont la suivante de "Siné Massacre" n°6 (1963).

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