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+ On a appris cette semaine la mort du dessinateur Fernando Puig Rosado à l'âge de 85 ans ; connu du grand public pour ses illustrations dans la presse enfantine ("Astrapi", "Okapi"...), cet immigré espagnol publiait aussi dans la presse française ("Le Figaro littéraire", "Siné-Hebdo", "Le Canard enchaîné"...) ; il avait fondé la Société protectrice de l'humour, regroupant une cinquantaine de dessinateurs exposant leurs dessins au festival d'Avignon.
+ Avec leurs proverbes absurdes, dont le fameux "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?", les Shadoks résument parfaitement l'esprit du temps, en l'occurrence son intellectualisme. Le musée international des arts modestes (Miam) à Sète consacre une expo (- 6 novembre) aux créatures bizarres de ce dessin-animé créé par Jacques Rouxel pour l'ORTF.
+ A propos de l'expo Hergé-Tintin au Grand Palais, lancée à grand renfort de publicité, Benoît Mouchard, ancien président du festival d'Angoulême, se réjouit que l'événement "confère enfin une dimension un peu institutionnelle à la BD" ("20 Minutes", 28 sept.) ; c'est ignorer que, depuis des siècles, le meilleur de l'art a un caractère anti-institutionnel et anti-académique affirmé ; une fois la contre-culture assimilée par les institutions, elle perd une bonne part de son intérêt et de sa signification. C'est valable pour la peinture impressionniste, mais aussi pour la philosophie des Lumières, plus récemment de "Charlie-Hebdo" transformé en symbole national.
"Tintin" n'a jamais fait partie de la contre-culture, mais de la littérature de genre (ce qui explique l'indifférence de la critique d'art). Fait significatif, quand Hergé décide de s'initier à l'art abstrait (pour adultes), celui-ci est déjà devenu le support d'un nouvel académisme.
+ Töpfferiana est une mine d'informations sur les pionniers de la BD. Le site d'archives numérisées Gallica.fr (BNF) a interrogé Antoine Sausverd, animateur du site Töpfferiana, sur la manière dont il exploite les archives mises à la disposition du public sur Gallica.fr.
+ Jusqu'au 28 octobre, exposition à la bibliothèque Faidherbe (Paris 11e) de Unes de "New-Yorker" dessinées par William Steig (1907-2003) dans les années 30. Plus connu en France pour ses illustrations de livres pour enfants ("Caleb et Kate", "Shrek", dont l'adaptation par le studio Dreamworks est tout bonnement hideuse) ; W. Steig fut auparavant cartoonist et dessina de nombreuses couvertures du "New-Yorker", dont l'humour a un peu vieilli.
Couverture du "New-Yorker" (oct. 1935) signée W. Steig
+ Gabriela Manzoni, jeune diplômée ès lettres, s'amuse à détourner les "comics" américains aux dialogues creux, en remplissant les cases avec des dialogues ironiques ; ses cibles favorites : les philosophes de plateaux télé, les romanciers à la mode, l'amour post-moderne, l'éthique hypocrite, etc. Elle fait mouche très souvent. Son petit recueil, publié par Séguier, fait l'objet de commentaires élogieux sur de nombreux blogs.
+ Sous prétexte de combattre le sexisme, la dernière BD de Pénélope Bagieu, "Les Culottées" (Gallimard), ne fait qu'y contribuer. Celle-ci dit avoir voulu mettre en avant une brochette de femmes d'exception. Après tout, pourquoi pas, même si les figures féminines héroïques ne manquent pas, dans tous les domaines. Le "hic", c'est que certaines, retenues par P. Bagieu, ont pour seul et unique mérite d'appartenir au sexe féminin ; on compte en effet dans la liste une femme à barbe (!), une amoureuse têtue (?), une guerrière apache (sous-entendu : aussi cruelle et vindicative qu'un homme)...
L'actrice autrichienne Hedy Lamarr est bombardée "scientifique" sous prétexte que cette actrice et ex-épouse d'un industriel de l'armement fasciste a contribué à l'amélioration d'un système de guidage de torpilles sous-marines pour le compte des Etats-Unis. Censée être édifiante, la BD de P. Bagieu est un bric-à-brac et un ramassis de clichés sur tous les sujets.
+ Le "festival off" de BD à venir, qui a lieu chaque année en marge du festival de BD d'Angoulême, réunissant quelques éditeurs et dessinateurs de BD underground (un concours de fanzines BD est organisé dans ce cadre) est annulé car ses organisateurs disent manquer d'argent et de temps.
+ Le Musée d'art et d'histoire de Meudon propose une exposition sur le caricaturiste Moisan (1907-1987), pilier du "Canard enchaîné" ; étant donné que Moisan avait fait de la satire de de Gaulle son cheval de bataille, il faudra peut-être expliquer aux collégiens et lycéens qui visitent l'exposition en quoi l'histoire diffère du "roman national" qui leur est enseigné à l'école. Le cas de Gaulle est, si ce n'est unique, du moins exemplaire, car il n'aura fallu que quelques années pour transformer de Gaulle en figure légendaire en gommant toutes les aspérités de son règne.
Caricature par Moisan de l'écrivain François Mauriac, auteur d'un "Bloc-note" glorifiant de Gaulle.
+ Le centenaire du "Canard enchaîné" est aussi célébré à travers un album de BD signé Didier Convard et Philippe Magnat, qui raconte l'histoire du fameux hebdo, "né dans la boue des tranchées". On note que la guerre est parfois l'occasion d'une prise de conscience de la part de soldats issus de milieux populaires, élevés dans le culte de la République, et le point de départ d'une oeuvre satirique (Cabu et la guerre d'Algérie ; Céline et la guerre de 14-18, Galtier-Boissière/"Le Crapouillot" et la guerre de 14-18).
+ Ci-dessous, illustration de Manfred Deix, caricaturiste autrichien décédé au début de l'été 2016 : "Ich zeichne, ich rauche, ich saufe" ("Je dessine, je fume, je picole"). Comme son confrère montmartrois Steinlein, Deix collectionnait les chats.
+ Brian Wildsmith est un illustrateur moins connu que son compatriote Quentin Blake de ce côté-ci de la Manche. La nécrologie parue dans le "Guardian" (B.W. est décédé à l'âge de 86 ans le 31 août dernier) nous le présente comme un illustrateur-peintre, tirant prétexte d'oeuvres littéraires (L'Ile au Trésor, la Bible, quelques fables de la Fontaine, les Contes des 1001 Nuits) pour peindre la nature, notamment les animaux. Les couleurs vives des illustrations de Wildsmith sont sa marque de fabrique. Elles ont contribué à le faire apprécier jusqu'au Japon, où un musée lui est consacré.
Ce fils d'ingénieur des mines n'était pas prédestiné à devenir artiste. Vexé de ne pas être reconnu dans son pays à hauteur de son mérite (pas d'expo. importante avant 2010), il se décida à quitter son Yorkshire natal pour venir s'installer près de Grasse avec toute sa famille au début des années 70. Cependant il resta fidèle à son éditeur Oxford University Press. A l'instar de nombreux illustrateurs contemporains, Wildsmith peina à vivre exclusivement de son art, ce à quoi il ne parvint pas avant l'âge de 35 ans. Il a expliqué dans des interviews que cette difficulté était due au mépris pour le métier d'illustrateur dans son pays.
+ La rentrée littéraire, maladie typiquement française (les Britanniques sont moins cons, de ce point de vue-là), nous donne l'occasion de dénoncer la "culture" et le fanatisme qui se cache derrière ce mot - fanatisme au sens effectif et catastrophique du terme.
Aucun philosophe digne de ce nom ne s'y est laissé prendre, mais on se contentera de citer Schopenhauer : "L'art de ne pas lire est très important. Il consiste à ne pas s'intéresser à tout ce qui attire l'attention du grand public à un moment donné. Quand tout le monde parle d'un certain ouvrage, rappelez-vous que quiconque écrit pour les imbéciles ne manquera jamais de lecteurs. Pour lire de bons livres, la condition préalable est de ne pas perdre son temps à en lire de mauvais, car la vie est courte."
+ A l'occasion du 10e anniversaire de l'association "Cartooning for Peace", regroupant des dessinateurs de presse du monde entier, "Le Monde" organise le 18 septembre (amphi de l'opéra Bastille) un débat sur le pouvoir du dessin de presse, orchestré par Plantu, en présence de Willis from Tunis, F. Mozaffari (Iranienne) et M. Kichka (Israélien). Le dessin de presse est-il pacificateur ? La question sera posée.
On peut se demander si ce débat a lieu d'être, dans la mesure où la caricature fait l'objet en France d'une censure larvée ; celle-ci se traduit par l'agonie de la presse publiant des caricatures. Les connaisseurs du dessin de presse s'accordent d'ailleurs à dire qu'il a connu son "âge d'or" avant la 2nde guerre mondiale. Sous prétexte d'épuration à la Libération, comme certains militants communistes l'ont reconnu bien des années après (Lucie et Raymond Aubrac), les partis gaulliste et communiste ont contribué à faciliter la mainmise des cartels industriels sur la presse française. A contre-courant, au début des années 70, "Charlie-Hebdo" dénonçait déjà cet état de fait. Peu à peu les journaux sont devenus ce qu'ils sont presque tous : des encarts publicitaires, subventionnés par l'Etat et boudés par les lecteurs.
La question du rôle pacificateur du dessin de presse pose celle du pacifisme des dessinateurs eux-mêmes. On remarque que les dessinateurs de presse sont encore assez nombreux à se réclamer du communisme ou des "valeurs républicaines", qui sont parmi les idéologies les plus meurtrières de tous les temps. Par ailleurs la doctrine sartrienne de "l'art engagé" persiste, bien qu'elle a servi à justifier la collaboration d'artistes avec des régimes totalitaires qui ne lésinaient pas sur les moyens techniques afin d'éradiquer leurs ennemis.
Quant à la liberté d'expression, il faut l'aveuglement d'un premier communiant, ou bien l'hypocrisie de Tartuffe, pour ne pas voir qu'elle est prêchée comme un catéchisme à l'école - les victimes de la tuerie de "Charlie-Hebdo" faisant office de saints martyrs.
+ A Nérac (Lot-et-Garonne) auront lieu bientôt les "9e Rencontres Chaland" (1-2 oct.), festival parrainé cette année par Jacques Loustal, qui signe l'affiche et dont des originaux en noir et blanc sont exposés. L'art de Loustal est à l'opposé de celui de Chaland. Ce dernier, en effet, décédé prématurément, était fasciné par la BD belge, dont ses pastiches comiques ont contribué à mettre à jour les codes. Chez Loustal prévaut au contraire une esthétique assez française, rechignant à se plier aux codes un peu vulgaires de la BD ; on pense en regardant les BD de Loustal (qui ne se lisent pas vraiment), à la peinture française d'entre les deux guerres.
+ Chiné dans une brocante, une caricature sur papier calque du dessinateur SIRO (décédé en 2000) ; suiveur de Pellos, ce caricaturiste clermontois se spécialisa dans la caricature de sportifs célèbres, acteurs de cinéma et chanteurs.
+ Le sociologue Jérôme Berthaut publie chez Casterman, dans une collection qui se donne pour vocation de décrypter la société, "La Banlieue du 20H", une petite BD qui raconte par qui et comment les reportages diffusés par les chaînes de télé sont fabriqués. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le propos n'est pas neuf ; la suspicion qui pèse sur la véracité des infos rapportées par les grands médias alimente largement la "théorie du complot", très en vogue chez les collégiens et lycéens. Néanmoins le propos de J. Berthaut est bien servi par le dessin d'Helkarava, qui lui procure une dimension satirique. La télé n'a pas seulement fabriqué le FN, elle a aussi creusé le fossé avec la banlieue. On voit dans la BD une jeune femme d'origine maghrébine protester contre l'image positive donnée de la banlieue dans un petit reportage, parce qu'il s'agit d'une image d'Epinal fabriquée de toutes pièces, aussi vaine que certaines images effrayantes.
+ Le philosophe Michel Onfray s'est plaint récemment du comportement de plus en plus infantile des adultes ; il en veut pour preuve l'usage de plus en plus répandu de la trottinette chez les personnes ayant atteint l'âge de raison. Cet exemple n'est guère convaincant, car l'usage déjà ancien de l'automobile n'est pas moins puéril que celui de la trottinette ; beaucoup d'automobilistes sont en effet des terroristes inconscients, qui participent au djihad de la consommation de biens inutiles.
L'engouement actuel pour les albums de Tintin est une bien meilleure preuve d'infantilisme que la trottinette de Michel Onfray. Le Grand Palais s'apprête à célébrer Hergé comme un grand artiste, à travers une exposition de son oeuvre principale et de ses marges. Hergé se disait plus précisément le "reflet de son époque", conscient de véhiculer un certain nombre de clichés ou de préjugés, par conséquent. Il est faux d'écrire, comme on peut le lire ici ou là, que "Tintin" s'adresse aussi aux adultes, à l'instar des fables ou de la mythologie. C'est une littérature de genre qui vise un public enfantin, en dépit de son slogan publicitaire ("de 7 à 77 ans"). Par nostalgie et une sorte de plaisir régressif, certains adultes relisent les BD de leur enfance. Hergé a d'ailleurs connu des épisodes de dépression, dont on peut se demander s'ils ne venaient pas de son enfermement dans un genre de plus en plus étranger à son aspiration.
+ Une polémique ridicule oppose une partie de la presse italienne à "Charlie-Hebdo", qui a récemment publié un dessin de Félix, irrespectueux à l'égard des victimes du séisme qui a frappé la région du Latium. Reprocher à un journal satirique son manque de respect, c'est comme reprocher au pape de manquer d'humour.
Néanmoins cette énième polémique souligne le statut ambigu de "Charlie-Hebdo" ; cette publication n'est plus, dorénavant, un journal satirique à faible tirage, menacé par la censure ; "Charlie-Hebdo" fait désormais partie du patrimoine national français ; il a été érigé en symbole de la liberté d'expression (strictement encadrée par les tribunaux), ce qui enlève beaucoup à l'impertinence de cet hebdo.
+ La Une du numéro de septembre de "Siné Mensuel", orphelin de Siné, est signée Jacques Tardi. Cet auteur, plus connu pour ses adaptations en BD des aventures du détective Nestor Burma (Léo Malet) que pour ses caricatures, a représenté dans ce dessin tous les jeunes et moins jeunes premiers de la classe politique, ainsi que les cancres ; le képi de de Gaulle figure même au premier plan. Le dessin est presque exhaustif, du coup on remarque plus l'absence de Jean-Luc Mélenchon, représentant du parti communiste ; piètre candidat, celui-ci ferait peut-être un meilleur interprète de Nestor Burma, au cinéma ou au théâtre ?
par l'Enigmatique LB
+ Parution récente d'une petite anthologie de l'humour des esclaves noirs américains, "Le Rire enchaîné" (éd. Anacharsis) ; l'ouvrage est traduit et préfacé par Thierry Beauchamp ; celui-ci précise bien que ces petits contes font partie du folklore des esclaves et non de la propagande abolitionniste ; grâce à ces petites histoires, colportées oralement et mettant le plus souvent en scène l'esclave et son maître, les esclaves oubliaient un instant leur condition servile et pénible.
Dans sa préface, Th. Beauchamp rappelle aussi ce que fut l'esclavage dans le Sud des Etats-Unis ; ce rappel s'écarte parfois des idées reçues ; ainsi, en raison de leur valeur économique, les esclaves noirs n'étaient pas toujours maltraités par leurs maîtres blancs ; les esclaves noirs représentèrent jusqu'à 14% de la population américaine et contribuèrent à la croissance économique rapide de cette nation.
On peut d'ailleurs télécharger cette anthologie gratuitement à cette adresse.
+ Né le 5 Juillet 1916 à Paris au domicile de ses fondateurs Jeanne et Maurice Maréchal, "Le Canard enchaîné" a récemment fêté ses cent ans, peu après le décès de Cabu, qui était devenu son dessinateur-phare ; à cette occasion, la bibliothèque du centre Pompidou organise une projection du film "Aux quatre coin-coins du canard" (1986), suivie d'une rencontre avec les journalistes du "Canard" le 5 octobre à 17h (entrée libre).
+ Reportées pour cause de "menace terroriste", les 6e Rencontres internationales des dessinateurs de presse auront finalement lieu bientôt au Mémorial de Caen, du 9 au 11 sept. On peut s'étonner du choix d'un lieu de culte pour la tenue de ce colloque sur le dessin de presse (l'histoire ne se fait pas à coups de célébrations).
Comme une conférence du politologue Antoine Sfeir figure au programme de ces journées (?), je relève cette formule satirique visant ce journaliste franco-libanais : "Le Sfeir à repasser de Ben Ali".
+ Le latin n'est plus enseigné sérieusement au collège et au lycée depuis plusieurs années déjà, et ne sera bientôt plus su que de quelques spécialistes (si ce n'est déjà le cas) ; une poignée d'universitaires a publié pour tenter d'y remédier une BD, "Murena, Ex Arena et Cruore". Ces latinistes arguent que l'on peut apprendre en s'amusant ; ils s'avancent derrière une jolie formule du poète Lucrèce : "Il est bon d'enduire de miel la coupe amère du savoir."
L'argument de l'absence d'utilité est souvent employé contre l'enseignement du latin ; l'argument ne vaut guère, car des tas de choses inutiles sont enseignées à l'école (comme l'éducation civique, qui n'a pas valeur d'exemple, les règles du hand-ball et la solution des équations complexes), tandis que des tas de choses utiles n'y sont pas enseignées (comme le dessin, qui permet de mieux voir les choses telles qu'elles sont).