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jérôme bosch

  • Orientalisme****

    Nicolas Presl a le don avec ses albums muets de plonger le lecteur dans une ambiancewebzine,bd,gratuit,zébra,bande-dessinée,fanzine,critique,kritik,orientalisme,nicolas presl,atrabile,jérôme bosch,enfer,chrétien,riad sattouf,arabe du futur,turquie,kouchner,hydrie,heureux qui comme oppressante. Non seulement le parti-pris de chasser le texte pour laisser toute la place au dessin, ce qui oblige à en renforcer l’expressivité, mais encore le style composite de Presl -étrange comme celui de Picasso-, produisent ensemble cette sensation d’oppression.

    Les BD de N. Presl fascinent comme un Jérôme Bosch, bien que celui-là ne cherche peut-être pas à délivrer le même message chrétien que Bosch : la société, c’est l’enfer, catastrophe sans remède humain. Une philosophe juive parle aussi de la société comme d’un « gros animal » ; en temps de guerre, quand le dragon crache le feu, cette métaphore est compréhensible par tous, mais « en temps de paix », quand le gros animal ronronne, tel un chat digérant ses proies ou des lions qui rotent dans la savane après leur dîner, seuls des artistes comme Bosch ou Presl devinent le danger derrière la publicité, l’imagerie complaisante, et savent faire ressortir que le gros animal est seulement assoupi, prêt à dévorer de nouveau dès que le besoin s’en fera sentir.

    Pour ainsi dire, la bête ne fait qu’enfler. Nicolas Presl parle en effet d’une société mondialisée, ultime ; dans son dernier album comme dans le précédent (« Heureux qui comme »), voire peut-être le premier (« L’Hydrie »), bien qu’il soit situé dans la Grèce antique ; la société ne forme pas seulement un tout dans l’espace géographique, mais aussi dans le temps, l’homme semblant répéter à l’infini les mêmes erreurs.

    « Orientalisme » traite comme le récent « Arabe du Futur » de Riad Sattouf de la confrontation du Nord et du Sud, que ces deux auteurs présentent comme un dialogue de sourds. Les scènes d'« Orientalisme » se déroulent en Turquie, une Turquie rurale qui peut passer dans le meilleur des cas pour pittoresque du point de vue occidental -au pire pour un moyen-âge arriéré. Riad Sattouf décrit même ce phénomène, à l’intérieur des pays arabes, d’élites occidentalisées qui n’hésitent pas à conduire à coups de trique et de bottes les populations rurales musulmanes sur la voie du progrès social.

    Le moins qu’on puisse dire, c’est que la décolonisation n’a pas dissipé le malentendu entre les peuples. Le laconisme de Presl, par comparaison avec Sattouf, souligne plus encore la tension. On se situe à l’opposé de Hergé, apôtre de la colonisation, et donc de l’amitié entre les peuples du monde, sans doute d’une manière que l’on peut trouver démodée, mais qui n’est guère plus condescendante que les méthodes nouvelles (B. Kouchner sera peut-être démodé avant Tintin). Avec N. Presl le vernis des bonnes intentions, dont l’enfer est pavé, craque. « Orientalisme » est un titre ironique.

     

    « Orientalisme », Nicolas Presl, eds Atrabile, 2014.

  • Mox Nox*****

    Entièrement muettes, les planches satiriques de Joan Cornellà, dessinateur ibère d’une trentaine webzine,gratuit,bd,zébra,bande-dessinée,fanzine,mox nox,joan cornella,surréaliste,ibère,dali,andré breton,jérôme bosch,d’années, sont donc accessibles en ligne au public français depuis plusieurs années.

    D’une grande efficacité à débusquer le malaise indicible du monde moderne, planqué derrière l’argument publicitaire massif, les gadgets hi-fi, la guimauve sentimentale ou le national-socialisme de sous-préfecture (OM/PSG), Cornellà fait partie des quelques auteurs talentueux surgis de la Toile et qui font naître l’espoir d’une rupture avec cinquante ans de BD mi-infantile, mi-régressive.

    Bien sûr les éditeurs sont assez malins pour repérer ce genre de perle, mais ils ne sont pour rien dans leur éclosion, et à cet égard internet apparaît de plus en plus comme une faille dans le système; le système, c’est-à-dire la culture de masse et son effet stupéfiant. La mauvaise gestion des stocks ne représente pas la seule menace pour la BD «mainstream».

    Ici ou là, je lis que l’art de Cornellà est qualifié de «surréaliste ». Soit, mais à condition de ne pas le confondre avec l’art nécrophile et putassier de son compatriote Salvador Dali, ou avec la psychanalyse emmerdante d’André Breton -deux types probablement fondés sur l’impuissance sexuelle ou l’éjaculation précoce (puisque le freudisme permet de décoder certaines œuvres d’art, autant ne pas se gêner).

    Non, le mélange de formes cocasses et inquiétantes permet de situer Cornellà du côté de Jérôme Bosch et sa révélation du monde comme un gros animal monstrueux -révélation plus sereine, et donc plus utile que celle de Kafka. Le lien religieux ou social sacré, qui permet d’encenser jusqu’à l’excrément, ce lien n’unit que des objets de consommation.

    L’art le plus mondain consiste à parer la laideur de vertus éthiques, et ce n’est pas le propos de Cornellà. Rien n’est plus facile que la suggestion et le non-dit, à la manière de Dali, véritable trait d’union entre la bêtise fachiste et la bêtise capitaliste. Cet enfoiré de Dali sait parfaitement que les gadgets macabres sont plus faciles encore à fourguer que le porno ou les pâtisseries. Il n’y a même pas besoin d’avoir faim pour manger de la merde : c’est le secret de la culture moderne. Cinq siècles de pacotille religieuse espagnole, Dali parvient à les fourguer à des bourgeois athées ! Aucun VRP, aucun pape n’y serait parvenu avec la même aisance.

    Avec Cornellà, on se situe bien à l'écart de la culture, dans la dialectique du combat individuel contre la société.

     

    Mox Nox, Joan Cornellà, éds. Bang (2e édition, juillet 2013)

  • Revue de presse BD (36)

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    + Gérard Depardieu n'est pas le seul à fuir la France pour aller se réfugier en Belgique ; il y a aussi François Avril, auteur de BD (le port de Perros-Guirec, ci-dessus, pour ceux qui ne connaissent pas F. Avril) ; ce dernier n'émigre pas pour échapper au fisc, mais en espérant seulement une plus-value artistique.

    + Petite vidéo d'archive sur le festival d'Angoulême: quand Hergé jouait les VRP pour le festival. C'était avant l'affaire "Tintin au Mali", et le reproche fait à cet album de faire de la propagande pour la lutte antiterroriste.

    + Encore une vidéo, plus récente cette fois, puisqu'elle date de l'année dernière. Ce reportage, selon le tempérament, peut dissuader de se rendre au festival d'Angoulême pour la première fois, ou au contraire y inciter. Je ne vous dirai par l'effet qu'il m'a fait, pour ne pas vous influencer.

    + Le prix "Artémisia" de la BD féministe a été remis à Jeanne Puchol, pour un album "Charonne - Bou Kadir", consacré à la répression d'une manif organisée par le PCF contre l'OAS, et réprimée par le pouvoir gaulliste (1962 - huit morts). Pour des raisons trop longues à expliquer ici, l'oppression n'a pas cessé en Algérie après la guerre d'indépendance (200.000 morts) ; les révolutionnaires algériens qui se réclamaient naguère du communisme sont devenus islamistes désormais, et souhaitent appliquer la charia.

    L'association Artémisia qui décerne ce prix stigmatise le sexisme (sic) du milieu de la BD. Je suppose qu'elle fait allusion à ce type d'affiche racoleuse.

    + Le blog Zinocircus, en lice pour le prix de la "Révélation-blog 2013" à Angoulême (prix sponsorisé par la Caisse d'Epargne et la maison d'édition "Vraoum"), annonce qu'il ne fait pas partie des trois nominés.

    Les blogs-BD jouent aujourd'hui le rôle que les fanzines jouaient dans les années 80. Ainsi, dans le domaine du fanzine "existentialiste", entre procréation et procrastination, on peut se demander si le blog de Maël Rannou, "1 fanzine par jour", spécialisé dans la chronique de ce type d'ouvrage, ne les absorbe pas tous, tel un Moloch dévoreur de foetus. Mes "Révélations 2013", après dépouillement de l'unique bulletin, sont : n°1 : Mister Hyde ; n°2 : Helkarava ; n°3 : Zinocircus.

    + "Seul l'Anal est légal" ou "Content de ses pieds" sont des titres de fanzines, comme vous pouvez le vérifier dans la banque du sperme du Lillois Albert Foolmoon ; je plaisante, c'est une banque de données. Parfois je me dis qu'on a manqué d'originalité avec "Zébra". J'avais bien proposé : "DSK", sous-titré : "Le fanzine qui viole les militantes du PS", mais personne n'a voulu.

    + Le dessin de la semaine est signé Agathe Pitié (alias "Pit") : il s'agit de la partie centrale d'un triptyque traitant de l'affaire DSK, sur le mode apocalyptique. Une excellente inspiration, dans l'esprit de Jérôme Bosch.

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    (par Zombi - leloublan@gmx.fr)