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catholique - Page 2

  • Henry de Groux - Journal***

    Les trompettes de la renommée sont parfois bien mal embouchées... Pourquoi Van Gogh, Cézanne, Gauguin,webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,henry de groux,journal,inha,kimé,léon bloy,delacroix,géricault,baudelaire,beethoven,14-18,soldat,catholique sont-ils célébrés dans le monde entier, tandis que Henry de Groux (1866-1930) demeure inconnu ou presque ? Il y a pourtant dans l'oeuvre et l'existence chaotique du peintre bruxellois tous les ingrédients pour fasciner le public...

    A l'instar de Nietzsche, de Groux serait-il trop sulfureux pour notre époque ? C'est peut-être une explication... Plus sûrement, la complexité assumée de de Groux, le caractère inclassable de son oeuvre, déroutent les fabricants d'étiquettes que l'on appose sous les tableaux pour permettre au public et aux étudiants de les digérer plus facilement. L'étiquette "symboliste", qu'on colle parfois à de Groux, ne souligne qu'un aspect de sa peinture.

    Le volumineux Journal que de Groux a laissé derrière lui dévoile une personnalité aux nombreuses facettes. Doublement attiré par la rédemption, d'une part, et par Satan d'autre part (le dieu des artistes), on pourrait qualifier ce peintre épris d'imagination de "baudelairien".

    Ce travail opiniâtre de consignation des faits intimes, sentiments, cauchemars, observations critiques, laissait son auteur lui-même sceptique quant à sa valeur. Dans le meilleur des cas, celui-ci y voit le témoignage sincère, le tableau de la tempête intérieure qui agite l'artiste moderne ; sans doute est-ce la meilleure raison de lire de Groux, tant il est vrai que l'art moderne -les musées sont trompeurs à cet égard- a comme les icebergs une importante partie immergée, dissimulée à la vue du simple spectateur.

    La confrontation avec Van Gogh est particulièrement éclairante ; de Groux a émis un jugement très sévère sur la peinture de son confrère, sans mépriser pour autant l'homme comme il méprisait franchement Cézanne ou Apollinaire, qu'il accuse de divers trucages artistiques. De Groux se fit même virer de son groupe d'artistes (les XX), pour avoir refusé d'être exposé en même temps que Van Gogh.

    "De toutes les peintures que j'ai pu voir du peintre hollandais, têtes ou paysages, je ne m'en rappelle pas une qui brillât par des qualités vraiment picturales que l'on pût sincèrement estimer remarquables. Elles ne se signalent que par la même facture exaspérée et maladroite. Un seul morceau représentant des harengs sur un plat de faïence ou de grès, m'a séduit par une chaleur de ton et une certaine verve de facture vraiment assez heureuse, assez rare dans sa production. C'est tout.", note de Groux dans son Journal en 1893.

    De Groux voyait dans le travail de Van Gogh l'oeuvre d'un aliéné, et non d'un artiste en pleine possession de ses moyens ; cependant, de Groux fut interné lui aussi dans un hôpital psychiatrique à Florence, après avoir effrayé sa maîtresse ; il s'en évadera dans des conditions rocambolesques. De Groux consigne d'ailleurs dans son Journal une insomnie aggravée, causée par des cauchemars violents qu'il redoute d'affronter. Mais surtout, de Groux fut assailli comme Van Gogh par des considérations d'ordre métaphysique, interférant dans son existence. Si Van Gogh est maladroit, et touchant par cette maladresse, on ne peut pas dire que de Groux soit très habile non plus.

    La foi n'est pas héréditaire chez de Groux comme elle est chez Van Gogh (fils et petit-fils de pasteur) ; elle s'incarne dans un ami très proche, Léon Bloy (compagnon d'infortune, par qui il fut hébergé et qu'il hébergea quand ils furent, chacun leur tour, dans le besoin), polémiste catholique et anarchiste (!?) ("L'argent est le sang des pauvres.").

    En même temps qu'il est attaché à son ami Bloy, impressionné par sa foi intransigeante, qui tranche à ses yeux singulièrement avec le mode de vie bourgeois, de Groux demeure athée en secret, pour éviter d'être sermonné par son ami. Il confie dans son Journal qu'il se sent proche des peintres Delacroix ou Ingres qui, bien qu'ils honorèrent de nombreuses commandes religieuses, restèrent athées ou "rationalistes". Du catholicisme, de Groux n'admire que les ouvrages d'art, dont son ami Bloy se méfie au contraire.

    Une rupture durable interviendra entre les deux amis, dont l'affaire Dreyfus, et Zola en particulier, sont le facteur déclencheur. Tandis que de Groux ira jusqu'à défendre Zola physiquement, Bloy vitupère au contraire le défenseur du capitaine Dreyfus, l'accusant d'être un imposteur, un bourgeois retranché dans une villa cossue (sous-entendu : un faux messie). De Groux finira par rompre avec Bloy, effrayé de surcroît par l'épouse danoise du polémiste.

    De Groux sacrifia sa carrière à une incessante remise en question, tant spirituelle qu'artistique, ôwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,henry de groux,journal,inha,kimé,léon bloy,delacroix,géricault,baudelaire,beethoven,14-18,soldat,catholique combien éprouvante. En cela, de Groux est bien plus moderne que bien des modernes. Alors qu'il est déjà avancé en âge et dans la maîtrise de son art, sans doute mû par son enthousiasme pour les compositeurs modernes, Wagner en tout premier lieu, de Groux croit déceler en lui une vocation impossible de compositeur. Cette "découverte" le bouleverse.

    Les éditeurs et commentateurs de ce Journal en ont facilité la lecture en classant les notes de de Groux par thèmes (l'art, la vie, l'époque...) et en proposant un index des noms propres.

    Leur commentaire fait parfois croire que de Groux avait des goûts "classiques", ce qui est inexact. De Groux admire Géricault, et surtout Delacroix ; or ce dernier n'a rien d'un peintre "classique" ; son Journal indique au contraire que l'oeuvre de Delacroix contient toutes les clefs de l'art moderne, la volonté de fusion avec la musique tout d'abord. C'est d'ailleurs peut-être sur ce point que la connivence entre de Groux et Bloy s'établit ; et si le fanatisme catholique de Bloy et le fanatisme artistique de de Groux, dont l'absolu est musical, n'étaient que deux facettes d'une même religion.

    Le reproche adressé par de Groux à un certain nombre de ses contemporains n'est pas d'être trop modernes, mais de n'être pas assez "artistes", ce qui est bien différent. La conception de l'art de de Groux, à l'instar de celle de Baudelaire ou Nietzsche, implique une profonde aversion pour la démocratie.

    *Ci-dessus, portrait de Beethoven par H. de Groux.

    Henry de Groux (1866-1930) - Journal, éds Kimé/Institut national d'histoire de l'art, 2007.

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    Soldats de 14-18 équipés de masques à gaz, dessinés sur le vif par de Groux.

  • Rocco et la Toison****

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    Le personnage de saint Roch de Montpellier, dont Vanoli narre le périple -ô combien pittoresque et mouvementé- à travers le midi de l'Europe, sous la menace terrifiante de la peste, ce personnage paraît très proche de nous, de notre culture, y compris ses questionnements et son cheminement mystico-initiatique.

    Cette animation du célèbre saint, vénéré dans une bonne partie de l'Europe catholique (Italie, France et Pologne en tête), que Vanoli fait ainsi descendre de son piédestal d'icône religieuse, est-elle pure affabulation de l'auteur ? V. Vanoli esquisse un Moyen âge plausible ; il met en scène d'une époque contrastée, voire ambiguë, qui ne se laisse pas résumer facilement.

    Cet auteur illustra auparavant une partie du "Décaméron" de Boccace (1313-1375), contes qui dépeignent les moeurs légères de la bourgeoisie de son temps, ainsi que du clergé catholique. La satire de Boccace montre un Moyen âge éloigné à la fois de certaines représentations idéales, comme du repoussoir conçu afin de consolider la thèse du progrès. Le Moyen âge de Vanoli dérive en partie de celui de Boccace, tout en empiétant sur le XXIe siècle, confronté à un regain de mysticisme.

    La peur contemporaine de l'islam révolutionnaire, ou bien d'une catastrophe écologique, engendrent un climat de psychose analogue à celui provoqué par la menace de l'épidémie de peste noire dans l'Europe de la fin du moyen-âge (seconde moitié du XIVe siècle), qui décima la population. Une telle psychose est plus favorable aux plaisirs furtifs qu'à un bonheur plein et large.

    Rocco, bien que très jeune, a du recul sur toute cette agitation propice à la superstition, au fanatisme et aux mouvements de foules ; "thaumaturge", capable de soigner la peste, Rocco sera proclamé saint par acclamation populaire, avant d'être atteint par la maladie à son tour, puis miraculeusement soigné. Vanoli ébauche un parallèle entre le saint et l'auteur de bande dessinée, dont la vocation est assez indéfinie. Quel peut-être son rôle dans une époque troublée ? Divertir, c'est abrutir, et par conséquent un auteur de BD peut-il s'en contenter ? La quête mystique du saint catholique et celle de l'auteur de BD semblent se confondre.

    On pense aussi parfois au roman de Diderot, "Jacques Le Fataliste", dans lequel Diderot scrute le pouvoir de l'écrivain de créer la fiction, cette antimatière aussi fascinante que futile. Vanoli joue avec l'histoire de saint Roch, qui part de faits bien réels, en même temps qu'elle a des aspects légendaires : il donne sa propre partition, retranchant ici, ajoutant là, tout en conservant la trame du récit.

    Rocco et la Toison, par Vincent Vanoli, éd. L'Association, 2016.

  • Un bruit étrange et beau***

    Zep a récidivé. Nous avions dit ici tout le mal que nous pensions de sa précédente tentative d’écrire etwebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,zep,un bruit étrange et beau,chartreux,bouddhiste,évangile,vocation religieuse,catholique dessiner un drame convaincant, sortant du registre habituel de sa série à succès, "Titeuf". Son récit, plus ou moins autobiographique, des boires et déboires d’une bande de jeunes adultes amateurs de rockn’roll, était plein de clichés et, qui plus est, servi par un trait mollasson rehaussé d’un camaïeu couleur guimauve pénible à l'oeil.

    Sur ce dernier point, Zep n’a pas fait de progrès ; mais il a changé radicalement de thème, puisque c’est la vocation religieuse qui est le sujet de ce nouveau drame, traité de façon nettement plus subtile. Zep place un moine chartreux cinquantenaire, son personnage principal, sur le fil du rasoir.

    Le scénario fait au début craindre le pire, c’est-à-dire le plus prévisible ;  en effet notre moine cloîtré, non seulement ascétique mais contraint à la règle du silence, en vigueur dans cet ordre monastique strict, doit quitter son monastère afin d’aller récupérer chez le notaire sa part d’héritage léguée par une tante pleine aux as.

    Le plus prévisible va bien se produire lors de cette escapade; cependant Zep propose un portrait crédible ; les dialogues sonnent assez juste, et la vocation du chartreux est présentée avec le recul suffisant ; l'intérêt du lecteur est éveillé pour ce mode de vie on ne peut plus marginal (les moines catholiques ne sont plus qu’une poignée d’individus en Europe), en même temps que la profondeur de cette vocation est remise en question. La confrontation précoce du moine, pendant l'enfance, avec la mort violente d’un voisin, suicidé, explique-t-elle un choix de vie aussi radical et original ? Il semble que le tourbillon de la vie moderne soit une manière d’effort collectif un peu désespéré pour tenir à distance la mort ; la vie de reclus que s’impose notre chartreux pourrait être une méthode alternative pour amadouer cette mort, dont la brutalité l’a surpris un jour, et fortement impressionné.

    L’auteur n’enferme pas son personnage dans cette hypothèse psychologique, plausible mais un peu réductrice, en montrant par exemple qu’il mène une existence non moins intense que le commun des mortels, malgré sa solitude et son isolement.

    On peut se demander parfois, à la lecture de certain dialogue, si ce moine catholique n’est pas un peu bouddhiste ; l’évangile et ses commentateurs les plus fidèles (Paul de Tarse) tiennent en effet sur la mort des propos nettement différents («somme des péchés», «rançon de la chute») de ceux placé par Zep dans la bouche de son chartreux ("la mort est une forme de communion totale"). Néanmoins on peut penser que l’éthique d’une vie cloîtrée est le principal support de la spiritualité monacale, avant même l’évangile.

    Si Zep est plus convaincant sur le thème de la vie religieuse que sur le thème du vice et du rockn’roll satanique, c’est peut-être parce que la BD est un art monacal ?

    Un bruit étrange et beau, Zep, éd. Rue de Sèvres, 2016.

  • Revue de presse BD (207)

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    Portrait G. Brassens par Zombi

    - Le magazine "L'Eléphant", dédié à la "culture générale", propose dans son dernier numéro un dossier sur Georges Brassens (1921-1981) ; sa biographe Clémentine Deroudille, auteur en 2011 de "Brassens, le libertaire de la chanson", y est interviewée :

    - Brassens entretient aussi un rapport très ambigu à la religion et à la foi catholique... - Un rapport plus qu'ambigu, même ! Il n'en parlait jamais, sauf qu'on a retrouvé des notes, des crucifix, la Bible, dont il connaissait des passages par coeur. Il se disait anticlérical, mais il avait les Evangiles sous l'oreiller. Il y a plein de choses très contradictoires.

    Contradictoire ? Voire... L'anticléricalisme du Christ ne le conduisit-il pas à être jugé et condamné à mort par le clergé de son temps ? Le philosophe réac Nietzsche vitupérait d'ailleurs l'anarchie et le christianisme en même temps : "L'anarchiste et le chrétien ont une seule et même origine."

    - A l'occasion d'une expo autour de Dali (à l'Espace Dali), le magazine "Beaux-Arts" (novembre 2016) a interviewé Joann Sfar, qualifié de "très prolifique auteur de bande-dessinée".

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    J. Sfar est aussi très bavard ; on apprend pêle-mêle dans cette interview que cet auteur de BD fut "réac" à ses débuts, préférant le dessin figuratif à la peinture abstraite (la peinture de Dali prouve que cette opposition n'a pas beaucoup de sens) ; Sfar raconte qu'il aime non seulement Dali, mais aussi Chagall et Wim Delvoye ; en revanche, il trouve Bonnard morbide ; il écoute Franck Zappa en dessinant ; il vient d'accepter d'être prof aux Beaux-Arts de Paris (Ensba).

    Le même numéro de "Beaux-Arts" s'interroge sur l'opportunité de réhabiliter le peintre Bernard Buffet (1928-1999), actuellement exposé au Musée d'art moderne. Parfois qualifié de "kitsch" ou d'artiste mondain, Bernard Buffet était moins apprécié en France qu'au Japon. Salvador Dali le surnomma surnommé "Bernard Buffet froid" ; comme Dali lui-même a souhaité que son corps soit congelé après sa mort, on peut se demander si l'art contemporain n'est pas un cortège de cadavres exquis ?

    + Le musée Jacquemart-André propose une exposition intitulée "Rembrandt intime" (jusqu'au mois de janvier), autour de trois tableaux de la collection de ce musée parisien (VIIIe), augmentée de nombreux prêts. Ce titre est un poncif, car la peinture des peintres du Nord de l'Europe est la plupart du temps plus "intimiste" que celle des peintres méridionaux (soumis à des contraintes climatiques différentes). Les commissaires de l'expo ont souhaité mettre en lumière les différents procédés techniques du peintre.

    La peinture de Rembrandt est exemplaire de l'idéal moderne dans la mesure où le peintre, sa biographie, son itinéraire personnel, passent avant son art. Ainsi, le critère ancien de la beauté ne compte guère dans l'oeuvre de Rembrandt, agité par des préoccupations plus littéraires. C'est peut-être parce que Rembrandt pose un regard clinique sur les corps de ses modèles que Baudelaire a comparé son art à "un triste hôpital rempli de murmures" ?

    L'historien d'art Jan Blanc a rédigé il y a quelques années un ouvrage didactique très clair ("Dans l'atelier de Rembrandt", Citadelles & Mazenod) qui permet de comprendre la technique de Rembrandt et de se familiariser avec les méthodes en vigueur dans sa petite académie (source de revenus non négligeable).

    + Le chanteur-compositeur américain Bob Dylan s'est vu décerner le prix Nobel de littérature en Suède, ce qui a déclenché des concerts d'approbation, quelques sifflets, et l'indifférence du principal intéressé. Ce prix littéraire est surtout connu en France pour avoir été refusé par Jean-Paul Sartre.

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    (Dessin de Micaël)

  • Revue de presse BD (204)

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    + Difficile d'échapper à Tintin en ce moment ; quelques dessins originaux de Hergé datant des années 1940 -des cartes de voeux- ont été mis en vente aux enchères. La carte ci-dessus montrant Tintin se rendant à la messe de minuit est un des rares exemples où Tintin "assume son catholicisme". On sait que Hergé reçut une éducation catholique, avant de travailler au "XXe Siècle" sous les ordres de l'abbé Wallez, ecclésiastique féru des méthodes modernes de propagande ; cependant Hergé s'éloigna peu à peu au cours de sa carrière des principes qu'on lui avait inculqués dans sa jeunesse. Par ailleurs on sait l'influence sur Hergé du scoutisme, qui enseigne à ses jeunes adeptes le respect de la nature.

    Les influences diverses et contradictions de Hergé ont déteint sur ses BD.

    + Classé parmi les auteurs dessinant "à la manière de Hergé", le scénariste et dessinateur de BD Ted Benoît est décédé fin septembre. Ted Benoît (Thierry Benoît à l'état civil) était peu connu du grand public, travaillant surtout pour la publicité, avant de reprendre en 1996 la série à succès "Blake et Mortimer" créée par Edgar Jacobs. Pour justifier cette reprise, T. Benoît affirmait : "Contrairement à Hergé, dont l'oeuvre est une “comédie humaine” très personnelle qui, sans lui, n'aurait aucun sens, Jacobs appartient à la grande tradition feuilletonesque. (...)"

    C'est inexact ; Hergé s'est efforcé de faire passer "Tintin" pour une oeuvre "personnelle", mais on sait grâce aux témoignages de proches collaborateurs que Hergé a subi diverses influences très nettes, tant sur le plan du dessin que du scénario. Hergé a beaucoup travaillé à polir ses BD, les redessinant méticuleusement, ce qui donne une impression d'homogénéité trompeuse.

    + Le dessinateur Charlie Schlingo était aux antipodes de Hergé, du moins pour ce qui est de la notoriété. Ironiquement, Frédéric Potet, le spécialiste de la BD au "Monde" parle de "ligne crade" pour qualifier le style de Schlingo. C'est un peu exagéré, car Schlingo était aussi très influencé par le savoir-faire américain en matière de BD.

    + Dans une interview donnée mi-septembre à Médiapart, la caricaturiste Coco affirme ne pas avoir changé sa manière de dessiner depuis le massacre de ses confrères de "Charlie-Hebdo". On lit dans cette interview une pique contre Plantu, ainsi que quelques déclarations un peu chauvines : "Je crois que beaucoup de pays nous envient la laïcité" (rien ne prouve que l'on comprend à l'étranger ce que certains Français appellent "laïcité", thème de longs prêches aussi ennuyeux qu'édifiants).

    Mais la remarque la plus intéressante est le point de vue de Coco selon lequel la caricature ne doit pas dépasser les limites assignées par la loi (et par conséquent la police, en charge de l'exécution des lois). Les caricaturistes seraient donc, en France, les seules personnes respectueuses des lois ? Que penserait-on d'un caricaturiste britannique qui dirait : - Je suis prêt à me moquer de tout, sauf de la reine. Ou encore d'un caricaturiste marocain qui dirait : - On peut rire de tout... dans les limites assignées par la charia.

    + La "Une" de "Libération" aujourd'hui nous montre l'ex-président et actuel candidat N. Sarkozy dans le costume d'Astérix, le personnage de Goscinny et Uderzo, escorté d'Eric Zemmour en Idéfix. R. Goscinny avait un certain nombre de points communs avec N. Sarkozy ; on se souvient d'ailleurs que Anne Goscinny a fait récemment partie d'un comité de soutien au président déchu. Jean-Marie Le Pen est surnommé dans son camp "le menhir", ce qui rappelle un autre personnage d'Uderzo.

    "Libération" titre sur l'effort de la droite pour "refaire l'histoire". Mais la droite et Eric Zemmour ne font en cela qu'imiter les idéologues de gauche, qui ont produit et continuent de produire leur propre version du roman national. Que l'on songe, par exemple, à l'extraordinaire opération de blanchiment du terrorisme révolutionnaire par les intellectuels de gauche au cours de la seconde moitié du XXe siècle : cette entreprise négationniste était indispensable pour fonder la mythomanie du "progrès social". Un autre moyen de mesurer à quel point la gauche baigne dans la fiction, c'est de mesurer la distance qui la sépare de Marx (conscient dès le début de l'hypocrisie des "Droits de l'Homme").

    La question est de savoir pourquoi la droite éprouve actuellement à son tour le besoin de produire une version cultuelle de l'histoire de France, au niveau de la bande-dessinée pour les gosses ? La réponse est simple : parce que la gauche se ramène désormais à un point de vue intellectuel et élitiste. Les élites intellectuelles sont fascinées par des fictions et des mécanismes encore plus abstraits, telles que les institutions technocratiques européennes, qui fonctionneraient parfaitement bien si l'homme était un robot.

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  • Revue de presse BD (186)

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    Caricature de Decressac.

    + Des crimes sexuels (prescrits) dans le diocèse de Lyon ont donné lieu à de nombreuses caricatures anticléricales ; nous en avons nous-mêmes publié quelques-unes dans "Zébra", signées Zombi ou Gab. Mgr Lalanne, membre du conseil permanent des évêques catholiques de France, a de façon étonnante tiré argument de la psychanalyse pour tenter de disculper les clercs mis en cause dans ces affaires de moeurs -de façon étonnante car le propos de la psychanalyse et celui des évangiles sont opposés. De plus on peut reprocher à un évêque se disant chrétien de se mêler de justice civile ou pénale et refuser ainsi de "rendre à César ce qui est à César".

    Aux psychanalystes est dévolu aujourd'hui le rôle de conseil joué naguère par un clergé catholique désormais déclinant (en âge et en nombre) ; la corporation des psychanalystes est d'ailleurs elle aussi secouée de temps à autre par des scandales sexuels. Pour l'étude et la critique de la religion, il est important de comprendre cette évolution, le passage du curé au psy, afin que la critique soit une vraie critique, et non une mise en accusation de telle ou telle religion minoritaire.

    + André Mir, président de l'association Jean-Jacques Rousseau, a fondé un prix de l'autobiographie dont la liste des nominés pour cette année vient d'être rendue publique. Raconter sa vie est souvent prétexte à autre chose. Il entre dans l'autobiographie de Rousseau une part de règlement de compte, notamment vis-à-vis de son ex-meilleur ami Denis Diderot, par qui Rousseau s'était senti trahi. L'arrivisme de Diderot ne pouvait manquer de heurter l'austère Rousseau, chrétien sincère de surcroît tandis que Diderot se piquait d'athéisme (un athéisme différent de l'athéisme laïc d'aujourd'hui, devenu avec le temps une religion à part entière).

    A travers ses "Confessions", Rousseau fait aussi passer ses idées en matière de réforme sociale et d'éducation des enfants et du peuple. Protestant, il égratigne les moeurs pédérastiques du clergé catholique, racontant la tentative de séduction d'un prêtre lyonnais sur sa personne.

    S'il entre sans doute une part d'auto-justification dans ces "Confessions", les passages où Rousseau fait preuve d'autodérision renforcent l'impression de sincérité.

    + Christophe Grébert est un des blogueurs français les plus célèbres, qui n'hésita pas à s'attaquer au début des années 2000 à certaines pratiques douteuses du maire de Puteaux sur son blog "MonPuteaux.com" ; désormais élu au conseil municipal (Modem), C. Grébert annonce à sa manière, très illustrée, le prochain festival BD de Puteaux (22-29 mai).

    + "Pourquoi grossir les rangs d'un monde dysfonctionnel ?" Oriane Lassus est une jeune auteure de BD qui s'exprime dans "Quoi de plus normal qu'infliger la vie ?" sur le thème des femmes "nullipares", sans enfants parce qu'elles n'en veulent pas (ce qui est son cas). Dire qu'il y a là un véritable tabou est exagéré : il y a depuis des siècles des femmes consacrées, nullipares, dont l'existence est vouée à un but qu'elles jugent plus important que la procréation. Ces nonnes et leurs moeurs sont assez bien acceptées.

    En 2016, les mères de famille nombreuse, de plus en plus rares dans la société occidentale, sont sans doute plus en butte aux railleries et préjugés que les femmes nullipares. Et que dire des rares personnes volontairement abstinentes sexuelles qui vivent au sein de la société de consommation ?

    Le propos anticapitaliste d'Oriane Lassus est assez paradoxal dans la mesure où les sociétés les plus capitalistes sont aussi celles où les femmes nullipares sont les plus nombreuses. Si l'Etat moderne (capitaliste) n'abolit pas complètement la différence physique entre les sexes, il repose sur une division du travail plus asexuée (de plus en plus nombreuses sont les tâches qui peuvent être accomplies par des machines) que les sociétés traditionnelles.

    Oriane Lassus, à qui son dessin expressif a valu le prix "Jeune talent" du Festival d'Angoulême, est publiée par la petite maison d'édition lyonnaise... "Arbitraire" [!].

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    Dessin d'Oriane Lassus extrait de son blog.

     

  • Dis, papa...

    Strip de GAB (à suivre aussi dans Zélium n°7)

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