100 dessins de "Cartooning for Peace" pour la liberté de la presse
Autant le dire d'emblée, je trouve ce genre d'initiative d'un goût douteux, éditorialement parlant. De Gaulle parlait de "machin" pour désigner l'ONU ; j'appliquerais volontiers ce sobriquet à "Cartooning for Peace", association de dessinateurs de presse lancée par Plantu, le dessinateur-vedette du "Monde" depuis des lustres : un machin de plus.
D'abord Plantu n'est pas un dessinateur humoristique, mais un dessinateur politique ; or les causes de la guerre sont des causes politiques et non humoristiques. Je veux dire que Plantu est associé à une cause politique, celle du "Monde", organe de centre-gauche (qu'on me corrige si je me trompe, car je ne lis pas ou peu la presse "engagée") et, plus ou moins aussi la cause palestinienne.
Je soupçonne même Plantu de voter, ce qui ne manque pas de sel dans la circonstance où le seul parti réputé fachiste améliore son score, mais surtout dans la circonstance où le budget de l'Etat est cruellement obéré par les dépenses électorales des précédents régimes et exige la jachère électorale. Imaginez que, sur autant de bulletins de vote où l'on imprime le nom de M. Tartempion ou Mme Cucugnan soient plutôt imprimés des dessins humoristiques... sans doute la face du monde n'en serait pas changée, mais, au moins, l'habitude un peu fastidieuse de s'en remettre à un bulletin de vote pour décider de son avenir serait freinée. (...)
Ensuite j'ai pas mal été influencé par la lecture de L.-F. Céline, qui souligne et s'indigne de la participation active des "organisations de paix internationales" dans le processus de déclenchement de la guerre moderne, totale (Céline a lui-même travaillé pour le compte de la SDN, vieux machin précédent le nouveau machin). L'abus de langage qui consiste à inculper les Juifs, les chrétiens et toutes sortes de curés de ce complot est sans doute condamnable, mais le fait n'en demeure pas moins, historique, de la propagation d'intentions belliqueuses à travers des organisations dont le but était de faire en sorte que la Grande Guerre soit la "der des ders".
L'ouvrage proposé ici en faveur de la liberté de la presse est d'autant plus malicieux que tout le monde ne lit plus que des magazines féminins ; ce sont à peu près les seuls titres à n'être pas maintenus à flot artificiellement, et non par le désir naturel de leurs clients pour les belles photographies de charme. Par ailleurs tout le monde se précipite sur son site internet favori en se disant que, si on lui raconte des bobards, au moins il ne les aura pas payés.
"Cartooning for peace" parle donc "liberté de la presse"... mais de quelle presse parle-t-on, de quelle liberté, et de quelle presse libre ?! Tout ça semble un peu abstrait, et, que je sache, ce bouquin ne vise pas que le public des lycéennes de 15 ans, mais aussi un public ayant les pieds sur terre.
Il n'est même pas prouvé que la presse soit un phénomène favorable à la liberté ou la paix. Très souvent on trouve la presse à l'origine d'une rumeur, et une rumeur à l'origine de la guerre. Il y a un demi-siècle, prenant le contre-pied de cette théorie comme quoi la presse contribuerait à la liberté, Simone Weil (la philosophe) suggérait que l'on inculpe les journalistes à chaque fois qu'ils commettent une erreur, intentionnelle ou non, et qu'ils soient condamnés en proportion de celle-ci. S. Weil était fort loin de penser que la liberté peut s'accorder avec le pouvoir, faisant plutôt rimer celle-ci avec la vérité.
Ce recueil bordélique de cent dessins mêle donc le pire et le meilleur, le pas dessiné et le dessiné, aucun des deux ne gagnant à se mélanger à l'autre. Néanmoins il vaut quand même pour une contradiction, qui indique peut-être un moment historique ? En effet, tandis que certains dessins mettent en avant le rôle positif de la presse (occidentale) en matière de liberté, selon une vocation sacerdotale qui semble à peu près irréfutable à certains, d'autres dessins suggèrent au contraire que se joue aussi au niveau médiatique une guerre, dans le prolongement de guerres plus conventionnelles. C
C'est, voisinant le plus bénin (sans jeu de mot), un propos assez radical, puisqu'il incite à penser le pacifisme apparent d'une culture qui se présente comme telle, plutôt comme un faux-semblant que comme une volonté véritable de paix ou de liberté. Il y a des pièces noires et des pièces blanches, mais ces dernières ont beau être blanches et pures d'intention, elles n'en sont pas moins taillées pour affronter les pièces noires adverses, dans une partie dont liberté et paix ne sont pas les enjeux. Voilà à quoi certains de ces dessins m'ont fait penser : à "Macbeth".