Critique et romancier en vue, Frédéric Beigbeder avance que l’autodérision est l’ingrédient indispensable d’une bonne autobiographie. On évite ainsi d’infliger au lecteur une sorte d’examen de conscience à la fois pénible et plus obscène que l’exhibition de la chair.
De fait, la force d’ouvrages tels que les « Confessions » de Rousseau, le « Candide » de Voltaire, ou encore « Mort à crédit » de Louis-Ferdinand Céline, tient largement à la capacité d’autodérision de leurs auteurs. On fait plus souvent référence au style de Rousseau ou à ses idées morales, mais il suffit de lire ou de relire les premiers chapitres des « Confessions » pour s’apercevoir qu’il est aussi un auteur plein d’humour.
« Carnation » est le récit des illusions et désillusions sentimentales d’un jeune dessinateur, Xavier Mussat, demeurant à Angoulême après y avoir fait ses études, puis entamant une carrière dans le dessin-animé (sous la houlette de Michel Ocelot/Kirikou). Pas ou peu d’autodérision dans ce récit autobiographique, cependant l’auteur évite l’écueil de l’auto-complaisance. Il a le mérite de suggérer que la conjugaison de deux âmes un peu paumées est sans issue qui ne soit fatale ; et de rappeler aussi cette vieille analogie qui remonte à l’Antiquité, entre les amours humains et la prédation ou la chasse (indiquée par l’arc et les flèches d’Eros), en se représentant d’emblée, dès les premières pages de ce récit qui en compte 250, sous l’apparence d’un vautour. Le lecteur est ainsi incité à se poser la question : - Quel sorte de prédateur sexuel suis-je ?, de façon utile en des temps où, pour le besoin de la consommation, les publicitaires martèlent et forgent du matin au soir une idée de la liberté comme la satisfaction de l’instinct ou de la passion, afin d’augmenter les recettes.