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KRITIK - Page 27

  • Mâle occidental contemporain***

    J’entame la lecture de cette BD avec un préjugé défavorable, sachant les prêchi-prêcha démagogiqueswebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,mâle occidental contemporain,critique,françois bégaudeau,clément oubrerie,agacinski,féminisme,prostitution,dsk,bertrand cantat,philippe val,delcourt,bcbg de François Bégaudeau. L’humour ne fait pas bon ménage avec le «politiquement correct»: comment F. Bégaudeau, associé à C. Oubrerie pour le dessin, se sort-il de ce qui se présente comme une satire ? Qui plus est sur le sujet du couple et des amours modernes, à propos desquels, finalement, rien de bien neuf n’a été écrit depuis Charles Fourier, dont la critique des mœurs amoureuses bourgeoises est à la fois pleine de sagacité et d’ironie. Pour mémoire, tandis que Marx tire la preuve de l’esclavagisme des régimes bourgeois libéraux de l’étude approfondie du monde du travail et son organisation, Fourier, lui, aborde la question de l’esclavage moderne à travers le régime matrimonial instauré par le code civil.

    Cette correspondance entre le travail et la sexualité est d’ailleurs décisive : c’est pourquoi les idéologues libéraux, de droite ou de gauche (S. Agacinski), tentent de la faire oublier à l'aide d'une casuistique spécieuse (afin de préserver du travail une image idéalisée). C’est toute la différence entre le féminisme des magazines féminins branchés, prompts à donner des leçons de morale, en même temps qu’ils engrangent les dividendes de la publication de photos de gonzesses à peine pubères dans des postures suggestives - et le féminisme de Fourier.

    Verbaliser les clientts des prostituées ? Pourquoi ne pas condamner d’abord les maisons de « haute couture » sadique, qui traitent des jeunes femmes mineures comme du bétail ? - Elles sont d’accord ? - Leurs parents ont signé une décharge ? Ah bon, effectivement si le masochisme fait partie des aspirations légitimes d'un individu, dans ce cas il n’y a plus rien à dire ni à faire contre l’esclavage.

    La BD de Bégaudeau a bien un rapport indirect avec la prostitution, puisque il aborde le sujet de la frustration sexuelle de l’homme moderne, particulièrement quand il vote ou milite à gauche et que ses principes le privent de rapports sexuels tarifés, ou de s'adonner au tourisme sexuel, à l'instar de Michel Houellebecq.

    Le titre de l’album, en effet, est ambigu ; par «mâle occidental contemporain», Bégaudeau entend, en fait, le type du «trentenaire de gauche», parisien ou vivant dans une grande métropole, loin d’être majoritaire en France, y compris dans le milieu de la BD. (...)

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  • Blanche-Neige***

    La résistance des contes ou des fables mythologiques à l’usure du temps impressionne, intrigue, ou webzine,bd,gratuit,zébra,bande-dessinée,kritik,critique,philippe bonifay,fabrice meddour,blanche-neige,conte,grimm,mythologie,fable,perséphone,shakespearebien encore agace. En effet les ouvrages d’art modernes, en comparaison, mettent parfois moins de deux générations à sombrer dans l’oubli. Autrement dit, les contes paraissent bénéficier de l’appui de la nature et ses lois apparemment immuables, tandis que la production moderne repose sur le caprice ou l’inconstance psychologique de l’homme.

    Le symbolisme des contes, leur langage parabolique, démontre un savant humaniste de la Renaissance, est fait pour protéger le sens profond recelé par ces contes des vicissitudes du temps, mieux qu’il ne le serait par une formulation explicite. Car la société, précise ce savant, repose sur un jeu de pouvoir qui s’accommode mal de la vérité ou de la transparence. Peut passer pour véridique en société ce qui n’est en réalité que la règle du jeu. C’est particulièrement net dans les sociétés soi-disant «rationalistes», où l’équation de la technique et de la science est posée, en même temps que celle de la rhétorique et de l’art, quand bien même la technoscience n’est qu’un moyen, très limité en termes de connaissance. Dans cette configuration récente, l’homme devient alors, pour des raisons liées à la science technique, la source et le but de la science, ce qui n’est pas sans entraîner un certain nombre de paradoxes.

    Il faut comprendre que l’intention artistique des contes anciens diffère radicalement de l’intention moderne, beaucoup plus «psychologisante» et centrée sur l’homme.

    Philippe Bonifay et Fabrice Meddour ont tenté de faire une BD sur la genèse de «Blanche-Neige», dont les frères Grimm ont contribué à la renommée internationale en couchant sur le papier leur version au début du XIXe siècle. Bien qu’il ne soit plus inconnu de personne, après avoir marqué des contrées germaniques, bavaroise ou de Basse-Saxe (mais provenant peut-être d’Italie ou d’ailleurs), ce conte conserve un parfum de mystère ou d’énigme, ne serait-ce qu’en raison des explications diverses et contradictoires qui sont proposées de son sens caché. L’éventail de symboles déployé est en outre assez large : miroir, cercueil de verre, peigne empoisonné, sept nains...

    (...)

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  • Le Bestiaire*****

    « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger ! », proclame un penseur trop exhaustif à mon goût, et webzine,bd,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,bestiaire,claude serre,glénat,anthropologie,gustave doré,daumier,dessinateur,franquin,chasseursans doute plus collectionneur que critique.

    L’angle de l’humour choisi par Serre (1938-1998) est moins obtus ; on peut dire de Serre qu’il a un œil d’aigle pour débusquer les faiblesses humaines ; ou bien que c’est un anthropologue qui va à l’essentiel, à la manière des moralistes impitoyables du XVIIe siècle. Sous les multiples costumes qu’il endosse, la variété des illusions qu’il entretient, ses multiples religions et philosophies –bref de tout le tremblement-, l’homme est d’une simplicité schématique. Le dessin, lorsqu’il est pratiqué ainsi que Serre, c’est-à-dire en dessinateur, est un art qui déshabille. Je veux dire par là que pour le dessinateur, plus que pour le praticien d’une discipline abstraite comme la grammaire ou l’arithmétique, l’homme se limite au physique ; du coup, toute la partie rhétorique compte beaucoup moins, c’est-à-dire l’étoffe dans laquelle notre espèce est accoutumée à se tailler des costumes flatteurs.

    J’ai découvert Serre très tôt, vers dix ans, feuilleté ses albums en librairie tandis que mon paternel faisait son propre choix de journaux et bouquins, qui pouvait prendre un certain temps ; c’était une époque où les librairies ne payaient pas encore des employés pour empêcher les clients de feuilleter ou de lire les journaux et les bouquins comme ils font maintenant. Je suis sûr que Serre ferait un bon gag à partir de ce panonceau que l’on peut voir chez certains détaillants : « DEFENSE DE LIRE ».

    Tout ça pour dire que ces dessins, sur le monde des sportifs ou des médecins, se sont gravés dans ma mémoire, alors que je ne les ai pas revus depuis, tant l’impact visuel de ce dessinateur est fort, comparable à celui de Daumier ou de Gustave Doré, quand celui-ci ne donne pas dans le kitsch.

    webzine,bd,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,bestiaire,claude serre,glénat,anthropologie,gustave doré,daumier,dessinateur,franquin,chasseurLe parti-pris de la laideur, logique pour un humoriste, évoque Franquin quant à lui. Il me semble que j’ai une dette vis-à-vis de Serre, probablement responsable de m’avoir dégoûté de la compétition sportive ou de la médecine, à un âge où j’aurais pu mal tourner. Mais je ne connaissais pas le bestiaire de Serre, que je découvre dans cette réédition par Glénat, où Serre s’attaque à une autre forme d’imbécillité humaine, qui trouve naissance et s’enfle sur le terrain des loisirs : ici la chasse, la pêche, ou l’élevage d’animaux de compagnie. Ne croyons pas que le milieu professionnel soit le seul où l’homme se montre comique, involontairement et le plus souvent immédiatement après avoir prononcé cette phrase : « Vous allez voir, je suis un pro. !» La situation des loisirs ou de la recherche du temps perdu est aussi cocasse, en raison de son caractère paradoxal.

    Bien sûr la chasse est au cœur des études anthropologiques, car quel homme n’a pas, dans le fond, une âme de chasseur ? Et quelle femme n’a pas une âme de biche ?

     

    Le Bestiaire, coll. Les Intégrales, Claude Serre, Glénat 2013.

    Le site dédié à feu Claude Serre et son oeuvre.

  • Marco Polo***

    Marco Polo est un peu le saint patron des commerçants & des aventuriers simultanément. C’est une webzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,marco polo,christian clot,didier convard,éric adam,fabio bono,glénat,mongol,gengis-kahn,chine,occident,chrétien,aventure,religion,magie,devisement du monde,merveilles du monde,scénariste,scénario,shakespeare,méthode,histoire,philippe ménard,olivier germain-thomasfigure sympathique du temps où le négoce et les voyages n’étaient pas encore associés à la conquête coloniale, bien que le célèbre voyageur et conteur vénitien soit un pionnier de la «mondialisation». La famille Polo était spécialisée dans le commerce lucratif des pierres précieuses.

    Ainsi que les scénaristes de « Marco Polo – Le Garçon qui vit de ses rêves », nouvellement paru aux éditions Glénat, nous le rappellent dans une documentation complémentaire aux aventures de « Marco Polo », l’authenticité du récit du célèbre voyageur vénitien du XIIIe siècle (« Les Merveilles du Monde ») fut contesté de son vivant, et le reste encore par certains érudits aujourd’hui. Mais l’argument de Christian Clot pour dissiper les soupçons fondés sur les inexactitudes du récit m’a convaincu : « (…) le voyage de Marco Polo a duré près de vingt-quatre ans – dont trois de voyage aller, dix-sept en Chine et trois de voyages retours – sur plus de trente-cinq mille kilomètres (sans compter ceux réalisés durant ses années en Chine). Marco était un adolescent rêveur lorsqu’il est parti, un adulte accompli à son retour. Essayez de vous souvenir avec une exacte précision de tout ce que vous avez fait il y a vingt-cinq ans. Les lieux où vous avez été, les distances parcourues, l’ensemble des personnes rencontrées et des événements survenus sur les plans culturel, politique et autres… Faites-le, bien entendu, sans aucune aide, sans internet, amis ou archives pour vous rafraîchir la mémoire (…) »

    Au demeurant, que ces aventures aient été vécues ou seulement rapportées par Marco Polo, leur récit mentionne des paysages, des peuples, des coutumes et des rois, inconnus de quiconque n’aurait traversé le gigantesque empire mongol de Gengis-Kahn et ses héritiers, jusqu’à la capitale de l’empire, alors en Chine, avant d’en revenir.

    La BD est « librement adaptée » du «Devisement du Monde» et des «Merveilles du Monde» de Marco Polo, parti en 1271 faire du trafic en compagnie de son père et son oncle à l’âge de dix-sept ans. Elle ne s’en écarte que pour combler les lacunes sur la psychologie de Marco Polo (les rapports avec son père) et quelques détails de la sorte, qui mettent du liant dans le récit. Cette fidélité est heureuse et préférable aux scénarios hâtivement construits autour d’un événement historique, qui sert seulement de prétexte à des cavalcades ou des romances qui pourraient aussi bien se situer dans un temps fictif. Pour autant, le côté épique et le rythme n’ont pas été sacrifiés. Shakespeare est la preuve vivante, si je puis dire, qu’on peut faire ouvrage d’historien tout en méprisant les méthodes scolastiques méticuleuses.

    Le scénario souligne les lignes étroits qui unissent le commerce, l’aventure et la religion ; le caractère local de la religion, comme de la musique (les deux mots sont synonymes en grec), explique d’ailleurs que Marco, grand voyageur, se soit forgé sa propre religion, des bribes de cultures exotiques s’additionnant à la culture chrétienne de sa région d’origine.

    Le vif intérêt de Marco Polo pour les inventions techniques, et le rapport que celles-ci entretiennent avec la magie, en raison des pouvoirs extraordinaires que les inventions confèrent à leurs premiers inventeurs, est également illustré. Cela explique d’ailleurs que, en dépit de la logique rationaliste fréquemment mise en avant dans la technocratie moderne, le merveilleux ou la magie n’est jamais très loin. Le discours rationaliste lui-même est magique du point de vue de celui qui n’y a pas été initié. Ce type de rationalisme (il y en a plusieurs) n’est guère qu’une manière pour l’Occident d’affirmer son avance culturelle sur le reste du monde, ce à quoi Marco Polo ne songeait pas. L’Occident chrétien va alors chercher en Orient un allié contre le monde musulman.

    Le dessinateur, Fabio Bono, compatriote de Marco Polo, est influencé par le dessin de manga japonais, ce qui est en l’occurrence une coïncidence plutôt heureuse.

    NB : les scénaristes citent notamment en référence "Marco Polo, à la découverte de l’Asie", de Philippe Ménard (Glénat, 2009) et Marco Polo, d’Olivier Germain-Thomas (Folio, 2010), ainsi que les ouvrages de Marco Polo.

     

    Marco Polo - Le Garçon qui vivait de ses rêves, par Christian Clot, Didier Convard, Eric Adam et Fabio Bono, éd. Glénat, oct. 2013.

  • La Bible selon le Chat*

    Naguère l’Américain Robert Crumb publia une adaptation fidèle de la Genèse de Moïse en BD qui webzine,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,philippe geluck,bible,chat,siné,drucker,jean effel,alphonse allais,genèse,moïse,mort,baudelaire,travail,satan,ravachol,che guevara,ben laden,diable,wallon,flamand,tintin,fachiste,robert crumb,sectateur,démoniaque,undergroundmécontenta à peu près tout le monde. Nombre d’admirateurs de Crumb, en effet, comme celui-ci avait produit pas mal de BD et de dessins polissons, le croyaient plutôt sectateur de Satan, et ils furent déroutés par tant d’éclectisme de la part de ce maître de l’underground. Quant à certains dévots catholiques, jugeant au contraire le dessin de Crumb d’une laideur démoniaque, ce travail les laissa, si ce n’est outragés, du moins fort dubitatifs (je me réfère à quelques critiques lues ici ou là).

    Cela me semble au contraire naturel pour un artiste Américain de s’intéresser à la bible, et plus généralement à la mythologie, tant la culture américaine manque de variété dans ce domaine ; elle est peuplée de super-héros qui sont presque tous des super-flics, un peu comme Tintin en plus fachistes.

    L’intention de Philippe Geluck est plus confuse, comme tout ce que fait Geluck, d’ailleurs, dont l’humour repose habituellement sur un usage efficace du paradoxe, c’est-à-dire à peu près l’équivalent de la contrepèterie pour les gens raffinés ou de la physique quantique pour les mécaniciens.

    En effet, ne voilà-t-il pas un anarchiste, proche de Siné, qui s’est néanmoins fait connaître par la télé et ses paillettes, les sermons dominicaux de Michel Drucker ; vous avouerez qu’on est loin de Ravachol, Che Guevara ou Ben Laden. Cet homme-là est un paradoxe vivant. Comme il réussit tout ce qu’il entreprend, d’aucuns concluront hâtivement qu’ils ont noué un pacte avec le diable, lui et son chat. «La Bible selon le chat» serait donc un ouvrage de commande ?

    Pas si sûr. Car si le diable est le dieu du rire, selon Baudelaire qui lança la mode de se moquer, non pas de dieu mais des Belges, P. Geluck est ici bien moins inspiré qu’avant, pour ne pas dire que son humour antijuif* ou antichrétien** tombe souvent à plat.

    P. Geluck semble avoir voulu faire rire, tout en provoquant à la réflexion, animé ainsi par de louables intentions, mais qui se sont neutralisées mutuellement, un peu comme deux personnes de fort tempérament, en formant une paire d’amoureux, finissent par constituer un binôme insipide au fil des ans.

    Geluck s’inscrit dans une tradition multimillénaire bien rôdée, attestée depuis l’antiquité, et qui consiste pour les satiristes à railler les récits mythologiques, dont l’absurdité apparente prête à rire, comme le récit de certains rêves incohérents (quand bien même les récits mythologiques juifs, grecs ou chrétiens, n’ont pas comme les rêves un fondement organique ou psychologique, mais se veulent au contraire une approche réaliste du monde, du cosmos ou de l’histoire).

    La genèse parle ainsi de la mort et du travail, qu’elle relie au diable et non à dieu, et de leur puissant effet de conditionnement sur l'homme ; elle en parle d’une manière, qui, si l’on y est pas habitué, peut déclencher l’hilarité ou causer de sérieux quiproquos.

    webzine,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,philippe geluck,bible,chat,siné,drucker,jean effel,alphonse allais,genèse,moïse,mort,baudelaire,travail,satan,ravachol,che guevara,ben laden,diable,wallon,flamand,tintin,fachiste,robert crumb,sectateur,démoniaque,undergroundPour se limiter à la Genèse et aux temps les plus modernes, deux humoristes athées, Alphonse Allais et Jean Effel en BD, ont su jouer de l’effet comique du télescopage des figures mythologiques avec le monde moderne, d’une manière plus poétique et plus enlevée que P. Geluck, qui souffre de la comparaison – et moi aussi, ce que, on le comprendra aisément, je ne pouvais attendre d’un ouvrage humoristique. A tel point que je me demande si cet album (double) ne relève pas plutôt de la psychanalyse. Si son défaut d'humour ne vient pas de là ?

    La Bible selon le Chat, par Philippe Geluck, Casterman, 2013.


    *Il va de soi que P. Geluck n’incite pas à la haine raciale des juifs, puisque ceux-ci ne sont pas une race au sens biologique ou juridique selon… la bible.

     

    **Les efforts de Geluck pour provoquer une réaction des catholiques, en se déguisant en prêtre homo pour faire sa promo, n’ont pour l’instant pas déclenché de réaction majeure de la part du Saint-Siège. Déclencher une guerre ethnique entre Wallons et Flamands aurait sans doute été une meilleure tactique pour un auteur afin de faire parler de lui. Il semble trop tôt pour dire si le prochain conflit mondial éclatera sur la base d’un différend religieux, ou s’il opposera plus banalement les possédants à ceux qui n’ont rien ?

  • Trois Fils ???

    Pour le besoin de ce nouvel album, découpé en trois tomes, Ludovic Debeurme a délaissé sa manière webzine,bd,gratuit,zébra,bande-dessinée,fanzine,critique,kritik,trois fils,ludovic debeurme,joan cornella,cornélius,père,complot,rêve,shakespeare,conte,matière,psychologie,thérapeutiquehabituelle de dessiner. D’un trait minutieux quasiment inexpressif, symptôme de l’art le plus académique et dénué de risque, Debeurme est passé à une composition plus géométrique et des perspectives mouvementées.

    Il applique en outre par dessus son dessin des couleurs acidulées, à l’instar de Joan Cornella, jeune prodige de l’humour noir en quadrichromie qui nous venge de la société et du socialisme (Cornella à lire pour ne pas mourir cocu).

    Je dois avouer que j’ai d’abord pris cette BD de L. Debeurme pour un album de Joan Cornella, sans quoi je ne l’aurais peut-être pas ouvert; cette façon artistique d’embrasser la mort sur la bouche (Salvador Dali) a en effet sur moi un pouvoir de fascination plus faible que le macramé ou le tricot. Nécrophiles, tricoteuses, ne venez pas me parler de cadavres exquis !

    Il me paraît donc que L. Debeurme a trouvé une raison de vivre, et qu’elle se traduit dans son art.

    Ce préambule a pu vous paraître un peu long ; mais comment parler autrement de ce conte de Debeurme, qui nous narre le complot de trois fils, dirigé contre leur père ? Cette intrigue semble bien fabriquée dans la matière des rêves, dont Shakespeare dit que nos petites vies sont faites – chair rose ou ombre glauque suivant l’humeur ou le métabolisme de chacun – plutôt qu’il ne serait du genre des contes mythologiques, visant la connaissance des forces cosmiques, par-delà le langage humain.

    Je suis contraint de parler au conditionnel pour parler de "Trois Fils", et de me joindre à ceux qui se plaignent du procédé commercial qui consiste à saucissonner les albums et faire paraître, en l’occurrence, un conte en plusieurs tomes. Quel peut bien être l’usage pour un enfant d’un demi-conte, si ce n’est de provoquer son assoupissement ? Ou même, sur le plan thérapeutique, quel sera l’usage pour un psychiatre du récit d’un demi-rêve ?

    La remarque s’impose ici que le métier de l’édition ressemble de plus en plus à celui de la charcuterie. Cela se voit aussi au soin particulier apporté à l’emballage des bouquins. C’est même une pratique de plus en plus courante de les vendre… sous cellophane ! Par où l’éditeur semble dire :

    - Non, vous ne humerez pas ce livre avant de l’avoir acheté !

    Alors, mettez-vous à ma place, ce d’autant plus qu’il y a de très bons charcutiers dans mon quartier : je ne sais plus trop quel investissement conseiller, d’un demi-conte ou d’un demi-pâté.

    C’est d’autant plus regrettable que le désir de ces trois fils d’assassiner leur père est rempli de la promesse d'une naissance. «Tuer le père», au sens propre ou bien figuré, n’est-il pas la condition nécessaire pour exister par soi-même ? Les Français le savent bien, eux qui n’hésitent pas à appliquer au père de la nation, quelle que soit son orientation politique, cette exécution rituelle, seul véritable instrument de la démocratie (pour l’instant).

     

    (Je rectifierai mon commentaire s’il le faut quand l’éditeur (Cornélius) aura mis un terme au suspens idiot qui plane toujours sur les œuvres de fiction infantilisantes, et l'auteur accouché de deux tomes supplémentaires.)

  • Petite annonce

    Urgent ! Ch. jg ou jf, 8-12 ans p. critique bd "Astérix chez les Pictes" dans Zébra. Bon niv. cult. générale,webzine,bd,fanzine,gratuit,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,astérix,pictes,petite annonce goût pour calembours de préf. Pas sérieux s'abstenir. Ecrire à la rédac. zebralefanzine@gmail.com