par MARC SCHMITT
jean-edern hallier
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Trait d'humour
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Revue de presse BD (221)
Les auteurs de BD caricaturés par O. Duhamel pour le quotidien publicitaire "20 Minutes".
+ Lors du festival d'Angoulême, la presse française tente de se donner des couleurs en faisant illustrer ses pages par des auteurs de BD. Proche parent du dessinateur de presse, le bédéaste ne maîtrise cependant pas toujours l'art du dessin de presse, dont les règles de composition diffèrent. Rares sont les auteurs qui, comme Cabu ou Willem, sont à l'aise dans les deux genres.
Le quotidien "bobo" "Libération" (Quentin Girard) a reproché au jury d'Angoulême (composé de nombreux auteurs professionnels) un choix "conservateur" pour son Grand Prix, cette année (Cosey) comme l'année dernière (Hermann) ; la Une de "Libé" était illustrée pour l'occasion par un auteur de manga à la mode.
La chaîne "TF1" a beaucoup contribué à l'essor des mangas en France en achetant à la fin des années 80 pléthore de dessins-animés nippons à bas prix pour remplir une grille de programmes destinés aux enfants, dont on sait la vocation principalement publicitaire. Les éditeurs de BD franco-belge ont surfé ensuite sur ce "phénomène de société". La grosse ficelle de "l'ouverture culturelle" est usée jusqu'à la corde.
+ "Prix Charlie Schlingo" 2017, le caricaturiste Gab ("Zélium") jette sur le festival dans ce dessin (ci-contre) un regard plus prosaïque ; le festival repose en effet sur le rituel incontournable des dédicaces.
+ Plus confidentiel que le Grand prix, le prix du fanzine 2017 a été attribué au fanzine "Biscoto", qui vise (en principe) un public d'enfants. Jean-Christophe Menu a décrit dans "Fluide-Glacial" (juin 2014) les modalités de ce petit concours underground qu'il qualifie "d'institution la plus pérenne du festival".
+ Dans "Charlie-Hebdo" de la semaine dernière (25 janvier), le chroniqueur Guillaume Erner, également employé par "France-Inter", s'en prend violemment à feu Jean-Edern Hallier, fantasque rédacteur en chef de "L'Idiot international" et ennemi juré de François Mitterrand (sur lequel un documentaire a récemment été diffusé) : "Pour le dire brièvement, Hallier était à la fois un salaud et un mauvais écrivain." Tout en reprochant à Hallier son style polémique, G. Erner ne se gêne pas pour en user contre lui. "Salaud" par rapport à qui ? "Mauvais écrivain" par rapport à qui ? Après Siné et Dieudonné, Jean-Edern Hallier se fait traiter d'antisémite dans les pages de "Charlie-Hebdo" ; pourtant les Juifs de France n'ont pas été déportés par des polémistes, mais par la police républicaine laïque au service de l'appareil d'Etat.
+ "Charlie" publie en outre un manifeste féministe d'Elisabeth Badinter ; celle-ci y défend le point de vue (contestable) selon lequel l'islamisme serait avant tout une affaire d'hommes, et l'anti-islamisme une affaire de femme, avant de s'en prendre au "féminisme communautariste" (?). Mais on s'amuse surtout de voir le manifeste d'E. Badinter illustré par Vuillemin, dont le style contraste nettement avec celui d'Elisabeth Badinder. Il est vrai que, chez Vuillemin, les hommes et les femmes sont également moches.
+ "La Revue dessinée", qui propose des reportages en BD sur des sujets d'actualité ou de société, vient de s'adosser au gros éditeur Delcourt, qui fait son entrée dans le capital de cette petite publication.
Par ailleurs le même éditeur de BD, Delcourt, vient de s'associer avec les éditions du Seuil afin de publier des adaptations d'ouvrages de sociologie en BD.
+Le trophée Presse-Citron (école Estienne/BNF) du dessin de presse a dévoilé l'affiche de son édition 2017. Deux prix sont remis à des caricaturistes, l'un dans la catégorie "étudiants", l'autre dans la catégorie "professionnels". Pour participer, il faut envoyer ses dessins avant le 1er mars. Le prix étudiant est décerné par un jury de dessinateurs professionnels et le prix professionnel par un jury d'étudiants de l'école Estienne.
Peu après avoir remporté le 1er prix en 2016, l'Enigmatique LB qui contribue bénévolement au fanzine "Zébra", s'est vu proposer de dessiner régulièrement pour "Siné-Mensuel".
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Revue de presse BD (220)
+ Le Festival d'Angoulême qui commence tout juste est une foire aux livres qui draine une foule de chalands grâce aux séances de dédicaces dessinées que les collectionneurs s'arrachent. Les auteurs de BD, en général habitués à une vie d'ermite, peuvent se relaxer le poignet dans l'un des nombreux troquets qui parsèment la ville ; l'un d'entre eux, "Le Café du Minage", propose une expo de planches et illustrations de Golo (pouquoi pas Goulot ?), qui dessine depuis les années 80 les bistrots et leur clientèle et décrit leurs moeurs spécifiques (expo. recommandée par l'atelier international de BD "Marsam Graphics").
+ Le Musée (mémorial) de la Shoah à Paris organise une série de colloques sur le thème de l'extermination des Juifs d'Europe au cours de la 2nde guerre mondiale, et du traitement de cet événement en BD ("Art mineur et questions majeures", le 5 février, "Varsovie en guerre ou en bande-dessinée", le 5 mars).
Le thème de la Shoah a rarement été abordé directement en BD ; il est difficile de divertir le public à partir d'un sujet aussi dur ; Hergé parvint à amuser le jeune public tout en délivrant un message anticommuniste, ou encore antiaméricain, voire même avec la propagande coloniale belge : mais son style naïf est sans doute démodé aujourd'hui.
De plus, la Shoah occupe une place centrale dans l'éthique contemporaine, et donc dans le "roman national" français enseigné aux collégiens et lycéens depuis les années 60-70, relayé par un certain nombre d'oeuvres cinématographiques - or c'est un cadre contraignant que celui de la morale publique pour qui veut faire oeuvre d'historien, que ce soit par le truchement de la BD ou non. On se souvient que les films de S. Spielberg et R. Benigni ont déclenché de vives polémiques en France, ceux-ci étant accusés d'irrespect.
Comme on juge l'arbre à ses fruits, la question de l'efficacité de l'éthique de la Shoah mériterait d'être posée : - suscite-t-elle un plus grand respect des opprimés ? Ne risque-t-elle pas, comme la morale catholique autrefois, d'être rejetée par les milieux populaires ?
+ Un lecteur de Zébra m'écrit pour me signaler que le choix de la couverture du "Tintin chez les Soviets" colorisé, en vente partout actuellement, et plutôt étonnant puisqu'il montre Tintin & Milou fuyant la... Gestapo allemande (dans une automobile volée à celle-ci). C'est peut-être un clin d'oeil à Hergé, qui n'aimait pas qu'on lui rappelle son anticommunisme primitif (non pas primaire), au plus fort de la domination idéologique du parti communiste.
+ "L'Idiot international" fait partie des très rares titres de presse anticonformistes à côté de "Hara-Kiri"/"Charlie-Hebdo" au cours de la seconde moitié du XXe siècle (à l'exclusion de titres plus confidentiels).
Un documentaire de "France 5" (par Bertrand Delais et Nils Andersen - en replay jusqu'à lundi 30) raconte comment et pour quelles raisons scabreuses quelques cadres haut placés du parti communiste français à son crépuscule (P. Zarka & J.-P. Cruse) décidèrent de financer un journal satirique dirigé par Jean-Edern Hallier (1936-1997), personnalité pratiquement incontrôlable et sans opinion politique fixe. Le PCF et le dandy breton n'avaient en commun que la détestation de François Mitterrand, qui contribua à l'agonie du PCF et l'émergence du lepénisme pour le plus grand profit du parti socialiste.
La rencontre de Jean-Edern et de Fidel Castro, destinée à légitimer le trublion Hallier auprès des électeurs communistes, reste un grand moment de cinéma, que BHL n'est pas tout à fait parvenu à égaler.
On mesure à travers ce documentaire l'emprise délétère des partis politiques sur la vie culturelle et intellectuelle française, même si la tentative des cadres du PCF pour redorer le blason du parti était sans doute vouée à l'échec. Grâce à Jean-Edern Hallier, plus romantique que stratège, "L'Idiot international" évita de tomber dans le militantisme et le sectarisme qui va avec.
On peut reprocher au documentaire d'atténuer la violence de la censure du régime en place et des menaces d'élimination physique à l'encontre de Jean-Edern Hallier ; la bravoure insensée du personnage ne fait qu'accentuer sa ressemblance avec Don Quichotte.
+ Initiative touristique, "Le Parisien" publie avec "Google Maps" une carte interactive de l'Ile-de-France en BD, qui permet de situer sur une carte les lieux qui ont servi de décors à tel ou tel dessinateur. Jacques Tardi est très représenté ; en revanche on note l'absence de Dupuy et Berbérian à travers leur BD satirique "Boboland".