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etienne davodeau

  • La Balade nationale*

    - Nous sommes au XXIe siècle, Pétain. L'ambiance en France est... étrange. On dit beaucoup de bêtises surwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,etienne davodeau,balade nationale,sylvain venayre,marie curie,jeanne d'arc,pétain,jules michelet,dumas,molière,découverte,revue dessinée,le monde,potet l'histoire de France. On l'instrumentalise dangereusement. Alors voilà: nous nous sommes dit que vous alliez remettre un peu d'ordre là-dedans.

    Cette tirade, placée ici dans la bouche de l'historien Jules Michelet, donne le ton de la BD de Sylvain Venayre et Etienne Davodeau, "La Balade nationale". Une fois passé l'amusement de voir Jeanne d'Arc faire du covoiturage avec Molière, Marie Curie, le général Dumas, Pétain et Michelet, on se lasse du procédé imaginé par le scénariste pour ressusciter le goût de l'Histoire de France, tout en la dépoussiérant des vieux clichés.

    "Instrumentalisation" : le mot est lâché- il résume tout. L'instrumentalisation de l'Histoire aurait pu être le sujet de cette fable. Hélas les auteurs se contentent de remplacer de vieux clichés par de nouveaux stéréotypes, l'image d'Epinal par l'image d'Epinal animée. L'image d'Epinal était grossière, naïve, on l'apprenait par coeur - elle servait de support à une sorte de catéchisme laïc ; l'image d'Epinal animée sautille, va dans un sens, puis dans le sens contraire, elle distrait pendant un moment, s'efface vite.

    "Le Monde" (F. Potet) parle d'une "BD de qualité" : en réalité "La Balade nationale" est caractéristique du genre de gadget pédagogique qui est en train de transformer inexorablement l'Education nationale en gigantesque cour de récréation.

    L'historien Jules Michelet -pape des historiens français- est convoqué à cause de sa gloire pour servir de caution. S. Venayre, dans la postface, explique que certaines positions de Michelet sont aujourd'hui démodées (trop nationalistes).

    Avec la représentation de Pétain comme un encombrant cadavre, trimbalé dans un cercueil, les auteurs passent à côté de l'immense service rendu par Pétain à la France en amassant sur sa tête tout l'opprobre et la honte dus à la capitulation devant l'Allemagne et la déportation des Juifs. Encore un cas d'instrumentalisation, quasi-religieuse cette fois. La République a fait un petit tour au confessionnal et elle en est ressortie presque vierge. Idem pour la colonisation : quelques "mea culpa" publics ne mangent pas de pain et font l'effet d'une thérapie de groupe.

    Ce qui rend l'enseignement de l'Histoire pratiquement impossible désormais, en même temps que le besoin d'un substitut à l'instruction religieuse se fait de plus en plus sentir, c'est l'instrumentalisation de l'Histoire à des fins politiques. Chaque parti réclame sa version du roman national, rebaptisé "récit national" pour faire sérieux.

    L'impact de la politique sur l'enseignement de l'Histoire, au point que sa vocation scientifique s'est volatilisée, de très nombreux exemples l'illustrent. Un des plus significatifs et des plus récents est l'effet de la politique dite de "construction européenne", menée par les élites politiques à grand renfort d'encarts publicitaires jusqu'à la crise capitaliste mondiale de 2008. Cette manoeuvre politique d'envergure a complètement modifié la perspective de l'enseignement de l'Histoire de France. Il convient désormais que cet enseignement contienne la démonstration que le projet européen est un projet pacifiste, aussi peu scientifique soit cette démonstration. Cette politique imposait de combler le fossé culturel entre la France et l'Allemagne, vieil "ennemi historique".

    La mode actuelle du débat autour de l'Histoire de France, plus propice à l'organisation de "talk-shows" télévisés qu'à fonder un enseignement, tient à la crise économique, phénomène déclencheur principal du repli identitaire et du scepticisme à l'égard du projet européen.

    On sent la volonté de "La Balade nationale" de ménager une sorte de consensus mou, assez éloigné du caractère des différents personnages embarqués dans une fourgonnette... "Trafic Renault" (tout un symbole). L'Histoire, comme la satire, exige l'indépendance.

    La Balade nationale, par E. Davodeau & S. Venayre, éd. La Découverte/La Revue dessinée, 2017.

  • L'Île Louvre***

    En partenariat avec le Louvre, les éds. Futuropolis publient des BD qui font pénétrer à l'intérieur de cewebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,louvre,florent chavouet,futuropolis,étienne davodeau,le chien qui louche gigantesque musée comme par une petite porte dérobée. Passant par une intrigue, mi-comique, mi-romanesque, E. Davodeau s'acquitta de la commande avec brio, produisant sans doute là son meilleur album - "Le Chien qui louche" (2013) ; il y avait de l'impertinence dans le regard posé par Davodeau sur cette sorte de "saint des saints" de l'art français qu'est le musée du Louvre.

    L'album de Florent Chavouet est dans la lignée du "Chien qui louche" : bien qu'agréée par le Louvre, la BD ne ménage pas la religion de l'art, en principe démocratique puisqu'il s'agit d'initier monsieur Tout-le-monde aux arcanes de l'art. La description du Louvre par Florent Chavouet n'est pas loin de suggérer plutôt un parc d'attraction pour une clientèle un peu plus snob que celle qui fréquente les fêtes foraines.

    L'idée de représenter le Louvre comme une île est bonne ; elle permet de souligner que le règlement du Louvre, ses rituels, sa fonction, son personnel, en font une enclave. - A quoi sert le Louvre ? Cette question que l'on ne se pose pas souvent fait que cette île est en outre nimbée d'un brouillard de mystère. A quoi servent les choses qui ne servent à rien ? Pouvoir pénétrer dans un ancien palais royal comme dans un moulin, est-ce une preuve que la démocratie existe ? Etc. Les rêves sont aussi comme des îles.

    F. Chavouet se mêle aux visiteurs, propose une succession de sketchs le plus souvent désopilants, à base d'anecdotes vécues. Il semble que le personnel assigné à la surveillance du public soit souvent accusé de glander aux frais du contribuable, et Chavouet de dessiner malicieusement les gardiens dans des poses de statues vivantes.

    On s'amusera des questions et commentaires plus saugrenus les uns que les autres que l'auteur a collectionnés. La nudité, fréquente dans l'art classique, est bien sûr cause de bons mots plus ou moins spirituels. Ainsi ces deux quinquas (homos ?) commentant le portrait d'une femme à la poitrine largement dénudée : "Il gère bien la lumière."

    Comme le musée est un véritable dédale de salles et de styles, mais aussi d'ascenseurs et d'escaliers, l'auteur souligne le côté "chasse au trésor" ; une visiteuse : - C'est dingue, c'est le musée de l'escalier ici ou quoi ?"

    Un album léger, comme un après-midi au Louvre.

    "L'Île Louvre", par Florent Chavouet, éds. Futuropolis, novembre 2015.

     

     

  • TOP-ALBUMS 2013

    10 meilleurs albums BD 2013 (hors rééditions)

    ...ou comment se faufiler comme un as du slalom à travers l'avalanche des nouveaux albums.

    1/Le Chien qui louche (Etienne Davodeau/Futuropolis)

    Haut-lieu du culte que l'homme se rend à lui-même, il flotte au Louvre un parfum d'absurdie habilement peint par E. Davodeau.

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    2/Le Mix (Mix & Remix/Buchet-Chastel)

    La dictature est favorable, dit-on, à l'épanouissement de l'humour et des humoristes. Mix & Remix, d'origine Suisse, vérifie une fois de plus l'adage.

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    3/Stevenson, le pirate intérieur (Follet, Rodolphe/Dupuis)

    La biographie en BD d'une âme retenue prisonnière par la maladie, et battant le pavillon noir de l'aventure de toutes ses forces : une gageure relevée avec brio par Follet & Rodolphe.

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    3/La Nuit du Capricorne (Grégoire Carlé/L'Association)

    De l'évolution de l'homme vers l'insecte. Mathématique et kafkaïen.

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    5/La Colonne (N. Dumontheuil, Dabitch/Futuropolis)

    De l'évolution de l'homme vers l'insecte. Mathématique et kafkaïen.

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    Dabitch et Dumontheuil montrent le revers de la médaille, à partir d'une tragédie réelle occultée.

    (...)


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  • Le Chien qui Louche****

    Un site internet dédié à Etienne Davodeau résume bien la principale qualité de son travail : «Ses webzine,bd,fanzine,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,étienne davodeau,chien qui louche,ignorants,vin,musée,louvre,futuropolisalbums sont de ceux qu’on ne lâche pas parce qu’on veut toujours savoir «ce qui se passe après la page qu’on est en train de lire». En effet, en dépit d’un projet didactique a priori rébarbatif, je m’étais laissé entraîner jusqu’au bout de «Les Ignorants», pénultième opus de Davodeau chez Futuropolis, dans lequel l’auteur traçait une parallèle original entre la viticulture et la bande-dessinée.

    Cet effet d’entraînement tient à trois qualités : d’abord une façon de conter au rythme égal d’un marcheur sachant où il va, et quels sont ses moyens, quand beaucoup s’égarent à vouloir imiter le cinéma ou d’autres techniques ; cette qualité musicale est sans doute celle du scénariste-dessinateur en un seul homme. Secundo, Davodeau est plutôt bon observateur des comportements et des tics de ses contemporains ; on a souvent affaire à des ouvrages conceptuels, manquant de recul, puisque le concept n’est autre que le préjugé moderne. Les auteurs dont la personnalité est trop envahissante ne sont pas très crédibles, quand il s'agit de faire le portrait d'autrui, et ils ont rarement le sens de l’humour. Davodeau n’en manque pas, surtout dans «Le Chien qui louche», nouvelle déroutante et bien menée, située dans ce saint des saints de la Culture qu’est le Louvre.

    Chacune des qualités évoquées plus haut se trouve perfectionnée dans cet album, ce qui le rend plus probant que «Les Ignorants», qui manquait un peu de culot. A propos des «Ignorants», un pote m’avait fait remarquer, plutôt dubitatif, que c’était le premier bouquin dédié au vin qu'il lisait, exempt de "cuite mémorable". Cela dit les pays où l’on boit à la manière suicidaire sont justement ceux où l’on ne produit pas de vin : Russie, Etats-Unis, Bretagne, etc.

    Je ne dirai pas plus de l’intrigue de «Le Chien qui louche» que son cadre et son héros post-moderne, vigile au Louvre ; la nouvelle est un genre littéraire qui ne se résume guère. Disons plutôt que cette BD, indirectement, soulève un problème : à quoi rime tout ce cirque ? Est-ce le populo qui est abruti de déambuler ainsi à travers le palais du Louvre, en quête de sensations mal définies, ou bien ce sont les autorités culturelles compétentes qui sont inaptes à dispenser la bonne parole de la culture ? Est-ce qu’il ne vaudrait mieux pas carrément brûler tout ce fatras d’art antique & solennel, qui intimide, ou bien ne semble passionner sincèrement qu’une petite élite fétichiste ?

    Dans la BD de Davodeau, c’est une famille de ploucs qui semble être la seule à trouver un sens à peu près net à ce trésor hétéroclite sous haute surveillance, à savoir celui de faire la promotion, autant que possible, du génie humain.

    Le Chien qui Louche, Etienne Davodeau, Futuropolis, oct. 2013.