En préambule, disons que c’est une bonne idée de traiter de l’enfer en bande-dessinée (une idée dont
les planches de Louise Asherson dans "Zébra" autour de la "Divine comédie" ne sont pas éloignées, voire la BD expérimentale de David Roche sur la "Vie des Cavernes", qui pourrait être sous-titrée: "Une Saison en Enfer").
L’enfer est, en effet, une fiction extrêmement tenace, pour ainsi dire liée à l’âme ou la conscience humaine. Ceux qui ne veulent rien entendre de l’enfer, le plus souvent, ne font que le fuir pour se précipiter dans une formule alternative, ignorant à quel point cette fiction peut revêtir des formes artistiques différentes ; parfois un seul objet d'art suffit à la représenter symboliquement, tel le vase de Pandore. Il n’y a donc pas de conscience éthique ou morale chez un individu, sans conception de l’enfer liée à cette conviction.
Une personne prétendument dépourvue de conscience éthique ou de sens moral -par exemple un tueur en série, le type auquel on prête généralement ce type de caractère-, cette personne est sans doute persuadée que l’enfer n’est qu’une extension du domaine de la lutte à laquelle se livrent les puissants entre eux, au détriment des faibles, ici et maintenant. Dans ce cas le paradis se réduit à de rares moments de jouissance exclusive. Le jouisseur, seul, en détient la clef.
Prendre Pinocchio comme personnage principal de pérégrinations au sein de l’enfer et ses différents lieux d'aisance, est également judicieux de la part du dessinateur argentin Lucas Varela (du magazine "Fierro"). La version originale de "Pinocchio" est précisément un conte pédagogique et moral, dont le but est donc d’inculquer la peur de l’enfer. Il y a une tendance aujourd'hui, dans le domaine des contes pédagogiques, à publier des contes "politiquement corrects", adaptés aux péchés modernes, dont on peut dire qu’ils sont dans la droite ligne du "Pinocchio", déjà en son temps, œuvre d’éducation nationale. La force de "Pinocchio" est d’être générique, et donc recevable dans une variété de cultures ou de religions plus grande (Les contes retranscrits par Perrault, ou ceux d’Esope, sont beaucoup plus équivoques, et remettent parfois en cause la piété familiale ou nationale.)
Le Pinocchio de Lucas Varela se joue de l’enfer. Disons que, comme tous les ouvrages humoristiques, il a pour effet de remettre en cause le discours éthique ou politique nécessairement binaire; de mettre un bâton dans la mécanique de la fiction, dont le discours moral et politique se nourrit au contraire (On comprend que les anarchistes puissent user de l’humour comme d’une arme beaucoup plus efficace que le terrorisme.)
Les allusions dans "Paolo Pinocchio" à d’autres œuvres inspirées par l’enfer sont nombreuses. Dans la culture italienne où Varela puise, elles ne manquent pas. Elles viennent tantôt de la mythologie romaine, tantôt du christianisme opposé (qui associe Rome à Satan); parfois de telles conceptions se conjuguent bizarrement, comme dans la "Divine comédie". Varela fait ainsi du clergé catholique, à l’instar de Dante et Boccace, un grand pourvoyeur de l’enfer. Une prêtresse de Diane confie à Pinocchio: "L’enfer n’est qu’un état de l’âme." Elle rejoint ainsi la psychanalyse moderne, et Varela s’amuse de la comparaison entre l’appendice nasal érectile de Pinocchio et l’organe viril, objet spécial de l’attention de toutes les doctrines morales à travers les âges (La capote anglaise n’est pas si éloignée du voile islamique qu’on le croit, tous deux instruments conçus pour protéger la société des débordements masculins.)
Apparemment légère, cette variation sur le conte de Pinocchio facilite la compréhension de déterminations sociales le plus souvent inconscientes, et d’un symbolisme culturel plus profond que les étiquettes religieuses ou partisanes antagonistes peuvent laisser penser. Ces oppositions correspondent en réalité à des méthodes opposées pour accéder au bonheur. La multiplication des points de vue éthiques ou identitaires finit par incliner chacun à penser que l’enfer, c’est l’autre, dans la mesure où il constitue un obstacle sur la voie du bonheur. La crise économique représente une menace de nature infernale pour beaucoup; une menace qui trouve sa principale force dans la conviction que la société de consommation est un paradis (si tel était le cas, nul n'y ferait un usage abusif de l'alcool ou de la drogue, dont la jouissance paisible dissuade). L'état de panique ou de terreur provoquée par l'enfer et ses multiples représentations, joue donc un rôle social décisif de maintien de l'ordre public, en tous temps et en tous lieux.
Pour faire valoir encore l’actualité de cette BD, je fais observer que nos députés ne sont autres que des "élus". Et que la destination de nos grands hommes et femmes est toujours le "Panthéon" ; enfin qu’il est réservé au peuple un rôle de figuration, guère éloigné de celui attribué à Jupiter dans certaine religion antique.
Paolo Pinocchio, Ed. Tanibis, 2012
(par Zombi - leloublan@gmx.fr)
guide Zombi 2012). Le titre confronte d’emblée le voyage initiatique du héros antique, son cheminement vers la sagesse dans un décor et parmi des monstres symboliques, au circuit touristique par où l’homme moderne passe, fuyant ses démons au lieu de les affronter.
son propre père, enrôlé dans un régiment de char français en 40. Comme l’auteur se plaint lui-même d’avoir subi, enfant, les radotages plein d’amertume de son paternel, le moins qu’on puisse dire est qu’il avait conscience du défi qu’il se lançait… et qu’il n'est pas parvenu à relever.
dit dans "Télérama"; j’en soupirais d’avance, vu que tout est dionysiaque aujourd’hui: du supermarché en période de fête à la boîte de nuit «California Dream» en bordure de la voie express, jusqu’aux plateaux télé de Patrick Sébastien, sans oublier le look de croque-mort «too much» de Karl Lagerfeld… on n’en sort plus de la bacchanale mollassonne et quasi-quotidienne, si bien que, sans une petite tuerie de temps en temps, du côté de l’Ohio ou d’Oslo, on finirait par prendre le divin Bacchus pour un vulgaire guignol.
est mort jeune, mais ce n’est pas une raison. Chez Reiser, dans le tas, il y a trop de blagues centrées sur le cul, si je peux m’exprimer ainsi. C'est un genre un peu trop facile ; il n’y a pas beaucoup d’efforts à faire pour rendre un plan cul comique; la position scabreuse est en elle-même grotesque. Voyez le lion, noble et fier animal bouffeur de zèbres, pas le genre à laisser sa femme tenir la culotte comme la hyène: eh bien même le lion, dans cette posture, a tendance à déchoir. C’est beaucoup plus difficile de parler sérieusement de cul, comme dans «36 Nuances de grey».
et de la sauvagerie, mais par goût du réalisme.