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dahmer

  • Sukkwan Island***

    Le drame familial qui nous est narré dans « Sukkwan Island » apporte d’une certaine façon de l’eau auwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,sukkwan island,david vann,prix médicis,hugo bienvenu,denoël graphic,américain,derf backderf,dahmer moulin d’Eric Zemmour et sa thèse sur la démission des pères modernes, le recul de la virilité. En effet Jim, dentiste, quadragénaire et divorcé, personnage principal de cette BD adaptée d’un roman à succès, sous prétexte de se ressourcer en pleine nature en compagnie de son fils Roy, va faire vivre à celui-ci un enfer et l’entraîner dans sa chute. Car Jim craque complètement et va s’évertuer à décevoir le peu d’espoir que Roy avait placé dans ce paternel tout ce qu’il y a de plus viril en apparence. L’impasse dans laquelle se trouve Jim, ainsi qu’il l’avoue impudiquement à son fils, tient à ce qu’il ne peut se passer de la compagnie d’une femme, en même temps qu’il n’en trouve aucune prête à supporter son tempérament instable et ses infidélités. Profitant d’une liaison radio intermittente entre l’île de Sukkwan et le continent, Jim s’efforce de ramener sa dernière compagne à de meilleurs sentiments à son égard, sous les yeux de son fils consterné.

    On peut penser que « Sukkwan Island » se base sur une situation et des faits particuliers, que David Vann, l’auteur américain du roman original dit d’ailleurs puisés dans ses propres souvenirs. Mais les « romans graphiques » américains, souvent importés des Etats-Unis par de petites maisons d’édition indépendantes, ou des directeurs de collections secondaires, présentent souvent, ne serait-ce qu’en toile de fond, de tels drames familiaux. On pense par exemple à Alison Bechdel et l’examen détaillé de sa situation familiale compliquée, entremêlé de considérations empruntées à la psychanalyse. Cette romancière a consacré à chacun de ses deux parents une épaisse BD. Mentionnons aussi Derf Backderf (« Mon ami Dahmer »), qui dans son portrait du tueur en série Jeffrey Dahmer, montre les parents du futur assassin en proie à leurs obsessions ou turpitudes, au point que leur fils se retrouve presque entièrement livré à lui-même ; on ferait trop hâtivement, affirme Backderf, le lien de cause à effet entre les crimes de Dahmer et la déchéance de ses parents (lui, névrotique, elle, droguée), car une telle déchéance familiale était plutôt commune il y a une trentaine d’années dans cette petite ville de province de l’Ohio, contrastant avec son cadre bucolique idyllique.

    Impossible de juger le travail d’adaptation, quand on n’a pas lu le roman original de D. Vann, prix Médicis du meilleur roman étranger (2010), dont le tirage atteignit 250.000 ex., ce qui ne permet pas de porter un jugement sur la qualité de ce roman, mais témoigne de sa modernité. Le dessin de Ugo Bienvenu, chargé de l’adaptation, est un peu trop sec et méticuleux ; il souligne à l’excès le côté pathétique de l’histoire, et surtout rétrécit le cadre naturel grandiose. Un dessin plus naturaliste aurait peut-être été souhaitable, car la nature joue un rôle important dans le déroulement du récit. L’idée virile du père d’aller y puiser des forces nouvelles, bien qu’elle se solde par un fiasco, est un point de départ judicieux. La nature, anciennement symbole de puissance, a connu au fil du temps une dévaluation parallèle à celle de la force virile, dont les dernières cultures traditionnelles sont seules à entretenir encore le culte.

     

    Sukkwan Island, Ugo Bienvenu, d’après un roman de David Vann, Denoël Graphic, 2014.

  • Punk-Rock & Mobile Homes

                  John « Derf » Backderf a connu un succès d’estime l’année dernière de ce côté-ci de l’Atlantiquewebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,punk rock et mobile home, avec « Mon Ami Dahmer », dans lequel il faisait le portrait d’un authentique tueur en série, Jeffrey Dahmer, fréquenté sur les bancs du lycée., et plus largement la peinture de l’Amérique profonde (Ohio) des années 70-80.

                  Son éditeur français présente ainsi Derf Backderf :  « né en 1959 à Richfield, une petite ville de l’Ohio où il passera toute son enfance. Après un bref passage dans une école d’art, il retourne chez lui et travaille comme éboueur, avant de recevoir une bourse pour l’université de l’Ohio, où il suivra un cursus en journalisme tout en réalisant des illustrations pour le journal local. Une fois diplômé, il devient journaliste pour un quotidien de Floride, puis abandonne cette carrière pour se lancer dans la réalisation d’un strip., The City, qui durera vingt-deux ans et sera publié dans plus de cinquante hebdomadaires américains. (…) Il a reçu de très nombreuses récompenses pour son travail de dessinateur de presse dont le prestigieux Robert F. Kennedy Journalism Award du dessin politique en 2006 (…) ».

      Les lecteurs de « Mon Ami Dahmer », ouvrage chronologiquement postérieur en VO, retrouveront dans cette BD à peu près le même ton, les mêmes lycéens un peu paumés, et le même portrait d’une Amérique au bord de la crise de nerf, dont les débordements de quelques-uns servent parfois de prétexte, notamment au cinéma, à une esthétique de la violence pour le moins ambiguë. Des reportages nous montrent parfois de jeunes GI abreuvés de culture de masse séquentielle avant de monter en première ligne, et pendant, comme autrefois on fourrait de la gnôle à 50° dans les rations des poilus pour doper leur amour de la patrie.   Derf Backderf, lui; lorgne plutôt du côté de Bukowski et de Crumb, c’est-à-dire de l’humour.

      Le titre et la « play-list » punk-rock de l’auteur en page de garde peuvent dissuader ceux qui, comme votre serviteur, n’apprécient pas tant la musique que le silence. En réalité le « punk-rock » est plutôt un mouvement de jeunes poètes rebelles qui, d’après ce que j’ai pu comprendre, ne sont pas particulièrement doués pour jouer d’un instrument de musique ni chanter, mais plutôt pour haranguer leur auditoire. De même la façon un peu bizarre de Derf Backderf de dessiner les personnages comme des pantins articulés, sert le récit.

    Punk Rock & Mobile Homes, Derk Backderf, traduit de l'américain, éds çàetlà, 2014.

     

     

  • C'est toi ma maman ?***

    « C’est toi ma maman ? » est à déconseiller aux lecteurs qui exècrent la psychanalyse ou qui trouvent webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,alison bechdel,denoël graphic,alice miller,psychanalyse,tasha,blog,homosexualité,lesbienne,narcissisme,virginia woolf,bovarysme,dépressive,dahmer,mauriacfacilement les auteurs nombrilistes » : ainsi Tasha met-elle franchement en garde d’emblée sur son blog les lecteurs éventuels du roman graphique d’Alison Bechdel, traduit de l’américain par «Denoël graphic». Cette critique n’a pas tort de mentionner, en outre, le goût prononcé des Américains pour la psychanalyse. Dès les débuts du cinéma parlant, ils en ont fait la matière de certains films à prétention intellectuelle plutôt rébarbatifs.

    On l’oublie parfois, mais la culture américaine est d'abord et surtout germanique, et les sciences sociales issues de la «Mitteleuropa» sont tenues en plus haute estime aux Etats-Unis qu’en France. Malgré les efforts des institutions éducatives et sanitaires dans ce sens, le scepticisme persiste dans les milieux populaires vis-à-vis de la psychanalyse. Il y a quelques années, le porte-parole d’un parti ouvrier, sommé au cours d’une interview à la télé de donner son avis sur ce qu’il pensait de cette pratique, s’était contenté de hausser les épaules et de lever les yeux au ciel pour toute réponse. Le narcissisme/bovarysme continue d’être perçu comme une tournure d’esprit typique des milieux bourgeois.

    Néanmoins, sur un plan ethnographique plus général, on peut trouver la lecture du cas clinique en bande-dessinée d’Alison Bechdel instructive. La psychanalyse s’impose en effet aujourd'hui comme la pratique religieuse ou le moyen d’accomplissement de soi le plus répandu dans les pays occidentaux développés.

    La mère de l’auteur est d’ailleurs elle-même circonspecte à l’égard de l’homosexualité de sa fille, et plus encore vis-à-vis d’une pratique artistique mêlant introspection et déballage public du linge sale familial (bisexuel, le père d'Alison s'est suicidé). Mme Bechdel-mère exprime en effet des doutes sur la valeur d’une telle littérature de genre, ultra-spécifique.

    Féminisme et homosexualité se recoupent implicitement dans le discours d’Alison B., étayé par les études de psy. de la jeune femme, qui complètent une très longue analyse ; or celle-ci relève que les lesbiennes, l’icône féministe Virginia Woolf, par exemple, ont souvent eu des mères assez réacs, attachées à des mœurs traditionnelles.

    Le lien ambivalent mais très étroit qui unit Alison B. à sa mère est donc central dans ce long déballage de linge sale (295 p.). Comment "tuer la mère", alors qu’Alison n’a pas de grief sérieux vis-à-vis d’elle ? «C’est toi ma maman ?» est en effet largement un matricide virtuel, ainsi que les deux femmes finissent par reconnaître. Dans un précédent tome, bien accueilli par la critique aux Etats-Unis, Alison B. avait déjà «réglé son compte» à son père.

    On peut regretter la traduction du «mother» du titre original en un «maman» un peu niais, car il y a dans l'exposition de ce lien identitaire entre Alison et sa mère une dimension dramatique, qui traduit l’effort pénible pour naître une deuxième fois, bien que l'on soit loin de la noirceur des drames familiaux racontés par François Mauriac. Comme dans les films américains, la thérapie fait espérer une fin heureuse. Contrairement à l'usage le plus courant dans la littérature européenne, l'aspect comique est sacrifié à l'espoir de béatitude. L’auteur de «Mon Ami Dahmer », témoignage sur un tueur en série américain, évoquait lui aussi l’état dépressif fréquent des jeunes mères au foyer américaines.

    L’homosexualité d’Alison B., dans la mesure où elle implique un désintérêt pour la procréation, ne fait que stimuler son envie d’indépendance et de création artistique. (...)

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