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KRITIK - Page 24

  • Eloi****

    Une goélette française, la «Renommée», rentre de Nouvelle-Calédonie à son port d’attache,webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,éloi,florent grouazel,younn locard,actes sud,nouvelle-calédonie,canaque,roman,passagers du vent,françois bourgeon,colonialisme,dramaturgie transportant un canaque, baptisé dans la religion chrétienne «Eloi». Pour des motifs troubles, mais selon son gré et celui de sa tribu, cet indigène de la Nouvelle-Calédonie a embarqué pour ce voyage au très long cours. Cédant aux instances d’un ami d’enfance, qui se pique d’ethnologie, contre toute attente le capitaine du navire a accepté que le jeune Eloi se joigne à son équipage de rudes marins.

    Cet invité de dernière minute est le personnage central d’un huis-clos maritime mené de main de maître par Younn Locard et Florent Grouazel (dessin). Les faits se déroulent dans la première moitié du XIXe siècle.

    Les amateurs de navigation et de bande-dessinée connaissent peut-être «Les Passagers du Vent», best-seller de François Bourgeon paru dans les années 80. Si, au premier abord, «Eloi» rappelle cette série, par ses thèmes généraux, voire le dessin, les auteurs parviennent ici à donner à leur intrigue romanesque une densité psychologique qui faisait défaut aux «Passagers du Vent», BD pleine de bons sentiments anti-esclavagistes, mais peu crédible en raison de personnages et d’un scénario trop manichéens.

    Beaucoup plus ambigus, les personnages de Locard et Grouazel sont, du même coup, plus humains et, surtout, moins prévisibles, ce qui bénéficie à la dramaturgie. Peu à peu, l’étau se resserre autour du «sauvage», que tous considèrent comme tel à l’exception du prêtre qui l’a baptisé. Le contexte de la navigation en mer, parmi des hommes réunis par la stricte hiérarchie régnant à bord des navires, ne laisse aucun échappatoire à l'imprudent aventurier canaque.

    Et l’étau se resserre sans qu’on sache d’où le coup fatal va venir : des hommes d’équipage, les plus frustes, méfiants et brutaux vis-à-vis de l’intrus, ou bien de ceux, plus rares, qui manifestent, par amitié, par esprit religieux, ou encore par curiosité, le plus de bienveillance ? On navigue dans le brouillard et l’atmosphère est très tendue car on devine que la tempête peut éclater à tout moment. La peinture des gens de mer est aussi réussie, en particulier le portrait du capitaine du navire, sympathique mais pusillanime, qui sent dès le départ qu’il commet une erreur en acceptant qu’Eloi monte à son bord, mais ne peut s’empêcher de commettre cette erreur.

    Le destin de l’Occident moderne est tellement lié à l’aventure coloniale que ce roman, s’il se présente comme un roman historique, manie un thème d’actualité crucial. Le canaque Eloi est entouré de personnages dont les intentions sont toutes équivoques, des marins hostiles, à qui les mœurs cannibales des canaques inspirent la peur, en même temps qu’elles excitent leur curiosité, jusque au prêtre adepte de la fraternisation, en passant par l’ethnologue dont on ne sait si le prétexte scientifique recouvre une véritable soif de savoir, ou bien un désir de gloire. Et on peut dire qu’Eloi lui-même se jette dans le piège tête baissée.

    De même, si les anciennes préventions contre les cultures primitives des tribus ou des peuples colonisés ont été officiellement abolies pour faire place aux bonnes intentions, le rapport des nations occidentales avec les anciennes colonies demeurent un rapport de domination et de soumission réciproque. Encore et toujours, l’ambiguïté est partout, les bons sentiments se mêlent inextricablement à la défiance et à la haine, la curiosité, comme dans l’intrigue de cette BD.   

     

    Eloi, par Grouazel et Locard, Actes Sud-l’An 2, 2013, 222 p.

  • Félix Vallotton****

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    Ce n’est sans doute pas un hasard si Félix Vallotton (1865-1925) resurgit aujourd’hui, en pleine crise des valeurs bourgeoises. En effet, malgré un riche mariage tardif qui le mit à l’abri du besoin, Vallotton n’épousa jamais vraiment la raison de son temps. Son art, si singulier, se détache bien plus de son époque qu’il n'en est l'écho. Contrairement aux impressionnistes, Vallotton ne participe pas à l’enthousiasme général.

    L’idée de progrès social, en particulier, est étrangère à Vallotton, trop lucide pour se bercer de ce genre d’illusion ; on l’imagine bien dire, comme Kafka : « Croire au progrès ne signifie pas qu’un progrès a déjà eu lieu. » Le mépris du bonheur, en tant qu’idéal bourgeois, est palpable dans l’oeuvre de Vallotton.

    Qui a raté comme moi l’exposition de cet hiver au Grand Palais pourra se rattraper avec l’épais catalogue la retraçant, publié par la Réunion des musées nationaux. Ce volume comporte de nombreuses reproductions de bonne qualité, représentatives de l’œuvre de Vallotton.

     Sans être positivement moderne, Vallotton a su s’adapter aux nouvelles modalités techniques de diffusion de l’image, reléguant la peinture d’apparat ou de musée. Les bois gravés de Vallotton, suivant une perspective narrative à laquelle le dessin de presse, l’illustration ou la bande-dessinée nous ont familiarisés depuis, sont très "frais" et efficaces (on peut constater qu'en matière de "ligne claire", les auteurs de BD n’ont pas inventé grand chose, si ce n'est le mot). (...)

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  • Van Gogh, le Suicidé de la Société***

    Les rapports entre l’art et la psychanalyse sont houleux depuis le début. Le jugement de l’art et dewebzine,bd,zébra,gratuit,bande-dessinée,fanzine,kritik,critique,antonin artaud,van gogh,suicidé de la société,karl kraus,psychanalyse,art,médecine,psychiatrie l’artiste, à travers l’analyse de son œuvre, suivant une méthode appliquée très tôt par Freud et ses disciples, n’a pas manqué de se heurter à la résistance de certains artistes. D’abord parce que cette méthode a été utilisée par Freud dans un but polémique de dénigrement des opposants à ses thèses ; l’adversaire était disséqué, jusqu’à débusquer sa tare ou son aliénation et requalifier son hostilité en maladie.

    On comprend qu’un tel procédé ait pu rencontrer une résistance ; le cas de Karl Kraus (1874-1936) est le plus fameux, qui choisit d'affronter Freud, après que celui-ci renonça à rallier Kraus, brillant journaliste viennois, à sa cause, à l’aide de réparties et d’aphorismes cinglants (« La psychanalyse est cette maladie mentale qui se prend pour sa propre thérapie ».) La défense de Kraus va au-delà de son cas personnel, puisque il s’agit de défendre l’art contre la psychanalyse, que celle-ci tend, selon Kraus, à désacraliser.

    Par la suite, la tentative de certains psychanalystes et psychiatres d’établir une nouvelle norme éthique et sociale acceptable, déborde le cadre des recherches de Freud, même s’il est indéniable que les méthodes de la psychanalyse pour s’imposer furent analogues à des méthodes cléricales, reprenant le principe de la mise à l’index et de la censure.

    Le cas d’Antonin Artaud est particulièrement émouvant, car de graves problèmes de santé dès l’enfance et la difficulté supplémentaire à vivre qui en a résulté ont placé Artaud entre les mains des médecins-psychiatres. Cette maladie explique aussi l’effort d’Artaud pour trouver dans l’art et toutes sortes de religions différentes une «porte de sortie». «Van Gogh, le suicidé de la société», bref ouvrage commis tardivement par Artaud afin de défendre Van Gogh et protester contre sa réputation d’artiste aliéné, en affirmant au contraire son innocence, Artaud se venge lui-même des psychiatres ; il voit manifestement dans Van Gogh un frère spirituel.

    « C’est ainsi qu’une société tarée a inventé la psychiatrie pour se défendre des investigations de certaines lucidités supérieures dont les facultés de divination la gênaient. », écrit Artaud, avec une force polémique et développant une argumentation qui ne sont pas sans rapport avec ceux de Kraus précédemment, bien que la nature des « facultés de divination » évoquées par Artaud restent vagues.

    « On peut parler de la bonne santé de Van Gogh qui, dans toute sa vie ne s’est fait cuire qu’une main et n’a pas fait plus, pour le reste, que se trancher une fois l’oreille gauche, dans un monde où on mange chaque jour du vagin cuit à la sauce verte ou du sexe de nouveau-né flagellé et mis en rage, tel que cueilli à la sortie du sexe maternel. »

    Dans ce passage ironique, on saisit le différend qui oppose l’artiste aux représentants de l’ordre et de la morale publics. La société ne peut pas juger Van Gogh, dont Artaud fait une sorte de martyr, car la société donne elle-même tous les signes d’aliénation et de violence.

    Il ne s’agit pas de nier les tourments de l’âme de Van Gogh pour Artaud, mais de dénier à la médecine le droit de les réduire à un symptôme clinique.

    Ce petit livre est le témoignage à charge d’un artiste contre le monde moderne.

    Van Gogh, Le Suicidé de la Société, Antonin Artaud, Gallimard.

  • La Survie de l'Espèce***

    La volonté de comprendre l’engrenage capitaliste, présenté le plus souvent comme un mécanismewebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,paul jorion,grégory maklès,futuropolis,survie de l'espèce,karl marx,corinne maier,anne simon,dargaud,économix,michaël goodwin,dan burr,arènes,lénine,pamphlet,paul lafargue,social-traître,blog,crise d’horlogerie d’une extrême complexité, a donné lieu à plusieurs bandes-dessinées récemment. Nous avons déjà rendu compte dans « Zébra » de deux d’entre-elles : « Karl Marx » (Corinne Maier & Anne Simon, chez Dargaud) et « Economix » (Michaël Goodwin & Dan E. Burr, aux Arènes) ; nous en avons rendu compte pour, globalement, dénigrer ces projets ; la biographie de Marx, parce qu’elle ne dit pas clairement en quoi la critique marxiste conserve toute son acuité et son utilité. On ne peut pas convoquer Marx au chevet d’une sorte de pédagogie de gauche républicaine anticapitaliste. En effet, Marx et Engels s’avèrent les plus radicaux détracteurs d’institutions républicaines dont ils démontrent qu’elles sont consanguines des monopoles et des cartels capitalistes.

    Intentionnellement ou non, cet album de BD ne portait pas à la connaissance du lecteur les éléments de la critique marxiste les plus subversifs de la culture contemporaine, dite naguère « post-moderne ». Que ce soit pour en faire l’éloge ou pour le discréditer, le marxisme est assimilé au marxisme-léninisme, et cela bien que Lénine a admis lui-même noir sur blanc le fiasco de l’étape de « transition socialiste » qu’il avait imaginée en préambule à la dissolution de l’Etat.

     Quant au projet d’« Economix » et de ses auteurs américains, il a l’inconvénient de renforcer le préjugé selon lequel l’économie serait une science, en voulant initier par le moyen de la bande-dessinée à ses arcanes, c’est-à-dire les différentes théories contradictoires qui s’efforcent d’encadrer, définir ou expliquer les mouvements de l’économie moderne.

    Or l’économie n’est pas une science à proprement parler, mais une rhétorique, c’est-à-dire une démonstration. L’économie est le domaine réservé des experts, et non des esprits scientifiques. Et si les experts s’avèrent habiles à fournir après-coup une explication plus ou moins cohérente à telle ou telle crise économique ou financière catastrophique, ils se montrent incapables de prévoir les ratés de la mécanique. De même la prévision du redémarrage économique n’est pas une prévision d’ordre scientifique, mais un pari. Tout, dans l’économie moderne, n’est qu’un jeu, et le but des experts économiques est de dissimuler cet aspect, afin que les hommes politiques puissent passer pour responsables aux yeux de leurs électeurs. Le rôle des experts économiques est, comme les hôtesses de l’air dans un avion, de rassurer.

    « La Survie de l’Espèce » est présenté par ses auteurs, Paul Jorion et Grégory Maklès, comme un essai marxiste. C’est une sorte de pamphlet humoristique, un genre pratiqué par le jeune Marx à ses débuts, contre Hegel et sa théorie du sens chrétien de l’histoire, par exemple, dont Marx souligna ironiquement, suivant une méthode qui remonte au moins à la philosophie des Lumières (d’Holbach), que la thèse hégélienne faisait fi de l’apocalypse et des prophéties chrétiennes. Alors pourquoi pas un pamphlet marxiste en bande-dessinée ?

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  • La Crème de Crumb****

    L’Américain Robert Crumb, réfugié politique en France* depuis une vingtaine d’années, a acquis grâce àwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,robert crumb,cleveland,cornélius,crème de crumb,fritz the cat,mad,harvey kurtzman,garry groth,féminisme,brueghel,charles bukowski,comics,jack kerouac,lsd,self made man,américain l’exposition de son travail au Musée d’art moderne en 2012 le statut d’artiste international. On a senti alors une certaine réserve de la part de cet iconoclaste, passé de l’ombre de l'underground à la lumière du musée. La muséographie est l’art de l’éclairage et de la mise en valeur, et occulte le plus souvent les zones d’ombre de la contre-culture. Il faudrait une histoire de l’art non-académique pour traduire le véritable sens de la contre-culture.

    L’intérêt de la longue interview biographique de R. Crumb, qui tient lieu de préface aux nombreux extraits de son travail, vient de ce que cet artiste est né, a grandi et a vécu dans la nation où la culture de masse est la plus étouffante. R. Crumb ne se prive d’ailleurs pas de citer en modèle Brueghel et de dénigrer les « comics » :

    - Gary Groth : Qu’est-ce que tu as contre le romantisme ?

    - Robert Crumb : Je ne sais pas quel est le problème exactement. Tout ça s’est prolongé dans Superman, les super-héros et les bandes-dessinées d’aventure « réalistes », tous ces trucs d’évasion.

    - Gary Groth : Tu te sens encore étranger à ta culture ?

    - Crumb : Oh, putain, oui. Le seul moment où je n’ai pas eu cette impression, où j’ai même commencé à me dire que je faisais peut-être partie du truc, c’était à la fin des années 1960, pendant la période hippie. Même si je ne me sentais pas tant que ça en phase avec le mouvement hippie (…).

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  • Varulf***

    La Meute - tome 1webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,varulf,la meute,kritik,gwen de bonneval,hugo piette,école saint-luc,fable,fantastique,conte,métamorphose,kafka,renard,gallimard,bayou,jean anouilh,antisémite,amérique,blogueuse-bd,renard

    Gwen de Bonneval au scénario et Hugo Piette au dessin donnent un conte fantastique dans la collection Bayou (Gallimard), sur le thème du loup-garou. « Varulf » est un terme scandinave pour dire la métamorphose de l’homme en animal sauvage.

    On déplore la présentation éditoriale en deux tomes, ce qui permet tout au plus, quand le premier tome est décevant, de faire l’économie du second (on connaît la préoccupation des éditeurs de la déforestation et du gaspillage de papier). Ce n’est pas le cas du premier tome de «Varulf», qui propose une variation originale, à ma connaissance, sur le thème de la métamorphose, puisque les enfants d’un village de paysans se transforment en bêtes sauvages et cruelles à la nuit tombée, et massacrent ensuite leurs parents.

    Il m’est difficile de conjecturer sur le sens de ce conte, n’ayant pas encore lu le second tome. Mais la signification morale et politique de la métamorphose de l’homme en animal est archi-connue. Parmi les métamorphoses récentes moins connues que celle de Kafka en insecte, exprimant son sentiment d’une modernité totalitaire oppressante, une blogueuse-bd s’est transformée en renard au cours de son récit introspectif, avant d’entamer une brillante carrière. Les contes nordiques décrivant des loups bernés par des renards semblent dire le déclin de la puissance virile physique au profit de… disons l’habileté féminine. Dans une fable à connotation antisémite de Jean Anouilh, les Juifs sont des rats (capables de creuser des galeries pour s’enfuir jusqu’en Amérique), les Allemands des chats (amateurs de jeux cruels), et les Français des chiens (braves et stupides).

    S’agit-il dans «Varulf» d’une fable fantastique et prémonitoire sur la fracture cruelle entre les générations ? Il est trop tôt pour le dire.

    Le dessin d’Hugo Piette (diplômé de l’Ecole Saint-Luc) est dans le style «ligne claire», un peu abstrait et puritain à mon goût, mais rendant le conte plus lisible.

     

    Varulf – tome 1, Gwen de Bonneval & Hugo Piette, Gallimard-Bayou, 2013.

  • Sept Saisons***

    Retour au Kalevala : Ville Ranta nous entraîne de nouveau dans ces contrées septentrionales que l’onwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,sept saisons,ville ranta,kalevala,elias lönnrot,poésie,hans nyman,finnois,pasteur,puritain,oulu nomme aujourd’hui « Finlande », au bord de la mer Baltique, mais qui était encore à la fin du XIXe siècle où se situe l’action un grand duché de l’empire russe. Ceux qui se plaignent du réchauffement climatique apprécieront peut-être cette rafraîchissante BD traduite du finnois.

    Ville Ranta avait fait d’Elias Lönnrot le personnage principal de son opus précédent, s’inspirant librement de la vie de ce médecin de campagne qui écrivit une compilation des contes et légendes de son pays. C’est cette fois Hans Nyman, jeune veuf intriguant pour être élu pasteur de la petite ville d’Oulu, qui joue le rôle principal. Comme souvent dans les pays nordiques, plus « féministes » que les pays latins, les femmes ne sont pas en reste : trois sœurs tâchent de s’adapter chacune à leur manière à cette vie austère.

    Comme toujours dans les milieux paysans pauvres, sévit une morale puritaine stricte. Le travail passe bien sûr avant tout, et la religion est faite pour justifier cette priorité. Notre jeune candidat se console bien de son veuvage avec la bonne, mais ses goûts et les fonctions pastorales auxquelles il aspire en font presque une sorte d’aristocrate. Très vite les écarts de conduite d’Hans Nyman sont connus de tout le village, et son élection est compromise.

    En somme il ne se passe pas grand-chose dans cette BD – l’élection d’un pasteur protestant est à peine plus passionnante que celle d’un président de la République française -, et c’est tout le mérite de Ville Ranta de faire de ce pas grand-chose un moment de poésie.

    L’auteur excelle en particulier dans un dessin et une mise en couleur simples et efficaces, là où la sophistication serait mal venue. Le sujet du livre, malgré le dépaysement qu’il propose au lecteur français, reste l’âme humaine, et ce concept on ne peut plus vague réclamait un tel traitement impressionniste.

     

    Sept Saisons, Ville Ranta, éd. ça & là, 264 p., 2013.