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  • Don Quichotte****

    L'adaptation en BD de "Don Quichotte" par l'Anglais Rob Davis est d'abord remarquable webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,don quichotte,cervantès,rob davis,vraoum,dulcinée du tobosco,louis viardoten raison de sa fidélité à cet ouvrage satirique précurseur, qualifié parfois de "roman des romans".

    Don Quichotte n'est pas fait pour inspirer la sympathie au lecteur, pas plus que le Don Juan de Molière ; le personnage créé par Cervantès (1547-1616) est mû par des valeurs aristocratiques démodées au XVIIe siècle. Sancho Pança et Sganarelle sont des caricatures de domestiques, prêts à suivre leurs maîtres jusqu'en enfer, contre une somme d'argent ou une promesse d'enrichissement (Don Quichotte a promis à Sancho Pança qu'il sera roi d'une île) ; ces personnages sont nos contemporains !

    Cervantès brocarde allègrement la culture aristocratique médiévale, en particulier son idéalisme. C'est l'idéalisme qui pousse Don Quichotte à aller au-devant des embûches, à provoquer des catastrophes dont il est la première victime.

    Cervantès souligne que la Dulcinée du Toboso, cette femme qui aiguillonne l'idéal de don Quichotte, est un pur fantasme, une matrone à laquelle l'hidalgo prête les qualités physiques et morales d'une princesse. Don Quichotte est une caricature, et son aveuglement amoureux excède par conséquent la bêtise amoureuse ordinaire.

    Louis Viardot, traducteur et commentateur du "Quichotte", parle de "la délicate satire du goût dépravé pour les romans de chevalerie". "On raconte que le duc don Alonzo Lopez de Zuniga y Sotomayor, ajoute Viardot, en apprenant que l'objet du Don Quichotte était une raillerie, crut sa dignité compromise, et refusa la dédicace."

    Aujourd'hui les super-héros de bande dessinée ont repris le flambeau du don-quichottisme et la critique de Cervantès est toujours d'actualité. Les super-héros veulent sauver le monde, mais ne font qu'entretenir la passivité de leurs nombreux lecteurs et exciter leur goût pour le divertissement.

    Et la galanterie forcenée du Quichotte ? L. Viardot l'explique ainsi : "(...) Les femmes, dont les moeurs publiques ne défendaient pas encore la faiblesse, sont le principal objet de la généreuse protection du chevalier errant ; le christianisme a donné naissance à la galanterie, ce nouvel amour inconnu de l'Antiquité, en mêlant aux plaisirs sensuels les respects et la foi d'une espèce de culte religieux." Encore faut-il préciser ici ce que l'on comprend mieux en lisant le "Roméo & Juliette" de Shakespeare : en fait de "christianisme", il s'agit de la transposition dans la culture aristocratique du christianisme.

    Le style de dessin nerveux de Rob Davis sert son adaptation. On exagère en général la difficulté qu'il y a à lire l'ouvrage de Cervantès, rebutant par le volume. La longueur du texte est, certes, assez rédhibitoire (de 800 à plus de 1000 pages selon les éditions), mais le "Quichotte" peut se lire par petits morceaux, ou dans une édition abrégée. Il reste que la version de Rob Davis, synthétique (2 vol.), permet d'autant mieux d'apprécier l'humour de Cervantès et l'esprit satirique du roman.

    On ne regrette que la mise en couleurs superflue, avec des tons pastels "éteints" ; le noir et blanc auraient mieux convenu.

    Don Quichotte, par Cervantès et Rob Davis, éd. Warum, 2015.