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KRITIK - Page 26

  • Sonnets de Shakespeare*

    Nouvelle traduction de Jacques Darras*

     

                  « La vraie manière d’écrire est d’écrire comme on traduit. Quand on traduit un texte écritwebzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,sonnets,critique,shakespeare,jacques darras,traduction,simone weil,politiquement incorrect,grasset,françois-victor hugo,musique,musicalité,delacroix dans une langue étrangère, on ne cherche pas à y ajouter, on met au contraire un scrupule religieux à ne rien à ajouter. »

    Simone Weil (la philosophe politiquement incorrecte) vante ainsi la probité du traducteur. Mais un proverbe latin incite a contrario à se méfier du traducteur comme d’un traître, et il y a fort à parier que S. Weil prête sa volonté de fidélité et sa probité à toute la corporation des traducteurs, avec une générosité un peu naïve.

    Les problèmes que fait surgir la traduction d’un poète ordinaire, où les partisans du style et ceux de la critique s’opposent, ces problèmes deviennent si épineux s’agissant de Shakespeare qu’on ferait aussi bien, par mesure de précaution, de s’abstenir de traduire Shakespeare. Mais c’est impossible, puisque la vocation des éditeurs français est de vendre du Shakespeare dans la langue de Molière.

    Le mystère enveloppant l’œuvre de Shakespeare justifie une nouvelle traduction à chaque génération ou presque. Ces dernières années, elles se sont multipliées. La dernière version proposée par Jacques Darras doit être la troisième ou la quatrième au cours du dernier demi-siècle.

    « Les 154 sonnets de William Shakespeare n’ont cessé, depuis quatre siècles, d’ensorceler les lecteurs et de passionner la critique, à la fois par leur beauté, expression suprême de l’art poétique élisabethain, et par leur mystère. »

    Ce nouveau projet éditorial est ainsi introduit par l’éditeur en quatrième de couverture. Faisons d’emblée la remarque que les temps modernes ont promu une conception de la beauté la plus subjective qui soit, si bien qu’il y a désormais autant de sortes de beauté que d’interprètes ou de traducteurs.

    L’intention esthétique de Shakespeare, celle de procurer une émotion de cet ordre, n’est  pas prouvée ; il y a même de très nombreux indices dans le théâtre de Shakespeare, avertissant que l’idéal esthétique n’est pas un idéal shakespearien, voire qu’il n’y a rien d’idéal dans Shakespeare, compte tenu des déboires ou des catastrophes encourus par les personnages animés d’une tel idéal esthétique, moral, politique, religieux, ou encore érotique. En témoigne dans ces sonnets ce que le poète dit des roses, qui ne valent pas les mauvaises herbes, dès lors que le temps a fait son œuvre. Métaphore applicable à l’art : le plus brillant aujourd'hui passe vite pour la vanité d’une époque donnée le lendemain. D’autres sonnets encore témoignent de ce que l’art de Shakespeare n’est pas indexé sur le temps, ni même la nature.

    Ces observations sont assez dissuasives, ainsi que des lecteurs peu attentifs l’ont fait auparavant (notamment Stendhal), de rapprocher Shakespeare de l’espèce des poètes romantiques. (...)

     

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  • Afourismes****

    Emmanuel Mané-Katz -dit «Morez»- a connu son heure de gloire dans l’après-guerre, quand les pluswebzine,bd,gratuit,fanzine,bande-dessinée,zébra,kritik,critique,afourisme,morez,cherche-midi,krokodil,aphorisme,punch,emmanuel mané-katz,alphonse allais,viagra,peintre,chat-noir,maroquinier,sempé célèbres titres de la presse magazine publiaient encore plusieurs pleines pages de dessins humoristiques.

    Morez collabora à des titres aussi différents que «Krokodil», journal humoristique soviétique, «Lui», «Paris-Match», «Le Pèlerin», «Punch». Il est vrai que les humoristes s’encombrent rarement d’idéologie.

    Prolifique, Morez a donc rarement été publié sous forme de recueil. «Afourismes», au «Cherche-midi», comble cette lacune. S’il n’est pas aussi subversif qu’Alphonse Allais, dynamiteur subtil de cette religion de l’homme moderne qu’est le « progrès », reculant à mesure qu’on s’approche de lui, Morez polit des aphorismes ou des bons mots, et les intercale entre ses dessins, évocateurs des saillies du maître normand. Voyez plutôt :

    « Le maroquinier a licencié l’apprenti, il l’a surpris la main dans le sac. » ;

    « Elle ne va plus à la selle quand elle monte à cheval. » ;

    « Un type trop « raide » pour se payer une boîte de viagra » ;

    « Ils s’entendent à merveille : il est peintre, sa femme est cadre. » ; ces facéties nous rappellent que l’art populaire a toujours comporté une part de raillerie ou de désinvolture vis-à-vis du langage, sacré en revanche du point de vue de l’élite et de ses rhéteurs.

    Morez a aussi en commun avec certains artistes du «Chat Noir» une opportune reconversion de peintre en dessinateur humoristique, en des temps où la peinture de chevalet ne sert plus guère qu’à épater le chaland ou à l’art-thérapie.

    Comme il ne traînait pas de «Paris-Match», de «Lui» ou de «Pèlerin» dans le grenier de mon grand-père, qui préférait les quotidiens plus adéquats pour allumer le feu ou dégraisser la vaisselle, je dois avouer que Morez (nonagénaire) est pour moi une heureuse découverte. Son trait évoque un peu celui de Sempé, en plus franc.

     

    Afourisme, Morez, éd. du Cherche-midi, nov. 2013. 

  • Cartooning for peace**

    100 dessins de "Cartooning for Peace" pour la liberté de la pressewebzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,dessin,presse,liberté,mix et remix

    Autant le dire d'emblée, je trouve ce genre d'initiative d'un goût douteux, éditorialement parlant. De Gaulle parlait de "machin" pour désigner l'ONU ; j'appliquerais volontiers ce sobriquet à "Cartooning for Peace", association de dessinateurs de presse lancée par Plantu, le dessinateur-vedette du "Monde" depuis des lustres : un machin de plus.

    D'abord Plantu n'est pas un dessinateur humoristique, mais un dessinateur politique ; or les causes de la guerre sont des causes politiques et non humoristiques. Je veux dire que Plantu est associé à une cause politique, celle du "Monde", organe de centre-gauche (qu'on me corrige si je me trompe, car je ne lis pas ou peu la presse "engagée") et, plus ou moins aussi la cause palestinienne.

    Je soupçonne même Plantu de voter, ce qui ne manque pas de sel dans la circonstance où le seul parti réputé fachiste améliore son score, mais surtout dans la circonstance où le budget de l'Etat est cruellement obéré par les dépenses électorales des précédents régimes et exige la jachère électorale. Imaginez que, sur autant de bulletins de vote où l'on imprime le nom de M. Tartempion ou Mme Cucugnan soient plutôt imprimés des dessins humoristiques... sans doute la face du monde n'en serait pas changée, mais, au moins, l'habitude un peu fastidieuse de s'en remettre à un bulletin de vote pour décider de son avenir serait freinée. (...)

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  • C'est toi ma maman ?***

    « C’est toi ma maman ? » est à déconseiller aux lecteurs qui exècrent la psychanalyse ou qui trouvent webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,alison bechdel,denoël graphic,alice miller,psychanalyse,tasha,blog,homosexualité,lesbienne,narcissisme,virginia woolf,bovarysme,dépressive,dahmer,mauriacfacilement les auteurs nombrilistes » : ainsi Tasha met-elle franchement en garde d’emblée sur son blog les lecteurs éventuels du roman graphique d’Alison Bechdel, traduit de l’américain par «Denoël graphic». Cette critique n’a pas tort de mentionner, en outre, le goût prononcé des Américains pour la psychanalyse. Dès les débuts du cinéma parlant, ils en ont fait la matière de certains films à prétention intellectuelle plutôt rébarbatifs.

    On l’oublie parfois, mais la culture américaine est d'abord et surtout germanique, et les sciences sociales issues de la «Mitteleuropa» sont tenues en plus haute estime aux Etats-Unis qu’en France. Malgré les efforts des institutions éducatives et sanitaires dans ce sens, le scepticisme persiste dans les milieux populaires vis-à-vis de la psychanalyse. Il y a quelques années, le porte-parole d’un parti ouvrier, sommé au cours d’une interview à la télé de donner son avis sur ce qu’il pensait de cette pratique, s’était contenté de hausser les épaules et de lever les yeux au ciel pour toute réponse. Le narcissisme/bovarysme continue d’être perçu comme une tournure d’esprit typique des milieux bourgeois.

    Néanmoins, sur un plan ethnographique plus général, on peut trouver la lecture du cas clinique en bande-dessinée d’Alison Bechdel instructive. La psychanalyse s’impose en effet aujourd'hui comme la pratique religieuse ou le moyen d’accomplissement de soi le plus répandu dans les pays occidentaux développés.

    La mère de l’auteur est d’ailleurs elle-même circonspecte à l’égard de l’homosexualité de sa fille, et plus encore vis-à-vis d’une pratique artistique mêlant introspection et déballage public du linge sale familial (bisexuel, le père d'Alison s'est suicidé). Mme Bechdel-mère exprime en effet des doutes sur la valeur d’une telle littérature de genre, ultra-spécifique.

    Féminisme et homosexualité se recoupent implicitement dans le discours d’Alison B., étayé par les études de psy. de la jeune femme, qui complètent une très longue analyse ; or celle-ci relève que les lesbiennes, l’icône féministe Virginia Woolf, par exemple, ont souvent eu des mères assez réacs, attachées à des mœurs traditionnelles.

    Le lien ambivalent mais très étroit qui unit Alison B. à sa mère est donc central dans ce long déballage de linge sale (295 p.). Comment "tuer la mère", alors qu’Alison n’a pas de grief sérieux vis-à-vis d’elle ? «C’est toi ma maman ?» est en effet largement un matricide virtuel, ainsi que les deux femmes finissent par reconnaître. Dans un précédent tome, bien accueilli par la critique aux Etats-Unis, Alison B. avait déjà «réglé son compte» à son père.

    On peut regretter la traduction du «mother» du titre original en un «maman» un peu niais, car il y a dans l'exposition de ce lien identitaire entre Alison et sa mère une dimension dramatique, qui traduit l’effort pénible pour naître une deuxième fois, bien que l'on soit loin de la noirceur des drames familiaux racontés par François Mauriac. Comme dans les films américains, la thérapie fait espérer une fin heureuse. Contrairement à l'usage le plus courant dans la littérature européenne, l'aspect comique est sacrifié à l'espoir de béatitude. L’auteur de «Mon Ami Dahmer », témoignage sur un tueur en série américain, évoquait lui aussi l’état dépressif fréquent des jeunes mères au foyer américaines.

    L’homosexualité d’Alison B., dans la mesure où elle implique un désintérêt pour la procréation, ne fait que stimuler son envie d’indépendance et de création artistique. (...)

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  • TOP-ALBUMS 2013

    10 meilleurs albums BD 2013 (hors rééditions)

    ...ou comment se faufiler comme un as du slalom à travers l'avalanche des nouveaux albums.

    1/Le Chien qui louche (Etienne Davodeau/Futuropolis)

    Haut-lieu du culte que l'homme se rend à lui-même, il flotte au Louvre un parfum d'absurdie habilement peint par E. Davodeau.

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    2/Le Mix (Mix & Remix/Buchet-Chastel)

    La dictature est favorable, dit-on, à l'épanouissement de l'humour et des humoristes. Mix & Remix, d'origine Suisse, vérifie une fois de plus l'adage.

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    3/Stevenson, le pirate intérieur (Follet, Rodolphe/Dupuis)

    La biographie en BD d'une âme retenue prisonnière par la maladie, et battant le pavillon noir de l'aventure de toutes ses forces : une gageure relevée avec brio par Follet & Rodolphe.

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    3/La Nuit du Capricorne (Grégoire Carlé/L'Association)

    De l'évolution de l'homme vers l'insecte. Mathématique et kafkaïen.

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    5/La Colonne (N. Dumontheuil, Dabitch/Futuropolis)

    De l'évolution de l'homme vers l'insecte. Mathématique et kafkaïen.

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    Dabitch et Dumontheuil montrent le revers de la médaille, à partir d'une tragédie réelle occultée.

    (...)


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  • Tsunami***

    Et le coin de paradis pour touristes occidentaux friqués s’est changé d’un seul coup en enfer…webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,tsunami,pendanx,piatzszek,amélie nothomb,futuropolis,candide,pangloss,lisbonne,sumatra,indonésie,pandore

    Tout le monde ou presque a vu cette grosse déferlante, dans l’objectif tremblant d’un caméraman amateur, foncer tranquillement, sûre d’elle, en direction de vacanciers en mode «pause», avant de les ratatiner.

    Le récit, que l’on peut supposer véridique, commence ici avec l’arrivée d’un jeune Français en Indonésie, au Nord de Sumatra, sur les traces de sa sœur, disparue depuis plusieurs années. Celle-ci n’a pas péri dans la catastrophe naturelle, mais elle n’est pas rentrée après son engagement comme médecin dans la mission de secourisme envoyée sur les lieux, et a cessé de donner de ses nouvelles. Plutôt indolent, le jeune enquêteur souhaite soulager sa mère, qui « ne vit plus », du poids de cette absence.

    Les catastrophes naturelles, on le sait, provoquent la réflexion. On se souvient de Candide, secouant le prunier de la logique de Pangloss, du stoïque « meilleur des mondes possibles », à cause du tremblement de terre de Lisbonne.

    La quête du bonheur incite bon nombre de représentants de l’espèce humaine à rester en vie, y compris ceux, plutôt tordus, qui pensent que plus on souffre, meilleurs on est, et qui en appellent souvent à un jugement de l'au-delà ; dans le même temps, nous sommes presque tous aussi conscients de la fragilité de ce graal, qui évoque le bonheur.

    La romancière Amélie Nothomb témoigne : «J’ai tout pour être heureuse, et je le suis ; cependant mon bonheur est altéré par la crainte que mon bonheur ne dure pas.» Et l’on peut retourner ce sentiment comme un gant, car au plus profond du malheur ou de la souffrance, ce qui l’allège sans doute, c’est l’espoir d’un moindre malheur ou d’une jouissance future. Le vieux mythe de Pandore a ainsi bien résumé le problème de la condition humaine, avec cette histoire de vase piégé, rempli de catastrophes et en même temps plein d'espoir, qui fait oublier l’instant la catastrophe, la souffrance, la cruauté, et le hasard inique... l'instant d'après.

    Il y a dans la nature, omniprésentes, une idée du paradis à rechercher, et une idée de l’enfer à fuir. Pratiquement toute fiction ne fait que décliner ce diptyque naturel, y compris les paradis artificiels où la jeunesse dorée aime s’enfoncer, parfois même avant d’avoir commencé de vivre. Le séjour des morts lui-même n’est, dans nombre de religions abstraites, que mirage prolongeant la nature, dont quelques poètes ou quelques sages seulement savent, l’ayant déduit de l’observation des choses de la nature, qu’il n’est que rêve.

    «Tsunami» de Pendanx et Piatzszek, illustre ce mobile psychologique parfaitement, d'où cette BD baigne dans une ambiance mi-amère, mi-paisible. On le sait grâce aux poètes romantiques, la mort évoque tout autant qu’un atoll paradisiaque le calme, le luxe et la volupté.

    Il me semble qu’on n’est pas loin ici d’un hymne à la drogue, cette religion personnelle, qui remplace dans les pays modernes les grandes religions déchues que sont le catholicisme ou le communisme ; c’est-à-dire une ode au soulagement de la souffrance par l’anesthésie, la souffrance qui paraît inique, psychologiquement, bien plus que la mort.

     Tsunami, par Pendanx et Piatzszek, Futuropolis, nov. 2013

  • Le Chien qui Louche****

    Un site internet dédié à Etienne Davodeau résume bien la principale qualité de son travail : «Ses webzine,bd,fanzine,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,étienne davodeau,chien qui louche,ignorants,vin,musée,louvre,futuropolisalbums sont de ceux qu’on ne lâche pas parce qu’on veut toujours savoir «ce qui se passe après la page qu’on est en train de lire». En effet, en dépit d’un projet didactique a priori rébarbatif, je m’étais laissé entraîner jusqu’au bout de «Les Ignorants», pénultième opus de Davodeau chez Futuropolis, dans lequel l’auteur traçait une parallèle original entre la viticulture et la bande-dessinée.

    Cet effet d’entraînement tient à trois qualités : d’abord une façon de conter au rythme égal d’un marcheur sachant où il va, et quels sont ses moyens, quand beaucoup s’égarent à vouloir imiter le cinéma ou d’autres techniques ; cette qualité musicale est sans doute celle du scénariste-dessinateur en un seul homme. Secundo, Davodeau est plutôt bon observateur des comportements et des tics de ses contemporains ; on a souvent affaire à des ouvrages conceptuels, manquant de recul, puisque le concept n’est autre que le préjugé moderne. Les auteurs dont la personnalité est trop envahissante ne sont pas très crédibles, quand il s'agit de faire le portrait d'autrui, et ils ont rarement le sens de l’humour. Davodeau n’en manque pas, surtout dans «Le Chien qui louche», nouvelle déroutante et bien menée, située dans ce saint des saints de la Culture qu’est le Louvre.

    Chacune des qualités évoquées plus haut se trouve perfectionnée dans cet album, ce qui le rend plus probant que «Les Ignorants», qui manquait un peu de culot. A propos des «Ignorants», un pote m’avait fait remarquer, plutôt dubitatif, que c’était le premier bouquin dédié au vin qu'il lisait, exempt de "cuite mémorable". Cela dit les pays où l’on boit à la manière suicidaire sont justement ceux où l’on ne produit pas de vin : Russie, Etats-Unis, Bretagne, etc.

    Je ne dirai pas plus de l’intrigue de «Le Chien qui louche» que son cadre et son héros post-moderne, vigile au Louvre ; la nouvelle est un genre littéraire qui ne se résume guère. Disons plutôt que cette BD, indirectement, soulève un problème : à quoi rime tout ce cirque ? Est-ce le populo qui est abruti de déambuler ainsi à travers le palais du Louvre, en quête de sensations mal définies, ou bien ce sont les autorités culturelles compétentes qui sont inaptes à dispenser la bonne parole de la culture ? Est-ce qu’il ne vaudrait mieux pas carrément brûler tout ce fatras d’art antique & solennel, qui intimide, ou bien ne semble passionner sincèrement qu’une petite élite fétichiste ?

    Dans la BD de Davodeau, c’est une famille de ploucs qui semble être la seule à trouver un sens à peu près net à ce trésor hétéroclite sous haute surveillance, à savoir celui de faire la promotion, autant que possible, du génie humain.

    Le Chien qui Louche, Etienne Davodeau, Futuropolis, oct. 2013.