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critique - Page 14

  • Revue de presse BD (194)

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    + Bande-dessinée et caricature, proches par la technique -de nombreux dessinateurs ont la "double casquette" de bédéastes et de caricaturistes-, s'opposent parfois néanmoins ("Charlie-Hebdo" contre "Pilote"); de plus en plus d'auteurs, qui se cantonnaient auparavant à la BD, s'essaient depuis peu à la caricature; l'attentat contre "Charlie-Hebdo" a sans doute été un déclic. Mentionnons par exemple François Boucq (dont le style surchargé se prête assez mal au dessin de presse), Jacques Tardi (dans "Siné Hebdo" de juin 2016, ci-dessus) ou Zep.

    + Frappé par un AVC, le caricaturiste Maëster ("Soeur Marie-Thérèse des Batignolles"/"Fluide Glacial") a réclamé et obtenu du soutien afin de pouvoir payer ses soins et sa rééducation. En trois jours, il a collecté près de 15.000 euros.

    + A la veille de l'Euro de football, soulignons que le sport professionnel est un véritable fléau puisque vecteur de démagogie, de nationalisme (la religion la plus meurtrière de tous les temps), d'expérimentations médicales sur des cobayes humains, de gaspillage des ressources humaines, etc.

    H. Arendt fait remarquer la part croissante que prennent les choses inutiles dans la culture de masse totalitaire ; contre la vanité du sport professionnel, l'équipe du journal satirique Zélium propose un numéro spécial "Sport, bizness et jeux de dope" très utile (vendu dans certains kiosques). On attend avec impatience un numéro spécial "Intellectuels et philosophes", afin de brocarder une autre branche du culturisme.

    + Les trois jeunes gagnantes du premier prix littéraire "Charlie-Hebdo", décerné le 8 juin dernier (et qui départage 1300 candidats au total), ont reçu chacune un chèque de 1000 euros. On peut lire leurs compositions sur le thème de "Et si on remplaçait le bac par..." sur le site du prix. C'est un bel exemple du cynisme de la jeune génération, qui traîne les pieds quand il s'agit de passer le bac mais se porte volontaire dès lors qu'une prime substantielle est en jeu !

    + Le musée de la presse de Washington a tenu à honorer la rédaction de "Charlie-Hebdo" parmi une vingtaine de journalistes tués dans l'exercice de leur fonction. L'opération de récupération, approuvée par l'ambassadeur de France à Washington, saute aux yeux ; s'ils détenaient bien la carte de presse, les caricaturistes de "Charlie-Hebdo" étaient des journalistes à part, en raison de leur manière de traiter l'actualité et surtout à cause de leur indépendance vis-à-vis des grands groupes industriels, souvent liés à l'industrie de l'armement, qui financent la presse. Le musée de Washington a mis dans le même sac des journalistes de la télé américaine assassinés par un de leurs collègues dans une crise de folie.

    + Frédéric Lordon est un des orateurs du mouvement "Nuit debout", qui organise des débats politiques sur la Place de la République à Paris. "Comme ça fait un peu con de parler de politique et de ne rien proposer de concret, Frédéric se croit obligé, pour finir, de lancer l'idée folle d‘une récommune. Déjà, le nom est moche, croisement bâtard entre république et communisme. Ensuite, ça ne marchera que sur le papier. (...)" Colimasson, une jeune lectrice férue de Spinoza et Marx a lu "Capitalisme, désir et servitude", et en rend compte sur son blog. 

    + La gravure ci-dessous, signée Edouard Gordon Craig, est extraite d'une édition illustrée du "Hamlet" de Shakespeare, prince des auteurs satiriques, dont c'est le 400e anniversaire de la disparition cette année.

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  • Pandora*

    La BD franco-belge tira son dynamisme d'hebdomadaires -"Spirou", "Tintin", etc.-, dans lesquels émergèrent leswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,kritik,critique,bande-dessinée,revue,pandora,benoît mouchart,bastien vivès,casterman meilleurs artisans du genre, ainsi que les meilleures idées éditoriales ; les adultes pouvaient même parfois y trouver leur compte ; par exemple avec les "Idées noires" de Franquin, antidote aux aventures édifiantes de "Tintin & Milou", dont la publication commença dans "Spirou".

    La BD franco-belge s'est enlisée depuis dans des recettes commerciales juteuses et une quête de reconnaissance qui n'est qu'un attrape-couillons. De solennels cacouacs ont inventé "l'art séquentiel" ou "l'art silencieux", en même temps que la spontanéité disparaissait.

    La nouvelle revue de BD "Pandora", dirigée par Benoît Mouchart, traduit parfaitement le niveau d'incompétence actuel ; bien que son rédacteur en chef a sous la main une vingtaine d'auteurs, parmi les plus réputés et prometteurs (Blutch, B. Evens, Harambat, Vivès, Loustal, Spiegelman, etc.), "Pandora" n'est pas autre chose qu'un catalogue insipide, sous une couverture ratée (B. Vivès n'est pas le meilleur illustrateur qui soit) ; on pourra apprécier tel ou tel chapitre, isolément (celui de Vivès n'est pas mal), mais le minimum vital requis pour faire une revue manque. En comparaison, la revue "Lapin", vitrine de "L'Association", assez creuse elle aussi et qui contribua au snobisme, avait du moins le mérite de publier et mettre en avant de jeunes auteurs inconnus.

    Casterman et B. Mouchart ont pris tellement peu de risques avec "Pandora" que cette revue ressemble à un musée ou à l'académie française de bande-dessinée.

    Pandora n°1, Casterman, mai 2016.

     

  • Zélium n°8

    "Sport, bizness et jeux de dope"webzine,bd,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,zélium,sport,dopage,rousso,decressac,lb,gab,lerouge,cambon

    Avec ce numéro consacré à l'abrutissement par le sport, et qui tombe donc à pic, "Zélium" semble avoir trouvé son rythme, et surtout son format de croisière. Pour ma part j'ai fini par m'habituer au titre, et le logotype hideux du départ, représentant un zeppelin (?) a heureusement fait place nette.

    La meilleure chance de "Zélium" de durer, outre les améliorations apportées, c'est la belle brochette d'excellents dessinateurs à son service -une vingtaine-, dont Rousso (couverture), Decressac, Cambon, Berth, Sergio, Lerouge, Gab, mes préférés.

    "Zélium" a été en outre bien avisé de recruter notre collaborateur LB, et de publier plusieurs de ses dessins (inédits dans "Zébra" pour la plupart).

    Les dessinateurs de "Zélium" sont bénévoles, et ce bénévolat est à double tranchant ; l'argent est un frein considérable à la liberté d'expression, si important qu'on ne peut s'empêcher de sourire en entendant invoquer cette liberté dans les pays occidentaux excessivement riches ; le sport-spectacle, avatar des jeux du cirque, parfaitement contradictoire avec les idéaux des Lumières, reflète lui-même le règne de l'argent.

    C'est aussi en se professionnalisant que "Charlie-Hebdo" a perdu son âme et ses lecteurs petit à petit, s'est normalisé, non seulement parce que Philippe Val se croyait "éthiquement pur". Cependant les dessinateurs doivent tirer un minimum de revenus de leur travail pour pouvoir continuer à dessiner, et c'est ce qui pousse le rédacteur en chef à chercher la meilleure formule éditoriale. On s'en rapproche avec ce numéro spécialisé dans la satire du sport, au stade où celui-ci est devenu exemplaire du développement hasardeux de la société.

    Je suis plus réservé en ce qui concerne les chroniques et les chroniqueurs. L'hommage à Siné, dont beaucoup de dessinateurs de Zélium se réclament, ne pouvait être que minimaliste, bien que ce ne soit pas pour les mêmes raisons que "Charlie-Hebdo". Quant aux papiers humoristiques, ils souffrent de la comparaison avec les dessins satiriques. On ne peut qu'être d'accord avec Etienne Liebig lorsqu'il souligne l'aberration et l'hypocrisie de la part des pouvoirs publics qui consiste à prôner le sport comme un exemple pour les gosses : mais on appréciera davantage un dessin humoristique qui résume efficacement cette hypocrisie.

    Sous la forme d'un QCM (pp. 22-24), la chronique des aberrations du sport moderne est plus "digeste" et amusante. Les bons auteurs humoristiques se font rares ; nombreux sont les comiques de cabaret qui "tournent" pendant vingt ans avec le même sketch. L'école républicaine forme plus les élèves au calcul mental qu'à la gaudriole.

    Zélium n°8, spécial été 2016, www.zelium.info, 5 euros.

  • Prud'hon***

    Le musée Condé à Chantilly expose jusqu'au 26 juin son fonds de dessins de Pierre-Paul Prud'hon (1758-1823). A cettewebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,pierre-paul prud'hon,sylvain laveissière,stendhal,baudelaire,delacroix,duc d'aumale,chantilly,faton occasion les éditions Faton publient un catalogue raisonné des dessins de la collection exceptionnelle (26 dessins) constituée par le duc d'Aumale, fameux mécène descendant des Condé et fils du roi Louis-Philippe.

    Ce catalogue, plutôt technique, nous renseigne sur la manière dont fut constituée la collection de Prud'hon pour le compte du duc, ainsi que sur les travaux d'entretien minutieux de dessins particulièrement fragiles - la religion de l'art a ses reliques, elle aussi.

    Cette collection a beaucoup contribué à la gloire posthume de Prud'hon, artiste discret en comparaison de personnalités saillantes comme Jacques-Louis David ou Théodore Géricault.

    Les effets de lumière crayeux de Prud'hon confèrent à ses dessins un aspect d'outre-tombe, qui a sans doute pas mal contribué à entretenir la réputation de pionnier du romantisme de l'artiste bourguignon (natif de Cluny). Sylvain Laveissière, spécialiste de Prud'hon, mentionne surtout les critiques élogieuses de Delacroix, Baudelaire, Stendhal, comme motif principal pour classer Prud'hon parmi les romantiques; étiquette fragile, démentie par l'admiration de Prud'hon lui-même pour l'art de Léonard de Vinci. La tendance de Stendhal était d'ailleurs à revendiquer "romantique" tout ce qui lui plaisait, jusqu'au théâtre de Shakespeare, en un temps où "romantique" voulait dire "neuf".

    L'art de Prud'hon ramène à la question plus sérieuse de l'influence de l'Antiquité sur l'art moderne, voire plus largement la civilisation (question controversée : rupture ou continuité?) que ce catalogue raisonné n'aborde pas directement. Cette question est pourtant l'un des enjeux de l'art moderne, motivant le mécénat ou "l'investissement culturel" comme on dit aujourd'hui.

    Laugel, négociateur pour le compte du duc d'Aumale, pour consoler son maître de l'importante dépense qu'il venait de faire, lui écrivit : "(...) Prud'hon est Prud'hon - je crois que c'est un des maîtres de notre époque qui peuvent le mieux braver l'avenir." On comprend ici que c'est un mélange d'intérêt pour l'art et de placement financier plus trivial qui préside au destin de l'art. Le duc n'avait pour l'art de Prud'hon qu'un intérêt limité.

    - La collection de Chantilly est faite d'un mélange d'académies d'hommes et de femmes, plus ou moinswebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,pierre-paul prud'hon,sylvain laveissière,stendhal,baudelaire,delacroix,duc d'aumale,chantilly,faton achevées, illustrant la maîtrise du dessinateur ; d'esquisses préparatoires pour des tableaux sur des thèmes mythologiques ou allégoriques antiques ; ou encore de sujets plus érotiques. Ne figure malheureusement pas dans la collection de Chantilly le saisissant portrait de la maîtresse de Prud'hon, Constance Mayer (ci-contre, le portrait conservé au Louvre) ; celle-ci fit carrière de peintre dans l'ombre de son amant, son statut ambigu l'empêchant d'accéder à la notoriété.

    Pierre-Paul Prud'hon, Les Carnets de Chantilly, Faton, 2016.

     

  • Rimbaud, l'Explorateur maudit***

    D'Arthur Rimbaud nous connaissons tous au moins un poème, le plus souvent appris par coeur au collège ; etwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,arthur rimbaud,explorateur,maudit,philippe thiraut,thomas verguet,glénat,carjat cette photographie par Carjat du jeune poète génial, devenu le symbole de l'adolescence ; ainsi que quelques bribes de sa biographie ; la relation tumultueuse avec Paul Verlaine, en particulier, est célèbre, avec ses coups de revolver tirés par Verlaine pour y mettre un point final, presque un cliché.

    Certains en savent un peu plus : que Rimbaud a renoncé brusquement et définitivement à la poésie avant de s'expatrier, de voyager un peu partout, en Europe d'abord, puis au-delà de la Méditerranée. « L'air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront. » ("Une Saison en Enfer"). La fin pitoyable d'Arthur Rimbaud dans un hôpital marseillais, torturé par la maladie, implorant par courrier sa mère de lui expédier des bas de contention pour soulager ses varices, est également connue grâce aux éditions scolaires abrégées qui reproduisent parfois ces lettres, très prosaïques mais néanmoins émouvantes.

    "Rimbaud, l'Explorateur maudit", par Philippe Thiraut (scénario) et Thomas Verguet (dessin), publié par Glénat, met en scène un pan moins connu de la brève existence du poète : ses séjours et périples en Afrique, entre 1883 et 1890 environ, motivés par l'appât du gain et l'attrait de l'aventure. L.-F. Céline, qui a quelques points communs avec Rimbaud (l'origine sociale modeste, le goût de la littérature, celui de l'aventure), proposait cette explication au dégoût soudain du jeune poète pour la poésie : il y voyait la volonté d'un jeune garçon d'expérimenter enfin des choses concrètes, de sortir de l'adolescence et ses rêves théoriques. Rimbaud a en effet envisagé cet exil aventureux en Afrique comme un but plus sérieux que les poèmes que le public a retenus. Il ne pouvait pas savoir que cette expédition se solderait par un échec, suivi de la mort.

    Si la mise en couleur de cet album est insipide et fait presque mal aux yeux, en revanche le choix est assez judicieux d'un dessinateur plutôt "académique" pour illustrer ce séjour cauchemardesque de Rimbaud en Afrique. En effet le scénariste a décidé de situer l'épopée de Rimbaud entre rêve et réalité ; on ne distingue pas toujours clairement si ce sont les fantasmes de Rimbaud ou la réalité de ses expéditions qui est décrite ; on pourrait se plaindre d'une telle incertitude, cependant Rimbaud a bel et bien vécu toute sa vie une sorte de rêve éveillé, parfois heureux, souvent cauchemardesque, teinté de mysticisme.

    Le poète se voulait "moderne", à la suite de son maître Baudelaire ; or l'art moderne fait la part belle au rêve. Si Rimbaud a voulu "passer à autre chose", effectuer sa mue de l'adolescence à l'âge adulte, s'il a effectué des comptes-rendus d'exploration et des relevés topographiques publiés par la société de géographie française, il est probable que sa seconde vie reste marquée par l'idéalisme.

    De plus cette BD contribue à défaire la légende dorée d'Arthur Rimbaud, en le montrant comme la plupart des colons français, cherchant à s'enrichir sur le dos de l'Afrique, d'une façon qu'il serait hypocrite de condamner aujourd'hui puisqu'elle persiste bien au-delà de la période de colonisation officielle, de façon plus discrète.

    Rimbaud, l'Explorateur maudit, par Philippe Thiraut et Thomas Verguet, Glénat, 2016.

     

  • Literary Life***

    Les libraires doivent rire jaune en lisant la satire du milieu littéraire anglais par Posy Simmonds ; enwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,posy simmonds,literary life,denoël graphic,bretécher effet "Literary Life", BD traduite de l'anglais et publiée par Denoël Graphic (2014) est transposable au milieu littéraire français, à quelques détails près.

    Posy Simmonds crève la baudruche de la culture en peignant un tableau peu flatteur de l'homme de lettres moderne (la femme de lettres n'est pas épargnée non plus).

    On ne peut s'empêcher de penser à Claire Bretécher en lisant les planches de Posy Simmonds, dessinatrice au "Guardian Review" outre-manche depuis des lustres, dans lequel ses tranches de "vie littéraire" sont parues. Si Bretécher a croqué le milieu "bobo" d'une façon aussi réaliste, c'est -à l'en croire-, parce qu'elle l'éprouva de l'intérieur ; de même on a l'impression que Posy Simmonds (de cinq ans la cadette de Claire Bretécher), sait bien de quoi elle parle quand elle parle de librairies, de salons du livre, de dédicaces, d'éditeurs, de critique littéraire... Il est plus juste de parler d'ironie que de satire, pour qualifier la démarche de P. Simmonds ; son cynisme et sa franchise l'inclinent à ne pas embellir la réalité.

    Sans doute certains gags sont un peu "attendus" ; ce n'est pas la première fois que le milieu littéraire est la cible de sarcasmes ; souligner le narcissisme de l'écrivain, son désir de plaire et de se rassurer, ce n'est pas un scoop.

    Cependant Posy Simmonds se rattrape en proposant des angles variés, qui permettent de cerner le métier; le métier, tout est dans ce mot car le ridicule de l'homme de lettres moderne tient largement à ce qu'il est devenu un "professionnel", l'écriture un travail, et les librairies des étals de plus en plus banals. Du décalage entre la littérature, qui peut sembler parfois une échappatoire à la condition humaine, et le carriérisme de l'homme de lettres moderne, Posy Simmonds extrait la plupart des situations comiques. On pourrait traduire cette évolution autrement : on a affaire aujourd'hui à une littérature produite d'abord par des éditeurs, assisté par des écrivains. Le rapport des prérogatives s'est peu à peu inversé. Cette évolution est particulièrement visible dans le domaine de la bande-dessinée où les recettes technico-commerciales se sont vites imposées sur des méthodes plus artisanales.

    - Entre autres observations pertinentes, P. Simmonds suggère l'effet délétère de la psychanalyse sur la critique littéraire. Cet effet avait d'ailleurs été anticipé par le journaliste et critique viennois Karl Kraus, contemporain de Freud et auteur d'aphorismes cinglants à l'encontre de son compatriote et de la psychanalyse (Freud s'est notamment ridiculisé en tentant de réduire les personnages de Shakespeare à des symptômes).

    P. Simmonds illustre aussi le complexe d'infériorité grandissant de l'écrivain vis-à-vis du cinéma et de la télévision ; au point que les plus serviles se rêvent scénaristes de cinéma, c'est-à-dire au service d'un art beaucoup plus rémunérateur, mais presque entièrement fait de contraintes. Indirectement, P. Simmonds pointe du doigt le rôle que joue la culture afin d'emprisonner l'homme moderne dans la fiction.

    Literary life - scènes de la vie littéraire ; Posy Simmonds, Denoël Graphic, 2014.

     

  • Paris, Travel Book L. Vuitton

    Non, Paris n’est pas grise, comme nous le prouve cette balade « sous acide » de Brecht Evens à travers lawebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,critique,kritik,brecht evens,paris,travel book,louis vuitton,chéri samba,jiro tanagushi,lorenzo mattoti,trocadéro,passage des Panoramas,souk,aquarelle,gouache,fauve,vlaminck,severini,otto dix,balthus capitale ; son recueil d’images s’intègre dans la série de « Travel Books »  commandée par Louis Vuitton à divers artistes. Ainsi le peintre congolais Chéri Samba a déjà peint la capitale française.

    Des auteurs de bande-dessinée ont participé, dont le mangaka Jiro Tanagushi qui propose son regard sur Venise, et l’Italien Lorenzo Mattoti, sur le Vietnam ; toujours des artistes étrangers à la ville, même si le jeune auteur flamand Brecht Evens est installé à Paris depuis 2013.

    Les lecteurs Français découvrent Brecht Evens en 2011 quand, à 25 ans, il reçoit le prix de l’audace au festival d’Angoulême pour « Les Noceurs », projet de fin d’études (école supérieure des arts Saint-Luc de Gand).

    Paris s’anime sous le pinceau de l’auteur en une centaine de pages représentant ses monuments emblématiques, mais aussi la vie quotidienne dans les passages parisiens, aux terrasses des bistrots, dans les parcs urbains, sur les bords de Seine…

    Brecht Evens croque aussi les Parisiens sous toutes les coutures, avec un sens de la narration venant de la bande-dessinée. Du sportif à la parisienne branchée, en passant par les flâneurs, les prostituées ou les touristes, la vie trépidante est décrite par chapitre, d’arrondissement en arrondissement.

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    Les couleurs chatoyantes, les tonalités froides ou chaudes toujours harmonieuses parsèment le recueil. Les accords colorés osés de Brecht Evens évoquent la peinture fauve. On retrouve cette fascination pour la couleur des peintres du Nord, Vlaminck, Matisse, voire Van Gogh.

    Mais il utilise les moyens de l’illustration car, dans son pays, on ne dénigre pas la bande-dessinée et l’illustration.

    L’aquarelle est principalement utilisée, en jouant des accidents heureux, des superpositions et des transparences permises par cette technique. D’autres techniques s’y ajoutent, comme la gouache qui donne un aspect plus dense et  crayeux, l’encre ou le feutre qui offre des respirations dans des images très souvent saturées en couleur.

    Les compositions audacieuses, les perspectives tronquées, évoquent les compositions architecturales futuristes de Severini ou de l’Allemand Otto Dix ; et là, un clin d'oeil au peintre français Balthus. 

    L’intention novatrice de l’artiste, qui fait fusionner peinture, illustration et bande-dessinée, rend sa démarche fascinante et donne envie de tourner les pages une à une.

    (Aurélie Dekeyser)

    « Paris », Travel Book par Brecht Evens, Louis Vuitton, 2016, 45 euros (vendu dans les boutiques Louis Vuitton, sur le site officiel et dans une sélection de librairies).

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    Le cimetière du Père Lachaise, par Brecht Evens.

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    Vue nocturne de Paris, par Brecht Evens.