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Revue de presse BD (152)

  Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.

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Pamphlet en BD condamné pour diffamation

 

+ « Ce n’est pas parce que vous dessinez que vous avez le droit de tout faire. » : un conseiller cantonal du FN de Carpentras a ainsi commenté la décision de justice en sa faveur, condamnant François Corteggiani à 3.000 euros d’amende et autant de dommages-intérêts pour diffamation. Cet auteur de BD (« La Jeunesse de Blueberry », « Pif », « Alix »), de surcroît employé par « L’Humanité dimanche », avait publié et distribué sur les marchés un pamphlet illustré de six pages contre l’élu FN (F. Corteggiani compte faire appel).

Ignorant le dossier, en particulier la portée des jurons infligés à l’élu FN dans « Hervé le Lapinot » (titre du pamphlet), jurons qui semblent empruntés au capitaine Haddock, on s’abstiendra de commenter davantage cette affaire. Mais une chose est sûre, pour avoir « le droit de tout faire », mieux vaut être ministre de la République que dessinateur.

Ce type de condamnation n’est pas moins dissuasif qu’une « fatwa » lancée de l’étranger, et souvent les rédacteurs en chef redoutent plus les procès que les menaces de mort.

Plusieurs fois annoncé, le retour du journal « Pif » est imminent. Ou, plus exactement, c’est un épais numéro spécial de 192 p. qui paraîtra bientôt. C’est un pari éditorial moins risqué. De fait, comme il est fait mention dans le reportage de G. Podrovnik, ce magazine de BD destiné aux gosses des milieux ouvriers qui contribua à remplir les caisses du PCF, était le reflet d’une époque aujourd’hui révolue. Pour ne citer que l’exemple des gadgets, qui permirent d’atteindre des chiffres de vente dépassant les 500.000 ex. : si le goût du public pour les gadgets n’a pas faibli, en revanche leur coût a grimpé en flèche ; fabriqués parfois par des enfants-esclaves en Chine, les nouveaux gadgets dépareraient sans doute dans la panoplie d’un enfant issu d’une famille « humaniste ».

Du côté de la presse belge, « Spirou » a survécu pour sa part, mais en jouant habilement sur la nostalgie de l’enfance, valeur à part entière pour nos cousins belges. Certaines bandes paraissant aujourd’hui dans « Spirou » s’adressent plus à des adultes nostalgiques qu’à de véritables enfants.

L’opposition idéologique de la presse communiste (« Pif ») à la presse belge en principe catholique (« Tintin », « Spirou ») était toute relative car, ce qui saute aux yeux, c’est l’imitation de la culture américaine dans les deux cas. Certains trouveront même « Rahan », héros emblématique de « Pif », plus réac que « Tintin ».

+ Les trésors de la BD belges s’exposent au Centre Wallonie-Bruxelles (depuis la mi-juin jusqu’à début octobre), non loin du  musée Pompidou à Paris, symbole depuis des lustres du bon goût artistique. Les élites françaises se sont tordues le nez pendant longtemps devant la bande-dessinée, tenue pour une propagande assez grossière à l’usage des enfants. Cette attitude méprisante a provoqué des complexes chez les auteurs les plus sensibles, en mal de reconnaissance. Pour pallier cette souffrance narcissique, certains n’ont pas hésité à ériger la « ligne claire » en concept aussi sophistiqué que le « sein-dasein » de Hegel.

Pourtant, faire partie de la « contre-culture » n’a pas que des inconvénients. Les premiers cocus manifestent d’ailleurs déjà : pour être reconnus, les auteurs de BD n’en sont pas mieux payés, et la reconnaissance fait surtout les affaires de quelques galeristes & commissaires-priseurs. La leçon aurait déjà pu être tirée de l’art moderne : pour un Picasso ou un Van Dongen en limousine, combien de crèves-la-dalle ?

L’exposition du Centre Wallonie-Bruxelles est donc mensongère sur un point : les artisans de la BD belge étaient plus innocents qu’ils n’avaient les mains pleines. Leur mentalité était plus celle d’artisans que d’artistes en mal d’approbation.

« Trésors » s’entend ici au sens propre, puisque la cote des planches de BD ne cesse de croître. Au train où vont les affaires, le Centre wallon risque de se faire cambrioler. Rien n’aurait sans doute fait plus plaisir à Hergé que se faire dérober quelques précieuses planches pour le compte d’un riche collectionneur.

+ Le deuxième tome de « L’Arabe du Futur » vient de paraître, un an après le premier volume, succès d’édition puisqu’il s’est écoulé à 250.000 ex. et a été traduit en plusieurs langues. Riad Sattouf, de père syrien et de mère bretonne, y relate ses souvenirs d’enfance, pour partie passée au Moyen-Orient, du temps de la gloire de dictateurs aujourd’hui assassiné par l’armée française (Kadhafi), ou en délicate posture (Bachar El Assad, fils de Hafez El Assad dont l’ombre tutélaire plana sur la famille Sattouf).

Difficile de ne pas faire le lien entre cette BD et l’attentat du mois de janvier à la rédaction de « Charlie-Hebdo ». Dans le premier tome de « L’Arabe du Futur », Riad Sattouf livre en effet sur un ton innocent un message ou un témoignage assez « incorrect » : les dictatures du Moyen-Orient furent édifiées sur le modèle laïc républicain français, avec souvent la connivence des pouvoirs publics français. Fier de l’application de ce modèle par les nations arabes, le père de Riad Sattouf se dit fier de cet élitisme républicain « à la sauce arabe », dont il espère qu’il permettra à l’avenir aux nations arabes de dominer le monde à la manière des Occidentaux autrefois. Converti à des valeurs plus en vogue, Riad Sattouf tient à se démarquer de son père dans les interviews qu’il donne. Mais le bout de fresque historique réaliste n’est pas moins là, qui illustre des rapports pour le moins ambigus entre les élites occidentales et celles du Moyen-Orient. En creux, le rôle joué par l’islam révolutionnaire dans la population qui ne tire aucun bénéfice du modèle occidental, se laisse deviner. C’est bien dans un tel imbroglio d’intérêts et d’idéologies contradictoires que « Charlie-Hebdo » s’est retrouvé pris.

Troisième et dernier extrait (après les deux précédents) des souvenirs du journaliste Clément Vautel (1941), ancien rédacteur en chef du « Rire », hebdomadaire satirique majeur dans la première moitié du XXe siècle—témoignage de première main sur ce qui représente une page d’histoire de la presse satirique française.

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