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critique - Page 15

  • Mitterrand Requiem*

    C'est la couverture de cet album qui m'a surpris et poussé à le lire. Une deuxième BD
    webzine,bd,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,mitterrand,requiem,seth,dieu,égyptiensur Mitterrand en quelques mois, ça commence à faire beaucoup ! D'autant plus que F. Mitterrand est une personnalité sans grand relief - je ne nie pas que cet édile fut "un homme de valeur", mais il a régné sur la France et les Français à une époque sans grand intérêt sur le plan politique. Sans doute l'homme était-il assez cultivé pour s'en apercevoir. La pointe d'amertume et de mépris dans le ton de F. Mitterrand à la fin de son règne, que les meilleurs caricaturistes ont su saisir, trahissait sans doute cette désillusion.

    Cause de ma surprise surtout, la représentation sur la couverture du dieu égyptien Seth, particulièrement sinistre, à côté de l'ancien chef de l'Etat ; elle suggère le mobile satanique de celui-ci... du moins selon le vocabulaire "judéo-chrétien", car pour les Juifs l'Egypte symbolise la volonté satanique ; de façon plus neutre, on peut parler de "paganisme" ou de "néo-paganisme".

    Et ce n'est pas seulement une suggestion puisque l'auteur, Joël Callède, en introduction à sa BD, relie explicitement le régime des valeurs laïques français à la philosophie naturelle de l'Egypte antique, qu'il n'hésite pas à qualifier de "spiritualité".

    Autant le dire tout de suite, "Mitterrand Requiem" est un livre pieux, et pour cette raison complètement creux. Le phénomène de ferveur religieuse laïque n'est pas si étonnant ni rare. Une anecdote personnelle pour l'illustrer : comme je visitai un ami hospitalisé - ce devait être vers la fin du premier mandat de François Mitterrand, je tombai en arrêt sur le poster de François Mitterrand que le voisin de chambre de mon copain avait épinglé au-dessus de son lit ; cette image pieuse était manifestement censée lui procurer réconfort et protection. Le type était dans la force de l'âge, contrairement à moi, ce qui m'avait fait légèrement sursauter.

    La superstition est une chose, y compris chez certains qui se disent "laïcs" et se font fort de la combattre chez autrui, mais c'est une chose bien différente d'affirmer la proximité de François Mitterrand avec la religion égyptienne antique, son célèbre système zodiacal. D'une manière générale, les politiciens se tiennent éloignés des questions spirituelles, philosophiques ou scientifiques ; à tel point que l'on peut se demander si la volonté d'échapper au questionnement spirituel ou métaphysique n'entre pas en ligne de compte dans la vocation politique.

    On sait que Mitterrand a grandi dans un milieu conservateur, qu'il a été sous l'influence des idées réactionnaires de Charles Maurras et de l'Action française ; le régime de Vichy pour lequel F. Mitterrand éprouvait de la sympathie, à l'instar du régime nazi, a joué la carte du symbolisme néo-païen, mais de façon superficielle et sporadique. Par ailleurs Mitterrand avait des goûts modernes, sans quoi il n'aurait probablement pas pu évoluer dans les hautes sphères politiques, manier la rhétorique en vigueur dans ce milieu. Voyager en Egypte, éprouver de la fascination pour les pyramides et la culture égyptienne multimillénaire ne signifie pas que l'on y adhère, ni même qu'on la comprend.

    Plus abusif encore le rapprochement entre la laïcité et la culture égyptienne antique ; la culture moderne occidentale est le produit d'influences très variées. On ne peut pas exclure une forme de néo-paganisme (nécessairement "réac"), mais de très nombreux principes laïcs traduisent aussi l'influence du "judéo-christianisme", à mille lieues de la philosophie égyptienne, et pas des moindres : l'égalité, le féminisme, la démocratie.

    Une question plus intéressante se pose, que ce type de littérature pieuse élude malheureusement en proposant une vision largement fantasmée de Mitterrand, qui frise parfois le ridicule ; la nature composite de la culture occidentale moderne, disons pour partie "païenne", pour partie "judéo-chrétienne", est-elle une force ou bien au contraire une faiblesse ? La culture occidentale est-elle faite pour s'imposer au monde entier, en vertu de sa plasticité, ou bien condamnée à se déliter petit à petit en raison de son incohérence ? 

    Mitterrand Requiem, Joël Callède, Le Lombard, 2016.

     

     

  • Don Quichotte****

    L'adaptation en BD de "Don Quichotte" par l'Anglais Rob Davis est d'abord remarquable webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,don quichotte,cervantès,rob davis,vraoum,dulcinée du tobosco,louis viardoten raison de sa fidélité à cet ouvrage satirique précurseur, qualifié parfois de "roman des romans".

    Don Quichotte n'est pas fait pour inspirer la sympathie au lecteur, pas plus que le Don Juan de Molière ; le personnage créé par Cervantès (1547-1616) est mû par des valeurs aristocratiques démodées au XVIIe siècle. Sancho Pança et Sganarelle sont des caricatures de domestiques, prêts à suivre leurs maîtres jusqu'en enfer, contre une somme d'argent ou une promesse d'enrichissement (Don Quichotte a promis à Sancho Pança qu'il sera roi d'une île) ; ces personnages sont nos contemporains !

    Cervantès brocarde allègrement la culture aristocratique médiévale, en particulier son idéalisme. C'est l'idéalisme qui pousse Don Quichotte à aller au-devant des embûches, à provoquer des catastrophes dont il est la première victime.

    Cervantès souligne que la Dulcinée du Toboso, cette femme qui aiguillonne l'idéal de don Quichotte, est un pur fantasme, une matrone à laquelle l'hidalgo prête les qualités physiques et morales d'une princesse. Don Quichotte est une caricature, et son aveuglement amoureux excède par conséquent la bêtise amoureuse ordinaire.

    Louis Viardot, traducteur et commentateur du "Quichotte", parle de "la délicate satire du goût dépravé pour les romans de chevalerie". "On raconte que le duc don Alonzo Lopez de Zuniga y Sotomayor, ajoute Viardot, en apprenant que l'objet du Don Quichotte était une raillerie, crut sa dignité compromise, et refusa la dédicace."

    Aujourd'hui les super-héros de bande dessinée ont repris le flambeau du don-quichottisme et la critique de Cervantès est toujours d'actualité. Les super-héros veulent sauver le monde, mais ne font qu'entretenir la passivité de leurs nombreux lecteurs et exciter leur goût pour le divertissement.

    Et la galanterie forcenée du Quichotte ? L. Viardot l'explique ainsi : "(...) Les femmes, dont les moeurs publiques ne défendaient pas encore la faiblesse, sont le principal objet de la généreuse protection du chevalier errant ; le christianisme a donné naissance à la galanterie, ce nouvel amour inconnu de l'Antiquité, en mêlant aux plaisirs sensuels les respects et la foi d'une espèce de culte religieux." Encore faut-il préciser ici ce que l'on comprend mieux en lisant le "Roméo & Juliette" de Shakespeare : en fait de "christianisme", il s'agit de la transposition dans la culture aristocratique du christianisme.

    Le style de dessin nerveux de Rob Davis sert son adaptation. On exagère en général la difficulté qu'il y a à lire l'ouvrage de Cervantès, rebutant par le volume. La longueur du texte est, certes, assez rédhibitoire (de 800 à plus de 1000 pages selon les éditions), mais le "Quichotte" peut se lire par petits morceaux, ou dans une édition abrégée. Il reste que la version de Rob Davis, synthétique (2 vol.), permet d'autant mieux d'apprécier l'humour de Cervantès et l'esprit satirique du roman.

    On ne regrette que la mise en couleurs superflue, avec des tons pastels "éteints" ; le noir et blanc auraient mieux convenu.

    Don Quichotte, par Cervantès et Rob Davis, éd. Warum, 2015.

     

     

  • Mai 68***

    Il y a quelques mois de cela, je tombe sur le billet d'un blogueur dont le titre m'interpelle ; un titre en formewebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,mai 68,daniel cohn-bendit,cavanna,cabu,michel lafon,charlie-hebdo de slogan : "Pour un Mai 68 de droite !". Mon étonnement ne dure pas ; en effet cet éditorialiste amateur n'a guère de mal à démontrer que le pouvoir étant désormais "de gauche", la contestation du pouvoir et de l'autorité peuvent se réclamer de la "droite". Raisonnement que l'on trouvera un peu "binaire", sans doute, mais le clivage "droite-gauche" est précisément mécanique.

    N'était-ce pas simpliste de se dire "gauchiste", en "Mai 68", pour s'opposer à un pouvoir gaulliste "droitier" ? Comme le pouvoir est binaire, la contestation du pouvoir se devrait d'éviter de l'être.

    En outre je comprends ce que veut dire "réactionnaire", car plusieurs philosophes ou essayistes ont tracé clairement les contours de la réaction à la culture moderne, dont F. Nietzsche le plus radical d'entre eux, mais je ne comprends pas ce que veut dire "la droite", en quoi de Gaulle était "de droite", lui, un type aussi moderne ?

    Dans "Mai 68", collection d'affiches, de slogans, de caricatures contestataires publiés au cours et autour de Mai 68 (chez Michel Lafon), Daniel Cohn-Bendit définit sa révolution avortée de la façon la plus neutre comme "l'explosion de l'envie de vivre radicalement autrement". Histoire d'être un peu mutin, j'ai envie d'ajouter ici que cette définition est si neutre qu'elle pourrait s'appliquer aujourd'hui à un jeune djihadiste qui prendrait le djihad pour une aventure... C'est bien ce qu'est la guerre : une aventure sexuelle impliquant les deux sexes (contrairement à un stéréotype répandu qui fait porter la responsabilité du poids de la violence sur les seuls hommes). Quand le marteau frappe l'enclume, le manche y est aussi pour quelque chose.

    François Cavanna, pour sa part, est plus critique que D. Cohn-Bendit ; en effet le fondateur de "Hara-Kiri" écrit : "Ivresse des slogans. Se saouler de mots. De formules bien troussées qui dispensent de penser. Besoin d'idoles. Le Che en portraits géants. Mao. Castro ; ça tournait mal. (...) Quand j'ai vu rappliquer les médecines "parallèles", le petit livre rouge, le bouddhisme zen, le vaudou, quand j'ai vu cette écume de merde, au nom de la liberté, submerger l'essentiel, j'ai senti qu'on se faisait avoir."

    Si Cavanna était conscient du détournement de Mai 68 à des fins politiques et publicitaires, il faisait néanmoins le rapprochement entre Mai 68 et "Hara-Kiri", son journal, assez indéfinissable politiquement lui aussi, peut-être la dernière tentative en France d'imprimer quelque chose qui ne soit pas de la propagande politique ? En ce sens, "Hara-Kiri" faisait plus penser à la presse d'avant-guerre, plus populaire et réservée à l'égard du pouvoir politique, et faisant preuve d'un anticléricalisme englobant l'institution républicaine.

    On trouve la même observation de la part de Cabu d'un "Hara-Kiri" annonciateur de l'esprit de "Mai 68", puis seul dépositaire véritable du combat contre la "société de consommation" : "C'était comme si Hara-Kiri était soudain descendu dans la rue, écrivait Cabu. D'accord : tout ça peut paraître un peu prétentieux ! Disons que soudain, de plus en plus de gens se montraient sensibles à nos idées. Beaucoup plus qu'aujourd'hui."

    La thèse soutenue par des essayistes comme E. Zemmour ou A. Glucksmann de l'influence réelle du mouvement de Mai 68 sur la société française, est ici, au passage, contestée. 

    D'inspiration communiste, on ne trouve pas dans ces témoignages croisés, ni d'invocation de la laïcité ou des valeurs républicaines, bien sûr, puisque le mouvement de "Mai 68" était parfaitement illégal. On note cependant que Marianne apparaît ici ou là, une Marianne toujours vierge en dépit des centaines d'hectolitres de sang, non seulement d'aristocrates, mais aussi de prolétaires, d'Allemands, de Juifs, d'Africains, répandus par les armées de la République - Marianne plus SS qu'un CRS, mais immaculée conception laïque.

    C'était Siné, d'entre tous ces témoins et acteurs plus ou moins conscients, le plus politisé en "Mai 68", ayant foi dans le renversement de la bourgeoisie par la révolution. Plusieurs fois il a témoigné de cette naïveté, tout en exprimant le regret qu'elle l'ait entraîné à célébrer trop vite la dictature castriste.

    Que l'on ait pu prendre - "au nom de "Charlie" et de la loi" -, des mesures policières répressives, en particulier dans les collèges où ces mesures sont parfaitement injustes et inutiles, ce retournement ubuesque en dit long sur ce qui a subsisté de "Mai 68" au plan politique et social : probablement moins encore que le reliquat, somme toute modeste, que Cabu et Wolinski mentionnent.

    On ne peut s'empêcher de voir un signe du destin dans l'assassinat d'ex-rebelles de Mai 68, assez largement désabusés, par des djihadistes, c'est-à-dire des révolutionnaires d'un genre nouveau, dont les élites redoutent qu'ils fascinent et réveillent la jeunesse endormie, à coup de drogues plus ou moins légales.

    "Mai 68", Michel Lafon, 2008. 

     Quelques exemples d'images, dont il suffirait de changer un petit détail pour qu'elles collent parfaitement à l'actualité.

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    Dessin de Siné, où on pourrait remplacer la croix lorraine.

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    Dessin de Reiser, le plus désabusé de tous.

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    Affiche d'inspiration marxiste, adjoignant aux forces de l'ordre bourgeois le savoir bourgeois.

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    Les chars et les ouvriers ont été "délocalisés" en Chine ou en Inde, et sont désormais commandés à distance par les élites occidentales.

     

  • Bienvenue à Boboland****

    Cet album a déjà quelques années, mais il est toujours d'actualité. En effet, on utilise même l'expressionwebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,bienvenue à boboland,bobo,dupuy,berberian,fluide glacial "boboïser" dorénavant, pour dire que "Paris se boboïse de plus en plus". Le récent mouvement "Tous Charlie" a en outre remis les bobos en avant, car ce type de manifestation est typique de la "culture bobo", qui s'exprime souvent par des slogans plus ou moins ingénieux, inscrits sur des tee-shirts.

    Désormais démodé, le portrait d'Ernesto Che Guevara imprimé sur un tee-shirt fut longtemps un code vestimentaire bobo. Peu importait que Che Guevara fût un terroriste, il était "cool". Ben Laden est venu ensuite gâcher la fête : le guérillero ne fait plus rêver.

    Si chacun sait que "bobo" vient de la contraction de "bourgeois-bohême", tout le monde n'est pas d'accord sur la signification du terme. Pour certains, pas besoin de revenus confortables pour être un bobo ; pour d'autres, au contraire, le fait d'avoir des revenus confortables explique et justifie toute la culture "bobo".

    Pour simplifier, disons que les bobos sont les électeurs de François Hollande. Le thème traité par Dupuy & Berberian dans "Bienvenue à Boboland" (eds. "Fluide Glacial") n'est donc pas aussi anodin qu'il y paraît. La culture bobo en dit long sur la manière d'exercer le pouvoir aujourd'hui en Occident, sans avoir l'air d'y toucher ni d'être impliqué dans la violence inhérente à l'exercice du pouvoir.

    Les deux compères Dupuy et Berberian maîtrisent leur sujet aussi bien que Claire Brétécher, qui les précéda dans le domaine de la satire des moeurs de la "gauche caviar" (comme dit l'essayiste Eric Zemmour, bête noire des bobos).

    On sait gré à Dupuy et Berberian de passer par le biais de la satire, plutôt que celui de la sociologie, pour brosser le portrait d'une élite culturelle qui donna à la moraline sa tonalité chic et parisienne (y a-t-il des bobos en dehors de Paris ?). On est tenté de parler au passé, car la crise économique semble avoir rebattu les cartes idéologiques. Signe des temps, les représentants de la bobocratie sont de plus en plus rares à s'assumer comme tels. Il faut dire qu'avec son - Je n'aime pas l'argent !, le candidat François Hollande a probablement usé le peu de crédit que la gauche "bobo" avait encore auprès de catégories sociales moins favorisées.

    C. Bretécher a expliqué que son appartenance à la bourgeoisie de gauche et un certain cynisme personnel (au sens philosophique du terme) étaient la clef de ses planches satiriques publiées dans le "Nouvel Obs". Je ne connais pas la recette de Dupuy & Berberian, mais leur satire sonne assez juste ; en effet elle est assez mordante pour ne pas être complaisante - le narcissisme des bobos est nettement souligné, par-delà l'amour de l'humanité sans distinction de classes ni de races... sans tomber pour autant dans le pamphlet, qui a souvent tendance à atténuer la satire.

    Bienvenue à Boboland, Dupuy & Berberian, eds Fluide Glacial, 2008.

  • Groom*

    Les éditions Dupuis, éditrices de l'hebdomadaire "Spirou", ont publié le 7 janvier "Groom", un hors-série pourwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,groom,spirou,magazine,dupuis,propagande,charlie-hebdo,mai 68,complotisme les ados traitant de l'actualité en 2015.

    6,90 euros ça les vaut bien, si l'on tient compte du nombre de pages (100), de la qualité du papier (glacé), et de l'habileté des dessinateurs. Il s'agit ici d'un "ballon d'essai" ; on sent bien que Dupuis surfe sur une actualité dense, et l'attentat contre "Charlie-Hebdo" qui a beaucoup fait parler du dessin de presse, non loin de la bande-dessinée (bon nombre de dessinateurs de presse sont aussi auteurs de BD).

    Cependant sur le plan éditorial, ce premier numéro est très décevant, comme on pouvait s'y attendre. Un petit rappel s'impose : "Charlie-Hebdo" est proche de l'esprit frondeur de "Mai 68", qu'il précéda (ainsi que Cabu le soulignait fort justement), et qu'il a perpétué avant de faire faillite, faute de lecteurs, en 1982. La prise du pouvoir par la gauche en France explique sans doute assez largement cette faillite : la réputation d'hebdomadaire subversif de "Hara Kiri" ou "Charlie-Hebdo" s'est émoussée à partir du moment où la culture dominante a repris certains slogans "libertaires" ; du "sexe sans entraves", on est vite passé à la "capote obligatoire" et à la sexualité sous assistance thérapeutique psychiatrique ; Daniel Cohn-Bendit, icône du mouvement de "Mai 68", officie désormais dans une radio capitaliste BCBG qui passe son temps à expliquer que, si le capitalisme tousse aujourd'hui, c'est pour mieux courir demain le marathon.

    Dupuis et "Spirou" incarnent en revanche le conformisme belge, une propagande à destination des jeunes garçons de bonnes familles comme "Tintin".

    Le besoin de propagande n'a malheureusement pas diminué par rapport aux années 60, mais seulement la couleur de la propagande. Et c'est ce que Dupuis a produit avec "Groom" : un magazine lisse et politiquement correct à l'instar du mouvement "Tous Charlie !", tout juste assaisonné de quelques pointes d'humour ici ou là. Pas facile pour un illustrateur d'illustrer une tribune édifiante de Jean-Louis Bianco ; on croyait cet ancien secrétaire général de l'Elysée enterré avec Mitterrand (comme dans l'Antiquité les serviteurs de pharaon avec leur maître), en réalité il préside un très (trop) sérieux "Observatoire de la laïcité".

    L'actualité 2015 est assez largement traitée, dans toute sa diversité, puisque cela va de la montée des eaux en Belgique jusqu'à l'embargo de l'Iran, en passant par le scandale de la Fifa et les toutous de la reine Elisabeth II. Mais c'est une maladresse que cette manière d'exhaustivité ; le tout, avec l'actu et l'information, qui se présentent de façon chaotique et peu hiérarchisée, est de ne pas se laisser submerger pas leurs flots, surtout pour des ados mal armés. C'est la force du "complotisme", justement, moqué dans plusieurs strips publiés dans "Groom", de proposer une lecture univoque de l'actualité aux ados, une explication d'ensemble à, disons, l'agitation du monde - qui a de quoi troubler l'esprit.

    Traiter de façon sérieuse du ou des complotismes -ce qui n'exclut pas l'humour-, aurait pu par exemple être un angle éditorial ; au lieu de ça, on a une sorte de fourre-tout, illustré avec brio, mais qui ne met pas ou peu en oeuvre la force principale du dessin, l'humour.

    On ne redemande pas de ce "Groom"-là (et les ados à qui j'ai prêté mon exemplaire non plus).

    Zombi

     

     

  • Star Wars

    J.J. Abrams, 2015

    Je ne suis pas fan de "Star Wars", mais je suis allé voir le film au cinéma, en 3D s’il-vous-plaît. Le film durewebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,cinéma,star wars,disney largement 2 heures et aurait sans doute gagné à être élagué pour être plus dynamique.

    Le scénario (?) est assez simplet : un ex-méchant déserte de l’armée des Stormtroopers (John Boyega, sympa) et fait équipe avec une jolie nana (Daisy Ridley, jolie) pour échapper à des méchants. Ils courent, ils pilotent, ils transpirent... d’ailleurs ils ne changent pas souvent de vêtements, la culotte de la demoiselle doit pas sentir la rose. Les effets spéciaux sont tellement réussis qu’on ne les voit pas, c’est bluffant, grisant.

    Il y a de l’humour, gentil, ça donne un inattendu et bienvenu petit côté parodique au film. On a l’impression que le réalisateur a eu envie de se la jouer "Y a-t-il un pilote dans l’avion ?" (Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker, 1980) ou "Hot Shots" (Jim Abrahams, 1991), mais ce n’était pas prévu dans le contrat.

    Les deux rôles principaux sont tenus par un noir et une femme ; le cahier des charges était non négociable. On sent que le film est fait pour plaire au plus grand nombre, c’est sans doute ça la "magie Disney". Du coup, l’ensemble est plutôt gentil, même le méchant (Adam Driver, bof) ne fait pas très peur. Les scénaristes ont ressorti quelques vieilleries (R2D2, le faucon millénium, Harrison Ford…), c’est là où on voit leur manque d’inspiration, genre "c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes". Celle-là manque vraiment de sel.

    LB

  • Un + une, de C. Lelouch

    Ma mauvaise foi me pousse à parler d’un film que je n’ai pas vu et que je n’irai pas voir. Claude Lelouch estwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,claude lelouch,cinéma,un + une,elsa zylberstein,jean dujardin,caricature,navet devenu cinéaste sur un malentendu, avec Un homme et une femme (1966). Il a ensuite réalisé quelques films encore regardables malgré les années, mais dont il ne resterait sans doute pas grand-chose sans les acteurs : Annie Girardot dans Un homme qui me plaît (1969), Lino Ventura dans La bonne année (1973), par exemple. On peut considérer ces films comme des accidents de parcours dans la longue et inégale carrière de Claude Lelouch. Pas plus que son précédent film où la grande Sandrine Bonnaire s’était laissée embarquer, le bouseux Salaud on t’aime (2014), le nouveau film de Lelouch ne laissera de souvenir impérissable.

    Déjà, un film avec Elsa Zylberstein, ça n’augure rien de bon. Cette nana est l’archétype de la Parisienne godiche. On sait qu’elle est actrice mais pouvez-vous me citer un seul de ses films ? Moi non. Jean Dujardin avait sans doute envie de visiter l’Inde entre deux tournages, ce qui peut expliquer sa présence dans ce film. A moins qu’il ne manque sérieusement de pif pour choisir ses films, en témoigne sa constance à aligner les nanars : Cash (Eric Bernard, 2008), Le bruit des glaçons (Bertrand Blier, 2009)…

    webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,claude lelouch,cinéma,un + une,elsa zylberstein,jean dujardin,caricature,navetLe problème de Jean Dujardin, acteur que par ailleurs j’aime beaucoup, c’est sa crédibilité dans des rôles sérieux. Dans La French (Cédric Jimenez, 2014), film assez ridicule, on a l’impression de voir Hubert Bonisseur de la Bath son personnage-fétiche (OSS 117, Michel Hazanavicius).

    Les images aperçues sur la bande annonce – mon professionnalisme m’impose au minimum cette corvée - laissent entrevoir tout l’artifice d’un film complètement à côté de la plaque, des costumes au jeu des acteurs, en passant par les dialogues et la réalisation, si tant est qu’il y en ait une.

    Ne perdez pas votre temps avec ce cinéma ringard, il y a tellement mieux à faire. Claude, fais nous plaisir, range ta caméra et va pêcher la truite.

    LB