La Semaine de Zombi. Vendredi : ...coupable de rouge-brunisme et de trahison des intérêts de l'Assemblée nationale.
françois ruffin
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Caricature François Ruffin
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Revue de presse BD (305)
Gilets jaunes à l'oeil, par KROKUS (aussi dans "Siné-mensuel")
+ Caméra au poing, le député F. Ruffin est allé à la rencontre des Gilets jaunes sur les ronds-points dans le but de faire un film et de comprendre ce mouvement qui a surpris plus d'un militant politique.
Il raconte dans "Les Cahiers du Cinéma" (février) avoir reçu un accueil mitigé : - Les syndicats, les politiques, on veut pas vous voir.
Et F. Ruffin de préciser : - J'ai négocié pour commencer le tournage sur un rond-point à Amiens-Nord où il y avait une situation super. Mais nul n'est prophète en son pays : ils ont voté et dit : "Non, il n'y aura pas d'images, s'il veut filmer les gens, il peut, mais seulement chez eux..." J'étais bienvenu à titre personnel mais en tant que député avec une caméra, c'était niet !
Si ce n'est sur les ronds-points, Ruffin a pu filmer certains Gilets jaunes à leur domicile.
- Dans notre film, on arrive sur une rond-point où on voit un immense portrait d'un gilet jaune. C'est le rôle de l'art : une intervention artistique qui donne une fierté aux gens, un espèce de totem qui les symbolise et qu'ils vont défendre. Mais la police a cassé cette oeuvre, c'est un autodafé artistique.
Qu'est-ce qui se passerait si j'allais à la fondation Louis Vuitton de Bernard Arnault pour casser ses oeuvres ? (...)
+ Le couple de sociologues, M. & Mme Pinçon-Charlot, auteurs d'un ouvrage sur la "violence des riches" (2013), a récemment été accusé de "richophobie" par le quotidien "Les Echos".
"Le Monde" à son tour reproche aux Pinçon-Charlot leur manque de "scientificité" (sic). A en croire l'auteur de l'article, Florent Georgesco, leurs ouvrages bafoueraient la méthode sociologique.
A propos de la richesse, Molière a produit une description psychologique d'une grande finesse puisque elle comprend la dimension métaphysique ou fantasmatique de la richesse. L'avare Harpagon ne possède pas seulement une cassette pleine d'or, il est aussi possédé par elle au point de ne plus s'appartenir, comme on disait autrefois des personnes aliénées.
Il y a là une clef importante pour comprendre la violence de la culture bourgeoise. Quelques trissotins du CNRS peuvent bien contester la scientificité de Molière, cela n'enlève rien à la justesse de sa psychologie ni à la fortune critique de Molière.
"Psikopat" d'octobre 2018 et sa couverture prémonitoire (par Carali).
+ Le magazine "Les Inrockuptibles" a demandé à Mélaka de s'expliquer sur la disparition du magazine de BD "Psikopat" qu'elle dirigeait. Il lui a demandé aussi si elle voyait des éléments positifs dans la situation actuelle de la presse écrite.
- Les éléments positifs de la disparition de la presse ? Euh, toute la pollution en moins ? Les routes débarrassées d'un certain nombre de camions ? La possibilité d'avoir les mêmes plaisirs de lecture, mais en dématérialisé ? Par sa tablette, son portable ? Consultable partout, tout le temps ? Non contingenté par aucune contrainte physique ? (...)
- Pour moi, c'est clair, la presse papier n'a pas d'avenir.
Les propos de Mélaka trahissent une forme de dégoût de la chose imprimée. Internet est placé au banc des accusés comme à chaque fois que l'on évoque la faillite de la presse écrite. En réalité la presse écrite était déjà morte avant la naissance d'Internet. Comment reprocher le désintérêt pour "la vie démocratique" aux Français quand il n'y a plus qu'un cadavre agité par des poulies et des courroies de transmission en fait de "vie démocratique" ?
(Hommage par Fred Sochard)
+ Le grand Tomi Ungerer est mort cette semaine dans son sommeil à l'âge de 87 ans. Grand, Ungerer l'était par la taille, mais surtout par la renommée puisqu'il était considéré comme l'un des deux ou trois meilleurs illustrateurs de livres pour enfants en activité. Les catholiques, les protestants, les Français, les Irlandais, les européistes et les érotomanes revendiquent déjà son héritage.
Ce qui n'est pas donné à tous les dessinateurs en vieillissant, Ungerer a pu s'adonner à son art jusqu'à la fin. Il venait juste de s'épancher dans une longue interview donnée à "Libération".
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Revue de presse BD (295)
+ Le mouvement des Gilets Jaunes ressemble à une révolte de robots, c'est-à-dire d'être humains complètement instrumentalisés par une petite partie de leurs semblables, rabaissés au niveau de l'intelligence artificielle.
Dans "Charlie-Hebdo" (28/11), Fabrice Nicolino est un des rares journalistes à mettre en cause, sans prendre de gants, l'organisation technocratique du pays depuis la Libération. Il dézingue les "villes nouvelles" invivables, les centres commerciaux "qui ont tué la moitié du pays", le réseau autoroutier et le réseau TGV délirants, sans oublier le tél. cellulaire : "Faut pas s'étonner du résultat, et tant qu'on n'aura pas jugé -fut-ce symboliquement-, les politiques anciennes et leurs promoteurs, on n'en sortira pas. Car c'est l'impunité totale. Des visions absurdes bouleversent la vie d'un pays et de ses habitants, et il ne faudrait rien dire. Et merde !"
La technocratie défie non seulement le bon sens (la technocratie repose sur la science-fiction et nullement sur la raison), mais aussi la démocratie.
Le mirage technocratique est largement entretenu par les médias audio-visuels et la presse, déjà sous le feu des critiques en "Mai 68".
Dessin de Piérick, caricaturiste à "Fakir".
+ La presse satirique et les caricaturistes ne soutiennent pas tous le mouvement des #GiletsJaunes comme François Ruffin, fondateur de "Fakir", également élu à l'Assemblée nationale sous l'étiquette de la France insoumise, et impliqué dans plusieurs mouvements sociaux.
Le dessinateur Salch se montre le plus hostile des dessinateurs de "Charlie-Hebdo" au mouvement des Gilets Jaunes, ne retenant que l'arrestation à la frontière de quelques migrants par un groupe de Gilets Jaunes.
Dans un strip humoristique -à prendre sans doute au 3e degré ?-, Vuillemin suggère que les féministes en violet (?) peuvent se montrer plus agressives que les Gilets jaunes.
Quant au rédac chef Riss, il se montre aussi obsédé que Macron et Zemmour par... le maréchal Pétain.
+ Sur le plan des symboles, on peut trouver paradoxal que les déprédations commises contre l'Arc de Triomphe servent de prétexte pour fustiger la violence des Gilets Jaunes, alors même que ce monument rappelle et légitime deux épisodes parmi les plus violents de l'Histoire de France : la dictature napoléonienne et la guerre de 14-18.
"L'unité nationale", pour reprendre un terme mystique employé par E. Philippe, n'a d'ailleurs jamais eu autant de signification concrète que dans les périodes de guerre et de censure.
Couverture du "Petit Psikopat illustré" n°4 par Nicoulaud.
+ Fille de Paul Carali, fondateur du fanzine "Psikopat" (juin 1982), Mela Ka annonce sur sa page Facebook que le "Psikopat" mettra bientôt la clef sous la porte. "Femme à tout faire" au service de ce magazine produit en famille, elle évoque sa lassitude et son bilan carbone négatif (?).
Le "Psiko" était le dernier magazine à servir de tremplin à des humoristes BD débutants.
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Revue de presse BD (257)
Page de titre de "Casque d'Or", BD publiée dans "Circus" en 1975.
+ Peu avant Noël (20 déc.), la dessinatrice de BD Annie Goetzinger "est décédée des suites d'une longue maladie", suivant la formule consacrée; dans ce métier artisanal contraignant, elle était une des rares représentantes de son sexe. Bizarrement les journalistes, qui ont l'indignation facile, ne s'indignent pas tant de la rareté des femmes dans la corporation des bouchers ou celle des boulangers, métiers aussi durs...
A l'école d'art Duperré (mode vestimentaire), A. Goetzinger avait appris à dessiner avec Georges Pichard, auteur de BD érotico-comique dessinant des femmes plantureuses sous toutes les coutures. Le style d'A. Goetzinger reflétait cet enseignement.
Produisant les titres au compte-goutte ("Casque d'Or", "La Fille de la Légion d'Honneur", "L'Agence Hardy"...), A. Goetzinger avait récemment publié une biographie de Colette. Bien que Colette fût une femme indépendante, elle était peu féministe, écrivant par exemple : "Une femme qui se croit intelligente réclame les mêmes droits que l'homme. Une femme intelligente y renonce.", propos qui entraînerait aujourd'hui la condamnation de son auteur par les représentantes de la cause féministe.
A. Goetzinger elle-même était assez circonspecte vis-à-vis de la cause féministe, comme on peut lire dans ce long entretien éclairant son parcours, publié par le site BD-Zoom.
Depuis quelques années A. Goetzinger publiait des dessins (assez fades) dans "La Croix".
Luz et Riss caricaturés par Ignace pour le site d'extrême-droite Medias-presse.info
+ Plein de compassion pour Laurent Sourisseau, alias Riss, suite à la polémique qui l'opposa à Edwy Plenel ("Médiapart"), l'hebdomadaire "Le Point" (21-28 déc.) dresse le bilan de l'action de Riss, à la tête de "Charlie-Hebdo" depuis l'expédition punitive des frères Kouachi, visant plus particulièrement Charb (selon Riss).
Riss est actionnaire principal du titre et il a le soutien moral de la veuve de Cabu et des parents de Charb. Riss a beau déclarer qu'"il ne veut pas que Charlie devienne un musée du 7 janvier", l'article du "Point" indique que, malgré la réticence de son rédacteur en chef à s'engager sur le terrain politique, il y est entraîné inexorablement.
"Le Point" se garde de souligner la situation ubuesque de la rédaction de "Charlie-Hebdo", censée produire dans un bunker sous haute surveillance policière... un journal anticonformiste !?
On apprend que Anne Hommel, conseillère en communication de grosses légumes dont elle s'emploie à polir l'image, continue d'être employée par "Charlie-Hebdo" ; son agence a récemment organisé la fête d'anniversaire de "Charlie"... boudée par quelques ex-collaborateurs. Anne Hommel (et l'avocat Richard Malka) ont joué un rôle décisif dans le sauvetage de "Charlie-Hebdo", que la tempête médiatique a bien failli engloutir.
+ L'hebdomadaire "Le Point" se fait aussi l'écho d'un léger différend entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin à propos de Johnny Hallyday. Le directeur du journal satirique "Fakir", élu député de la Somme sous l'étiquette des "Insoumis", aurait reproché au chef de son parti d'avoir boudé l'hommage national rendu à feu Johnny Hallyday.
Bouder est bien pourtant le moins que l'on peut faire quand on se prétend "insoumis": la culture de masse est devenue au cours du XXe siècle le principal instrument de soumission des masses aux élites, en remplacement des religions traditionnelles. Il n'est que d'observer son rôle dans la mobilisation de l'opinion publique en cas de guerre pour s'en rendre compte.
Si la religion est l'opium du peuple, la culture de masse doit être dénoncée comme une drogue "dure".
J. Hallyday, chanteur-caméléon assez habile pour rester dans le vent n'était pas une vedette "populaire" mais "radiophonique", ce qui n'est pas du tout la même chose. L'ère de la production et de la diffusion industrielles de biens de consommation culturels coïncide avec la disparition progressive de la culture populaire, pour des raisons déjà élucidées par K. Marx il y a un siècle et demi.
+ Débats pleins d'hypocrisie que les débats publics autour de la "liberté d'expression" et de la censure. Un dossier spécial du "Canard Enchaîné" (avril 2016 - n°139) mentionne qu'un amendement des députés PS (CL41/novembre 2016), promu par Sandrine Mazetier et soutenu par l'opposition, a failli rétablir la censure au nom de l'ordre public, sous prétexte de réduire au silence le polémiste Dieudonné.
L'argument de l'ordre public, qui n'a que l'apparence d'un critère juridique, est analogue à celui du blasphème dans les régimes dits "théocratiques". L'ordre public est en effet une notion arbitraire, à l'instar du blasphème.
Cet amendement CL41 avorté au dernier moment, qui aurait permis au pouvoir exécutif de contrôler toute publication dans le cadre de l'état d'urgence (prolongé), est révélateur de l'usage de la "liberté d'expression" avant tout comme caution d'une presse et de journalistes... qui s'avèrent très peu indépendants. "Charlie-Hebdo" fut créé au début des années 70 en réaction à une forme de sclérose de la presse française; cette sclérose n'a fait que s'aggraver depuis, les restes de "Charlie-Hebdo" faisant office de cache-misère.
Cet amendement traduit aussi l'ignorance des parlementaires que la prohibition pénale est devenue un moyen contre-productif de censure. Bien plus malins les responsables du PS qui ont empêché cet amendement gaffeur au dernier moment.
L'histoire montre que la liberté d'expression, au sens concret du terme, n'est jamais le résultat d'une démarche politique ou juridique positive.
+ Une autre hypocrisie consiste à pointer du doigt la censure des réseaux sociaux américains, Facebook en tête. Facebook applique bien des mesures de censure, motivées par des raisons commerciales; mais le réseau social américain applique surtout des mesures de censure à la demande des gouvernements de tel ou tel pays. La France n'est pas en reste comme l'atteste le rapport fourni par Facebook, où l'on peut comparer la surveillance de la justice française avec celle d'autres gouvernements.
Le jeune sociologue Romain Badouard (université de Cergy-Pontoise), au cours d'un débat sur ce thème organisé par "France 5" (en présence de Plantu et Michel Serres) commet un lapsus révélateur (41'50"); parlant de la censure, il ne peut s'empêcher d'ajouter : "aussi légitime soit-elle". Bien plus que la liberté d'expression, c'est la censure que le langage politiquement correct légitime, au nom d'une éthique dont le bénéfice n'est pas mieux établi que le bénéfice de la morale puritaine.
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Websérie "Vive le Cynisme !"
Le cynisme est le meilleur remède contre l'enflure de l'esprit.
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Caricature Jean-Michel Aphatie
La Semaine de Suzette Zombi. Mercredi : Jean-Michel Aphatie a dû monter au créneau face au documentariste François Ruffin pour défendre la fiction d'une radio libre et indépendante ("Europe 1" en l'occurrence, propriété du groupe Lagardère).
Le danger de la richesse, pointé du doigt depuis l'Antiquité, est dans les illusions qu'elle procure, y compris l'illusion du partage équitable des richesses, probablement le calcul révolutionnaire le moins noble.
La censure moderne réside d'ailleurs beaucoup plus dans l'entretien d'un certain nombre d'illusions, d'ordre sentimental, politique ou économique, que dans l'action juridique coercitive de l'Etat napoléonien, hitlérien ou stalinien, contre ceux qui osent défier la vérité officielle légale et les tribunaux qui la défendent.