Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

aire libre

  • La Technique du Périnée*

    Vu que cet album de Ruppert & Mulot est très conceptuel, je propose une critique qui l’est aussi : jewebzine,bd,gratuit,bande-dessinée,zébra,fanzine,kritik,critique,technique du périnée,ruppert et mulot,bd-sanctuary,vedge,bobo,dessin,dupuis,aire libre vais reprendre la critique d’un autre critique et me contenter d’ajouter quelques commentaires (histoire de rappeler qu'avec l’art conceptuel, on est toujours à la limite de l’escroquerie).

    Dans l’ensemble, donc, le rapport de Vedge sur BD-Sanctuary est plutôt bien vu, je cite : « Sur un dessin sensible et inspiré, les auteurs nous racontent une histoire d’amour difficile à l’heure où la communication électronique complexifie les rencontres et les échanges sincères [Il est clair que dans 9/10e des cas, un type pendu à son téléphone portable est un pervers manipulateur, et dans le 1/10e restant, c’est un représentant de commerce.]

    Une relation s’initie [commence] entre deux êtres via un site web qui leur permet de jouir ensemble sans contrainte ni tabou. Pour passer de cette relation non engageante à une relation, l’homme, particulièrement, devra passer quelques tests avec succès et se redécouvrir.

    C’est étonnant, détonnant, un peu fou parfois, bien dessiné ; mais l’ensemble est trop ampoulé et focalisé sur un microcosme bobo parisien pour que cette histoire ait valeur de symbole. » [Il n’y a pas que les échanges et les rencontres qui sont insincères, les critiques de bande-dessinée le sont parfois aussi à moitié seulement].

    Quitte à mélanger concept et sexualité, autant faire du bricolage, aussi plein de métaphores salaces. A la manière dont les couples circulent dans les rayons du Castorama, on peut presque deviner leur mode d'emploi. D'ailleurs Ruppet et Mulot dessinent comme le type qui fait les meubles Ikéa, et je ne serais pas étonné que, d'ici à quelques années, ils deviennent les chefs de file de la bande-dessinée suédoise ou quelque chose comme ça.

    La Technique du Périnée, Ruppert et Mulot, Aire libre, Dupuis, 2014.

  • Stevenson, le pirate intérieur****

    Le duo Follet et Rodolphe se sort avec habileté du piège de la biographie en BD d’un artiste illustre. En webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,robert louis stevenson,pirate,rené follet,rodolphe,aire libre,dupuis,jack london,aventure,aventurier,evelyn waugh,fanny osbourne,écossais,ile au trésor,proust,samoa,cévennes,mers du sud,biographie,harmattaneffet, parmi les écrivains, rares sont ceux qui, à l’instar d’un Jack London ou d’un Evelyn Waugh, ont mené une vie trépidante. Bien qu’il ait beaucoup voyagé, Robert-Louis Stevenson (1850-1894) est assez éloigné du type de l’aventurier; il n’a pas mené une vie haletante, pleine de pittoresques, voire rocambolesques épisodes, aisés à mettre en images.

    «Haletant», Stevenson l’était au sens propre depuis son plus jeune âge, fréquemment cloué au lit en raison d’une affection pulmonaire grave. Cette maladie constituait un obstacle rédhibitoire à une vie menée tambour battant, sans port d’attache; Fanny Osbourne, américaine épousée en 1880 et de dix ans son aînée, joua ce rôle auprès de l’écrivain. Même le métier embrassé traditionnellement par les hommes de sa famille, d’ingénieur en charge de la construction de phares, Robert-Louis ne pouvait l’assumer, tant physiquement qu’en raison de l’exaltation de son âme.

    Cette biographie en BD se devait donc de trouver le moyen de faire ressortir la matière impalpable du rêve, dont Stevenson s’est nourri et a alimenté ses lecteurs. En couverture, ce « pirate intérieur » bat pavillon d’un défi relevé avec succès. Follet et Rodolphe parviennent à souligner le besoin rempli par la fiction ou le fantasme, c’est-à-dire un type d’imagination très particulier, chez un homme opprimé, contraint à la passivité, en l’occurrence par la maladie. Ce phénomène psychologique est mis en exergue par le portrait brillamment esquissé de Stevenson comme un rêveur éveillé, servi par la mise en couleur impressionniste de R. Follet, qui souligne le caractère organique du rêve.

    Bien que sa littérature exprime des goûts beaucoup moins casaniers que ceux de Proust, ce qui permit à Stevenson de connaître un large succès public avec «L’Ile aux Trésors», le romancier écossais n’est guère éloigné d’une forme de recherche du temps perdu, ou de recherche de l’espace perdu, plus exactement.

    Le succès rencontré par ses ouvrages permit à Stevenson de voyager, non seulement à travers les Cévennes avec un âne, mais jusque aux mers du Sud, jetant l’ancre définitivement dans les Samoa, épuisé comme après chacun de ses voyages. Cette fameuse randonnée à travers les Cévennes peut faire douter de la mauvaise santé de Stevenson, surtout ceux qui l’ont effectuée, avec ou sans âne. Le cas n’est pourtant pas si rare de personnes fragiles, qui connaissent néanmoins des périodes de rédemption leur permettant d’accomplir de rudes efforts physiques. F. Nietzsche est un autre cas célèbre de métabolisme en dents de scie, dont la quête de puissance et l’aspiration artistique prennent racine dans la maladie.

    Enfin, le scénario évite le côté trop didactique par où pèche généralement ce genre d’ouvrage, en distillant quelques citations de Stevenson bien choisies, au compte-goutte. « Oh ! Vous savez… l’aventure, il n’est pas besoin d’aller au bout du monde pour la vivre… Elle peut simplement être en nous !... On se bat souvent contre soi-même… A l’intérieur de soi… contre son éducation. Contre l’idée que les autres ont de nous ; contre un destin tout tracé, contre un corps qui obéit mal ou une santé défaillante. », réplique Stevenson à un journaliste qui l’interroge sur le but de son voyage au long cours.

    Cet ouvrage se classe parmi les rares réussites du genre plutôt risqué de la biographie en BD.

    NB : Rodolphe est aussi l’auteur d’une biographie de Stevenson parue chez l’Harmattan et signe la préface d’une nouvelle édition de «L’Ile au Trésor» illustrée par R. Follet.

     

    Stevenson, le pirate intérieur, Follet & Rodolphe, Dupuis-Aire libre, 2013.