Petit feuilleton historique estival (dernier épisode)
Cubistes et cônistes
A travers son Journal, le peintre belge Henry de Groux (1866-1930) est un témoin de premier plan, quoique méconnu, de l'art de son temps.
Praticien exigeant, admirateur d'Eugène Delacroix comme Baudelaire, de Groux se montre souvent sévère avec ses contemporains. Son engagement total dans l'art et son amitié avec le pamphlétaire Léon Bloy le tiendront à l'écart des circuits officiels de l'art ; l'artiste belge, à demi-marginal, parviendra non sans difficultés à vivre de sa peinture.
Extrait de son Journal (Eds Kimé) :
1911 ? : Passons maintenant à cette exposition des cubistes qui obtient l'inéluctable succès de fou rire auquel elle ne semblait même pas avoir prétendu, et les admirations farouches et convaincues jusqu'au désespoir, que nous fûmes les premiers à lui accorder.
On a beaucoup écrit sur leur compte, mais ni leurs railleurs ni leurs défenseurs ne semblent avoir pénétré la véritable signification de cette manifestation picturale.
En tout cas, aucun ne s'est rendu compte du véritable degré de maturité de ces prétendus novateurs.
Pour ce qui est de la signification, je suis au regret de ne pouvoir rien dire sur ce sujet, plût à Dieu que j'eusse même pu en pénétrer la moitié du quart. S'il faut être astronome pour parler d'astronomie, on peut parler du ciel sans être astronome !
Quant au reste, je pourrai peut-être donner à messieurs les cubistes eux-mêmes, sur leurs devanciers ou leurs ancêtres, certains renseignements qu'ils ignorent probablement...
On s'accorde généralement parmi les orientalistes et les égyptologues explicateurs de symboles pour considérer la forme architecturale "obélisque" comme symbolisant le même principe que les "lingams" hindous et les "phallus" grecs. On admettra dans ce cas chez les Egyptiens une volonté d'interprétation cubiste indéniable ; car jusqu'à ce jour, rien ne semble avoir démontré chez les Egyptiens une conformation anatomique différent aussi sensiblement de la nôtre.
Je me permets de passer ce tuyau à messieurs les cubistes en toute loyauté et d'annoncer aux fanatiques du Nouveau, et par conséquent des "cubistes", qu'ils ont fait une simple erreur et qu'ils ne saluent en réalité que les derniers rejetons décadents et atrophiés (combien) de la grande race des tailleurs de pierre symbolistes de la très vieille Egypte.
- Puissance de diffusion du cubisme.
- Puissance de pénétration du cônisme.
- Comme avec Cézanne, H. de Groux fait preuve d'ironie avec les "cubistes", qu'il découvrit sans doute au Salon d'Automne de 1911.
Rêvant d'une modernité plus spirituelle, H. de Groux s'agace des recherches purement formelles des suiveurs de Cézanne, et considère ce dernier comme un petit maître monté en épingle par quelques marchands.
- Ci-dessus "Les Nus dans la Forêt" de Fernand Léger, exposé au Salon d'Automne de 1911 où cette peinture fit "sensation".