Caricature par LB (à lire aussi dans "Siné-Mensuel")
staline
-
Caricature Poutine
-
Revue de presse BD (234)
+ On vit dans une époque d'experts et de spécialistes, mais à propos des élections présidentielles tout le monde est compétent et peut émettre une opinion.
Sortant de son rôle d'humoriste, Riss a appelé dans un édito les lecteurs de "Charlie-Hebdo" à voter Macron pour faire barrage au Front national. La dessinatrice Coco, elle, a dessiné quelques têtes de cons surmontées du slogan, "Abstention, bande de cons", renversant l'ancien slogan anar "Election, piège à con" (Reiser, Wolinski).
A contrario, sur son compte Youtube, durant un soliloque plutôt fastidieux, l'humoriste Dieudonné incite à voter pour Marine Le Pen (tout en prédisant sa défaite, ce qui n'est guère mobilisateur). Dans sa revue de presse, Dieudonné cite un dessin de LB paru dans "Siné-Mensuel" (9'30").
Il est difficile de dire si ce type d'humour militant pèse ou non dans la campagne. Le milieu complotiste proche de Dieudonné fait courir la rumeur qu'il a contribué à l'élimination de Manuel Valls lors de la primaire du PS, mais ce bruit est à peu près invérifiable.
+ Le site "Rétronews", à partir d'archives de presse souligne que la presse républicaine a toujours été hostile à l'abstentionnisme, luttant contre avec des moyens plus ou moins persuasifs : "L'abstention voulue, calculée, réfléchie, est le fait d'esprits chagrins, blasés, désabusés, hargneux, jaloux, parmi lesquels il faut compter aussi quelques esprits originaux et quelques naïfs." plaidait ainsi Francis Charmes en 1876 dans le "Journal des débats politiques et littéraires".
L'éditorialiste du "XIXe siècle" tente de pénétrer la psychologie de l'abstentionniste ; il parle de "foi" et de "doute", et écrit : "L'abstention, c'est le premier symptôme, la première manifestation du doute." (1907)
+ "Je ne regrette rien" : citant Edith Piaf en français, le dessinateur de presse américain Ted Rall (situé à gauche) explique qu'il s'abstiendrait de nouveau de voter pour Hillary Cinton si c'était à refaire ; faisant le bilan des cent premiers jours de Donald Trump à la Maison blanche, il note une certaine paralysie au sommet de l'Etat, compte tenu de la méfiance du parti républicain vis-à-vis de D. Trump, restreignant la marge de manoeuvre de ce dernier. Pour Ted Rall, l'implication d'Hillary Clinton dans la décision d'attaquer et détruire l'Irak, puis la Libye et la Syrie, transformant ces pays en champs de ruines, est impardonnable.
La crédibilité de Ted Rall en tant qu'éditorialiste indépendant repose sur un reportage BD qu'il fit pendant la guerre en Afghanistan ("Passage afghan", publié en France par La Boîte à Bulles) ; le reportage révèle notamment les méthodes de fabrication de l'info par les grandes chaines de télé américaines et européennes.
+ Sous le titre sévère "Des candidats sans culture", le quotidien publicitaire "20 Minutes" (27 avril) publie le diagnostic d'une "spécialiste des politiques culturelles", Julie Sauret : "Macron est cultivé, mais il possède une culture très classique. Ses références sont un peu vieillottes, il se plante quand il essaie de citer IAM... En revanche, Marine Le Pen n'est pas du tout cultivée et ne s'en cache pas vraiment. Elle ne connaît aucun nom en peinture, sèche quand on lui demande quels livres elle a lu ; sur l'art contemporain, elle fonctionne par clichés." - Gageons que Marine Le Pen a au moins lu quelques "Tintin"...
+ Le site "Caricatures et Caricature" publie un article par Cyril Bosc concernant les relations douteuses entre le parti communiste et un certain nombre de caricaturistes français. L'article est gauchement intitulé : "Comment marier presse satirique et presse communiste" - sans point d'interrogation, ce qui suggère une méthode, et non le questionnement que suscite ce rapprochement entre la satire et l'une des pires idéologies totalitaires, un parti politique réputé pour ses méthodes de censure drastiques.
En fait l'article attire bien l'attention sur une forme de négationnisme typiquement français, qui consiste à minimiser le totalitarisme soviétique et ses conséquences monstrueuses. La France est un des rares pays au monde où l'on peut, pratiquement dans la même phrase, vitupérer le fascisme ou le nazisme et se vanter d'avoir eu un père ou un grand-père communiste.
Il faut saluer l'initiative de l'auteur de cet article, qui s'attaque ici utilement à un tabou car l'usage politique de l'antifascisme est aussi vain que la critique du totalitarisme est utile, qui n'oppose pas le fascisme au communisme ou au capitalisme, mais s'efforce d'en analyser les causes communes (à la manière d'Orwell, S. Weil ou H. Arendt, par exemple).
L'article ne tient pas toutes ses promesses, mais il comporte quelques éléments de réflexion utiles, et cite des témoignages intéressants, voire amusants. Anticommuniste notoire, Cabu épinglera ainsi en "Une" son copain Wolinski quand il adhérera au PC. L'anticommunisme de Cabu fut visible jusqu'à la fin, qui accentuait nettement le côté "batracien" de Mélenchon, tandis qu'il épargnait plutôt l'ex-président F. Hollande.
L'origine sociale ouvrière de certains dessinateurs est une explication au fait qu'ils furent proches du PCF, de même que les paysans sont automatiquement catholiques. Cependant l'article cite François Cavanna, qui déserta le Parti après y avoir adhéré par réflexe de classe : "(…) L’Huma est un journal de combat, un journal d’action, pas un journal de réflexion, de critique objective. Il n’est qu’un instrument d’un grand dessein, pas une fin en soi. Il n’est pas là pour critiquer le Parti, ni lui nuire en quoi que ce soit. (…) Appartenir (même si on n’a pas la carte, même à titre de compagnon de route) à un parti structuré comme une Eglise, c’est faire acte de foi. Même si, au départ, on annonce hautement qu’on garde son quant-à-soi." (1977) Dans ce passage, F. Cavanna énonce clairement les raisons pour lesquelles la critique ou la satire est incompatible avec l'idéologie véhiculée par "L'Huma" ; cependant F. Cavanna ne renie pas complètement sa foi, légitimant la violence révolutionnaire et attestant d'une vision romantique de la révolution russe dans un autre article cité.
Cyril Bosc établit aussi une nuance nécessaire entre le "compagnonnage" avec le PCF du temps de sa puissance, et le compagnonnage tardif avec un PCF en pleine décomposition et une Russie dorénavant "poutinisée". Les odes à Mélenchon ou à Poutou ne représentent pas en effet la même chose, en termes d'engagement, que les odes d'Aragon, Eluard, Picasso ou Sartre à Staline, du temps où le stalinisme n'avait rien à envier au nazisme pour ce qui est des méthodes de répression.
La fin de l'article, consacrée à Stéphane Charbonnier, alias Charb, est excessivement lyrique et manque de recul ; il est difficile de dissocier Charb, à moins de faire le coup du martyre, de Philippe Val, pour brosser un tableau élogieux de l'un, et un tableau sinistre de l'autre. Entre les deux attitudes, la première qui consiste à tenir l'engagement politique pour un "attrape-couillons", et la seconde qui considère l'absence d'engagement politique comme du cynisme, c'est pour la seconde que Charb opta, plus proche de P. Val que de Choron et Cavanna, qui imprimèrent leur marque à la première mouture de "Charlie-Hebdo".
+ La bibliothèque de Lyon Part-Dieu propose une exposition gratuite dédiée à 77 ans d'édition de bande-dessinée à Lyon et dans la région lyonnaise (16 mai-4 novembre).
+ Alors que l'expo dédidée à Gaston Lagaffe à la bibliothèque du musée Pompidou vient juste de fermer ses portes, on apprend la mort de Jean De Mesmaeker, alias Jidéhem, collaborateur de Franquin sur cette série rompant avec les codes du genre. Le père de Jidéhem avait inspiré Franquin pour son personnage de M. De Mesmaeker, victime privilégiée des gaffes de Gaston.
L'histoire ne dit pas si Gaston Lagaffe votait, ni pour qui ; on sait que Gaston est plutôt écolo et pacifiste, et que le vote est obligatoire en Belgique.
-
Revue de presse BD (195)
"Une" du "Harper's weekly" par Thomas Nast (représentant le Père Noël, que Nast contribua à rendre célèbre).
+ Le musée Tomi Ungerer de Strasbourg expose (jusqu'à fin octobre) Thomas Nast (1840-1902), considéré comme un précurseur de la caricature américaine et qui inventa le personnage de l'Oncle Sam, personnification des Etats-Unis d'Amérique. Ce dessinateur né en Bavière vint s'installer à New York avec sa mère quand il avait six ans ; beaucoup d'artistes américains, en particulier dans le domaine du dessin de presse et de l'illustration, étaient originaires d'Allemagne ou d'Europe de l'Est.
On peut se demander si la faiblesse de la caricature aux Etats-Unis aujourd'hui, tant sur le plan du dessin que de la satire, ne vient pas de la culture démocrate-chrétienne de ce pays ; celle-ci confère en effet à la politique une dimension spirituelle qui contribue à ennoblir exagérément l'action politique. Les caricaturistes américains ("Editorial cartoonists") font de la caricature politique, dans la mesure où ils sont eux-mêmes impliqués dans les débats politiques et les stratégies partisanes ; ils se font un devoir de commenter les moindres péripéties de la vie politique ; Plantu est un exemple français de cette manière américaine de caricaturer. Les cartoons américains présentent de ce fait peu d'intérêt pour qui ne connaît pas bien la vie politique américaine. Les caricaturistes en Europe, surtout en Angleterre, en France et en Italie, sont plus "anarchistes" ou du moins méfiants vis-à-vis du personnel politique et des utopies politiques optimistes.
+ Les admirateurs de Hergé connaissent son goût pour l'art contemporain en même temps que les complexes qu'il nourrissait vis-à-vis d'artistes reconnus comme tels. Le commerce de l'art contemporain est le sujet de son dernier album inachevé, "Tintin et l'Alph-Art". On annonce une exposition au Grand Palais après l'été sur ce thème. On a tort de ne pas considérer Hergé comme un artiste abstrait ; la bande-dessinée, destinée aux enfants, ne repose pas tant sur le dessin que sur l'animation des personnages, comme le dessin animé. Hergé n'est pas un grand dessinateur, en revanche c'est un styliste exceptionnel, deux caractéristiques que l'on retrouve souvent chez les artistes modernes dits "abstraits".
+ Le moins qu'on puisse dire c'est que Robespierre (1758-1794) n'a plus la cote. Le président de la République préfère même invoquer un autre enfant du Nord, Charles de Gaulle, malgré le penchant de ce dernier pour la monarchie. Le célèbre conventionnel révolutionnaire natif d'Arras est en effet ces derniers temps la cible d'attaques répétées de la part d'intellectuels de gauche en vue, dont Michel Onfray et Raphaël Enthoven ; au micro d'"Europe 1", ce professeur de philosophie a même comparé Robespierre à... Pol Pot. Et d'invoquer dans ce cas-là la Terreur, cruelle et sanglante, dont Robespierre fut un des principaux instigateurs. Mais, tandis que la Terreur fit quelques dizaines de milliers de victimes (40.000 ?), le régime de Napoléon en fit, lui, des millions, et cela n'empêche pas la République française d'entretenir son culte, ni maints plumitifs de continuer d'écrire des hagiographies du tyran corse (heureusement illisibles). Et que dire des Soviets, dont le bilan est parmi les plus lourds, mais dont le régime brutal séduisit néanmoins une bonne partie de l'intelligentsia et des artistes français ? Comme quoi il faut bien distinguer le roman national républicain de l'histoire... et se méfier des professeurs de philosophie.
+ Une exposition consacrée à des illustrateurs russes pendant la période soviétique nous apprend que certains artistes (Vladimir Lebedev) firent le choix, sous Staline, d'illustrer des livres pour enfants afin d'échapper à la répression de la police politique à laquelle d'autres choix artistiques pouvaient les exposer.
Ill. de V. Lebedev pour un conte de Kipling.
-
Revue de presse BD (191)
Caricature de Gustave Jossot (1866-1951) pour la Une de "L'Assiette au Beurre" ; la police républicaine fut la cible des caricaturistes et des auteurs satiriques bien avant "Hara-Kiri".
+ Le site "Caricature & Caricatures" (Guillaume Doizy) fait appel à la participation pour un prochain colloque sur le thème "Caricature et communisme" ; cependant, bien que détaillé, le cahier des charges de G. Doizy est plutôt confus ; ce n'est pas la première fois que celui-ci mélange satire et propagande. L'anecdote du portrait du dictateur soviétique Staline par Picasso est connue : jugé trop peu académique par le parti, le portrait de Picasso fit scandale et fut assimilé à une caricature. La dictature soviétique, à l'instar de toutes les dictatures, se méfiait de la satire et la censurait. Cabu n'est pas le seul caricaturiste anticommuniste ; on peut citer, précédemment, à une époque où le communisme n'avait pas pris une tournure aussi nettement coercitive et meurtrière, l'anarchiste Gustave Jossot, auteur de quelques charges ironiques contre la religion du prolétariat. Au XXe siècle, où l'idéologie communiste a fait office de religion pour de nombreuses populations (selon le constat de Lénine lui-même), il était logique que le communisme soit la cible des auteurs satiriques indépendants. "Hara-Kiri" appartient à la contre-culture dans la mesure où il échappe au choc des cultures et des propagandes communistes et anticommunistes.
"On pourra se demander enfin, puisque communisme et anticommunisme ont à ce point marqué l’humanité du XXe siècle, si la "fin" du communisme -et donc des idéologies-, n’a pas signé une certaine fin de la caricature politique..."
Cette ébauche de conclusion trahit les préjugés de son auteur. D'abord le communisme demeure la culture de la Chine, l'une des plus puissantes dictatures au monde ; on ne voit pas pourquoi la Chine ou la Corée du Nord mériteraient moins l'étiquette communiste que l'ex-Union soviétique ? Par ailleurs le communisme n'est pas la seule idéologie dominante au XXe siècle : le capitalisme et ses justifications ne sont pas moins idéologiques que le communisme. La "mort des idéologies" n'est donc qu'une formule d'éditorialiste, qui ne correspond pas à la réalité.
+ L'utopie socialiste n'est pas ma religion ; l'hypothèse d'un monde meilleur n'est pas plus vraisemblable que l'hypothèse des sept vierges du paradis des martyrs d'Allah. Je ne partage donc pas la sympathie du président Hollande pour le mouvement "Nuits debout", mais j'ai eu tout de même la curiosité de lire le compte-rendu illustré de Julie Maroh, auteure de BD féministe. L'état d'esprit général en est résumé dans cette phrase : "La première fois où j’ai ressenti que Nuit Debout servait à quelque chose c’était le mercredi 20 avril à 19h52, à la Bourse du Travail de Paris. La première fois où j’ai ressenti que le mouvement risquait de vite s’effondrer sur lui-même, c’était au même endroit moins de deux heures plus tard." Il découle de ce constat que la confrontation violente avec la police est le seul acte significatif de ce mouvement de réprobation des méthodes des élites dirigeantes.
Julie Maroh cite opportunément A. Huxley : "La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie." A quel stade de cette "dictature parfaite" sommes-nous rendus, conviendrait-il de se demander...
Assez ubuesque en revanche le désir exprimé par J. Maroh d'une police qui ne servirait pas à la répression, mais serait "gardienne de la paix" ; à travers le vocable de "gardien de la paix", la notion d'ordre est sublimée, d'une manière quasi mystique. Le "politiquement correct" est une des modalités de la censure au sein d'une "dictature parfaite".
+ On peut contribuer à départager les dix candidats au prix littéraire organisé par Riss et "Charlie-Hebdo", dont les copies sont disponibles en ligne. Il s'agissait pour les candidats de proposer une alternative au baccalauréat. Cette épreuve primée est beaucoup plus sélective que le vrai bac, qui a subi comme toutes les valeurs républicaines plusieurs dévaluations. En effet l'humour n'est pas un genre littéraire facile, en particulier pour de jeunes candidats. La tentation est d'imiter à cet âge l'humour gras qui cartonne à la télévision.
+ Comme une nouvelle vente aux enchères de dessins de presse est annoncée, on peut en profiter pour rappeler que Cabu ne souhaitait pas mettre en vente ses dessins ; sans doute parce qu'il était à l'abri du besoin, mais aussi parce qu'il estimait que les journaux ou les éditions bien faites constituaient le cadre naturel où exposer sa production.
La Mère Denis par Cabu, d'après Bernard Buffet (enchère de départ 30.000 euros)
-
La semaine de Zombi
Dimanche : Poutine à peine invité à la grande parade militaire du "Memorial Day", et le fait de la victoire de Staline et des Russes sur les forces de l'Axe pratiquement effacé comme on "reboote" un ordinateur... décidément l'histoire n'a pas grand-chose à voir avec la culture.