La «Revue dessinée» paraît dans un contexte de crise de confiance du public dans la presse
d’information, à des degrés divers. D’abord militants de gauche et de droite se renvoient les accusations de détournement de l’information à des fins de propagande; plus précisément certains mouvements apolitiques comme le mouvement «antipub» font valoir que la notion de «temps de cerveau disponible» prime désormais sur l’information et nuit à la liberté d'expression; enfin des groupuscules anonymes, campant sur la Toile, remettent Orwell au goût du jour et font valoir que l’information n’est qu’une des armes parmi l’arsenal disponible au service de la guerre froide entre blocs continentaux. L’affaire des vraies-fausses armes de destruction massive irakiennes, ou plus récemment l’affaire Wikileaks, est venue renforcer la crédibilité du discours antitotalitaire dans le grand public.
«La Revue dessinée» (15500 ex.) ne prend pas position dans ce débat, en dépit d’une couverture montrant un homme au crayon entre les dents, l’air bien décidé à ne pas s’en laisser conter. Cette nouvelle revue oppose plutôt une manière artisanale de présenter l’information aux techniques quasi-industrielles désormais en vigueur. Elle se donne en outre pour objectif de fournir du travail aux auteurs de bande-dessinée dans la dèche.
Maquettée aux petits oignons et casher de toute pub, la «Revue dessinée» vise, au vu de son premier sommaire, un public plutôt jeune et écolo. En effet, elle traite de façon didactique et en BD de différents sujets tels que l’agriculture dans le Nord de la France, les répercussions des soubresauts de la politique congolaise en Belgique (clin-d’œil au fameux reporter du «Petit XXe» ?), l’extraction du gaz de schiste, les conditions de vie des animaux dans les zoos, la chute du régime de Salvador Allende, les aventures d'une frégate de la marine nationale, la chronique des progrès du matériel informatique... La formule évoque le magazine «XXI», lui aussi dédié au reportage, qui cartonne actuellement en librairie.
Admiratif de l’Américain Ted Rall (pour son audace), et de Cabu (pour sa capacité d’observation), je dois dire que je suis un peu déçu par ce premier numéro, bien que le reportage sur la flambée du coût des terres arables dans le Nord ait retenu mon attention. Pourquoi vouloir faire absolument du reportage BD en respectant les conventions de la BD ? Cette méthode, propice aux récits destinés aux enfants, a l’inconvénient de diluer le propos et de faire perdre au dessin une partie de son impact. Les reportages de Cabu, du temps de son alacrité, étaient un modèle du genre; en deux ou trois dessins, Cabu parvient par exemple à vous dégoûter de la culture japonaise masochiste : c’est ça le journalisme d’information utile dessiné.
De même, malgré l’effort de certains reporters pour introduire un peu de satire, notamment M. Montaigne dans son reportage sur les ménageries, le ton est dans l’ensemble un peu compassé. Pourtant la gravité des présentateurs des journaux télévisés, en particulier ceux qui présentent les bulletins météos ou les prévisions économiques à moyen terme, est loin d’être une garantie de sérieux.
Le quotidien «La Croix» juge lui, au contraire, la «Revue dessinée» «drolatique» (mais c’est «La Croix»).
Bien sûr ce n’est pas une mince gageure de créer ou recréer de toutes pièces une méthode de journalisme qui exige des qualités exceptionnelles d’indépendance, de recul sur l’information, ainsi que des facultés d’observation aiguisées. Le centralisme et le dirigisme spécifiques à la société civile française font en outre des initiatives pour développer une presse indépendante de véritables exploits… en attendant que la France connaisse à son tour une glastnost. On va donc suivre les progrès de la «Revue dessinée» de près (prochain n° en décembre).
La "Revue dessinée", 15 euros, 230 p. (existe aussi en version numérique pour les geeks, sur abonnement).
Futuropolis font cette fois-ci dialoguer un philosophe et un auteur de BD dans «Cher Régis Debray». La façon dont cet éditeur procède est étonnante – comme qui dirait selon un plan d’urbanisation (on rase le village des Schtroumpfs, et on trace des perspectives plus sérieuses à la place).
Carlé, publiée par L’Association.
presse européenne. Il est Suisse est exerce son talent principalement dans son pays natal. Le dernier florilège de ses gags, publié par les « Cahiers dessinés », permet de s’en apercevoir d’autant mieux qu’il y a souvent beaucoup de déchet dans le travail d’un humoriste. En effet, au contraire d’un professeur d’université qui touche une rente confortable pour écrire des ouvrages ennuyeux, l’humoriste exerce un métier de faible rapport ; cela l’oblige parfois à se disperser ou à faire le pitre.
Glorieuses» : le bidonville de Nanterre, où fut entassée dans des cabanes insalubres, une main-d’œuvre d’origine algérienne employée dans le BTP. Dans ce campement précaire, dit «La Folie», rue de la Garenne, environ 1500 ouvriers célibataires et 300 familles s’établirent au début des années 60.
fait mouche avec «Lucky Luke», retournant comme un gant les codes du western héroïque pour donner une série d’albums presque anarchistes, où juge et avocats sont plus corrompus que malfrats (ce qui fait de Lucky Luke une série quasiment réaliste et assez dissuasive pour les enfants de s’accoutumer petit à petit à la lâcheté des adultes).
la presse dite « de caniveau » et le cinéma n’hésitent pas à faire leur miel des affaires criminelles les plus sordides, exploitant ainsi l’érotisme de la violence, mais aussi, dans des milieux plus raffinés, des ouvrages plus ou moins érudits véhiculent la passion pour les grands monstres de l’histoire: Napoléon, Staline, le marquis de Sade, etc., qui ont dominé la société de leur temps en violant ses codes (Précisons tout de même que les meurtres réels du marquis de Sade ont été accomplis dans le cadre légal, militaire, et que sur le plan civil il n’a commis qu’un attentat à la pudeur sur la personne d’une prostituée, lourdement sanctionné. L’activité de tortionnaire de Sade relève du fantasme sexuel, excité probablement par la frustration due à un long embastillement.)