- En attendant de retrouver bientôt son premier webcomic traduit de l'Allemand dans Zébra -G-1759-, retrouvez les gags ("humbug") de W.Schinski :
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- En attendant de retrouver bientôt son premier webcomic traduit de l'Allemand dans Zébra -G-1759-, retrouvez les gags ("humbug") de W.Schinski :
Zombi vient de commettre un mini-comic chez les Belges de 8p.cx, qui publient gratuitement n'importe quoi pour rien sur leur site (c'est la nouvelle tendance) :
Mardi : La France est un pays qui tient tant à conserver l'apparence de l'humanisme qu'elle a inventé un parti rien que pour dire du mal de l'argent.
Un nouveau strip de Lola dans Zébra :
Quelle meilleure occasion que le Salon du dessin ancien, à la Bourse de Paris, pour évoquer l’aspect spéculatif de l’art, c’est-à-dire sa dimension religieuse ou psychologique ? Cet événement annuel, qui s’achève tout juste, est à la fois fascinant et instructif.
La crise, qui fait actuellement souffler un vent de suspicion à l’égard des élites, oblige plus que jamais à se montrer discret sur les transactions, suivant la coutume de ce Salon, où les prix ne sont pas directement affichés, puisque l'art est une marchandise mystique.
Comment comprendre et expliquer que certains de ces petits bouts de papier recouverts de griffonnages soient vendus des dizaines de milliers d’euros ? L’habileté des mains qui les ont tracés ne suffit pas ; seule la foi permet de combler l’écart entre le prix fort et le prix infini que la spéculation suppose.
On voit que la ressource religieuse que l’homme puise en lui-même est d’ordre infini, par-delà la nature. Les mondes virtuels sont les cathédrales modernes, remplies de songeurs éveillés. Les valeurs esthétiques de la bourgeoisie libérale traduisent une métamorphose analogue à la fin de la suprématie des nombres entiers dans l’enseignement des mathématiques, dont le «nombre d’or» 666 (pour définir la structure des structures cosmologique).
Psychologiquement, l’homme moderne se sent plus puissant que la nature : c’est dans ce sens qu’on peut le dire "athée". A ce sentiment d’hyper-puissance, une très grande fragilité est liée, puisque l’espoir et l’art son cotés en Bourse.
C’est une exposition qui permet aussi de comprendre que la tradition et la modernité sont indissociables, comme tenon et mortaise. La crise obstrue l’avenir, dont il faut dire que les Français ont une tendance naturelle à se méfier, bien plus que d’autres peuples : la nature de leurs investissements artistiques le prouve. L’investissement dans le passé est une caractéristique française ; elle traduit plus de raison que de foi.
On peut déduire des opérations juteuses lors de cette foire au dessin ancien, au moment où les slogans sur les lendemains qui chantent de l’élite ont du plomb dans l’aile : les valeurs du passé retrouvent une part de leur séduction et de leur fonction d’étalon. Décidément, le Français est un cheval.
*Illustration: "Matrix 1", dessin d'Antony Gormley
Le blog Zébra vous propose un conte de Saki, illustré par A. Dekeyser (trad. F. Le Roux).
H.H. Munro (1870-1916), alias Saki, fait partie avec P.G. Wodehouse et E. Waugh des maîtres d’un genre où les Britanniques excellent : l’humour noir.
-Harvey, dit Eleanor Bope, en tendant à son frère une coupure d’un journal londonien du matin daté du 19 mars ; «Lis-donc cet article sur les jouets d’enfants. Il promeut précisément certaines de nos idées sur la place des jouets dans l’éducation.»
« En vue du Comité national pour la Paix, disait l’extrait, il y a de graves inconvénients à offrir à nos fils des régiments de soldats, des batteries de canons et des escadrons de cuirassés. Les garçons, le Comité en convient, aiment naturellement la bataille et toute la panoplie de la guerre… mais ce n’est pas une raison pour encourager leurs instincts primitifs, d’une façon peut-être irrémédiable.
Au salon de l’Enfance, qui s’ouvre à l’Olympia dans trois semaines, le Comité pour la Paix fera une proposition alternative aux parents sous la forme d’une exposition de « jouets pacifiques ». Devant une maquette spécialement exécutée du Palais de la Paix à La Haye seront groupés, non pas des soldats miniature, mais des civils miniature, non pas des canons mais des charrues et des machines… il faut espérer que les fabricants s’inspireront de cette exposition et qu’elle aura des effets bénéfiques sur les vitrines des magasins de jouets. »
-C’est certainement une idée intéressante et pleine de bonnes intentions, dit Harvey. Reste à savoir si elle peut, en pratique, être couronnée de succès…
Il faut essayer, le coupa sa sœur. Tu viens à la maison pour Pâques et tu apportes toujours des jouets aux garçons, alors ça sera une excellente occasion pour toi de commencer cette nouvelle expérience. Va dans les magasins acheter des jouets et des maquettes ayant trait aux aspects les plus pacifiques de la vie civile. Bien sûr, il faudra que tu expliques aux enfants ce que sont ces jouets et que tu les intéresses à cette nouvelle idée.
-Je regrette de dire que le «Siège d’Andrinople» que leur a envoyé leur tante Susan, n’exigeait aucune explication ; ils connaissaient tous les uniformes et tous les drapeaux, et même les noms des divers commandants d’unités, et quand je les ai entendus un jour utiliser ce qui m’a semblé être le langage le plus sujet à caution, ils m’ont expliqué que c’étaient des termes utilisés dans l’Armée bulgare ; bien sûr, c’est peut-être vrai, mais, quoi qu’il en soit, je leur ai confisqué ce jouet. Je compte donc que les cadeaux que tu leur feras pour Pâques ouvriront aux enfants de nouvelles perspectives : Eric n’a pas encore onze ans, Bertie n’a que neuf ans et demi, ils sont donc vraiment à un âge très influençable.
-Il faut prendre en considération l’instinct primitif, tu sais, dit Harvey d’un ton peu convaincu, ainsi que les tendances héréditaires. Un de leurs grands-oncles s’est battu avec la plus grande intolérance à Inkerman – je crois bien qu’il a été cité dans les dépêches – et leur arrière-grand-père a démoli les serres de tous ses voisins Whigs quand on a voté le Décret de Réforme. Toutefois, comme tu le dis, ils sont à un âge influençable. Je ferai de mon mieux.
Le samedi de Pâques, Harvey Bope défit un grand carton rouge plein de promesses sous les yeux impatients de ses neveux.
«Votre oncle vous a acheté le dernier cri en matière de jouets», avait expliqué solennellement Eleanor, et les espoirs des jeunes garçons se partageaient entre des soldats albanais et un Corps de chameliers des Somalis.
Eric était vraiment partisan de ce dernier contingent.
Il y aurait des Arabes à cheval, murmura-t-il. Les Albanais ont de jolis uniformes, et ils se battent toute la journée, et toute la nuit aussi quand il y a de la lune, mais le pays est très rocheux, alors ils n’ont pas de cavalerie.
Quantité de papier d’emballage chiffonné s’offrit d’abord à leurs regards une fois le couvercle ôté ; les jouets les plus excitants se présentaient toujours comme ça. Harvey écarta le papier d’emballage et exhiba un bâtiment carré et d’aspect fruste.
-C’est un fort ! s’exclama Bertie.
-Pas du tout, c’est le palais du Mpret d’Albanie, dit Eric, extrêmement fier de connaître ce titre exotique. Il n’a pas de fenêtre, tu vois, pour que les passants ne puissent pas tirer sur la famille royale.
-C’est un hangar pour ordures municipales, dit précipitamment Harvey. Vous comprenez, tous les déchets d’une ville sont rassemblés là au lieu d’être répandus dans un dépôt et de mettre en danger la santé des citoyens.
Dans un silence terrible, il déterra la petite silhouette de plomb d’un homme en costume noir.
-Ça, dit-il, c’est un homme remarquable, John Stuart Mill. Un expert en matière d’économie politique.
-Pourquoi ? demanda Bertie.
-Eh bien, parce qu’il en avait envie ; il pensait que c’était utile.
Bertie émit un grognement éloquent, signifiant que tous les goûts étaient dans la nature.
Un autre bâtiment carré émergea du carton, cette fois avec des fenêtres et des cheminées.
-C’est une maquette du Centre de l’Association Chrétienne des Jeunes Femmes à Manchester, expliqua Harvey.
-Est-ce qu’il y a des lions ? demanda Eric, plein d’espoir. (Il venait d’étudier l’histoire romaine et croyait que, là où on trouvait des chrétiens, on pouvait raisonnablement s’attendre à rencontrer quelques lions.
- Il n’y a pas de lions, dit Harvey. Voici un autre citoyen, Robert Raikes, le fondateur des Ecoles du dimanche, et voici une maquette d’un lavoir municipal. Ces petites choses rondes sont des pains cuits dans une boulangerie sanitaire. Ce personnage est un inspecteur sanitaire, celui-ci un conseiller de district, et celui-là un représentant du Conseil local de Gouvernement.
-Qu’est-ce qu’il fait ? demanda Eric d’un ton las.
-Il s’occupe de ce qui concerne son département, dit Harvey. Cette boîte avec une fente est une urne. C’est là qu’on dépose les bulletins de vote lors des élections.
-Qu’est-ce qu’on met dedans les autres fois ? demanda Bertie.
- Rien. Et voici quelques instruments agricoles : une brouette et une pioche, et je crois que voici des perches à houblon. Voici une maquette de ruche et ça, c’est un ventilateur, pour l’aération des égouts. Ce bâtiment a l’air d’être un autre hangar municipal à ordures… non, c’est la maquette d’une école des Beaux-Arts et d’une bibliothèque publique. Ce petit personnage est Mrs Hemans, une poétesse, et voici Rowland Hill, qui a instauré le système des timbres. Voici Sir John Herschel, l’éminent astrologue.
-Est-ce que nous devons jouer avec tous ces personnages ? interrogea Eric.
-Bien sûr, dit Harvey, ce sont des jouets ; ils sont faits pour qu’on joue avec.
-Mais comment ?
-C’était une colle.
-Vous pourriez faire lutter deux d’entre eux pour un siège au Parlement, suggéra Harvey, et organiser des élections…
-Avec des œufs pourris, des combats de rue et des têtes cassées ! s’exclama Eric.
-Des nez qui saignent et tous les gens ivres, fit Bertie en écho, qui avait soigneusement étudié les tableaux de Hogarth.
-Non, rien de ce genre, dit Harvey, rien de tel. Les bulletins de vote seront déposés dans l’urne, le maire les comptera – le conseiller de district fera office de maire – et il dira qui a recueilli le plus de votes, et puis les deux candidats le remercieront d’avoir présidé, chacun déclarera que le scrutin s’est déroulé de la façon la plus correcte et ils se sépareront après s’être exprimé leur estime mutuelle. C’est un joli jeu. Je n’ai jamais eu de jouets comme ça quand j’étais jeune.
-Je ne crois pas que nous allons jouer avec tout de suite, dit Eric, non pas enthousiaste comme son oncle du tout. Je pense que nous devrions peut-être faire un peu de nos devoirs de vacances. Aujourd’hui, c’est de l’Histoire ; il faut que j’étudie la période des Bourbons en France.
-La période des Bourbons, reprit Harvey, d’un ton quelque peu désapprobateur.
-Il faut que j’étudie Louis XIV, continua Eric. J’ai déjà appris les noms de toutes les principales batailles.
-Impossible de laisser passer ça.
-Bien sûr, il y a eu des batailles sous son règne, dit-il, mais je crois que les récits qu’on en a faits étaient bien exagérés ; à cette époque, on ne pouvait guère se fier aux nouvelles, il n’y avait pratiquement pas de correspondants de guerre, aussi les généraux et les commandants pouvaient-ils grossir la moindre escarmouche jusqu’à lui donner les proportions de bataille décisive. En fait, ce qui a rendu Louis XIV vraiment célèbre, c’est son goût de jardinier paysagiste : la façon dont il a dessiné Versailles a été tellement admirée qu’on l’a copiée dans toute l’Europe.
-Tu as entendu parler de Madame du Barry ? demanda Eric. N’a-t-elle pas eu la tête coupée ?
- Elle aussi aimait beaucoup jardiner, dit Harvey d’un ton évasif. Je crois même que la célèbre rose Du Barry a été baptisée en son honneur, et maintenant, je crois que vous feriez mieux de jouer un peu et de remettre vos leçons à plus tard.
Harvey se retira dans la bibliothèque et passa trente ou quarante minutes à se demander s’il serait possible de compiler à l’usage des écoles élémentaires une Histoire où l’on n’insisterait pas sur les batailles, les massacres, les intrigues meurtrières et les morts violentes.
La période de la Guerre des Deux Roses et l’ère napoléonienne présenteraient, il en convenait, des difficultés considérables, et la Guerre de Trente ans laisserait évidemment un vide si on l’omettait. Pourtant, on y gagnerait beaucoup, si à un âge où ils sont aussi malléables, on pouvait fixer l’attention des enfants sur l’invention du calicot, plutôt que sur l’Invincible Armada ou la bataille de Waterloo.
L’instant était venu, se dit-il, de retourner dans la chambre des garçons pour voir comment ils se débrouillaient avec leurs jouets pacifiques. Arrivé devant la porte il entendit la voix d’Eric qui lançait des ordres d’un ton autoritaire : Bertie intervenait de temps en temps pour donner un conseil.
- Ça, c’est Louis XIV, disait Eric, ce type en culotte dont l’oncle Harvey dit qu’il a inventé les Ecoles du Dimanche. Ça ne lui ressemble pas du tout, mais il faudra bien que ça le fasse.
- On va lui passer un coup de peinture pour qu’il ait un manteau rouge, dit Bertie.
-Oui, et des talons rouges. Et c’est Madame de Maintenon, maintenant, celle qu’il appelait Mrs Hemans. Elle supplie Louis de ne pas partir pour cette expédition, mais il fait la sourde oreille.
- Il emmène le Maréchal de Saxe avec lui, et on fera comme s’ils avaient des milliers d’hommes avec eux. Le mot de passe c’est : Qui vive ? et la réponse c’est : l’Etat, c’est moi : tu sais, c’était une de ses tirades favorites. Ils débarquent à Manchester en pleine nuit, et un conspirateur jacobite leur donne les clefs de la forteresse.
En regardant par l’entrebâillement de la porte, Harvey observa que le hangar à ordures municipales avait été bercé de trous pour permettre l’installation de canons imaginaires et représentait désormais la principale place forte de Manchester ; John Stuart Mill avait été trempé dans l’encre rouge et représentait apparemment le Maréchal de Saxe.
-Louis ordonne à ses troupes de cerner l’Association des Jeunes Femmes Chrétiennes et les fait toutes prisonnières. « Quand nous seront rentrés au Louvre, elles seront à moi », s’exclame-t-il. Il faudra utiliser Mrs Hemans pour jouer une des filles, elle dit : « Jamais », et plonge un poignard dans le cœur du Maréchal de Saxe.
- Il saigne abominablement, s’exclama Bertie en répandant généreusement l’encre rouge sur la façade du bâtiment de l’Association.
- Les soldats se précipitent pour venger sa mort avec la plus affreuse sauvagerie. Cent jeunes filles sont tuées – à ces mots, Bertie vida ce qui restait d’encre rouge sur le bâtiment – et les cinq cents survivantes sont entraînées sur des navires français. « J’ai perdu un Maréchal, dit Louis, mais je ne rentre pas les mains vides. »
Harvey s’éloigna sur la pointe des pieds et alla chercher sa sœur.
- Eleanor, dit-il, l’expérience…
- Oui ?
- Elle a échoué. Nous avons commencé trop tard.
Dessin tiré du carnet de croquis de Louise Asherson :