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daumier - Page 2

  • L'Oeil de Baudelaire***

    Baudelaire, critique d'art avisé et influent, aurait-il fait l'apologie de la bande dessinée ?webzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,caricature,critique,oeil,baudelaire,musée,vie romantique,delacroix,robert kopp,constantin guys,daumier,eugène sue,dumas,colporteur,salon,jean clair

    On peut fournir quelques éléments de réponse à partir des documents proposés par "L'Oeil de Baudelaire" et présentés par quelques spécialistes de ce poète (Robert Kopp en tête), qui fut d'abord un critique d'art avant d'être l'auteur des "Fleurs du Mal", recueil auquel il doit sa notoriété.

    Et Baudelaire n'est pas le moindre des critiques d'art ! D'abord il sait de quoi il parle, ce qui tranche avec le dilettantisme habituel des littérateurs français ; ensuite il invente "l'art moderne", avec la connivence tout de même du peintre Delacroix (et de quelques autres).

    En dehors du cadre tracé par Baudelaire, l'art moderne serait en effet seulement "contemporain"; ou encore ce serait l'art bourgeois (dans lequel la bourgeoisie croit bon d'investir ses deniers), c'est-à-dire une idée de l'art où l'argument économique l'emporte sur l'estimation critique.

    Or il y a un aspect de la bourgeoisie qui représente aux yeux de Baudelaire une menace pour l'art, c'est l'industrialisation. Pour sa part Delacroix parle de "littérature industrielle" pour désigner la mauvaise littérature de feuilletonistes tels qu'Eugène Sue ou (son ami) Alexandre Dumas - on ne parlera que plus tard de "culture de masse".

    Dans la mesure où elle représente l'art le plus mécanique et industriel, après s'y être intéressé de près, Baudelaire et Delacroix vont dénigrer la photographie.

    Il convient sans doute de dire deux mots de la personnalité et des convictions de Baudelaire, qui déterminent en partie sa conception de l'art moderne. Baudelaire est assez inclassable politiquement, du moins sur la base de la nomenclature actuelle gauche/droite. C'est un révolutionnaire repenti, qui considérait son élan révolutionnaire a posteriori comme un geste immature. Il se veut catholique, mais le catholicisme de Baudelaire est d'un genre particulier : non seulement Baudelaire croit au diable, mais consomme de surcroît du haschisch et vit en concubinage avec une prostituée. Un psychanalyste expliquerait sans doute sa misogynie invétérée par le rapport conflictuel avec sa mère.

    A noter qu'une bande-dessinée parue récemment s'est amusée à peindre Baudelaire en précurseur du mouvement "punk".

    Plus nettement, le poète est hostile à la philosophie des Lumières, honorée par la bourgeoisie et responsable à ses yeux d'un art sans imagination, imitant platement la nature. Les philosophes des Lumières sont accusés de paganisme, et d'avoir purgé l'art de la notion de péché originel, qui seule permet à ses yeux de rendre compte de la condition humaine.

    L'art moderne doit donc selon Baudelaire être porteur d'un message, ou au moins d'un questionnement métaphysique, non seulement incliner le spectateur au bonheur et chantant les louanges de la nature. L'oeil de Baudelaire est d'ailleurs assez exercé pour porter des jugements contrastés et ne pas condamner en bloc l'art néo-classique de David ou d'Ingres, accordant par exemple à ces derniers d'être des portraitistes d'exception.

    Le mérite exceptionnel accordé par Baudelaire à Delacroix, qu'il placera parmi les "phares" de la peinture occidentale aux côtés de signatures prestigieuses, est de ne pas se contenter d'exécuter son art en se laissant guider par la nature, mais d'y ajouter la réflexion.

    Il n'est pas anodin que le "peintre de la vie moderne" idéal, retenu par Baudelaire pour incarner sa doctrine de l'art moderne, soit un auteur de reportages dessinés, pratiquement autodidacte : Constantin Guys. Ce dernier mieux que d'autres a fait l'effort de traduire la vie moderne en images.

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    Esquisse représentant de jeunes colporteurs de journaux, par Constantin Guys.

    En propulsant le caricaturiste Daumier au premier rang des artistes qui méritent que l'on s'y attarde, pratiquement au même niveau que Delacroix ou Ingres, Baudelaire n'hésite pas à se montrer iconoclaste en matière de critique d'art, tout en dévoilant son penchant pour la satire (comparant Daumier à Molière et Balzac).

    Baudelaire fait fi des anciennes catégories et se passionne pour les nouvelles techniques de diffusion de l'art (l'estampe); ce faisant, il contribue à la fusion des arts -de la poésie et de la peinture-, tandis que la peinture de Delacroix lorgne vers la musique.

    L'ouvrage publié par le Musée de la Vie romantique regroupe en différents thèmes les critiques de Baudelaire et les illustre à l'aide des artistes que Baudelaire sut distinguer mieux que d'autres, grâce à ses talents de poète et une passion sincère pour l'art.

    On peut désormais répondre à la question posée en préambule : qu'est-ce que Baudelaire aurait pensé de la bande-dessinée ? On voit que Baudelaire définit l'artiste moderne au-delà de la capacité à maîtriser une technique, et indépendamment d'une hiérarchie entre les arts. La question de savoir si la bande-dessinée est un art ne nous ramène pas au XIXe siècle mais plutôt au moyen-âge, tant elle est théorique.

    On constate aussi que Baudelaire juge au cas par cas ; on pourrait dire qu'il a des "coups de coeur", si ses jugements n'étaient pas toujours étayés. Sa pratique régulière du dessin semble destinée à raffermir son jugement.

    Cet attitude individualiste fait écho aux convictions antisociales de Baudelaire, particulièrement remonté contre une société bourgeoise qu'il accuse de tendre inexorablement vers l'uniformité.

    A noter que pour Baudelaire la satire n'est pas destinée à faire rire ; dans un paragraphe assez célèbre il vilipendait ainsi le rire : "(...) Le rire, disent les physiologistes, vient de la supériorité. Je ne serais pas étonné que devant cette découverte le physiologiste se fût mis à rire en pensant à sa propre supériorité. Aussi, il fallait dire : Le rire vient de l'idée de sa propre supériorité. Idée satanique s'il en fut jamais ! Orgueil et aberration ! Or, il est notoire que tous les fous des hôpitaux ont l'idée de leur propre supériorité développée outre mesure. Je ne connais guère de fous d'humilité. Remarquez que le rire est une des expressions les plus fréquentes et les plus nombreuses de la folie. (...)

    J'ai dit qu'il y avait symptôme de faiblesse dans le rire ; et, en effet, quel signe plus marquant de débilité qu'une convulsion nerveuse, un spasme involontaire comparable à l'éternuement, et causé par la vue du malheur d'autrui ? Ce malheur est presque toujours une faiblesse d'esprit. Est-il un phénomène plus déplorable que la faiblesse se réjouissant de la faiblesse ? (...)" 

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    Daumier caricature les "amateurs classiques convaincus que l'art est perdu en France" (au Salon).

    L'Oeil de Baudelaire, ouvrage collectif, éd. Musée de la Vie Romantique, 2016.

  • Revue de presse BD (237)

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    Une des nombreuses têtes de Balzac exécutées par Rodin, à la recherche de l'expression du grand romancier réaliste.

    + L'acteur Vincent Lindon a coproduit un film qui retrace une partie de la vie de Rodin, dans lequel il joue le rôle du sculpteur. Le scénario est focalisé sur la statue de Balzac, qui joue un rôle important dans la carrière de Rodin ; en effet cette statue en pied, qui ressemble à une caricature de Daumier, ne fut pas du goût de la Société des gens de lettres qui l'avait commandée (et qui réclama même son remboursement), ni du public qui se moqua du sculpteur et cette oeuvre originale. En revanche Rodin était satisfait du résultat et de ses efforts pour saisir l'expression du modèle d'après des documents et des témoignages.

    - On s'est beaucoup moqué de lui. Mais on s'accorde à dire aujourd'hui que c'est le point de départ de la sculpture moderne. Avant Rodin, les écrivains étaient systématiquement sculptés dans un fauteuil avec une plume et un encrier dans les mains... Et voilà son Balzac représenté nu, sans aucun de ces attributs.

    V. Lindon oublie le Voltaire nu de Pigalle (1714-1785), meilleur portraitiste que Rodin au demeurant, qui fit scandale auparavant. D'ailleurs, après avoir représenté Balzac nu, la bedaine en avant, Rodin le recouvrit de la grande robe dans laquelle Balzac aimait s'envelopper pour écrire selon le témoignage de son ami Th. Gautier.

    + Dans son édition de la semaine dernière (17 mai), le "Canard Enchaîné" (Frédéric Pagès) révèle que lewebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,mai,2017,caricature,vincent lindon,pigalle,auguste rodin,balzac,françois hollande,cambadélis,canard enchaîné,frédéric pagès,catherine duchêne,bonne étoile,cabu,françois forcadell,daumier,panthéon président sortant François Hollande a reçu, comme cadeau de départ, remis par J.-C. Cambadélis au nom du Parti socialiste, une toile de la jeune artiste avignonnaise Catherine Duchêne, intitulé "La bonne étoile". F. Mitterrand était reparti, au terme d'un règne beaucoup plus long, avec une Renault Twingo. L'hebdo se montre ironique avec la jeune artiste qui a peint la toile ; mais, après tout, le PS n'est-il pas le parti de la culture ?

    + S'ils jugent le cadeau du PS à François Hollande insuffisant, les journalistes du "Canard" peuvent toujours se cotiser pour lui offrir le dernier album des meilleurs dessins de Cabu ("Le Journal des Présidents"), dont François Forcadell dit ici tout le bien qu'il pense.

    Après avoir souligné l'étendue du talent de Cabu, non seulement caricaturiste mais aussi "paysagiste" ("Revoir Paris") et auteur [inégalé] de reportages satiriques, F. Forcadell émet le voeu que Cabu rejoigne Daumier au Panthéon des caricaturistes. H. Daumier se distinguait aussi par une palette étendue, plus étendue encore que celle de Cabu puisqu'il pratiquait aussi la sculpture et la peinture, en plus des arts maîtrisés par Cabu.

    L'histoire de l'art, souvent élitiste et méprisante vis-à-vis de l'art populaire, a fini par reconnaître l'influence de Daumier sur l'art moderne du XXe siècle. Le rayonnement de Cabu sur les arts voisins n'est pas équivalent, loin s'en faut.

    On peut craindre par ailleurs que Cabu ne soit transformé en martyr de la cause républicaine laïque (chauvinisme déguisé en humanisme), bien qu'il n'a pas ménagé tout au long de sa carrière ces trois piliers de la République que sont l'Education nationale, la police et l'armée. Ce ne serait pas le premier cas de dessinateur pacifiste réquisitionné pour le compte de la guerre des idées.

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    Le légendaire café "Procope", Voltaire et Guillotin vus par Cabu (In : "Tout Cabu").

     

  • Revue de presse BD (231)

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    Centaure jouant avec des polichinelles, par Tiepolo - dessin cédé par le collectionneur J. Horvitz, afin de se concentrer sur sa collection de dessins français.

    + Le Petit Palais expose jusqu'au 9 juillet une partie de la collection de dessins français du XVIIIe siècle de l'Américain Jeffrey Horvitz, qui compte plus de mille pièces. Après avoir été marchand d'art contemporain à Los Angeles, J. Horvitz entama une collection de dessins anciens italiens et français dans les années 80. Il a revendu ses dessins italiens il y a une dizaine d'années pour se concentrer sur sa collection française, qui compte notamment des dessins de Watteau, Boucher, Fragonard et David.

    + Sous le titre : "Le canard qui a coupé les ailes de Fillon", l'hebdomadairewebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,revue,presse,hebdomadaire,avril,2017,actualité,canard enchaîné,fillon,bloomberg businessweek,macron,lepen,bokassa,bérégovoy,petit palais,dessin,expo,jeffrey horvitz,watteau,fragonard,david,boucher,tiepolo,centaure,faber-castell,concours,philgreff,blog-bd,coquillard,saint-jacques,compostelle,pèlerinage,lb,exp,lyon,arte,anarchisme,tancrède ramonet,lcp,proudhon,daumier,marx,capitalisme,charivari,huskmitnavn "Bloomberg Businessweek" (10-23 avril) décrit "Le Canard enchaîné" ["The Chained Duck"] à ses lecteurs américains comme tranchant avec l'austérité des titres dédiés à l'actualité politique comme le "Washington Post" aux Etats-Unis, le "Times of London" en Angleterre ou le "Frankfurter Allgemeine Zeitung" en Allemagne. "Bloomberg" décrit comment le "Canard" a torpillé la candidature du candidat conservateur (sic) François Fillon, menaçant aussi E. Macron et M. Le Pen par ses révélations. Il cite parmi les affaires les plus retentissantes dans l'histoire du "Canard", les bijoux offerts par Bokassa à Giscard-d'Estaing ou la révélation du prêt sans intérêt consenti à P. Bérégovoy.

    Pour dire à quel point les élites politiques françaises scrutent le "Canard" et redoutent ses "scoops", "Bloomberg" cite le président F. Hollande lors d'un récent conseil des ministres : - Heureusement que le "Canard" ne paraît que toutes les semaines !

    L'hebdomadaire économique s'étonne du pouvoir persistant du "Canard enchaîné" à l'heure de la presse d'actualité politique en ligne ("Huffington Post", "BuzzFeed"). "Avec un tirage hebdomadaire de 400.000 ex. vendus à 1, 20 euros chacun, "Le Canard" a engrangé 25 millions d'euros en 2015 et fait 2 millions d'euros de bénéfice.", précise cet hebdo porté sur les chiffres.

    En revanche "Bloomberg" ne mentionne pas la subvention publique (indirecte) du "Canard" à hauteur de 500.000 euros environ par an. Invoquée par le parti de F. Fillon pour contre-attaquer, cette information est pourtant révélatrice du fonctionnement de la presse française, autant que le scoop du "Canard" l'est du fonctionnement de l'institution parlementaire.

    + "Arte" diffuse un long documentaire sur le courant de pensée/et ou révolutionnaire anarchiste, dont l'ouvrier-typographe français Proudhon rédigea le premier manifeste, enwebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,revue,presse,hebdomadaire,avril,2017,actualité,canard enchaîné,fillon,bloomberg businessweek,macron,lepen,bokassa,bérégovoy,arte,anarchisme,tancrède ramonet,lcp,proudhon,daumier,marx,capitalisme,charivari,petit palais,dessin,expo,jeffrey horvitz,watteau,fragonard,david,boucher,tiepolo,centaure,faber-castell,concours,philgreff,blog-bd,coquillard,saint-jacques,compostelle,pèlerinage,lb,exp,lyon,caricaturiste écrivant que "La propriété, c'est le vol." Bizarrement, la chaîne de télévision officielle de l'Assemblée nationale "LCP" (dirigée par Marie-Eve Malouine) est coproductrice de ce documentaire plutôt élogieux à l'égard d'une cause, la moins laïque et républicaine possible, qui plus est en période de campagne électorale, processus dont les anarchistes considèrent qu'il n'est qu'un simulacre démocratique.

    L'anarchisme a souvent croisé le chemin de l'art moderne, dans la mesure où les artistes ont souvent accusé la bourgeoisie industrielle d'être ennemie de l'art et d'oeuvrer insidieusement à sa destruction.

    La première partie du documentaire s'attache à décrire le courant anarchiste comme un courant d'émancipation du prolétariat opprimé par la bourgeoisie industrielle, prônant tantôt l'émancipation par la science, tantôt par la révolte armée en désespoir de cause ; réprimées par les forces de l'ordre républicaines, les tentatives de révolte anarchistes s'achèvent dans des bains de sang et une répression féroce à faire pâlir de jalousie Bachar El Assad.

    Ce documentaire incite à se poser la question suivante : - en dépit du déséquilibre criant des forces en faveur de l'ordre public républicain, fasciste ou soviétique, qu'est-ce qui peut faire que l'anarchisme perdure, si ce n'est en Occident, où l'argent dicte sa loi, du moins dans les régions du monde où l'esclavage persiste ? La réponse à cette question est assez simple : l'iniquité, tant qu'elle persiste, consacrée à travers la propriété ou l'Etat, continue de susciter l'anarchisme comme une réponse ou une tentative de réponse à un problème sur lequel la science politique reste muette.

    Les solutions politiques d'inspiration marxiste, mises en oeuvre par des régimes populistes, ont échoué à triompher de l'iniquité ; néanmoins la démonstration par Marx de l'iniquité des régimes bourgeois républicains, renouvelée voire accrue à travers le capitalisme, continue d'être corroborée par des faits que la presse bourgeoise a bien du mal à dissimuler, malgré sa vocation à noyer le poisson sous un déluge d'informations le plus souvent anecdotiques.

    C'est un lieu commun de considérer l'anarchisme comme un courant de pensée ou un mouvement utopique ; cependant l'effort politique pour faire taire définitivement l'anarchisme semble tout aussi utopique.

    (Docu. en deux volets par Tancrède Ramonet diffusé encore quelques jours) (Caricature ci-dessus de Proudhon doté d'une auréole, par Daumier, parue dans "Le Charivari" en 1849.)

    + La marque de crayons Faber-Castell organise un concours de dessin entre étudiants en écoles d'art, qui peuvent "poster" leurs dessins sur Instagram, en ajoutant le "hashtag" #ASW17ByFaberCastell et concourir ainsi jusqu'au 16 avril.

    Puisque le thème de ce concours est le "dessin", on note que ce mot ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui ; le dessin a perdu son caractère de "leçon de physique", qui le rapprocha du langage scientifique ; son apprentissage permettait aux artistes, apprenant l'anatomie de façon plus ou moins empirique, d'insuffler la vie à leurs oeuvres. Le registre de l'artiste danois Huskmitnavn est très différent, puisqu'il se sert du crayon et du papier pour créer une illusion d'optique amusante.

    Comme tout est dessin, plus rien ne l'est, et les professeurs de BD doivent rappeler à leurs élèves (parfois de façon fastidieuse), que la BD est avant tout un art de raconter.

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    + Auteur de BD et illustrateur, Philgreff tient un blog-bd, quotidiennement mis à jour, où différentes rubriqueswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,revue,presse,hebdomadaire,avril,2017,actualité,canard enchaîné,fillon,bloomberg businessweek,macron,lepen,bokassa,bérégovoy,petit palais,dessin,expo,jeffrey horvitz,watteau,fragonard,david,boucher,tiepolo,centaure,faber-castell,concours,philgreff,blog-bd,coquillard,saint-jacques,compostelle,pèlerinage,lb,exp,lyon,caricaturiste se succèdent (strips, croquis, planches de BD) ; depuis quelques semaines, Philgreff publie "Coquillards", un feuilleton-BD racontant son pèlerinage à St-Jacques-de-Compostelle avec un copain (en partant de Vendée, en 2000). Comme Philgreff et son pote ne sont pas très catholiques, mais surtout désireux de rompre avec leur train-train quotidien, ils reprennent à leur compte le sobriquet de "coquillards", dont un curé rencontré en chemin les affuble; on nommait "coquillards" autrefois les brigands qui détroussaient les pèlerins de passage. Première page ici.

    + Notre collaborateur LB, également pigiste à "Siné-Mensuel" depuis quelques mois, expose ses dessins à Lyon pendant un mois en compagnie de confrères caricaturistes.

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  • Revue de presse BD (229)

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    Emile Ollivier en chauve-souris par Daumier. Elu du Var et chef du Tiers-Parti, il engagea "d'un coeur léger" la France en guerre contre la Prusse en 1870 en tant que chef de gouvernement nommé par Napoléon III.

    + Sur le blog d'un militant royaliste qui se passionne pour la campagne présidentielle (ce qui est loin d'être aussi paradoxal qu'il paraît à première vue), le candidat Emmmanuel Macron est comparé à la chauve-souris de la fable, qui sait jouer de sa double appartenance à l'espèce des rats et celle des oiseaux ("La Chauve-Souris et les deux Belettes", Livre II, n°5) ; moralité :

    "Plusieurs se sont trouvés, qui d'écharpe changeants,
    Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue.
    Le sage dit, selon les gens :
    Vive le Roi ! vive la Ligue !"

    Les fables de La Fontaine ou d'Esope sont de grandes pourvoyeuses de métaphores animalières pour les caricaturistes, qui en font un large usage depuis longtemps; un si large usage que l'on pourrait reprocher aux caricaturistes de manquer d'imagination ; à moins que ce ne soit l'exercice du pouvoir qui soit constamment soumis aux mêmes lois ?

    + Au cours de la campagne, les médias s'amusent à dévoiler des détails pittoresques de la biographie des différents candidats -telle la passion (coûteuse) d'Untel pour les courses de rallye automobile.

    Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a -brièvement- été caricaturiste à "La Tribunewebzine,bd,gratuit,fanzine,bande-dessinée,revue,presse,hebdomadaire,mars,2017,actualité,jean-luc mélenchon,royaliste,lafautearousseau,la fontaine,chauve-souris,daumier,moz,la tribune,jura,la croix,caricature,bertrand tillier,l'oeil,caricaturesque,avant-garde,hara-kiri,spirou,frédéric niffle,florence mixhel,franquin,delporte,émile ollivier,napoléon iii,tiers-parti du Jura" (journal fondé par lui, rapidement en faillite) et "La Croix du Jura", sous le pseudonyme de Moz; ses convictions auraient été un frein à sa carrière au sein de ce journal d'obédience catholique.

    L'usage de la caricature à des fins polémiques ou politiciennes est assez répandu; on ne saurait réduire la satire à cet usage. Honoré Daumier a davantage marqué les esprits, son souvenir et son oeuvre demeurent plus vivaces que Louis-Philippe et son règne. De même il y a fort à parier que l'empreinte de Cabu est plus profonde que celle de Hollande, Mitterrand, Giscard, Chirac, qu'il a résumés en les croquant. L'histoire et la politique sont deux choses concurrentes et non accordées.

    + "La caricature n'est pas un art d'avant-garde. Si elle constitue souvent un objet de modernité politique et idéologique, en termes d'esthétique, c'est un objet qui n'échappe pas à une forme de classicisme. L'enjeu du tirage pousse les patrons de presse dans la course à l'efficacité. Il faut être lu et vu par le plus grand nombre. Cela laisse peu de place aux formes audacieuses (...)" dixit Bertrand Tillier (Itw dans "L'Oeil" - supplément "Le meilleur du dessin").

    On n'est pas obligé de prendre au sérieux l'avis de cet universitaire (auteur aux éds. de La Martinière de "Caricaturesque") ; fréquemment sollicité ces derniers temps, le point de vue "docte" sur l'histoire de la caricature française est très lié au préjugé politique selon lequel la caricature se serait épanouie sous le régime républicain - ce qui est probablement aussi faux que de prétendre que la littérature subversive de Molière est le produit du régime tyrannique de Louis XIV.

    De surcroît, la rhétorique esthético-historique de B. Tillier est complètement bidon. On pourrait aussi bien dire de l'art de Picasso qu'il n'échappe pas à une forme de classicisme EN MÊME TEMPS qu'il est le plus représentatif de "l'avant-garde", notion au demeurant complètement obscure. Plus fausse encore l'idée que l'enjeu du tirage pousse les patrons de presse au conformisme esthétique. On en a un exemple récent avec "Hara-Kiri", dont les tirages phénoménaux ont surpris en tout premier lieu les "patrons de presse" qui avaient lancé ce titre et ne visaient pas un tel succès.

    + L'hebdomadaire belge de bande-dessinée "Spirou" va changer de rédacteur en chef. L'actuel, (Frédéric Niffle) va passer la main à une rédactrice-en-chef, Florence Mixhel ; et les chroniqueurs BD les plus démagogues en profitent pour redéployer le poncif de la misogynie des auteurs de BD. S'agissant d'une littérature de genre ou "spécialisée", comme la BD dite "franco-belge", rien d'étonnant à ce qu'elle ait été confiée plutôt à des hommes.

    Le public de "Spirou" -qui se vante d'avoir 300.000 abonnés-, a beaucoup changé depuis l'âge d'or de Franquin et Delporte. D'abord il a beaucoup vieilli, comme le courrier des abonnés l'indique parfois, et l'humour de potaches quinquagénaires de certaines rubriques.

    Les séries proposées visent désormais un lectorat mixte ; les jeunes filles sont-elles admises à lire "Spirou" en raison de l'émancipation supposée des femmes, ou pour compenser la perte de lecteurs de sexe masculin, plus attirés par les jeux vidéos ? Il ne faudrait pas que le féminisme devienne l'alibi du mercantilisme.

    L'adoption (déjà ancienne) de la mixité à l'école a-t-elle vraiment contribué à combler le fossé entre les sexes ? Dans le domaine de la culture et de la lecture, quelques différences subsistent, mesurées ainsi par les statistiques : l'achat de livres est le fait d'une écrasante majorité de femmes (70 %) ; on peut penser que le sentimentalisme de la littérature contemporaine est la cause de ce déséquilibre ; la bande-dessinée fait exception, puisque les BD sont surtout lues par des hommes ; sans doute à cause de la spécialisation des ouvrages dédiés à la jeunesse et de la pornographie visant les hommes adultes attardés ou frustrés.

    Conclusion : la culture de masse est la plus égalitaire : elle prend tout le monde pour des cons.

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    Case extraite d'une planche de la série "Capt'ain déprime" ("Spirou" 15 mars 2017) qui prouve que cet hebdo pour ados a bien changé depuis le temps où la Commission de surveillance des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence (loi de 1949) censurait certains dessins à caractère sexuel ou violent. 

     

     

  • Revue de presse BD (213)

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    Dessin d'Ulys

    + Pire que la mort s'avèrent parfois les hommages publics que celle-ci vous vaut ; on a pu le voir récemment avec les caricaturistes de "Charlie-Hebdo", dont plusieurs chefs d'états terroristes tinrent à honorer la mémoire.

    Moins violente, la mort de Marcel Gotlib, humoriste et ex-patron de "Fluide-Glacial", n'a pas provoqué le même maëlstrom médiatique. Sobrement, sur le site du quotidien le moins satirique de France, Yves Frémion donne l'extrême-onction à son confrère, en essayant de résumer sa contribution à la "culture française" (expression tout de même un peu pompier). Y. Frémion tente de définir les trois sortes d'humour que Gotlib pratiquait ensemble : - l'humour juif (autodérision), l'humour british (basé sur le sang-froid), et l'humour français (calembour) ; rapprocher l'humour français du calembour, c'est faire fi du mot de Victor Hugo : - Le calembour est la fiente de l'esprit.

    - "Parodiste", le mot est lâché par Eric Aeschimann pour qualifier Gotlib en préambule d'un entretien fleuve sur "France-Culture" (2011, "A voie nue"). L'humoriste y retrace son itinéraire, son parcours professionnel, dit  son admiration pour Hogarth, sa formation aux "Arts appliqués" par Pichard, ses oeuvres méconnues (l'adaptation du "Général Dourakine"), son indifférence vis-à-vis des questions politiques...

    - Un site internet regroupe quelques hommages dessinés rendus à Gotlib.

    + Leur implication dans la vie politique française a indirectement coûté la vie à ses confrères ; on comprend donc que Luz (ex-"Charlie-Hebdo") se montre circonspect vis-à-vis du principe de l'engagement de l'artiste, affirmant dans une interview récente (6 décembre) : "Pour moi, le véritable engagement de l'écrivain est de vous gifler pour vous réveiller. Pas de vous tenir la main." En pratique, les régimes totalitaires soviétique, nazi ou démocrate-chrétien, exigent des artistes, sous prétexte d'engagement, qu'ils se transforment en agents de propagande.

    Comme Luz vient d'illustrer un ouvrage d'Albert Cohen ("Ô, vous, frères humains"), on l'interroge sur ses écrivains préférés. Lisant peu, Luz, préfère botter en touche et évoquer le goût de feu Charb pour Balzac : "Charb était un dévoreur monomaniaque du romancier de Tours, dont je suis originaire." Luz se montre virulent à l'égard de la Bible, qu'il qualifie de "conte pour enfants, que les adultes prennent au sérieux" (décrivant ainsi le principe de la mythologie en général). S'agissant de dessin et de caricature, Luz se montre plus disert, vantant Daumier et surtout Dubout.

    + On a une meilleure idée de la ligne politique et de l'engagement de "Charlie-Hebdo" aujourd'hui à travers les chroniques des journalistes. Ainsi dans l'avant-dernier numéro, Iegor Gran trouve du "panache" (sic) dans la décision du président de la République de renoncer à sa candidature ; un autre plumitif (Guillaume Erner) prend la défense de la corporation des journalistes : "(...) De par leur salaire, ils appartiennent pour la plupart à la petite classe moyenne. Comme elle, ils subissent dégraissages, mutations technologiques et autres changements d'actionnaires. La presse est devenue aussi peu rentable que la sidérurgie, elle est donc soumise au même destin." Après avoir nié que les journalistes ont été "coproducteurs" de l'élection de D. Trump, il avoue néanmoins que les journaux sont "renfloués par des oligarques".

    + A propos de presse non subventionnée, le journal satirique "Zélium" (LB, Gab, Cambon, etc.) a besoin de nouveaux subsides pour continuer de paraître en 2017, cela bien que les contributions de ses caricaturistes soient bénévoles ; très coûteuse et strictement encadrée, la distribution de la presse est un moyen de censure indirect des publications anarchistes ; le prosélytisme politique, coûteux en papier et en fonds publics plus ou moins déclarés, quant à lui ne connaît pas la crise.

    + Contributeur de "Zélium", le caricaturiste Rousso a ouvert un blog qui permet de voir et revoir ses dessins truculents.

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    + Une énième série de conférences sur la caricature et le dessin de presse se tiendra le 14 décembre prochain à la BNF ; on est en droit de s'interroger sur le sérieux de telles allocutions ; beaucoup n'ont fait jusqu'ici qu'entretenir la légende dorée d'une République française protectrice des droits de l'homme et de la liberté d'expression. L'histoire est mise de côté au profit de la démonstration. Sur les causes du déclin de la presse satirique, ces conférenciers demeurent d'ailleurs muet, évoquant tout au plus pudiquement "l'affermissement de la République" pour expliquer le recul de la satire de presse (D. Moncond'huy, in : "Petite histoire de la caricature de presse en 40 images".)

    Exposition prochainement (15-31 déc.) à la galerie Claire Corcia (Paris, 3e arr.) des oeuvres de Burlingue, dessinateur et peintre satirique, en compagnie d'autres artistes.

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  • Revue de presse BD (136)

    Extraits de la revue de presse illustrée publiée dans l'hebdo Zébra.

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    + David Alliot, auteur de plusieurs ouvrages sur L.-F. Céline, explique en détail dans le dernier "Bulletin célinien" (n°371, février 2015), comment il est parvenu à convaincre Cabu, hostile à Céline, d'illustrer un de ses bouquins: "Contacter Cabu tenait du jeu de piste. Est-il besoin de préciser que le dessinateur était réfractaire à toute forme de téléphonie mobile ? (...). Lors de notre première rencontre, je lui explique quel genre de dessin je souhaite obtenir. Dans un premier temps Cabu est dubitatif. Céline, ce n'est pas son auteur préféré. Certes, il avait lu naguère Voyage au bout de la nuit, et Mort à Crédit, mais il était gêné par ses écrits antisémites et l'aspect ratiocineur du personnage. (...) A l'entrevue suivante, il était en train de terminer le deuxième dessin (...). Il m'avoua également qu'il avait longuement hésité avant d'accepter de les faire. "Tu peux dire pourquoi un auteur qui écrit de si belles choses peut aussi vociférer des horreurs pareilles". Et Cabu de terminer le dessin : "Tu vas me faire virer du Canard avec des trucs pareils" me reprocha-t-il, avec un grand sourire et un clin d'oeil."

    On n'est pas obligé de partager l'opinion du rédacteur en chef du "Bulletin célinien" (Bruxelles), M. Laudelout, sur Céline, Cabu et la France. D'après Laudelout, les rédacteurs de "Charlie-Hebdo" abhorrent ce qui est typiquement français. Mais le "beauf" de Cabu n'est pas plus français que le gouailleur Coluche, tel titi parisien ou L.-F. Céline (qui n'a rien d'un beauf ou d'un bidochon). Le beauf est plutôt le produit des "Trente glorieuses". De même on ne voit pas en quoi Céline exalte la "classe moyenne", notion au demeurant assez vague et plus statistique, politicienne que célinienne. Céline exalte les "milieux humbles", persuadé que leur mode de vie fruste constitue une chance de s'élever au-dessus de l'instinct (très loin par conséquent des promesses d'enrichissement faites aux beaufs par les politiciens en échange de leurs suffrages).

    + La presse fête en ce mois de février les cent dix ans de la naissance de Bécassine dans la "Semaine de Suzette". Invention de la rédactrice en chef de cette publication destinée aux fillettes (dessinée par J.-P. Pinchon), Bécassine est encore plus détestée des Bretons que Tintin l'est des Congolais. Bécassine symbolise en effet, au même titre que le tirailleur sénégalais jovial des publicités pour la marque de chocolat Banania, les bienfaits de la colonisation.

    On peut vérifier que l'hostilité des Bretons ne faiblit pas, sur les forums en ligne de la presse magazine, où certains signifient leur désapprobation et semblent rester sourds aux tentatives de réhabiliter Bécassine. On s'y dispute même sur le nombre de soldats bretons morts pour la France en 14-18.

    + Le dessinateur américain Robert Crumb, qui a une passion pour les femmes super-trapues (il est lui-même squelettique), a donné un pastiche inachevé de Bécassine, s'excusant en préambule auprès du dessinateur Pinchon de fantasmer sur un personnage en principe conçu pour ne donner aucune prise aux rêves érotiques).

    Comme R. Crumb s'est exilé en France depuis 1991, le magazine new-yorkais "The Observer" lui a demandé des explications sur "Charlie-Hebdo".

    - Est-ce qu'il y a quelque-chose aux Etats-Unis, dans notre histoire, qui se rapproche un tant soit peu de "Charlie-Hebdo" ?

    - Les comics "underground", dans les années 70. Mais aujourd'hui, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de ce genre aux US. Le truc avec "Charlie-Hebdo", c'est que ça a commencé en 1969. La bande de types qui travaillait dans cet hebdo, ils ont tenu le coup pendant des décennies ! Ces types sont plutôt âgés, vous savez, des vieillards pour la plupart. (...) Les auteurs de BD sont pour la plupart d'entre eux des types très âgés. Ils critiquent aussi beaucoup la gauche. Ils disent que la gauche n'est qu'une bande d'hypocrites, d'embobineurs, d'opportunistes, tout ça. Mais de manière générale, ce sont plutôt des sympathisants de gauche à "Charlie-Hebdo". Quoi qu'il en soit, ça paraissait toutes les semaines. Chaque semaine. Et les gens jetaient un coup d'oeil et se marraient (...).

    - Ils avaient des bureaux et du personnel - ils semblaient avoir des moyens financiers corrects...

    - Ouais, j'ai lu récemment qu'ils étaient subventionnés, en particulier après cet attentat de 2011, ils étaient subventionnés par de plus grosses publications. Des trucs "mainstream" à succès. C'était comme une vieille institution assez radicale, vous voyez le genre. Ouais, ça n'existe pas aux US, il n'y a rien dans ce genre. Et ça a duré tellement longtemps, vous savez. Et ils continuent. Ils ne vont pas s'arrêter."

    R. Crumb ajoute qu'il n'a pas hésité une seconde à répondre à la demande de "Libé" de faire un dessin après l'attentat. Il ne voulait pas se dégonfler. Mais il voulait aussi à tout prix éviter de faire un dessin dans le genre "héroïque", comme il y en a eu tant. Il redoute que les autorités françaises en profitent pour durcir leur attitude vis-à-vis des ressortissants de confession musulmane, comme aux Etats-Unis après le 11-Septembre.

    + Dominique-Strauss Kahn, pour le procès du Carlton de Lille, à défaut de Cabu, qui s'adonna quelques fois à ce type d'exercice, est croqué par François Boucq. Il n'est pas rare que les politiciens survivent surtout dans la mémoire du public à travers les caricatures qui ont été faites d'eux, telles les variations de Daumier sur Louis-Philippe, transformé en poire par le roi de la caricature.

    + Joann Sfar, ex-"Charlie-Hebdo", publie désormais ses carnets dans le "Huffington-Post" ; comme Michel Houellebecq ou feu G. Wolinski, Sfar aime bien mêler considérations sur l'actualité & histoires de coeur ; il semble qu'au "Huffington Post", on apprécie tout particulièrement les artistes jaculatoires.

    Le "Huffington Post" ou le site "Euronews" publient quelques images du concours de dessins anti-américains et anti-israéliens organisé par un quotidien iranien en réponse aux caricatures islamophobes. Le niveau est assez faible, tout comme les caricatures du prophète. Les dessinateurs, en majorité iraniens, se contentent de renvoyer à la figure de leurs détracteurs les accusations de fachisme ou de nazisme.

  • Revue de presse BD (110)

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    + Certaines militantes féministes aux Etats-Unis ont proposé de "rewriter" entièrement la littérature, accusant les ouvrages composés par des hommes de véhiculer des idées misogynes archaïques. D'une manière plus humoristique, le blog-tumblr "héroïnes", dont l'image ci-dessus est extraite, transpose au féminin les héros plus ou moins virils de la BD franco-belge. Le propos universitaire à l'arrière-plan de ce projet n'est guère convaincant (regards universitaires). Il ne répond pas vraiment à la défense des auteurs selon laquelle, par principe, le moteur du récit d'aventure n'est pas sexuel, ou, du moins, il ne l'est pas explicitement sexuel. Peu importe le sexe du héros, en quelque sorte. De fait Tintin est un prototype de héros assez peu viril, si on le compare à Rahan (héros des publications communistes pour la jeunesse). D'ailleurs l'on décide de prendre une héroïne plutôt qu'un héros, comme cela a déjà été fait (Jeannette Pointu), le scénario fait vite oublier son sexe au profit des péripéties et du suspense.

    - Il va de soi que la BD belge des années cinquante à l'attention des enfants est le plus souvent un matériel de propagande au service, non pas tant de la famille patriarcale que de l'héroïsme et du patriotisme, loin d'être une valeur exclusivement masculine. Mais la BD qui prône l'égalité des sexes ou un nouveau modèle de société ne se situe pas moins au niveau de la propagande et des stéréotypes. L'adage selon lequel on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments vaut pour Tintin comme pour les nouveaux stéréotypes.

    + "Quand j'ai arrêté de faire de la BD, Jospin était au pouvoir et je payais ma bière 10 fr." : le Tampographe Sardon a donné deux pages - donné, pas vendu - à "Mon Lapin" (la suite du "Lapin" de Jean-Christophe Menu en plus affectueux). On peut les lire sur son blog. Il raconte comment la BD a gâché son enfance et bien failli le rendre sado-masochiste.

    + La BD est-elle un art populaire ? Le site du9.org propose plusieurs chroniques sur le sujet, dont une récente de Jessie Bi, qui se penche aussi sur les origines du masque des "Anonymous". Mais ces chroniques et ces chroniqueurs ont tendance à faire l'amalgame entre "culture de masse" et "culture populaire". Les jeux du cirque, le cinéma ou la TV ne sont pas des arts populaires dans la mesure où leurs moyens de production échappent au peuple. S'il existe quelques tentatives de faire de la BD élitiste, dans l'ensemble la BD est plutôt un art populaire. La quantité ne fait pas l'art populaire ; paradoxalement, la "culture populaire" est beaucoup moins diffusée aujourd'hui que la "culture de masse".

    + "L'opération Paris-Plages est désormais bien connue : tous les inconvénients du bord de mer - le bruit, les cris, les jeux, la promiscuité - sans son seul intérêt, la baignade. La Seine, aujourd'hui, est une sorte d'égout. Au temps de Daumier, à Paris et dans les environs, tout le monde barbotait. "Les oeuvres de Daumier sont des compléments de la Comédie humaine", a écrit Baudelaire, et ces quarante lithographies cocasses ont bien leur place dans la Maison de Balzac (...)" Adrien Goetz commente ainsi dans "Le Figaro" l'exposition "Plages à Paris selon Daumier" (Maison de Balzac, jusqu'au 28 septembre).

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