Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

claude serre

  • Le Bestiaire*****

    « Rien de ce qui est humain ne m’est étranger ! », proclame un penseur trop exhaustif à mon goût, et webzine,bd,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,bestiaire,claude serre,glénat,anthropologie,gustave doré,daumier,dessinateur,franquin,chasseursans doute plus collectionneur que critique.

    L’angle de l’humour choisi par Serre (1938-1998) est moins obtus ; on peut dire de Serre qu’il a un œil d’aigle pour débusquer les faiblesses humaines ; ou bien que c’est un anthropologue qui va à l’essentiel, à la manière des moralistes impitoyables du XVIIe siècle. Sous les multiples costumes qu’il endosse, la variété des illusions qu’il entretient, ses multiples religions et philosophies –bref de tout le tremblement-, l’homme est d’une simplicité schématique. Le dessin, lorsqu’il est pratiqué ainsi que Serre, c’est-à-dire en dessinateur, est un art qui déshabille. Je veux dire par là que pour le dessinateur, plus que pour le praticien d’une discipline abstraite comme la grammaire ou l’arithmétique, l’homme se limite au physique ; du coup, toute la partie rhétorique compte beaucoup moins, c’est-à-dire l’étoffe dans laquelle notre espèce est accoutumée à se tailler des costumes flatteurs.

    J’ai découvert Serre très tôt, vers dix ans, feuilleté ses albums en librairie tandis que mon paternel faisait son propre choix de journaux et bouquins, qui pouvait prendre un certain temps ; c’était une époque où les librairies ne payaient pas encore des employés pour empêcher les clients de feuilleter ou de lire les journaux et les bouquins comme ils font maintenant. Je suis sûr que Serre ferait un bon gag à partir de ce panonceau que l’on peut voir chez certains détaillants : « DEFENSE DE LIRE ».

    Tout ça pour dire que ces dessins, sur le monde des sportifs ou des médecins, se sont gravés dans ma mémoire, alors que je ne les ai pas revus depuis, tant l’impact visuel de ce dessinateur est fort, comparable à celui de Daumier ou de Gustave Doré, quand celui-ci ne donne pas dans le kitsch.

    webzine,bd,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,bestiaire,claude serre,glénat,anthropologie,gustave doré,daumier,dessinateur,franquin,chasseurLe parti-pris de la laideur, logique pour un humoriste, évoque Franquin quant à lui. Il me semble que j’ai une dette vis-à-vis de Serre, probablement responsable de m’avoir dégoûté de la compétition sportive ou de la médecine, à un âge où j’aurais pu mal tourner. Mais je ne connaissais pas le bestiaire de Serre, que je découvre dans cette réédition par Glénat, où Serre s’attaque à une autre forme d’imbécillité humaine, qui trouve naissance et s’enfle sur le terrain des loisirs : ici la chasse, la pêche, ou l’élevage d’animaux de compagnie. Ne croyons pas que le milieu professionnel soit le seul où l’homme se montre comique, involontairement et le plus souvent immédiatement après avoir prononcé cette phrase : « Vous allez voir, je suis un pro. !» La situation des loisirs ou de la recherche du temps perdu est aussi cocasse, en raison de son caractère paradoxal.

    Bien sûr la chasse est au cœur des études anthropologiques, car quel homme n’a pas, dans le fond, une âme de chasseur ? Et quelle femme n’a pas une âme de biche ?

     

    Le Bestiaire, coll. Les Intégrales, Claude Serre, Glénat 2013.

    Le site dédié à feu Claude Serre et son oeuvre.

  • Revue de presse BD (58)

     

     

     

    + Le programme complet de la 69e biennale du fanzine naturiste de Bruxelles, qui démarre dès vendredi soir (Zébra tiendra stand les samedi 22 et dimanche 23).

    + Du côté de Bruxelles aussi cet après-midi, le tampographe Sardon propose un assortiment choisi d'injures typiquement bruxelloises, plus épicées que des pralines belges. Si je me fais traiter là-bas de "franskillon" par un "belgicain", je pourrai répondre du tac-au-tac : - Dégagiss, espèce de schieven arkitek !

    Le dessinateur iranien Maya Neyestani, imitateur de feu Claude Serre, est réfugié politique en France; un de ses dessins interprété à "contresens", écrit le blogueur François Forcadell, a déclenché des émeutes dans son pays et entraîné son arrestation. En même temps on voit mal comment un amateur d'art absurde tel que Maya Neyestani pourrait être interprété autrement qu'à contresens ?

    + "France-Culture" s'est récemment efforcé de proposer un portrait radiophonique contrasté (1 h) de Walter Elias Disney (1901-1966), pilier de la culture américaine ; l'art de Walt Disney a d'ailleurs utilement été qualifié par un critique anglais de "seul art spécifiquement américain" ; il faut préciser d'ailleurs que c'est le "story telling", c'est-à-dire la manière de raconter les histoires qui est typiquement étatsunienne, et non les histoires elles-mêmes, empruntées par Disney à la littérature européenne, sans autre critère de choix que l'instinct. Mon principal grief vis-à-vis de Walt Disney est la présentation puérile d'oeuvres qui ne s'adressent pas spécialement aux enfants, mais dépassent la loi du genre consumériste totalitaire. La dictature molle de la consommation exige en effet de maintenir le plus possible l'individu au niveau infantile ou identitaire, avec le risque de dérapage sadique que cela comporte, et qui sont la rançon de cette méthode de maintien de l'ordre.

    Bien qu'un peu fade, cette biographie-express ne comporte pas moins des passages intéressants, comme le développement autour de la cité idéale d'Epcot, rêvée par Walt Disney. Le millénarisme politique n'est pas une idée neuve, loin s'en faut, puisque certains théologiens du moyen-âge en conçurent plusieurs formules avant-gardistes ; on peut se demander si la cité du Vatican elle-même ne repose pas sur une spéculation juridique similaire à celle du Epcot de Walt Disney. Mais les parcs d'attraction modernes sont plus révélateurs de l'aspiration au totalitarisme, c'est-à-dire de son aspect délicieusement régressif et religieux, habilement exploité par la publicité.

    L'un des intervenants fustige la médiocrité de l'oeuvre de Walt Disney, intervenant condamné probablement lors d'une émission sur "France-culture" à suggérer qu'il peut en être autrement de la culture. Guy Debord rappela de façon plus pertinente que la fonction même de la culture exige qu'elle soit médiocre ; sa fonction, c'est-à-dire son rôle de ciment social, distinct du progrès artistique ou scientifique, exigeant au contraire de lutter contre l'inconscient collectif, les préjugés sociaux et le rêve.

    La culture est nécessairement élitiste et religieuse, physique à son apogée, et macabre en fin de cycle -en réalité parfaitement statique, procurant l'illusion du mouvement comme le dessin-animé, la culture ne peut que péricliter. Le stade du rêve ou de l'onirisme se situe déjà par-delà la ruine, comme l'indiquent les aspects virtuel et spéculatif de la culture contemporaine, qui dépasse rarement le niveau de la pure rhétorique ou du "story telling". Les actionnaires du parc d'attraction ont sans doute décrété trop tôt la "fin de l'histoire" ; ou trop tard, car c'est une détermination essentielle de la culture occidentale, depuis le début, d'essayer de refermer la porte étroite de l'histoire.

    + A propos d'absurdité et de Roland Topor, la chaîne "Arte" rediffuse "Téléchat", qu'il est possible de visionner en streaming sur le site de la chaîne. "Téléchat" se moque subtilement du JT et du devoir d'information, à travers les personnages de Groucha et Lola. Si la série était remise au goût du jour, Lola pourrait être une dinde et avoir une aventure avec un homme politique. L'idée originale était aussi de donner la parole aux légumes, aux fruits et divers objets, ce qui rappelle les conférences de Bergson sur la conscience des végétaux. Plus récemment, le CERN a investi des dizaines de milliards d'euros dans la recherche de l'hypothétique "Boson de Higgs", frère siamois du "Gluon de Topor", et une question vient forcément à l'esprit : - si le monde est absurde, est-il nécessaire pour en rendre compte que la science le soit aussi ?

    + Le site d'actu belge "Actuabd" fait de la pub pour la prochaine comic con' de Paris-Villepinte. On ne peut que déplorer l'assimilation systématique de la culture pop(ulaire) à la culture commerciale. Ce n'est pas le peuple qui réclame "du pain et des jeux" ou "du foot et du cinoche", mais les élites qui entretiennent ainsi le populisme.

    + La restructuration du fanzine Zébra m'accapare au point que j'ai dû ranger quelques projets dans les tiroirs provisoirement, dont l'interview du dessinateur satirique Fanch, militant marxiste contre le droit de propriété intellectuelle, dans la lignée de Banksy. Une caricature de Fanch ar Ruz pour faire patienter :

     

    webzine,bd,gratuit,zébra,bande-dessinée,fanzine,revue de presse,58,hebdomadaire,biennale,bruxelles,programme,stand,maya neyestani,iran,claude serre,françois forcadell,roland topor,arte,groucha,lola,streaming,boson de higgs,cern,gluon,devoir d'information,bergson,téléchat,actuabd,comic con,villepinte,culture populaire,fanch ar ruz,satirique