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guillaume doizy

  • Revue de presse BD (191)

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    Caricature de Gustave Jossot (1866-1951) pour la Une de "L'Assiette au Beurre" ; la police républicaine fut la cible des caricaturistes et des auteurs satiriques bien avant "Hara-Kiri".

    + Le site "Caricature & Caricatures" (Guillaume Doizy) fait appel à la participation pour un prochain colloque sur le thème "Caricature et communisme" ; cependant, bien que détaillé, le cahier des charges de G. Doizy est plutôt confus ; ce n'est pas la première fois que celui-ci mélange satire et propagande. L'anecdote du portrait du dictateur soviétique Staline par Picasso est connue : jugé trop peu académique par le parti, le portrait de Picasso fit scandale et fut assimilé à une caricature. La dictature soviétique, à l'instar de toutes les dictatures, se méfiait de la satire et la censurait. Cabu n'est pas le seul caricaturiste anticommuniste ; on peut citer, précédemment, à une époque où le communisme n'avait pas pris une tournure aussi nettement coercitive et meurtrière, l'anarchiste Gustave Jossot, auteur de quelques charges ironiques contre la religion du prolétariat. Au XXe siècle, où l'idéologie communiste a fait office de religion pour de nombreuses populations (selon le constat de Lénine lui-même), il était logique que le communisme soit la cible des auteurs satiriques indépendants. "Hara-Kiri" appartient à la contre-culture dans la mesure où il échappe au choc des cultures et des propagandes communistes et anticommunistes.

    "On pourra se demander enfin, puisque communisme et anticommunisme ont à ce point marqué l’humanité du XXe siècle, si la "fin" du communisme -et donc des idéologies-, n’a pas signé une certaine fin de la caricature politique..."

    Cette ébauche de conclusion trahit les préjugés de son auteur. D'abord le communisme demeure la culture de la Chine, l'une des plus puissantes dictatures au monde ; on ne voit pas pourquoi la Chine ou la Corée du Nord mériteraient moins l'étiquette communiste que l'ex-Union soviétique ? Par ailleurs le communisme n'est pas la seule idéologie dominante au XXe siècle : le capitalisme et ses justifications ne sont pas moins idéologiques que le communisme. La "mort des idéologies" n'est donc qu'une formule d'éditorialiste, qui ne correspond pas à la réalité.

    + L'utopie socialiste n'est pas ma religion ; l'hypothèse d'un monde meilleur n'est pas plus vraisemblable que l'hypothèse des sept vierges du paradis des martyrs d'Allah. Je ne partage donc pas la sympathie du président Hollande pour le mouvement "Nuits debout", mais j'ai eu tout de même la curiosité de lire le compte-rendu illustré de Julie Maroh, auteure de BD féministe. L'état d'esprit général en est résumé dans cette phrase : "La première fois où j’ai ressenti que Nuit Debout servait à quelque chose c’était le mercredi 20 avril à 19h52, à la Bourse du Travail de Paris. La première fois où j’ai ressenti que le mouvement risquait de vite s’effondrer sur lui-même, c’était au même endroit moins de deux heures plus tard." Il découle de ce constat que la confrontation violente avec la police est le seul acte significatif de ce mouvement de réprobation des méthodes des élites dirigeantes.

    Julie Maroh cite opportunément A. Huxley : "La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie." A quel stade de cette "dictature parfaite" sommes-nous rendus, conviendrait-il de se demander...

    Assez ubuesque en revanche le désir exprimé par J. Maroh d'une police qui ne servirait pas à la répression, mais serait "gardienne de la paix" ; à travers le vocable de "gardien de la paix", la notion d'ordre est sublimée, d'une manière quasi mystique. Le "politiquement correct" est une des modalités de la censure au sein d'une "dictature parfaite".

    + On peut contribuer à départager les dix candidats au prix littéraire organisé par Riss et "Charlie-Hebdo", dont les copies sont disponibles en ligne. Il s'agissait pour les candidats de proposer une alternative au baccalauréat. Cette épreuve primée est beaucoup plus sélective que le vrai bac, qui a subi comme toutes les valeurs républicaines plusieurs dévaluations. En effet l'humour n'est pas un genre littéraire facile, en particulier pour de jeunes candidats. La tentation est d'imiter à cet âge l'humour gras qui cartonne à la télévision.

    + Comme une nouvelle vente aux enchères de dessins de presse est annoncée, on peut en profiter pour rappeler que Cabu ne souhaitait pas mettre en vente ses dessins ; sans doute parce qu'il était à l'abri du besoin, mais aussi parce qu'il estimait que les journaux ou les éditions bien faites constituaient le cadre naturel où exposer sa production.

    La Mère Denis par Cabu, d'après Bernard Buffet (enchère de départ 30.000 euros)

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  • Revue de presse BD (177)

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    Le "rêve européen", vu de l'étranger, par le caricaturiste Ali Dilem.

    + Encore une tentative de mettre le dessin de presse au service de la propagande européenne. Nous avions déjà cité dans cette revue de presse (n°138) l'effort du technocrate européen Thierry Vissol il y a un an, et de Guillaume Doizy ("Caricatures & Caricature"); Nicolas Vadot récidive avec l'exposition "Ceci n'est pas l'Europe! - 120 caricatures d'actualité", dont ce caricaturiste belge est commissaire (ainsi que vice-président de l'asso. "Cartooning for peace"). N. Vadot se livre à un plaidoyer vibrant pour l'Europe sur le site "Caricatures & Caricature" ; arrêtons-nous sur un seul point : l'Europe aurait un but pacifique, selon N. Vadot, qui présente cette assertion comme une "vérité". Pourtant il n'y a pas besoin d'avoir un esprit satirique très développé pour observer que le principal mobile de la construction européenne, suivant un modèle technocratique, est d'ordre économique - celui-là même qui a conduit les nations européennes à s'affronter dans des guerres totales au XXe siècle pour le partage des ressources coloniales et de territoires à la mesure de leur expansion industrielle. Quelle meilleure preuve que la crise actuelle ? Celle-ci montre que, quand le capitalisme vacille, l'idée européenne chancelle et les leaders populistes n'ont aucun mal à discréditer cette entreprise titanesque. La propagande européenne n'est donc qu'une des facettes de la propagande capitaliste, relevant du pari sur l'avenir le moins scientifique qui soit.

    On peut bien sûr se moquer des détracteurs de l'Europe, les caricaturer (l'Europe n'a certes pas inventé la bureaucratie, qui existait avant elle), cependant l'Europe se prête mieux à la satire, à commencer par son mépris des principes démocratiques, alors même que le mot "démocratie" est sur les lèvres de tous les dirigeants européens.

    "L'idéal européen" n'est pas sans évoquer deux fanatismes religieux modernes, cousins germains : la démocratie-chrétienne et le stalinisme. Chez A. de Tocqueville, l'espoir de progrès placé dans "la démocratie en Amérique" est tempéré par une bonne dose de scepticisme ; Tocqueville se demande ainsi comment l'Amérique pourra s'affranchir du mobile mercantile qui fut la première cause des Etats-Unis.

    + La dernière "Une" de "Charlie-Hebdo" (signée Coco), brocardant le pro-fête Cyril Hanouna, animateur d'une émission quotidienne à succès, "Touche pas à mon poste", dédiée aux "enfants de la télé " ("Direct 8"), a déclenché une controverse dans les médias et sur les réseaux sociaux. On peut y voir une reprise par "Charlie-Hebdo" de la critique de la "société du spectacle" ou du consumérisme. Michel Onfray s'en est pris lui aussi récemment à l'animateur de télé, l'accusant d'être une cause du djihadisme. Cyril Hanouna avait répliqué en accusant Michel Onfray d'islamophobie ; il a préféré répondre à "Charlie-Hebdo" sur le ton de l'humour. On pointe un peu facilement le populisme du doigt, en ce domaine comme en d'autres ; il n'est jamais que le produit d'un élitisme dévoyé.

    + Le dessinateur finlandais Ville Ranta veut devenir français, au-delà de l'aspect purement policier de la nationalité, parce que la France est le pays des caricaturistes. Il décrit dans son blog dessiné le processus de cette métamorphose incertaine. En effet il n'est pas si aisé pour les Français eux-mêmes de savoir qui ils sont. Il leur faut parfois voyager à l'étranger pour le découvrir. Un précédent peut nous éclairer, celui du philosophe F. Nietzsche, qui répudia sa culture et ses origines allemandes pour "devenir Français ou Italien", admiratif de la faculté de jouir de ces deux peuples, qu'il n'accorde pas aux Allemands, plus féminins et tourmentés, ayant le goût des choses macabres, tristes et romantiques - on dirait "gothiques" aujourd'hui. F. Nietzsche définit les Français et les Italiens comme étant réactionnaires, et les Allemands modernes. Le poète Baudelaire, au contraire, bien que Français, exprima son dégoût des Français, qu'il trouvait trop "voltairiens", ce qualificatif décrivant un manque de spiritualité.

    La "liberté d'expression" est-elle un principe français ? Les Français sont sans doute trop pragmatiques pour croire la liberté possible sur le plan politique. En revanche les Français sont plus individualistes que d'autres peuples, et acceptent moins bien que l'Etat ou ses représentants leur disent ce qu'il faut penser.

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    La Tour Montparnasse, croquis tiré du blog de Ville Ranta.