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pamphlet

  • Revue de presse BD (378)

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    + "Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent." : extraite de "Knock ou le Triomphe de la Médecine" par Jules Romains (1923), cette tirade est exemplaire d'un certain scepticisme français, peu à peu balayé par la foi dans le progrès, voire le miracle technologique.

    La satire mordante de Jules Romains de la nouvelle médecine lucrative reste d'actualité un siècle plus tard ; depuis une cinquantaine d'années, la recherche médicale n'a guère fait de progrès que dans le domaine du dopage sportif.

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    Valéry Giscard-d'Estaing vu par Cabu.

    + "BAL TRAGIQUE A L'EHPAD DE CHAMALIERES - 1 MORT" : l'hommage vibrant de la presse nationale à feu Valéry Giscard-d'Estaing indique que les journaux n'a pas beaucoup changé depuis "Hara-Kiri"... sauf "Charlie-Hebdo" qui est devenu la mascotte de la République policière française.

    On se souvient que l'ex-président de la République fut surnommé "le colin froid" par le pamphlétaire Jean-Edern Hallier, soulignant ainsi le profil de technocrate de VGE, qui s'efforçait comiquement de "réchauffer" son image.

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    Case extraite d'une des trois adaptations récentes de "1984" en BD (par Fido Nesti).

    + La chaîne de télé "Arte" diffuse un documentaire qui compare les oeuvres de George Orwell ("1984") et Aldous Huxley ("Le Meilleur des Mondes") où les deux essayistes britanniques dépeignent un monde en proie à la soif de pouvoir sous des angles différents. Aldous Huxley insiste plus sur le rôle de la médecine au service du totalitarisme ; il faisait lui-même partie d'une famille de médecins et de biologistes darwinistes et les manipulations génétiques l'inquiétaient. 

    L'aspect médical est aussi présent dans "1984", mais le roman d'Orwell a une portée plus générale.

    Le documentaire conclut en désignant la Chine contemporaine comme un régime politique similaire à "Big Brother". Mais le roman d'Orwell décrit un monde globalisé, divisé en trois blocs continentaux régis par des principes totalitaires semblables. D'ailleurs il ne fait pas de doute que le totalitarisme est, pour Orwell comme pour Huxley, le produit de la culture occidentale.

  • Revue de presse BD (329)

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    + Cabu détestait Jacques Chirac ; pas autant qu'il détestait François Mitterrand (en électeur de gauche cocufié), certes, mais en amoureux de Paris le caricaturiste reprochait au maire Chirac d'avoir abîmé la capitale en la livrant aux industriels du BTP, ce qui revient à placer une jolie femme entre les mains d'un proxénète.

    "Revoir Paris", le meilleur album de Cabu (1996, au Seuil), n'est pas seulement un pamphlet contre Jacques Chirac, mais c'est aussi ça.

    En vieillissant Cabu se laissa séduire par l'équipe municipale suivante, non moins guidée par la folie des grandeurs bétonnées (camouflée derrière "l'esprit olympique"). Bertrand Delanoë consacra à son ami Cabu une exposition à l'Hôtel de Ville.

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    E.O. de Gaston Lagaffe par Franquin & Jidéhem, estimée entre 250 et 300 euros.

    + A la rubrique "Argent", "Le Monde" titrait récemment (16 sept.) : "La bande dessinée ou le marché de la nostalgie".

    En effet, d'après l'expert Eric Leroy (Artcurial) interrogé : "Les bandes dessinées anciennes, c'est un marché de la nostalgie ; les collectionneurs cherchent à retrouver l'objet d'époque, celui qui les a séduits."

    Mais cet expert est pessimiste quant à l'évolution de ce marché : "Il a été très porteur pendant vingt ans, mais je crois qu'il est arrivé à maturité. Et je ne le vois pas repartir avec les nouvelles générations qui lisent peu ou sur tablettes, et le manque de journaux supports de cet univers, comme l'étaient Spirou ou Tintin (...)."

    Il ne faudrait pas oublier l'aspect purement spéculatif, de placement financier, caractéristique de l'art contemporain, qui en fait une "vitrine du capitalisme" ; il explique aussi les records de prix atteints par certains objets de collection dont l'intérêt est minime sur le plan plastique.

    K. Marx emploie l'expression parlante de "fétichisme de la marchandise", qui résume à elle seule la dimension religieuse de la culture contemporaine.

  • Albert Robida***

    - Quand les aérostats dirigeables de l'avenir nous permettront de naviguer dans l'atmosphère, on s'arrachera voswebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,albert robida,compiègne,catalogue,exposition,sandrine doré,chat noir,salis,jules verne,siège,paris,commune,caricature,pamphlet,notaire,giffard,michel thiébaut,gaston tissandier
     dessins et vous passerez prophète.
    Gaston Tissandier [à propos d'A. Robida]

    La notoriété d'Albert Robida (1848-1926) n'est pas si grande aujourd'hui que l'on s'arrache littéralement ses dessins, mais c'est bien l'aspect futuriste de l'oeuvre de cet illustrateur que la postérité a retenu.

    A l'occasion d'une exposition de son oeuvre dans sa ville natale de Compiègne (2009), parut un épais catalogue abondamment illustré traitant largement, chapitre après chapitre, de l'oeuvre protéiforme d'A. Robida. En effet, Robida n'illustra pas seulement des ouvrages de science ou de politique-fiction, teintés d'humour, mais il collabora aussi à de nombreux guides de voyage, fruits de périples à travers l'Europe et la France ; Robida illustra aussi toutes sortes d'ouvrages pour enfants et adultes ; il en écrivit même, maniant non seulement le pinceau mais aussi la plume. Robida refonda aussi le journal "La Caricature" qu'il dirigea pendant dix ans, rendant ainsi hommage à Daumier qui fut publié dans la première mouture de cet organe de presse.

    Ce n'est pas fini : Robida collabora aussi au célèbre cabaret du "Chat Noir" de R. Salis. Last but not least, il rédigea un Journal pendant le siège de Paris (1870), puis la proclamation de la Commune et la répression brutale de celle-ci, événements qu'il vécut avec assez de recul et d'impartialité pour que son témoignage (illustré de croquis), publié un siècle plus tard, constitue un document fiable pour les historiens.

    L'inconvénient de ce type de catalogue commémoratif est que, sous le coup de l'enthousiasme, il place tous les divers travaux sur le même plan. Il faut dire que Robida, non seulement en raison d'un tempérament enclin au labeur, mais aussi de la nécessité d'élever en banlieue parisienne une famille de sept enfants (sans être un "héritier"), multiplia sans relâche les collaborations avec les journaux et les éditeurs.

    Contentons-nous donc d'évoquer les illustrations "futuristes" de Robida, auxquelles on prête un caractère de prémonition, et son témoignage vivant et éclairant des événements tragiques qui assombrirent la fin du Second Empire, plongeant Paris et une partie de la France dans un climat de détresse et de violence difficile à imaginer aujourd'hui. Ce sont là les deux aspects les plus intéressants de cette prolifique carrière.

    Mais d'abord, quelques petites précisions biographiques... Albert Robida est donc Picard, avec des origines alsaciennes du côté de sa mère (Robida étant peut-être le nom d'une famille espagnole émigrée depuis longtemps en France) ; son père, artisan-menuisier juge Albert inapte à ce métier manuel (il était très myope), et le plaça chez un notaire où il occupa l'emploi de "saute-ruisseau" (commis).

    Comme il se morfondait dans l'office notarial, Robida se mit à dessiner un petit pamphlet, intitulé le "Manuel du parfait Notaire", dans lequel il brocardait la profession. Bien lui en pris, car s'il fut viré à cause de cet opuscule gentiment satirique, cela permit à cet autodidacte de se faire repérer et de démarrer sur les chapeaux de roue une carrière de dessinateur à Paris, alors que la presse illustrée et les journaux satiriques prospèrent et cherchent de nouveaux talents.

    Robida a 22 ans et sa carrière vient à peine de débuter quand, désireux de visiter l'Alsace et Strasbourg, il se heurte au cours de son voyage à la guerre et aux troupes allemandes qui vont infliger au Second Empire français la brutale et inattendue déculottée que l'on sait.

    Au cours de cette guerre, particulièrement éprouvante pour le Nord du pays et Paris, suivie de lawebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,albert robida,compiègne,catalogue,exposition,sandrine doré,chat noir,salis,jules verne,siège,paris,commune,caricature,pamphlet,notaire,giffard,michel thiébaut,gaston tissandier proclamation de la Commune et de sa répression, le comportement de Robida est singulier ; en effet, il se mue en reporter de guerre, sans la moindre accréditation officielle, avide de dessiner et rendre compte par écrit de ce qu'il voit et vit, sans l'obligation de propagande.

    Intégré dans la garde nationale, comme tout jeune homme de son âge, Robida se montre peu zélé à accomplir les tâches militaires particulièrement ennuyeuses qui lui sont assignées ; il déserte aussi souvent qu'il le peut son poste pour aller dessiner les fortifications de Paris, ou s'approcher discrètement des lignes ennemies. Au cours de la Commune, son comportement étrange, assimilable au réfractaire, lui vaudra encore d'échapper de justesse au peloton d'exécution.

    Politiquement, si les amis de Robida se situent plutôt dans les rangs des communards, l'idéal révolutionnaire ne le séduit pas, pour ne pas dire qu'il s'en méfie (il n'a pas été élevé dans un milieu d'ouvriers parisiens, mais par un artisan de province respectueux des lois civiles). Ajoutons ici que, même Karl Marx, prédisant la répression féroce par l'armée régulière versaillaise, s'efforcera de dissuader ses amis anarchistes de se soulever et d'aller ainsi au casse-pipe.

    Robida ne partageait pas non plus la haine des Prussiens, encouragée au cours du conflit par le gouvernement via la presse. Ce n'est que beaucoup plus tard, au cours de la Grande Guerre où il perdra un jeune fils, et deux autres seront grièvement blessés, que son sentiment "antiboche" naîtra, qu'il traduira en caricatures.

    Son témoignage vaut par le point de vue reculé de Robida, d'observateur par rapport aux événements tragiques, qui éveillent sa curiosité mais non son sentiment patriotique ou révolutionnaire. Trois chapitres distincts du catalogue sont dédiés à cette contribution de Robida, par le dessin et le commentaire quasi-quotidien à la chronique historique (par Philippe Brun, Jean Robida citant abondamment son aïeul, et Michel Thiébaut).

    Les fameuses illustrations futuristes et féériques de Robida ne sont pas sans lien avec cette guerre qui a marqué profondément cet auteur satirique, à l'instar de beaucoup d'autres avant ou après lui... Plusieurs chapitres fouillés analysent le portrait par cet illustrateur d'une société future ambiguë, cocasse et prêtant à sourire, mais hérissée d'antennes et saturée d'engins aux allures d'insectes mécaniques.

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    Le regard superficiel est d'abord celui des lecteurs contemporains de Robida, dont peu prirent au sérieux les prévisions d'usage d'armes bactériologiques, ou encore de déplacement du conflit armé de la terre ferme et les mers vers le ciel, envahi d'aéronefs militaires ; ni même "La Fin du cheval", titre d'un ouvrage illustré par R. (P. Giffard) ; sur le terrain social, Robida confère à l'émancipation de la femme la même ambiguïté ; tout en prédisant le changement de statut des femmes, il suggère que cela revient pour les femmes à imiter le sexe opposé dans ce qu'il a de plus bravache ou ridicule (plusieurs nations incorporeront de fait les femmes dans l'armée à la fin du XXe siècle "au nom de l'émancipation de la femme" (!)

    Le motif de la guerre n'est pas le seul parmi les illustrations produites par Robida, qui décrit aussi la vie quotidienne et les loisirs du futur vers le milieu du XXe siècle et conçoit par avance les spectacles télévisés; mais ce motif de la guerre, qu'il observa de près, est décisif. Celui-ci a pu constater la contribution du conflit armé au progrès technique, dont on tire en temps de paix un sentiment d'orgueil. Quel antidote plus radical que la guerre à cette religion du progrès, qui à la fin du XIXe siècle a presque remplacé toutes les autres ? Et les adeptes les plus sincères du progrès, ayant foi dans un Avenir et une Humanité meilleurs, sont sans doute les plus ébranlés par la guerre, comme les chrétiens les plus sincères auparavant furent les plus troublés par les guerres de religion meurtrières.

    Si Robida ne cherche pas à alerter son lectorat, plutôt bourgeois et parisien, sur le revers de la médaille du progrès, ses illustrations reflètent son scepticisme et se distinguent des romans où Jules Verne met en scène une version du progrès destinée à divertir les enfants.

    Robida a d'ailleurs illustré une version parodique des romans de Jules Verne, et la correspondance privée ne laisse aucun doute sur son aversion pour certaines manifestations de la "révolution technologique". Il ne tirait aucune fierté de son statut de prophète des miracles accomplis par l'industrie, affirmant qu'il ne s'agissait que de l'extrapolation de choses et faits observés.

    On ne peut s'empêcher de penser à ce propos aux prédictions, de plus longue portée encore puisqu'elles furent faites au début du XVIIe siècle, par le savant anglais Francis Bacon (1561-1626) ; celui-ci énonça en effet dans un ouvrage surprenant, "La Nouvelle Atlantide", les principes des grandes inventions de l'ère industrielle (avion, radio, frigidaire, mais aussi immortalité) ; cette fable futuriste illustre la démonstration par Bacon que le progrès technique n'est pas digne d'être considéré comme un véritable progrès ; il ne s'agit en effet, dans les grandes inventions, que d'observer et reproduire des solutions dont le schéma et dans la nature. Le progrès technique n'est qu'une question de temps et de travail.

    "De jadis à demain, voyages dans l'oeuvre d'Albert Robida", collectif sous la direction de Sandrine Doré, éd. association des musées Vivenel et de la figurine historique (Compiègne), 2009.

    - Ci-dessus, illustration de couverture de "La Guerre au XXe siècle" (consultable sur le site de la BNF) ; ce succès de librairie (1887) préfigure sur le mode comique le génie militaire destructeur mis en oeuvre au cours du XXe siècle.

    - Ci-dessus, croquis d'un abri militaire à Nogent, effectué pendant le siège de Paris.

     

  • Revue de presse BD (180)

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    Caricature de C. Boutin par Zombi (2012)

    + La député chrétienne-démocrate Christine Boutin a imaginé avec l'éditeur Jacques-Marie Laffont le stratagème de "communication" suivant : publier un livre à propos des caricatures qui la prennent pour cible, publiées dans la presse ou mises en ligne. Le procédé est assez malin, puisque la caricature est au coeur de l'actualité, tandis que les médias se désintéressent de Mme Boutin depuis son désistement en faveur de Nicolas Sarkozy aux dernières présidentielles (contre une rondelette somme d'argent). Brocardée par les caricaturistes, C. Boutin a décidé de tourner cette faiblesse en moyen de se faire remarquer, à la manière des masochistes qui transforment la douleur en plaisir.

    Un seul petit grain de sable dans la mécanique : l'éditeur a commandé des caricatures à des caricaturistes, contre salaire ou promesse de salaire, mais sans les prévenir que leurs caricatures serviraient à la propagande de Christine Boutin, ce qui a eu pour effet d'en agacer certains. Les caricaturistes qui s'en prendront désormais à Mme Boutin sont prévenus : leurs caricatures peuvent aussi bien servir sa cause.

    + Toujours dans le domaine de l'usage politique du dessin de presse, condamnable du point de vue satirique, on annonce la parution d'un ouvrage de Riss en collaboration avec l'avocat Richard Malka sur Marine Le Pen. Riss a déjà signé auparavant un pamphlet contre Nicolas Sarkozy avec R. Malka - "La face kärchée de Nicolas Sarkozy". La différence entre le pamphlet et la satire se mesure à leurs effets : le pamphlet ne convainc que les personnes déjà convaincues ; à cet égard il n'est pas très éloigné d'une forme de prêche religieux ; la satire est plus subtile et n'épargne pas le lecteur.

    + D. Pasamonik, sur le site Actuabd, note l'abondance des essais traitant de la bande-dessinée sous tel ou tel angle spécial. A propos de "Bandes-dessinées et religion", paru chez Karthala, éditeur spécialisé dans ce type d'essai, D. Pasamonik fait la remarque suivante à propos de la bande-dessinée israélienne : "(...) un dernier chapitre sur la bande-dessinée israélienne qui (...) ne concerne pas le thème général de l’ouvrage. Pire encore : par cette proximité incongrue, il accrédite la thèse que la communauté juive et Israël seraient la même chose, alors que bon nombre d’Israéliens laïcs récusent la notion même d’"Etat juif" au sens religieux et que de nombreux juifs ne se sentent par concernés par le nationalisme israélien." Juste remarque, mais il faut ajouter qu'elle vaut pour toute la culture "judéo-chrétienne" en général, vaste fourre-tout qui englobe aussi bien des ouvrages de propagande nationaliste, patriotique, sous couvert de religion, que des ouvrages plus spirituels, voire des ouvrages qui mélangent les deux. Le terme de "bande-dessinée chrétienne" ne veut pas dire grand-chose, par conséquent.

    D. Pasamonik hésite en revanche à qualifier la bande-dessinée de religion à part entière ; pourtant certaines pratiques et rituels (dédicaces) incitent à voir la bande-dessinée comme une forme de religion alternative, en particulier dans des milieux sociaux où les enfants sont privés de religion "officielle". Le motif du "super-héros" notamment possède toutes les qualités d'un modèle religieux. Après tout la musique est un art essentiellement religieux ; pourquoi une certaine façon de faire de la bande-dessinée ne le serait pas aussi ? La démarche de vouloir faire reconnaître la BD comme une religion serait d'ailleurs plus cohérente que celle qui consiste à vouloir que la muse de la BD ait sa place parmi les autres, volonté un peu incongrue et anachronique.

    + La satire ou la caricature visant l'art est un sujet moins souvent abordé que la caricature politique. Alphonse Allais, qui connaissait bien les peintres et illustrateurs, les fréquentant, a écrit plusieurs petits contes, bijoux d'humour et de style, où il raille gentiment diverses tendances de l'art moderne dont il observa l'émergence (obsession du mouvement, de la couleur "vraie", etc.). Les monochromes humoristiques d'Allais sont, dans cette veine, des caricatures d'art, présentées à "L'Exposition des Arts incohérents" (1883 et 84).

    Raphaël Rosenberg, dans un article dédié à cette rencontre de l'art moderne et de la caricature, fait valoir que la caricature des monochromes date... de bien avant l'invention et l'exposition de monochromes. La blague du monochrome aurait été pour le Bernin une manière de stigmatiser l'ignorance de certain amateur d'art, par exemple.

    R. Rosenberg en vient naturellement à poser la question : - les caricaturistes ont-ils inventé l'art abstrait ? Cette question n'est pas sans évoquer le reproche adressé à Picasso par ses premiers détracteurs d'être un "caricaturiste". Comme l'art dit "abstrait" est souvent dépourvu d'intention satirique, il est plus juste de voir la caricature et l'art abstrait comme deux pôles de l'art moderne, qui se combattent, se croisent parfois, et offrent deux visages différents de l'art moderne.

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    Caricature de H. Bing (1912)

    LE CUBISTE

    - Que représente donc ce tableau ?

    - Ouais, vous savez, ça dépend de ce que vous voulez acheter.

  • Revue de presse BD (156)

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    Planche sur le thème de "L'épouvantail", par Pablo K.

    + Le récent festival BD-Fil de Lausanne (10-13 septembre) a attiré 30.000 personnes et remis son prix de la meilleure planche, d'une valeur de 4.500 francs (à partager entre les trois premiers), à Pablo K., qui a choisi de représenter l'épouvantail... humain.

    + Les mines graves et les airs doctes étaient de sortie aux "Ve Rencontres internationales du dessin de presse", qui se sont tenues au Mémorial de Caen, comme on peut le voir sur les vidéos diffusées sur Youtube, où même Siné fait grise mine ; "On peut juste regretter qu'il y ait eu plus de discours que de dessins", écrit F. Forcadell sur son blog dédié au dessin de presse. On peut aussi regretter le choix d'un lieu de culte paramilitaire pour servir de cadre à une rencontre autour du dessin satirique. Il est vrai que, si les mots peuvent tuer, les dessins le peuvent aussi, et la frontière entre la satire et le pamphlet militant est vite franchie.

    La vogue des ouvrages et des conférences académiques sur la caricature et le dessin de presse n'est pas forcément bon signe. L'institution scolaire joue avant tout un rôle de ciment social, très différent pour ne pas dire opposé à la satire ; en particulier en France, où son monopole évoque celui du clergé catholique auparavant. Nous le signalons dans "Zébra" cette semaine à propos d'un petit manuel par D. Moncond'huy, prof à l'université de Poitiers "Petite histoire de la caricature de presse en 40 images" : son point de vue de "pédagogue" est assez idéologique ; ainsi l'auteur se contente de faire allusion à l'hostilité de la République, régime essentiellement élitiste, à l'art populaire du dessin de presse. L'histoire de la caricature en France est largement celle d'une confrontation avec l'institution républicaine. L'argument républicain de la garantie de la liberté d'expression par l'Etat prêterait à sourire s'il n'était pas un argument totalitaire.

    + Preuve que le dessin de presse ne se porte pas très bien, "Siné-Mensuel", a décidé de célébrer son quatrième anniversaire avec une série de petites... vidéos.

    + "Mais se touchant le crâne, en criant "J'ai trouvé !",

    La bande au professeur Nimbus est arrivée,

    Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement,

    Chasser les Dieux du Firmament" (...)" A Georges Brassens qui accuse dans "Le Grand Pan est mort" la technoscience d'avoir assassiné la poésie et l'art (comme un écho à Nietzsche), le blogueur-bd Boulet a répliqué par une longue note illustrée.

    Il est certain que la modélisation mathématique du cosmos, depuis la fin du XVIe siècle, a contribué à dévaluer la mythologie, aussi bien païenne que chrétienne, transformant le cosmos en territoire à conquérir. Les défenseurs de la technoscience, comme Boulet, peuvent estimer que persiste, dans la physique quantique, une certaine dose de poésie, à base de trous noirs et de failles spatio-temporelles ; mais cette poésie est à la fois plus élitiste et plus macabre, à l'instar de l'art surréaliste. Les modèles mathématiques, en perpétuelle mutation (la "théorie des cordes", à la mode il y a dix ans, est déjà "has been"), rendent d'ailleurs la tâche des poètes plus difficile.

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    Boulet contre Brassens - dessin extrait du blog de Boulet.

  • Revue de presse BD (152)

      Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.

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    Pamphlet en BD condamné pour diffamation

     

    + « Ce n’est pas parce que vous dessinez que vous avez le droit de tout faire. » : un conseiller cantonal du FN de Carpentras a ainsi commenté la décision de justice en sa faveur, condamnant François Corteggiani à 3.000 euros d’amende et autant de dommages-intérêts pour diffamation. Cet auteur de BD (« La Jeunesse de Blueberry », « Pif », « Alix »), de surcroît employé par « L’Humanité dimanche », avait publié et distribué sur les marchés un pamphlet illustré de six pages contre l’élu FN (F. Corteggiani compte faire appel).

    Ignorant le dossier, en particulier la portée des jurons infligés à l’élu FN dans « Hervé le Lapinot » (titre du pamphlet), jurons qui semblent empruntés au capitaine Haddock, on s’abstiendra de commenter davantage cette affaire. Mais une chose est sûre, pour avoir « le droit de tout faire », mieux vaut être ministre de la République que dessinateur.

    Ce type de condamnation n’est pas moins dissuasif qu’une « fatwa » lancée de l’étranger, et souvent les rédacteurs en chef redoutent plus les procès que les menaces de mort.

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  • La Survie de l'Espèce***

    La volonté de comprendre l’engrenage capitaliste, présenté le plus souvent comme un mécanismewebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,paul jorion,grégory maklès,futuropolis,survie de l'espèce,karl marx,corinne maier,anne simon,dargaud,économix,michaël goodwin,dan burr,arènes,lénine,pamphlet,paul lafargue,social-traître,blog,crise d’horlogerie d’une extrême complexité, a donné lieu à plusieurs bandes-dessinées récemment. Nous avons déjà rendu compte dans « Zébra » de deux d’entre-elles : « Karl Marx » (Corinne Maier & Anne Simon, chez Dargaud) et « Economix » (Michaël Goodwin & Dan E. Burr, aux Arènes) ; nous en avons rendu compte pour, globalement, dénigrer ces projets ; la biographie de Marx, parce qu’elle ne dit pas clairement en quoi la critique marxiste conserve toute son acuité et son utilité. On ne peut pas convoquer Marx au chevet d’une sorte de pédagogie de gauche républicaine anticapitaliste. En effet, Marx et Engels s’avèrent les plus radicaux détracteurs d’institutions républicaines dont ils démontrent qu’elles sont consanguines des monopoles et des cartels capitalistes.

    Intentionnellement ou non, cet album de BD ne portait pas à la connaissance du lecteur les éléments de la critique marxiste les plus subversifs de la culture contemporaine, dite naguère « post-moderne ». Que ce soit pour en faire l’éloge ou pour le discréditer, le marxisme est assimilé au marxisme-léninisme, et cela bien que Lénine a admis lui-même noir sur blanc le fiasco de l’étape de « transition socialiste » qu’il avait imaginée en préambule à la dissolution de l’Etat.

     Quant au projet d’« Economix » et de ses auteurs américains, il a l’inconvénient de renforcer le préjugé selon lequel l’économie serait une science, en voulant initier par le moyen de la bande-dessinée à ses arcanes, c’est-à-dire les différentes théories contradictoires qui s’efforcent d’encadrer, définir ou expliquer les mouvements de l’économie moderne.

    Or l’économie n’est pas une science à proprement parler, mais une rhétorique, c’est-à-dire une démonstration. L’économie est le domaine réservé des experts, et non des esprits scientifiques. Et si les experts s’avèrent habiles à fournir après-coup une explication plus ou moins cohérente à telle ou telle crise économique ou financière catastrophique, ils se montrent incapables de prévoir les ratés de la mécanique. De même la prévision du redémarrage économique n’est pas une prévision d’ordre scientifique, mais un pari. Tout, dans l’économie moderne, n’est qu’un jeu, et le but des experts économiques est de dissimuler cet aspect, afin que les hommes politiques puissent passer pour responsables aux yeux de leurs électeurs. Le rôle des experts économiques est, comme les hôtesses de l’air dans un avion, de rassurer.

    « La Survie de l’Espèce » est présenté par ses auteurs, Paul Jorion et Grégory Maklès, comme un essai marxiste. C’est une sorte de pamphlet humoristique, un genre pratiqué par le jeune Marx à ses débuts, contre Hegel et sa théorie du sens chrétien de l’histoire, par exemple, dont Marx souligna ironiquement, suivant une méthode qui remonte au moins à la philosophie des Lumières (d’Holbach), que la thèse hégélienne faisait fi de l’apocalypse et des prophéties chrétiennes. Alors pourquoi pas un pamphlet marxiste en bande-dessinée ?

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