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tsunami

  • Va'a - Une saison aux Tuamotu***

    L’archipel des Tuamotu est un ensemble de 78 îles ou atolls situés en plein cœur de l’océan Pacifique,webzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,kritik,critique,va'a,tuamotu,benjamin flao,troubs,futuropolis,polynésie,pirogue,hobby catrimbaud,ode,tsunami,nécromancie,pendanx,piatzszek,catamaran,lagon,sumatra à l’Est de Tahiti.

    Cette BD de Benjamin Flao & Troubs, publiée par Futuropolis, est comme une ode à la Polynésie française, un poème de bric et de broc, tout comme le « hobby cat* » rafistolé dont les deux compères poètes-dessinateurs se servent pour se promener entre ces îles-confettis, protégés de l’océan par une barrière de corail. Croquis, caricatures, portraits, camaïeux s’efforçant de rendre les cinquante nuances de bleu, tout ça se mélange de façon un peu hétéroclite, sans doute, mais ça flotte. Et les objets parlent, ce qui ajoute une dose de surréalisme au poème.

    C’est un poème moderne, car il parle d’abord de la mort de la poésie. La Polynésie n’est qu’un beau prétexte. D’ailleurs comme Rimbaud, Benjamin Flao & Troubs sont un peu branleurs. Le « Projet Va’a Motu », utopie écolo qui vise à réapprendre aux Polynésiens à naviguer sur des pirogues traditionnelles les a conduits dans l’archipel. Mais, faute de crédits suffisants, Flao & Troubs se retrouvent réduits à « peindre, manger, dormir, fumer, nettoyer la cocoteraie, pêcher lorsqu’on a faim ou ne rien foutre pendant des heures. Comme ce clebs vautré dans le sable. Heureux de son sort. »

    Les essais nucléaires ont fait basculer les Tuamotu dans le progrès ; la population indigène s’est enrichie, équipée de canots à moteurs plus rapides ; l’art quasi inné de la navigation s’est perdu ; les jeunes générations ont perdu le respect des anciens, l’intérêt pour leurs us et coutumes simples. Bref, la poésie est partie en fumée. Quant à l’argent, il s’est peu à peu évaporé.

    On se remet plus facilement d’un typhon que de la mort de la poésie, et le bleu lagon des aquarelles de nos poètes-vagabonds n’empêche pas leur aubade d’être mélancolique, presque sépulcrale. Heureusement les auteurs évitent, grâce à l’ironie, de tomber dans les pleurnicheries écolo ou la description manichéenne ; dans les troupeaux de touristes qui débarquent en Polynésie, en mal d’exotisme, les autochtones ne voient pas des envahisseurs, mais de braves clients – ils ne comprennent pas la cruauté de nos caricaturistes.

    Ce n’est pas la première BD qui donne l’impression que ces îles lointaines de l’Océan Pacifique empiètent sur l’au-delà et la mort. Située beaucoup plus à l’Ouest, à Sumatra, mais cependant dans des décors semblables, le récent « Tsunami » de Pendanx et Piatzszek (également chez Futuropolis) montrait aussi l’importance de la conversation entre les vivants et les morts dans la culture locale primitive.

    Comme les sociétés modernes ultra-sophistiquées cultivent elles aussi une telle nécromancie, collectant les reliques du passé, en remplissant des musées sans perdre une miette,  numérisant, mémorisant tout, ce grand écart dans le temps paraissant soudain si petit, la fin comme identique à l’origine, on retire de cette ode en BD l’impression que la boucle du temps est bouclée, et que l’humanité a fini son tour de piste.

    *Petit catamaran de loisir moderne dont les clubs de voile sont tous dotés.

     

    Va’a - Une Saison aux Tuamotu, Benjamin Flao & Troubs, Futuropolis, novembre 2014.

  • Tsunami***

    Et le coin de paradis pour touristes occidentaux friqués s’est changé d’un seul coup en enfer…webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,tsunami,pendanx,piatzszek,amélie nothomb,futuropolis,candide,pangloss,lisbonne,sumatra,indonésie,pandore

    Tout le monde ou presque a vu cette grosse déferlante, dans l’objectif tremblant d’un caméraman amateur, foncer tranquillement, sûre d’elle, en direction de vacanciers en mode «pause», avant de les ratatiner.

    Le récit, que l’on peut supposer véridique, commence ici avec l’arrivée d’un jeune Français en Indonésie, au Nord de Sumatra, sur les traces de sa sœur, disparue depuis plusieurs années. Celle-ci n’a pas péri dans la catastrophe naturelle, mais elle n’est pas rentrée après son engagement comme médecin dans la mission de secourisme envoyée sur les lieux, et a cessé de donner de ses nouvelles. Plutôt indolent, le jeune enquêteur souhaite soulager sa mère, qui « ne vit plus », du poids de cette absence.

    Les catastrophes naturelles, on le sait, provoquent la réflexion. On se souvient de Candide, secouant le prunier de la logique de Pangloss, du stoïque « meilleur des mondes possibles », à cause du tremblement de terre de Lisbonne.

    La quête du bonheur incite bon nombre de représentants de l’espèce humaine à rester en vie, y compris ceux, plutôt tordus, qui pensent que plus on souffre, meilleurs on est, et qui en appellent souvent à un jugement de l'au-delà ; dans le même temps, nous sommes presque tous aussi conscients de la fragilité de ce graal, qui évoque le bonheur.

    La romancière Amélie Nothomb témoigne : «J’ai tout pour être heureuse, et je le suis ; cependant mon bonheur est altéré par la crainte que mon bonheur ne dure pas.» Et l’on peut retourner ce sentiment comme un gant, car au plus profond du malheur ou de la souffrance, ce qui l’allège sans doute, c’est l’espoir d’un moindre malheur ou d’une jouissance future. Le vieux mythe de Pandore a ainsi bien résumé le problème de la condition humaine, avec cette histoire de vase piégé, rempli de catastrophes et en même temps plein d'espoir, qui fait oublier l’instant la catastrophe, la souffrance, la cruauté, et le hasard inique... l'instant d'après.

    Il y a dans la nature, omniprésentes, une idée du paradis à rechercher, et une idée de l’enfer à fuir. Pratiquement toute fiction ne fait que décliner ce diptyque naturel, y compris les paradis artificiels où la jeunesse dorée aime s’enfoncer, parfois même avant d’avoir commencé de vivre. Le séjour des morts lui-même n’est, dans nombre de religions abstraites, que mirage prolongeant la nature, dont quelques poètes ou quelques sages seulement savent, l’ayant déduit de l’observation des choses de la nature, qu’il n’est que rêve.

    «Tsunami» de Pendanx et Piatzszek, illustre ce mobile psychologique parfaitement, d'où cette BD baigne dans une ambiance mi-amère, mi-paisible. On le sait grâce aux poètes romantiques, la mort évoque tout autant qu’un atoll paradisiaque le calme, le luxe et la volupté.

    Il me semble qu’on n’est pas loin ici d’un hymne à la drogue, cette religion personnelle, qui remplace dans les pays modernes les grandes religions déchues que sont le catholicisme ou le communisme ; c’est-à-dire une ode au soulagement de la souffrance par l’anesthésie, la souffrance qui paraît inique, psychologiquement, bien plus que la mort.

     Tsunami, par Pendanx et Piatzszek, Futuropolis, nov. 2013