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rob davis

  • Revue de presse BD (179)

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    + Le nouveau directeur de "Charlie-Hebdo", Riss, lance un "prix littéraire" ouvert aux 12-22 ans, doté de quelques milliers d'euros. Sujet de l'exercice : "Et si on remplaçait le bac par..." ; les copies sont à rendre avant le 20 avril prochain.  Riss ne dit pas si le jury tiendra conte de la réform de l'ortograf (vieille lune déjà sujet de plaisanterie chez Alphonse Allais).

    + Martin Veyron ("Bernard Lermite") sort de la satire sociale, son domaine de prédilection, pour publier l'adaptation d'une fable méconnue de Tolstoï, "Ce qu'il faut de terre à l'homme" (ou : "Le Moujik Pakhom"). Si l'adaptation d'oeuvres littéraires n'est pas chose nouvelle en bande-dessinée, la mode bat son plein en ce moment, pour le meilleur et pour le pire ; nous signalions récemment la bonne adaptation de "Don Quichotte" par Rob Davis.

    Au magazine d'obédience catholique "La Vie" (21 janvier), M. Veyron a donné des détails sur ce travail d'adaptation : "Depuis des décennies, j'avais envie de traiter de façon contemporaine les exagérations du progrès, qui n'est plus perçu comme une chose bénéfique. Un constat dû à la surproductivité, à la fois dans l'agriculture et dans l'industrie, qui apporte plus de poison que de bonheur. (...)" "Exagération du progrès" est une litote délicate pour traduire le recul. Et le choix de Tolstoï par M. Veyron peut surprendre ; en effet, le romancier russe, qui fit fortune avec sa plume, était de surcroît un aristocrate, propriétaire terrien persuadé du bienfait de la réforme agraire et du partage des terres : appliquée par le pouvoir soviétique avec une main de fer, au nom du progrès, la réforme agraire fit des millions de victimes.

    On note cette contradiction dans les propos de M. Veyron, qui déclare : "Je suis donc resté très fidèle à l'oeuvre originale", mais un peu plus loin ajoute : "Le diable est présent dans sa nouvelle. Je l'ai évacué, car je pense que le mal est en l'homme, qui n'a nul besoin de démons extérieurs pour ne pas faire le bien..." Le problème de la fidélité de l'adaptation est posé ici ; en effet, ôter le diable des romans de Balzac ou des poèmes de Baudelaire, par exemple, reviendrait à les trahir. Le préjugé ou la mentalité moderne peuvent être choqués par la façon de croire le diable une puissance extérieure à l'homme, qui le dépasse, mais à quoi bon, dans ce cas, se prévaloir d'un auteur qui pense différemment en apposant son nom sur la couverture ? C'est une pratique condamnable du point de vue de la critique littéraire, quasiment une forme de censure.

    + En matière de récupération, la palme revient à la chroniqueuse radio et télé Natacha Polony ; celle-ci copréside un "comité Orwell", qui s'est réuni pour la première fois en janvier 2016. Quel rapport y a-t-il entre cette journaliste, à qui le sobriquet de "Zemmour light" va comme un gant, et l'essayiste marxiste anglais George Orwell ? Les références politiques de N. Polony sont de Gaulle, la République française, les valeurs laïques, J.-P. Chevènement, toutes très éloignées de la critique du totalitarisme d'Orwell, qui n'épargne pas le fonctionnement de l'Etat moderne et sa culture mystique. Du point de vue marxiste, la culture laïque est une religion d'Etat, et l'institution républicaine ne fait que reproduire le fonctionnement de l'Eglise romaine.

    De façon plus caractéristique encore, on a pu entendre Natacha Polony vanter, à l'instar de Jean-Pierre Chevènement, les mérites de l'enseignement du "roman national". C'est une façon de présenter le mensonge national et le blanchiment des valeurs républicaines de façon positive, très éloignée de l'action de dire la vérité, présentée comme un acte révolutionnaire par Orwell, "en ces temps d'imposture universelle".

    + La dessinatrice Lisa Mandel a fait une petite incursion dans la "jungle de Calais", bidonville peuplé d'immigrés prêts à tout pour passer en Angleterre, mais coincés sur une bande de côte française. Accompagnée par la sociologue Yasmine Bouagga, Lisa Mandel a recueilli les témoignages de quelques-uns de ces immigrés et les publie sur un blog-BD estampillé "Le Monde" ; l'état de ses prisons en dit plus long sur l'état d'une société qu'un long essai de sociologie, de même la "jungle de Calais" est une verrue sur le nez du projet d'unité européenne, devenue un peu trop voyante. Le contraste est assez saisissant entre le reportage de Lisa Mandel, qui a le don de prêter vie aux réfugiés, et les pubs "bling-bling" diffusées par "Le Monde", pour tel ou tel parfum ou vêtement de luxe. Le luxe des uns n'a-t-il pas pour rançon la misère des autres ?

    + Le tampographe Sardon donne régulièrement des nouvelles de sa fabrique de tampons en caoutchouc humoristiques sise "rue du Repos" à Paris (XIXe), mal nommée en ce qui le concerne puisque la vulcanisation ne va pas sans un minimum d'efforts. Vincent Sardon écrivait donc dernièrement (novembre 2015) : "(...) On dirait qu'il n'y a plus que des artistes dans cette ville de merde, tu peux chercher en vain pendant mille ans un type capable de réparer un peu proprement un grille-pain, mais si tu vas boire un café au coin de la rue tu verras passer en dix minutes trois vidéastes, une chorégraphe pour enfants, un designer chauve et cinq écrivains expérimentaux en lecture chez Verticales, et qui cherchent tous les quelques mètres carrés esprit Loft qui les séparent, croient-ils, de la félicité absolue."

    + On trouve en kiosque depuis quelque temps un nouveau journal satirique, simplement baptisé "Satire-Hebdo". Sur son blog dédié au dessin de presse, François Forcadell émet des réserves à propos de ce journal mystérieux, dépourvu d'ours, et dont aucun article n'est signé (un certain Frédéric Truskolaski le financerait, selon F. Forcadell). Il est vrai que, sur le plan rédactionnel, "Satire-Hebdo" est un peu creux ou bâclé ; son rédacteur développe des idées, disons "de centre-gauche", qui ne méritent guère le qualificatif de "satirique". "Contre le PSG", "pour Jean Rochefort contre Rachida Dati", "pour Juppé contre Sarkozy", "pour Jacqueline Sauvage contre le code pénal", "pour Bowie contre Justine Bieber", etc. Mais "Charlie-Hebdo" lui-même ressemble de plus en plus à "Libération", et de moins en moins à un journal satirique. "Satire-Hebdo" a quand même le mérite de faire découvrir au grand public des caricaturistes moins connus que Riss et Coco, comme Glon ou Frizou, principaux contributeurs de "Satire-Hebdo""Charlie-Hebdo" de son côté donne l'impression d'avoir du mal à recruter de nouveaux talents, puisqu'il a dû embaucher successivement Pétillon et Vuillemin, deux vieux briscards du dessin de presse.

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    Caricature de Glon parue dans "Satire-Hebdo"

    + Le trait élégant et minimaliste de feu Saul Steinberg, dessinateur de presse et illustrateur américain ("New-Yorker") a fait des émules de ce côté-ci de l'Atlantique ; le site américain "Artsy" nous informe de la mise en ligne d'une nouvelle page web dédiée à cet artiste, où l'on peut admirer notamment un peu plus d'une trentaine de ses dessins.

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    "Six Terroristes", dessin colorié par Saul Steinberg, 1971.

     

  • Don Quichotte****

    L'adaptation en BD de "Don Quichotte" par l'Anglais Rob Davis est d'abord remarquable webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,don quichotte,cervantès,rob davis,vraoum,dulcinée du tobosco,louis viardoten raison de sa fidélité à cet ouvrage satirique précurseur, qualifié parfois de "roman des romans".

    Don Quichotte n'est pas fait pour inspirer la sympathie au lecteur, pas plus que le Don Juan de Molière ; le personnage créé par Cervantès (1547-1616) est mû par des valeurs aristocratiques démodées au XVIIe siècle. Sancho Pança et Sganarelle sont des caricatures de domestiques, prêts à suivre leurs maîtres jusqu'en enfer, contre une somme d'argent ou une promesse d'enrichissement (Don Quichotte a promis à Sancho Pança qu'il sera roi d'une île) ; ces personnages sont nos contemporains !

    Cervantès brocarde allègrement la culture aristocratique médiévale, en particulier son idéalisme. C'est l'idéalisme qui pousse Don Quichotte à aller au-devant des embûches, à provoquer des catastrophes dont il est la première victime.

    Cervantès souligne que la Dulcinée du Toboso, cette femme qui aiguillonne l'idéal de don Quichotte, est un pur fantasme, une matrone à laquelle l'hidalgo prête les qualités physiques et morales d'une princesse. Don Quichotte est une caricature, et son aveuglement amoureux excède par conséquent la bêtise amoureuse ordinaire.

    Louis Viardot, traducteur et commentateur du "Quichotte", parle de "la délicate satire du goût dépravé pour les romans de chevalerie". "On raconte que le duc don Alonzo Lopez de Zuniga y Sotomayor, ajoute Viardot, en apprenant que l'objet du Don Quichotte était une raillerie, crut sa dignité compromise, et refusa la dédicace."

    Aujourd'hui les super-héros de bande dessinée ont repris le flambeau du don-quichottisme et la critique de Cervantès est toujours d'actualité. Les super-héros veulent sauver le monde, mais ne font qu'entretenir la passivité de leurs nombreux lecteurs et exciter leur goût pour le divertissement.

    Et la galanterie forcenée du Quichotte ? L. Viardot l'explique ainsi : "(...) Les femmes, dont les moeurs publiques ne défendaient pas encore la faiblesse, sont le principal objet de la généreuse protection du chevalier errant ; le christianisme a donné naissance à la galanterie, ce nouvel amour inconnu de l'Antiquité, en mêlant aux plaisirs sensuels les respects et la foi d'une espèce de culte religieux." Encore faut-il préciser ici ce que l'on comprend mieux en lisant le "Roméo & Juliette" de Shakespeare : en fait de "christianisme", il s'agit de la transposition dans la culture aristocratique du christianisme.

    Le style de dessin nerveux de Rob Davis sert son adaptation. On exagère en général la difficulté qu'il y a à lire l'ouvrage de Cervantès, rebutant par le volume. La longueur du texte est, certes, assez rédhibitoire (de 800 à plus de 1000 pages selon les éditions), mais le "Quichotte" peut se lire par petits morceaux, ou dans une édition abrégée. Il reste que la version de Rob Davis, synthétique (2 vol.), permet d'autant mieux d'apprécier l'humour de Cervantès et l'esprit satirique du roman.

    On ne regrette que la mise en couleurs superflue, avec des tons pastels "éteints" ; le noir et blanc auraient mieux convenu.

    Don Quichotte, par Cervantès et Rob Davis, éd. Warum, 2015.