Caricature par ZOMBI
2020
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Caricature Julian Assange
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Revue de presse BD (380)
+ Aux éditions "Ici-même" (août 2019), Elisa Menini propose quelques contes du folklore japonais, superbement illustrés, dont le raffinement tranche avec la production en série de mangas.
La mort, sous les traits d'une sorcière ou encore de la neige, joue un rôle important dans les contes japonais comme dans toutes les cultures paysannes animistes. On ne peut s'empêcher en feuilletant ces belles pages, soigneusement imprimées, à la vitesse à laquelle le Japon s'est modernisé sous l'influence occidentale, comme s'il n'attendait que ça.
Les démons auxquels le Japon se soumet désormais sont surtout technologiques. La mort n'a plus les traits d'une sorcière mais plutôt d'une centrale nucléaire ou d'une moto de course vrombissante.
La série "Le Goulag" et le personnage d'Eugène Krampon créés par Dimitri pour "Charlie-Mensuel" (1975).
+ Le ministère de la Défense a dévoilé la liste des BD nominées aux "Galons de la BD", prix qui sera décerné au printemps dans le cadre de "L'Année de la bande dessinée" 2020-21 à des BD traitant de sujets militaires. Trente-sept maisons d'édition ont postulé.
La culture a toujours une dimension guerrière ; les événements politiques récents ont montré que la démocratie n'est pas moins guerrière que d'autres cultures et que ce ne sont pas les prétextes "humanistes" qui manquent pour faire la guerre.
Le cinéma idéalise systématiquement la guerre : les combats ressemblent à des opéras de Wagner, les combattants ont presque toujours des motifs nobles et une jolie fiancée qui les attend. Hollywood est passé maître dans l'exaltation de la guerre et la production de films de propagande assez subtils. On sait d'ailleurs le rôle ou l'usage des actrices de cinéma pour redonner le moral aux troupes.
Moins industrielle que le cinéma, la bande dessinée qui sert souvent aussi la propagande de tel ou tel régime, est parfois antimilitariste. On peut citer Jacques Tardi, qui critique le nationalisme de son père dans "Stalag IIB". Certaines BD de Hugo Pratt sont aussi antimilitaristes, qui n'hésitent pas à passer au crible l'héroïsme des soldats et à faire ressortir des motifs moins nobles.
Mais le cas de bédéaste-soldat le plus frappant est sans doute Guy Sajer ; de père français et de mère allemande, Sajer s'engagea à 17 ans dans la Wehrmacht, fit toute la campagne de Russie jusqu'à la défaite allemande, y survécut avant de revenir vivre incognito chez ses parents en Alsace (cf. "Le Soldat oublié").
Par la suite Guy Sajer entama une (longue) carrière d'auteur de BD, sous le pseudonyme de Dimitri ou Mouminoux, travaillant à la fois pour "Hara-Kiri" , "Charlie-Mensuel", "Pilote" et "Spirou", dessinant à la fois pour les adultes et pour les enfants. La guerre est surtout présente dans les BD de Dimitri-Mouminoux à travers la famine, puisqu'au terme de leur guerre fanatique, dans le froid glacial, les soldats allemands ne parvenaient plus à se nourrir décemment.
+ Retiré de la vie politique depuis l'attentat auquel il échappa, le caricaturiste Luz n'a pas cessé de dessiner et de publier des BD. Dernièrement il illustre "Vernon Subutex" (Albin Michel) de la romancière Virginie Despentes, récit de la descente aux enfers d'un disquaire parisien privé d'emploi.
Luz et V. Despentes en repérage pour le besoin de l'adaptation de "Vernon Subutex".
Voici ce qu'en dit le critique de "Télérama" (Stéphane Jarno) : "(...) L'ancien pilier de "Charlie-Hebdo" n'a rien perdu de son mordant coutumier et son dessin tire naturellement vers la caricature et le grotesque. Avec la tentation de donner parfois de donner le coup de pouce à la balance, d'en faire trop, de surligner un texte dense, très présent et déjà explicite. (...) S'il y a des planches éblouissantes, tant dans la construction que l'expressivité, on a souvent l'impression d'assister à une compétition, une empoignade entre les mots et les dessins, comme si, au lieu de faire des quarts, de se répartir les rôles, les auteurs s'étaient disputés la barre."
On connaît la réponse des caricaturistes quand on leur reproche de surligner et "d'en faire trop" ; dans ce cas-là ils répliquent que ce n'est pas la caricature mais l'époque qui a dépassé toutes les bornes de la décence.
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Revue de presse BD (379)
+ Le recueil de l'année 2020 du fanzine Zébra vient de paraître sous une magnifique couverture signée Adéka. Il vient d'être expédié au jury du concours international du fanzine qui décernera pour la quarantième fois son prix lors de la grande foire à la BD d'Angoulême.
A noter que les organisateurs de ce festival qui aurait dû se tenir à la fin du mois de janvier ont été contraints de repousser à une date ultérieure les longues séances de dédicaces, mais ont maintenu les remises de prix. Certaines bandes dessinées seront exposées dans des gares, où se masseront bientôt les voyageurs en partance pour leurs lieux de villégiature avec une obéissance inquiétante.
+ Faire croire que la France est "le pays de la liberté d'expression" n'est pas moins grave que de matraquer des manifestants qui protestent sans agressivité autre que verbale.
Même les historiens "républicains" ne cachent pas que l'âge d'or de la presse satirique remonte à la IIIe République et que le XXe siècle est une période de déclin ; Hara-Kiri lorgne largement vers le passé, tant sur la forme que sur le fond. Dans sa "Petite histoire de la caricature de presse en 40 images", Dominique Moncond'huy reconnaît : "Gageons que le recul relatif de la satire de presse [au XXe siècle, par rapport au XIXe siècle], à sa manière, constituait un signe de l'affermissement de la République elle-même." (p. 140). Et de relever que le colonialisme fut peu la cible des journaux satiriques.
Autrement dit on peut s'exprimer librement dans la République moderne... à condition de ne pas s'attaquer aux valeurs républicaines.
Si la laïcité ou la loi de séparation des Eglises et de l'Etat (décembre 1905) est une spécificité française utile en matière de liberté d'expression, comme le prétendent certains, comment se fait-il que les valeurs républicaines contemporaines diffèrent aussi peu de l'idéologie démocrate-chrétienne, américaine ou européiste, qui ne comporte pas cette spécificité laïque ?
Si les valeurs républicaines ne sont pas aussi mystiques que le Coran, que signifie cette déclaration récente du chef du gouvernement Jean Castex : - Je suis plus que jamais "Charlie" !? Etre "Charlie" est-il nécessaire pour être "républicain" ? De qui Jean Castex se paie-t-il la tête ?
"Topaze" de Marcel Pagnol illustré par Dubout.
+ Le petit-fils de Marcel Pagnol, Nicolas, a eu l'idée de restaurer la notoriété de l'oeuvre romanesque de son aïeul auprès de la jeune génération en faisant adapter intégralement cette oeuvre en bande dessinée dans la collection "Grand Angle". Un petit film promotionnel expose la méthode de ce type de production.
"Le Château de ma Mère" et "La Gloire de mon Père" fleurent bon le thym, le romarin et les valeurs laïques et républicaines d'antan, lorsque les profs avaient encore du prestige et ne craignaient pas la concurrence de BFM-TV.
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Fanzine n°86 - Décembre 2020
(Une par Zombi)
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Revue de presse BD (378)
+ "Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent." : extraite de "Knock ou le Triomphe de la Médecine" par Jules Romains (1923), cette tirade est exemplaire d'un certain scepticisme français, peu à peu balayé par la foi dans le progrès, voire le miracle technologique.
La satire mordante de Jules Romains de la nouvelle médecine lucrative reste d'actualité un siècle plus tard ; depuis une cinquantaine d'années, la recherche médicale n'a guère fait de progrès que dans le domaine du dopage sportif.
Valéry Giscard-d'Estaing vu par Cabu.
+ "BAL TRAGIQUE A L'EHPAD DE CHAMALIERES - 1 MORT" : l'hommage vibrant de la presse nationale à feu Valéry Giscard-d'Estaing indique que les journaux n'a pas beaucoup changé depuis "Hara-Kiri"... sauf "Charlie-Hebdo" qui est devenu la mascotte de la République policière française.
On se souvient que l'ex-président de la République fut surnommé "le colin froid" par le pamphlétaire Jean-Edern Hallier, soulignant ainsi le profil de technocrate de VGE, qui s'efforçait comiquement de "réchauffer" son image.
Case extraite d'une des trois adaptations récentes de "1984" en BD (par Fido Nesti).
+ La chaîne de télé "Arte" diffuse un documentaire qui compare les oeuvres de George Orwell ("1984") et Aldous Huxley ("Le Meilleur des Mondes") où les deux essayistes britanniques dépeignent un monde en proie à la soif de pouvoir sous des angles différents. Aldous Huxley insiste plus sur le rôle de la médecine au service du totalitarisme ; il faisait lui-même partie d'une famille de médecins et de biologistes darwinistes et les manipulations génétiques l'inquiétaient.
L'aspect médical est aussi présent dans "1984", mais le roman d'Orwell a une portée plus générale.
Le documentaire conclut en désignant la Chine contemporaine comme un régime politique similaire à "Big Brother". Mais le roman d'Orwell décrit un monde globalisé, divisé en trois blocs continentaux régis par des principes totalitaires semblables. D'ailleurs il ne fait pas de doute que le totalitarisme est, pour Orwell comme pour Huxley, le produit de la culture occidentale.
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Revue de presse BD (377)
Déjà défenseur de la veuve et de l'orphelin, Lucky-Luke l'est aussi des noirs dans "Un Cow-boy dans le coton", par Achdé & Jul.
+ Une pleine page accordée au bédéaste Jul dans "Le Monde - Campus" (17 novembre) pour parler de sa scolarité et de ses études. Fils de profs, Jul est bardé de diplômes mais n'a pas enseigné longtemps, par dégoût, dit-il, des rapports hiérarchiques.
Son passage par l'Ecole alsacienne lui a permis de découvrir que "son racisme antiriches n'était pas entièrement fondé et qu'il y en avait même de sympas." Jul ne va pas jusqu'à préciser s'il est encore plus sympa depuis qu'il est devenu riche.
Tous ces diplômes expliquent peut-être son humour intello., plein de références à une culture assez délimitée socialement. L'humour de Goscinny & Morris dans "Lucky Luke" était plutôt le fruit de l'observation sociale (dégoût des hommes pour le mariage, duplicité des avocats, poltronnerie des élus locaux...) renforcée par la lecture de Mark Twain et d'autres témoins de l'Amérique en construction.
Détournement par Gabriela Manzoni.
+ La dernière grosse production politiquement correcte de Jul & Achdé, "Un Cow-boy dans le coton", fait écho au célèbre roman de Margaret Mitchell qui a la guerre de Sécession et ses prémices pour cadre : "Autant en emporte le Vent" ("Gone with the wind", 1936). Cet ouvrage a récemment été déclaré infâme et raciste par la police de la pensée.
Disons d'emblée que si la police de la pensée avait une quelconque cohérence littéraire, on pourrait procéder devant la bibliothèque nationale de France au plus grand autodafé de tous les temps. Très peu d'auteurs s'accordent en effet parfaitement avec les décrets de la police de la pensée en 2020 ; même chez le très lisse Proust, on trouve des piques contre le fléau de la presse quotidienne et les journalistes (traits empruntés à Balzac et Baudelaire, mais on pourrait au moins inculper Proust pour "recel").
Comme le fait observer George Orwell, le but de la police de la pensée est l'incitation à la haine, de sorte que la culture totalitaire a pour seule fonction de satisfaire le besoin de défoulement.
Bien entendu les planteurs de coton "sudistes" décrits par M. Mitchell sont "paternalistes" puisque les planteurs de coton sudistes se montraient souvent tels. Les industriels nordistes par la suite ont pu se comporter ainsi avec leurs ouvriers, noirs ou blancs, et l'écrire dans un roman ne serait pas infamant pour la classe ouvrière.
De même l'auteure s'est inspirée pour le personnage principal (Scarlett O'Hara) de sa grand-mère féministe. Que ce personnage déplaise à telle ou telle féministe autoproclamée n'est pas un motif de censure valable. Ce portrait traduit bien la réalité du pouvoir croissant des femmes dans la société nord-américaine de plus en plus industrielle.
De plus, contrairement à "Tintin au Congo", "Autant en emporte le Vent" n'est pas un ouvrage de propagande, un plaidoyer "pro domo" pour l'esclavagisme. Le roman ne dissimule pas que la victoire des Etats du Nord sur ceux du Sud est avant tout une victoire économique. Quel historien prétendra le contraire ? Le roman ne cache pas non plus, ce qui est moins net dans la fameuse adaptation cinématographique, la sclérose de la petite aristocratie sudiste dont M. Mitchell était issue.
Encore un mérite de "Autant en emporte le Vent" : on ne devine pas le sexe de son auteur, qui importe peu.
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Caricature Emmanuel Macron
Caricature par LAOUBER